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La « tentation » de la manipulation des comptes

Dans le document DSCG 2 (Page 110-115)

la notion d’information financière

2. La pertinence de l’information financière 1 Les contraintes de la communication financière

2.3 La « tentation » de la manipulation des comptes

La manipulation légale découle de la latitude d’élaboration et de présentation des comptes laissée aux dirigeants par les normes comptables (2).

a) Le poids de la manipulation des comptes

La teneur de cette manipulation apparaît dans une enquête relative à la pratique de dirigeants en matière de communication financière, de lissage des résultats et de divulgation d’informations facultatives(3).

La confirmation de l’importance des marchés financiers

Elle tient à la crédibilité de l’entreprise auprès du marché et à la gestion du cours de Bourse. La sévérité des réactions du marché lorsque le résultat par action est de très peu inférieur à la cible (résultat antérieur ou consensus) montre pourquoi il est aussi important pour les sociétés cotées d’atteindre leurs objectifs de résultats.

Pour les investisseurs, si la firme n’est pas en mesure de trouver les fonds nécessaires pour atteindre son objectif de résultat, c’est qu’elle est en présence de difficultés cachées, du surgissement de difficultés inattendues.

(1) Le montant peut représenter jusqu’au décuple du montant du profit réalisé.

D’autre part, les mêmes faits peuvent constituer une infraction pénale et une violation du règlement général de l’AMF entraînant ainsi un cumul de sanctions pénales et administrative. Pour éviter ce cumul, la LSF a prévu la possibilité pour le juge pénal d’ordonner que le montant de la sanction administrative soit imputé sur l’amende.

(2) E. Gingglinger, « Investisseurs, attention à la gestion des leurs résultats par les entreprises », Option finance, n° 884 du 22 mai 2006 ; G. Breton et H. Stolowy, « La manipulation des comptes : motivations et pratiques », Les Échos (L’art du management 3/10), septembre 2004, pp. 7-8 ; T. Jeanjean, « La gestion du résultat est-elle opportuniste ? », Les Échos (L’art du management 3/10), septembre 2004, pp.5-6.

(3) Graham, Harvey et Rajgopal, The economic implications of corporate financial reporting, document de recherche NBER n° 10550, 2004, cité dans E. Ginglinger, « Communication financière : quelles sont les pratiques des entreprises ? », Option Finance n° 829 du 11 avril 2005.

Enquête menée en novembre 2003 aux États-Unis, auprès de 312 dirigeants de sociétés cotées avec les caractéristiques suivantes : 15 % des sociétés ont un chiffre d’affaires inférieur à 100 millions de dollars, et pour 25,6 % d’entre elles, il est supérieur à 5 milliards de dollars ; 7,8 % d’entre elles ne sont suivies par aucun analyste et 16,7 % sont suivies par plus de 16 analystes.

CHAPITRE 3 – La valeur et l’information

L’action des dirigeants

1 P P P P AAAA RRRR TTTT III EIEEE

Les dirigeants américains…

… estiment que des résultats lissés

– sont perçus comme moins risqués par les investisseurs : ce sont les résultats (en particulier le BPA) qui sont les variables clés prises en compte par les investisseurs et non pas les cash-flows ;

– facilitent les prévisions des analystes ;

– rassurent les clients et les fournisseurs sur la stabilité des affaires ; – réduisent la prime de risque exigée par les investisseurs.

78 % d’entre eux sont prêts à échanger de la valeur économique contre des résultats lissés.

… gèrent les résultats de manière à atteindre les objectifs assignés

suivants

– le résultat trimestriel pour le même trimestre de l’année précédente (pour 84 % des répondants) ; – la prévision de résultat par le consensus des analystes (69 %) ;

– le fait de reporter un résultat positif (65 %) ; – le résultat trimestriel précédent (55 %).

Remarque : L’importance de ces références varie en fonction des caractéristiques des firmes : les firmes les plus grandes attachent par exemple une importance particulière au consensus des analystes. … ont comme leviers

d’action possibles

– la réduction les dépenses de recherche et développement, de publicité et de maintenance (80 % des répondants) ;

– le report d’un investissement, quitte à entraîner une réduction de valeur (55 % d’entre eux).

Le rôle de la comptabilité dans le « lissage » des résultats

Contrairement aux études empiriques antérieures, la plupart des dirigeants interviewés estiment qu’ils ne recourent pas à des artifices comptables pour atteindre les cibles de résultats. Les raisons avancées sont :

– le poids du contexte post-Enron et de la loi Sarbanes-Oxley ;

– l’incapacité des auditeurs à détecter des actions réelles menées par les dirigeants pour lisser le résultat alors qu’ils sont en mesure de décrypter les politiques comptables. Le rôle de l’information facultative

Les principales motivations des dirigeants à publier cette information sont : – s’assurer une réputation de transparence ;

– réduire le risque informationnel pour les investisseurs ; – compléter les informations obligatoires.

b) Le cadre général de la manipulation des comptes

Pour comprendre le mécanisme de cette manipulation, quelques points doivent être précisés.

En termes…

… légaux

Il faut distinguer : – la violation ;

– la possibilité légale de moduler le résultat sur une ou plusieurs périodes. La manipulation exclut la fraude, i.e. le premier cas.

… de gouvernance L’entreprise est analysée en relation avec les autres parties prenantes.

C’est donc le modèle partenarial de gouvernance (stakeholder) qui sert de cadre de référence. … de communication La comptabilité est un instrument de la stratégie générale de l’entreprise en direction des investis­

1 P P P

P AAAA RRRR TT IITTII EEEE CHAPITRE 3 – La valeur et l’information

D’autre part, les hypothèses suivantes sont généralement posées :

– la gestion du résultat est nuisible et la transparence du marché est bénéfique ; – les investisseurs préfèrent un résultat non manipulé qu’un résultat « géré » ;

– la manipulation des comptes n’est possible que si les marchés financiers ne sont pas hautement efficients : il est possible alors de tromper les acteurs du marché.

c) La mesure de la manipulation : la notion d’accruals

Évoquée dans le cadre de l’enquête présentée plus haut, la gestion du résultat se mesure par les accruals(1) qui sont définis comme la différence entre les flux de trésorerie d’exploitation et le résultat. On distingue ensuite deux catégories d’accruals, l’une d’elle laissant effecti­ vement la place à la manipulation des comptes. Soit :

Résult

a

t

Accruals non discrétionnaires

Flux de Ils sont en relation normale avec le niveau d’activité trésorerie et sont donc supposés normaux.

d’exploitation Ce sont les dotations aux amortissements et autres dépréciations justifiées, etc.

Accruals Accruals discrétionnaires

C’est la part ouverte à la gestion i.e. le solde

MANIPULATION DES COMPTES

d) Les objectifs de la manipulation des comptes

Dans le cadre du modèle de gouvernance partenarial, l’objectif de cette manipulation va être de modifier la répartition des richesses entre les parties prenantes. Les différents objectifs seront évidemment propres à chacune des parties et à sa relation avec l’entre­ prise.

CHAPITRE 3 – La valeur et l’information

H. Stolowy et G. Breton (2004)(1) schématisent cela comme suit :

1 P P P P AAAA RRRR TTTT III EIEEE ENTREPRISE Fournisseurs de financements Société Dirigeants

Minimisation Minimisation Minimisation des coûts politiques du coût du capital de la rémunération • Coûts liés • Émission d’actions des dirigeants à la réglementation • Contrats de dettes • Bonus

(environnement, • Stock-options

concurrence, etc.) • Fiscalité

Les dirigeants manipulent en faveur de l’entreprise Les dirigeants manipulent Transferts de richesses potentiels contre l’entreprise

D’une manière générale, on peut présenter les moyens et objectifs de la façon suivante :

Manipulation des comptes ou habillage des comptes (window dressing) ou comptabilité créative (creative accounting) Moyens Objectifs

Gérer les résultats (earnings management) ➜ Modifier les résultats d’un exercice donné Lisser des résultats (income smoothing) ➜ Donner l’impression d’une croissance stable à

moyen terme

➜ Nettoyer des comptes (big bath accounting) Profiter du changement de direction pour

éliminer les effets des manipulations passées, notamment pour améliorer les résultats futurs

• Réduire la variance des bénéfices et donc la perception du risque de l’entreprise par les investisseurs

• Augmenter le résultat pour favoriser certaines opérations (introduction en bourse,

augmentation du capital, etc.)

• Diminuer le résultat pour favoriser certaines opérations (augmentation d’une participation, montage d’un MBO, etc.)

• …

e) Les mesures comptables de la manipulation des comptes

Ce transfert de richesses sera modifié via deux mesures comptables fondamentales. La mesure du résultat (bénéfice par action ou BPA)

Il peut être modifié en :

– en ajoutant ou enlevant certains produits et certaines charges (manipulation par modifi­ cation du résultat net) ;

– en transférant une rubrique en amont ou en aval du résultat qui sert de base de calcul pour le résultat par action (manipulation par classification).

1 P P P

P AAAA RRRR TT IITTII EEEE CHAPITRE 3 – La valeur et l’information

La mesure du ratio d’endettement (dettes/capitaux propres)

Il peut être modifié en :

– agissant sur le bénéfice (via les capitaux propres) ;

– dissimulant certains financements (via dispositifs générant des engagements hors bilan). H. Stolowy et G. Breton (2004) proposent un schéma récapitulatif synthétisant l’ensemble de ces paramètres, à savoir mesures comptables et formes de manipulation :

Manipulations des comptes

Dans les limites des lois et des normes En dehors des limites des lois et des normes

Fraude Gestion des résultats Lissage des résultats Nettoyage des comptes Perspective académique Perspective professionnelle Manipulation des résultats Comptabilité créative (de façade)

Modifications des transferts de richesses potentiels

Rendement : bénéfice par action (BPA)

Risque de structure : ratio dettes / capitaux propres

Niveau du BPA

Variation du BPA

Réduction du BPA actuel afin d’augmenter le BPA futur

BPA ratio D/CP

f) Les effets de la manipulation des comptes sur la situation des actionnaires

Présentation de la problématique

La question est de savoir si, en réalité, les actionnaires ont toujours intérêt à ce que l’infor­ mation financière soit transparente. Or, plusieurs arguments, compatibles avec l’intérêt des actionnaires, sont en faveur de la manipulation des comptes :

Éviter une violation des clauses contractuelles d’endettement peut éviter des pénalités importantes à l’entreprise (augmentation du taux d’intérêt, mise sous tutelle de la firme par les créanciers) ce qui, par voie de conséquence, pénaliserait les actionnaires.

La publication d’un résultat inférieur au consensus a des effets sur le cours de bourse et donc sur la richesse des actionnaires. Il vaut mieux gérer le résultat pour atteindre ce consensus.

La présentation d’une augmentation permanente du résultat permet aux firmes de bénéficier d’une prime en termes de valeur de leur titre. Ce qui se traduira par un rendement plus intéressant pour l’actionnaire.

CHAPITRE 3 – La valeur et l’information 1 P P P P AAAA RRRR TTTT III EIEEE REMARQUE

Dans cette dernière possibilité, le dirigeant ne peut toutefois pas mentir, sur le long terme, sur la performance réelle de son entité.

Les limites

Elles tiennent au caractère frauduleux du comportement d’un dirigeant qui cherche, par tout moyen, à atteindre la performance attendue par le marché. Mais dans ce cas, c’est le comportement du dirigeant lui-même qui est en cause. Comme l’indique T. Jeanjean (2004)(1) :

« Dès lors, les racines d’une information financière de qualité ne sont pas à rechercher dans des règles comptables plus restrictives mais dans un meilleur contrôle du dirigeant. Faut-il supprimer la gestion du résultat au motif que des abus peuvent exister ou chercher à améliorer le gouvernement d’entreprise pour que le dirigeant puisse en tirer parti efficacement ? »

3. La situation particulière des marchés financiers

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