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1. Analyse de la composition en bases de l’ARN

Lorsque seule l’analyse de la composition en bases est désirée, une procédure de post-marquage est courante. L’ARN est alors entièrement clivé par la nucléase T2 (hydrolyse en mononucléosides 3’-monophosphate), suivi d’un marquage des nucléotides par la T4 polynucléotide Kinase en présence de [γ32P]ATP. Le phosphate en 3’ est ensuite éliminé par une digestion à la nucléase P1 puis les nucléotides sont analysés par Thin Layer Chromatography (TLC) (Grosjean et al., 1998 ; Kellner et al., 2010). Aujourd’hui, les migrations caractéristiques d’environ 70 nucléotides modifiés ont été identifiées dans trois systèmes de solvants standards (Figure 14) (Keith, 1995). Une plaque en verre ou en plastique classiquement recouverte de cellulose microcristalline est mise en contact avec le solvant de la première dimension dans une cuve en verre. Le solvant déplace par capillarité les nucléotides en fonction de leur capacité à être retenus sur la plaque (en fonction de leur charge et de leur hydrophobicité). Puis, la plaque subit une rotation de 90°C et est mise au contact du second solvant. Chaque position de nucléotides modifiés est représentée sur la figure 14.

La réactivité des nucléotides modifiés au marquage en 5’ par polynucléotide kinase est différentielle, c’est pourquoi cette analyse est uniquement qualitative.

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Figure 14 : Chromatogramme représentant la migration caractéristique d'un ensemble de nucléotides modifiés (Keith, 1995). La migration des deux dimensions est réalisée dans les tampons A (Acide isobutyrique 25%, NH 4OH-H2O 50:1.1:28.9 (v/v/v)) et B (HCl, isopropanol, H2O 15:70:15(v/v/v)) ou A et C (Phosphate de sodium 0,1M pH 6,8, sulfate d’ammonium, n-propanol 100:60:2 (v/p/v)).

2. Séquençage direct des ARN

Le séquençage direct des ARN permet de donner des informations exactes sur la présence et sur la localisation des nucléotides modifiés. L’ARN est tout d’abord clivé par hydrolyse alcaline en conditions statistiques de manière aléatoire (Figure 15). Les fragments sont ensuite radiomarqués à leur extrémité 5’ puis fractionnés par électrophorèse sur un gel en conditions dénaturantes. Les différents fragments sont ensuite transférés sur une plaque de polyéthylèneimine-cellulose. Puis les nucléotides sont séparés par chromatographie dans une seconde dimension. La séquence nucléotidique est directement analysée par autoradiographie. Les nucléotides modifiés sont identifiés par comparaison avec des cartes de nucléotides modifiés de référence. Cette approche est une méthode de choix pour les ARN de petite taille (<150 nts) comme les snRNA (Branlant et al., 1980 ; Szkukalek et al., 1995) mais nécessite cependant une quantité importante d’ARN pur. La majorité des nucléotides modifiés des ARNr ont été aussi localisée par cette technique après leur fragmentation pour avoir une taille compatible avec l’analyse (Maden et al., 1995 ; Veldman et al., 1981).

3. Séquençage indirect par extension d’amorce

Cette technique est la plus appropriée pour étudier les ARN de grande taille. Ils sont séquencés à l’aide d’un oligodésoxynucléotide spécifique, radiomarqué en 5’, servant d’amorce à l’étape de transcription inverse (Figure 15). Cette technique utilise la propriété de certains nucléotides modifiés à ne plus pouvoir établir une liaison Watson Crick canonique. Ils provoquent alors un arrêt d’élongation de la transcriptase inverse. Les fragments d’ADN complémentaire (ADNc) obtenus sont ensuite fractionnés par électrophorèse sur un gel

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polyacrylamide dénaturant puis analysés par autoradiographie. L’utilisation de plusieurs amorces permet un séquençage complet de l’ARN. L’avantage majeur de cette méthode est l’utilisation d’un mélange d’ARN comme substrat, il n’est donc pas nécessaire de purifier l’ARN cible. Par contre, elle se limite à la détection des nucléotides modifiés perturbant l’appariement Watson Crick (par exemple m1A ou m3C) et ne donne pas l'information directe sur la nature chimique de la modification. Une méthode alternative consiste à appliquer un traitement chimique à l’ARN qui affecte spécifiquement un type de nucléotide modifié et perturbe son appariement lors de l’élongation (Kellner et al., 2010). Par exemple, les Ψ sont détectées par le traitement des ARN avec un carbodiimide soluble (le CMCT). Cette molécule chimique réagit avec les U, les Ψ et de manière plus limitée avec les G. Après un traitement alcalin des ARN, les adduits formés à partir des Ψ sont très stables et peuvent être détectés par transcription inverse (Motorin et al., 2007).De la même façon, les m5C sont détectées par transcription inverse après le traitement chimique des ARN au bisulfite de sodium. Cette technique est entièrement décrite dans le paragraphe II.B.

4. Analyse des ARN par spectrométrie de masse

Aujourd’hui, les méthodes de séquençage direct d'ARN sont remplacées par les techniques modernes de HPLC couplées à la spectrométrie de masse (Crain, 1998). Cependant cette méthode permet uniquement d’analyser la composition en nucléotides modifiés des ARN et non de les localiser. L’ARN est dans un premier temps entièrement clivé par la nucléase P1 (hydrolyse en mononucléosides 5’-monophosphate) puis déphosphorylé. Les produits de digestion sont directement fractionnés par une chromatographie liquide en phase inverse. Les nucléotides modifiés sont alors identifiés en fonction de leur poids moléculaire et leur temps de rétention. La spectrométrie de masse est une méthode rapide, largement utilisée, permettant de déterminer la nature du nucléotide modifié. Plus de la moitié des nucléotides modifiés ont été caractérisées par spectrométrie de masse. De plus, cette analyse permet de quantifier le taux de modification d’un ARN, exprimé en moles de résidus modifiés par mole d’ARN.

Une autre stratégie de séquençage à la nucléase T1 couplée à la spectrométrie de masse permet de localiser les nucléotides méthylés. Cette méthode consiste à comparer par spectrométrie de masse des oligoribonucléotides issus d’une digestion à la RNase T1 d’ARN de souches WT ou ∆MTase (Pomerantz and McCloskey, 2005). La diminution de la masse atomique de 14 confirme la perte d’un groupement méthyle.

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Figure 15 : Méthodes de détection des nucléotides modifiés (Grosjean et al., 1998).

5. Analyse par la méthode du plus proche voisin

Cette technique consiste à détecter la formation des nucléotides modifiés dans des ARN substrats dont la séquence et le profil de modification sont connus. Il s’agit d’identifier le type du

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nucléotide modifié et le résidu en position 3’ de la modification (Grosjean et al., 1998). Un substrat synthétisé in vitro avec un seul nucléotide radiomarqué est modifié. Il est ensuite dégradé par action de la nucléase T2 (hydrolyse en mononucléosides 3’-monophosphate) ou P1 (hydrolyse en mononucléosides 5’-monophosphate) puis les nucléotides sont séparés par TLC à deux dimensions. Un exemple permettra de mieux comprendre la stratégie. L’ARN suivant est transcrit et modifié in vitro en présence de [32P]CTP : 5’-pCpCpGpApm5CpUpC-3’. Le nucléotide modifié est radiomarqué. Après son hydrolyse par la nucléase P1, seuls deux types de nucléotides seront visibles : le nucléotide canonique dire les cytidines et le nucléotide modifié c’est-à-dire la m5C. Le traitement à la nucléase P1 permet de déterminer directement la nature du nucléotide modifié. En revanche, une hydrolyse de ce même ARN par la nucléase T2 ne permettra pas de visualiser le nucléotide modifié. En effet, les nucléotides radiomarqués seront : Cp, Ap et Up. Dans cette situation, seul un radiomarquage en présence de [32P]UTP (5’-pCpCpGpApm5CpUpC-3’)suivi d’une hydrolyse par la nucléase T2 permettrait de visualiser la modification. Le seul nucléotide radiomarqué serait alors les m5Cp. L’analyse des deux profils de digestion est complémentaire : l’hydrolyse à la nucléase P1 donne une réponse directe sur la nature de la modification et l’hydrolyse à la nucléase T2 permet de localiser le nucléotide modifié en position 5’ du résidu U (Figure 16). Cette méthode permet de calculer le taux de modification de l’ARN : le signal radioactif détecté au niveau de chaque nucléotide est quantifié puis normalisé par le nombre de nucléotides composant la séquence. Cette méthode est limitée à des transcrits dont la taille n’excède pas une centaine de nucléotides.

L’étude de plus grands ARN nécessite l’isolement d’un fragment de cet ARN. L’ARN est traité en présence d’un oligodéoxyribonucléotide à la RNase H ou avec un DNAzymes (ADN possédant une activité catalytique de clivage de l’ARN). La RNase H hydrolyse l’ARN sous forme simple brin et non les duplex ARN : ADN. Un oligodéoxyribonucléotide spécifique s’hybride à l’ARN. Ce duplex est reconnu par la RNAse H et la chaîne ARN est clivée à partir de l’extrémité 3’ du duplex ARN : ADN, ce qui permet une coupure spécifique en 5’ du nucléotide modifié étudié. Suivi d’un post-marquage, l’ARN clivé est analysé par TLC (Zhao and Yu, 2004). Le principal inconvénient de cette élégante méthode est le coût des oligonucléotides 2’O-méthylés nécessaires lors de la digestion. Pour parer à ce désagrément, l’utilisation de DNAzyme est un outil moins onéreux. L’oligodéoxyribonucléotides porte l’activité RNase et les séquences qui permettent de cibler le site (Hengesbach et al., 2008). Afin de déterminer l’oligodéoxyribonucléotide approprié, il est nécessaire d’avoir une idée sur la localisation du nucléotide modifié.

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Figure 16 : Principe de la méthode du plus proche voisin lorsqu'un ARN est

radiomarqué au [32P] CTP (Grosjean et al., 1998).