• Aucun résultat trouvé

II Vers un fonctionnement en mode continu du procédé de photocatalyse hétérogène

I.5 Procédé de photocatalyse hétérogène en fonctionnement continu

II.5.1 Technologies de séparation

Plusieurs technologies permettant de contenir le photo-catalyseur en suspension à l’intérieur du photo-réacteur ouvert se sont développées depuis les années 2000. Elles reposent essentiellement sur la filtration, avec la mise au point de réacteurs à membrane. Ces réacteurs à membranes sont soit mis en œuvre avec une suspension soit avec le catalyseur déposé sur une membrane (Zhang et al., 2016). Une autre méthode rencontrée mais marginale, est la séparation par décantation des suspensions.

II.5.1.1 Séparation par technologies membranaires

Les réacteurs à membranes peuvent être classés selon deux types. Soit le système de filtration est intégré dans le réacteur, dans ce cas la membrane est submergée le milieu réactionnel (Figure 1-8) ou éventuellement placée juste avant la sortie, soit il est séparé du procédé de traitement et un système de recyclage du catalyseur est alors mis en place (Figure

1-9). Dans le premier cas, le catalyseur se trouve en suspension dans le volume réactionnel

ou alors est directement déposé sur la membrane qui est en contact avec la solution. Dans le second cas, le catalyseur est systématiquement en suspension. On parle alors de couplage ou procédé hybride qui sont les plus présents dans la littérature (Mozia, 2010).

52

Figure 1-9 Schéma du principe d'un photo-réacteur à membrane séparée (Mozia, 2010). L’utilisation de membranes pour séparer les suspensions de photo-catalyseurs présentent de nombreuses difficultés relatées par la littérature. Le matériau choisi doit pouvoir être résistant à l'abrasion du photo-catalyseur. Une revue (Janssens et al., 2017) préconise à ce sujet l'utilisation de membranes en polymère recouverte d’une couche céramique pour résister à l'abrasion. En ce qui concerne les tailles de pores, on distingue la nano ou l'ultrafiltration (tailles de pores de 1 nm à 1 µm) et la microfiltration (de 0,1 et 10 µm). Dans un objectif de maintien du photo-catalyseur dans le réacteur, les plus présentes dans la littérature sont les systèmes de nanofiltrations en raison de l’utilisation majoritaire du degussa P25 de taille centrée sur 20 nm (Chong et al., 2010). Les membranes de type nanofiltration ou osmose inverse sont d'ailleurs couramment utilisées pour des post-traitements de micropolluants par séparation physique (Ganiyu et al., 2015; Luo et al., 2014). L’inconvénient principal de ces membranes de nanofiltration, est qu’elles se colmatent ce qui réduit le débit de perméat. L'article (Shon et al., 2008) observe que le débit de perméat est réduit par l'utilisation de membrane jusqu'à atteindre un régime permanent ; d'autres parlent d'un seuil critique en-dessous duquel le débit de perméat reste constant (Chin et al., 2007). La plupart de temps, il faut nettoyer ou changer les membranes régulièrement (Chong et al., 2010; Zhang et al., 2016). Le colmatage provient des particules de catalyseur de tailles de l'ordre du diamètre de pores qui viennent les obstruer (Zhang et al., 2016). Il provient également d'un dépôt («cake-layer ») du photo-catalyseur sur les parois qui se forme. Le colmatage peut également provenir de la nature de l'effluent. Par exemple, pour des effluents riches en matières organiques naturelles, ce qui est la cas d'effluents secondaires, le risque de colmatage est fortement augmenté (Ganiyu et al., 2015). Dans ce cas, les membranes avec dépôt du photo-catalyseur sont adaptées car le photo-catalyseur peut nettoyer localement l’encrassage de la membrane et de récentes recherches s’intéressent aux membranes polymères-TiO2 qui

53

présentent des performances prometteuses (Tran, 2019). Ce type de membrane évite également le colmatage par les particules de photo-catalyseur puisque celui-ci est directement déposé dessus (Mendret et al., 2013).

Des revues font l'inventaire des méthodes pour éviter l'encrassement des membranes par les suspensions de photo-catalyseurs (Zhang et al., 2016). Pour décoller la couche de TiO2, un rétro-lavage peut être mis en place par envoi de jets d'air ou d'eau à contre-courant. Certains auteurs (Mozia et al., 2005; Plakas et al., 2016) envoient de l'air en continu sur les parois de la membrane ce qui d’une part empêchent le dépôt de TiO2 et d’autre part, améliore l'efficacité photo-catalytique et crée de la turbulence dans le milieu. Des agents nettoyants peuvent également être utilisés afin d'oxyder des espèces encrassantes, ils sont parfois prescrits par le fabricant de la membrane. L'article (Plakas et al., 2016) présente un réacteur en mode continu à membrane intégrée qui utilise toutes ces méthodes et ce de façon automatisée.

D'autres paramètres peuvent également être ajustés pour optimiser l'utilisation de la membrane : le pH de la suspension et sa concentration et la pression du débit de soutirage. Selon le pH du milieu, les propriétés de surface des membranes (liées à leur nature chimique) sont modifiées et des effets de rejets peuvent avoir lieu des particules encrassées et ainsi réduire le colmatage (Zhang et al., 2016). Comme mentionné précédemment, le pH modifie également la distribution de taille des particules de photo-catalyseur ce qui peut réduire l’encrassement. À titre d'exemple, les auteurs Molinari et al. (Molinari et al., 2006) ont étudié l'influence du pH et de la pression sur les rejets de membranes. Les auteurs (Benotti et al., 2009) ont étudié l'effet de la concentration en TiO2 sur l'encrassement.

Ils existent de nombreuses publications récentes mettant en évidence la fonctionnalité des réacteurs membranaires (Darowna et al., 2014; Doll and Frimmel, 2005; Plakas et al., 2016; Sarasidis et al., 2014; Shon et al., 2008). En revanche, certaines publications sont encourageantes mais ne présentent pas d'études exhaustives relatives à l'utilisation de membranes : il n'est pas systématiquement mention des débits de perméats, ni du temps d'utilisation de la membrane avant son encrassement (Fu et al., 2006; Plakas et al., 2016) ou encore de l'encrassement éventuel du photo-catalyseur dans le temps du fait d’une utilisation continue, et parfois seule une expérience est présentée ne permettant pas de véritablement conclure (Chin et al., 2007).

54

Le pilote présenté dans l'article (Plakas et al., 2016) ayant traité du diclofénac ainsi que celui de l'article (Benotti et al., 2009) ayant traités 32 polluants pharmaceutiques, sont des rares exemples de réacteurs opérationnels à ce jour et concluant en la faveur des procédés membranaires pour traiter de façon continue les micropolluants par oxydation avancée. Les études sur des effluents complexes restent marginales, on peut citer les auteurs Darowna et al. (Darowna et al., 2014) qui ont étudié la dégradation de trois polluants pharmaceutiques dopés dans des effluents primaires et secondaires par un procédé de distillation membranaire ainsi que les travaux de plantard et al (Plantard et al., 2018) où la solution traitée provient d’un effluent de STEP contenant des polluants pharmaceutiques. Les auteurs utilisent en premier lieu une membrane de nanofiltration pour séparer les polluants pharmaceutiques de l’effluent et les concentrer, afin dans un deuxième temps de leur appliquer un traitement photo-catalytique en batch. Cette méthode innovante leur permet de traiter de façon ciblée les polluants contenus dans un effluent par une étape de pré-séparation/concentration mais au contraire des précédentes, ne repose pas sur un traitement en continu.

II.5.1.2 Séparation par décantation des suspensions

Si la décantation est parfois évoquée comme étape nécessaire de post-traitement dans la littérature, aucun article à ce sujet n’a été trouvé dans la littérature dans le cas de systèmes travaillant en mode continu. Dans le cas de particules nanométriques, l’inconvénient majeur clairement identifié est que le temps de décantation dure plusieurs heures. Afin d’accélérer ce processus, les méthodes chimiques conventionnelles des stations d'épuration telles que la coagulation et la floculation sont utilisées (Mozia et al., 2005). Néanmoins ces méthodes utilisent des agents chimiques et requièrent également une séparation des agents chimiques du catalyseur à l'issue de la décantation. De plus, ils peuvent encrasser le catalyseur, ne pas être compatibles avec le procédé de traitement ou s’avérer incompatibles avec des volumes importants (Alfano et al., 2000) voire impossible à mettre en œuvre dans le cas d’une réutilisation du photo-catalyseur (Malato et al., 2009; Mozia, 2010). Le temps de décantation peut également être accéléré par un ajustement du pH à l'issu de la phase de traitement, ce qui a fait l’objet d’un brevet (Blanco J, Malato S, de las Nieves J, Fernandez P, 2001, EP 1 101 737 A1). Les auteurs montrent qu’en se plaçant au PZC d’une suspension nanométrique de degussa P25 dans un réacteur pilote solaire de 40 L, la décantation prend 5h contre 24h au mieux sans intervention (Fernández-Ibáñez et al., 2003). En effet, au point de zéro charge (ie lorsque la surface des particules est non chargée), la taille des agglomérats est maximale

55

donc la sédimentation est plus rapide. Cette méthode présente également l’avantage de réutiliser le catalyseur sans altération de ce dernier (si l’eau traitée est évacuée).

Pour résumer cette problématique de séparation, les réacteurs à membrane fonctionnels restent peu nombreux dans la littérature photo-catalytique car la mise au point ou la gestion de la membrane s’avère difficile en pratique. De plus, un manque d’études économiques rend difficile l’évaluation de la faisabilité économique de ces technologies (Janssens et al., 2017). La gestion des photo-catalyseurs en suspension dans les réacteurs ouverts reste un verrou technologique d’actualité. Il n’existe d’ailleurs à ce jour pas d’installation à l’échelle pilote en mode continu.