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C. Le ribose

III. Techniques de caractérisation

Il est opportun ici de faire le point sur l'apport des principales techniques expérimentales permettant l'étude de la stabilité et de la réactivité du ribose, et plus précisément de celles qui seront appliquées par la suite au ribose déposé sur supports inorganiques.

III.I Résonance Magnétique Nucléaire (RMN) :

i. RMN liquide du 13C du Ribose en solution :

La figure I-14 représente le spectre RMN de 13C du ribose en solution dans D2O. Etant donné la

bonne résolution de la RMN à l'état liquide, on distingue clairement les 4 anomères α, β-pyranose et α, β-furanose pour chaque carbone ou presque. Les pics de carbone C1 sont les plus faciles à utiliser pour calculer le rapport anomèrique par intégration vu la large séparation de trois des quatre anomères et l'absence d'interférence avec d'autres carbones100a, 116.

Figure II-14 : Spectre RMN de 13C du ribose en solution aqueuse100a.

Les rapports anomèriques sont présentés dans le tableau ci-dessous. La forme pyranose est la forme

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Tableau II-1 : Pourcentages anomèriques (%) des isomères du ribose en solution aqueuse, calculés à partir des données RMN- région du C1.

ii. RMN solide (MAS) du 13C du ribose massique et du ribose supporté

Le spectre RMN solide du ribose massique (Figure II-15) est assez bien résolu même si les signaux sont, comme on pouvait s'y attendre, nettement plus larges qu'à l'état liquide. La figure montre un spectre obtenu au LRS110, 113, parfaitement compatible avec celui publié par Šišak et al115. On n'observe que deux pics dans la région du C1, à des déplacements proches de ceux des formes pyranose en solution ; l'étude de Šišak, comparant DRX et RMN, permet de confirmer l'attribution des pics à δ = 94,9 et 92,5 ppm respectivement aux C1 des isomères βp et αp115. On notera au passage que les formes furanose ne sont pas du tout présentes dans le ribose solide massique. Récemment dans notre équipe, des analyses ont été effectuées sur des échantillons de Ribose supporté sur SiO2110, 113.; les spectres sont également reproduits en Figure II-15.

Figure II-15 : RMN 13C-CP-MAS du D-ribose massique, RMN 13C-HPDEC du ribose/SiO2 séché à l’air et 13C-CP-MAS du ribose/SiO2

séché sous vide113.

Pour l’échantillon Ribose-SiO2 séché sous air, les pics sont très fins, plus caractéristiques de l’état liquide que de l’état solide. On a supposé que cet échantillon contienne une « solution supportée »,

où les molécules conservent une grande mobilité. En revanche, l’échantillon de ribose- SiO2 séché

sous vide présente des pics beaucoup plus larges, mais dont les déplacements chimiques peuvent

isomére % anomérique α-pyranose 20%

β-pyranose 62%

α-furanose 6%

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toujours être attribués aux carbones du ribose. Pour les deux types de séchage utilisés, aucun signal caractéristique de la décyclisation n’est détecté dans la région des carbonyles.

Une décomposition du signal dans la région des pics de C1 a révélé quatre composantes, indiquant la présence des quatre formes anomèriques. Le résultat est présenté dans le tableau II-2.

Tableau II-2 :Pourcentages anomèriques (%) des isomères du ribose dans l'échantillon 10% Ribose/SiO2, calculés à partir des données RMN- région du C1.

Dans ce travail, il a été montré une augmentation de la proportion de furanose après adsorption sur la surface de la silice. De 21% (8%αf ,13% βf) dans la solution de dépôt, il a augmenté à 28% (12% αf, 16% βf) après adsorption sur la silice et séchage sous air. Une augmentation encore plus importante a été observée dans le spectre de l’échantillon séché sous vide113: 43% de furanose (31% αf ,12% βf).

Dans le contexte du monde ARN, ce travail suggère une solution pour deux problèmes principaux. Premièrement, il permet la stabilisation du sucre par adsorption sur la surface de la silice. Deuxièmement, l’adsorption et le séchage augmentent d’une façon significative la proportion des formes furanose par rapport au ribose dans la solution.

III.II Analyse thermogravimétrique (ATG)

i. Ribose massique :

Le thermogramme de l’échantillon de D-ribose massique (figure I-16) montre un événement

endothermique sans changement de masse à 90°C, point de fusion du ribose117, suivi par quatre

pics de pertes de masse (195° C, environ 20%, endothermique ; 280° C, faiblement exothermique et 320° C, fortement exothermique, 51% pour les deux évènements; 510° C, environ 29% et fortement exothermique, entraînant une combustion complète). On a précédemment attribué l'évènement à 195° C à la polymérisation du ribose, qui s'accompagne de la libération d’une molécule d'eau par ribose; mais en fait la valeur de perte d’eau observée est presque deux fois plus élevée que la valeur attendue113. % αp βp αf βf Ribose en solution aqueuse 19 60 8 13 Ribose liquide, point de fusion 25 46 12 17 Ribose-SiO2 séché sous air 13 58 12 16 Ribose-SiO2 séché sous vide 9 48 31 12

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Figure II-16 : DTG (dérivée du signal thermogravimétrique) du ribose massique (a), du 10% ribose/SiO2 séché à l’air (b), du même séché sous vide (c), du support de silice séché (d)113.

On a séché une solution de ribose à 70°C, ce qui résulte en la formation d'un gel brun. Celui-ci a été analysé en ATG. Sa TG (non présentée) était totalement différente de celle du ribose, et en particulier n'a pas montré une transition de phase (fusion) à 95 ° C. Ce résultat indique que le processus de séchage avait provoqué d'importantes modifications dans la structure du ribose, ce qui confirme l’instabilité thermique de cette molécule113.

ii. Ribose/SiO2

Que le ribose supporté soit séché sous air ou sous vide, il présente le même comportement thermique, mis à part une forte diminution de l'eau physisorbée (manifeste par un pic de désorption

à T ≤ 100°C) après séchage sous vide113. Bien que les chercheurs du LRS n'aient pas proposé une

interprétation précise du thermogramme du ribose adsorbé, les fortes modifications par rapport au ribose massique indiquant clairement que l'interaction avec la silice modifie la réactivité thermique des molécules de ribose.

III.III Spectroscopie Vibrationnelle (IR) :

Dans la littérature, le ribose massique et le ribose en solution ont été analysés par Raman et FTIR118. Tout d'abord, les spectroscopies vibrationnelles permettent de différentier les différentes formes anomères du ribose cyclique. Par exemple en Raman, la bande caractéristique de ν(C-O) du ribose massique est observée à 1122 cm-1 pour le ribopyranose mais à 1164 cm-1 pour le ribofuranose118.

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D'autre part, l’évolution de la molécule de ribose (réactivité) dans différentes conditions peut être suivie par IR. La bibliographie fournit des données sur différents dérivés et produits de dégradation du ribose, qu'ils se forment en solution ou à l'état solide, par déshydratation.

Ainsi, à partir des spectres IR, on peut distinguer le ribose linéaire du ribose cyclique. Deux bandes diagnostiques de la forme linéaire, qui résulte de l'ouverture du cycle (Figure II-17), apparaissent à 1723 cm-1 (ν C=O) et 1630 cm-1 (δ OH) 119 et sont caractéristiques respectivement du ribose linéaire et de l’énediol. Ce dernier est obtenu par isomérisation de la forme linéaire.

Figure II-17 : Structure moléculaire du D-ribose linéaire et de l’énediol

En ce qui concerne les dérivés plus profondément modifiés, le furfural et la lactone par exemple sont deux produits qui se forment lors du chauffage du ribose en milieu acide (voir plus haut, schémas I-7 et I-8, § C.II.II): ces deux produits présentent respectivement des bandes caractéristiques à 1715 et 1780 cm-1.

D'autres réactions qui nous concerneront plus particulièrement sont la phosphorylation et la glycosylation. Par spectroscopie IR, la phosphorylation est détectée via la formation d’une liaison C-O-P qui apparait par exemple à 869, 715 et 814 cm-1avec le GMP120 et à 777, 815, 869 et 900 cm

-1 avec l’AMPNa2 121. Quant à la glycosylation, elle peut être détectée via la liaison C-N qui par exemple apparaît à 1208 cm-1 dans l’adénosine122.

Dans un contexte prébiotique, il est important de déterminer les interactions qui peuvent avoir lieu entre le ribose et son environnement, par exemple la complexation de sucres par les métaux présents dans l’océan primitif. Selon le principe de la spectroscopie IR, chaque nombre d’onde est caractéristique d’un groupement fonctionnel bien précis. Pourtant, les interactions des molécules avec leur environnement peuvent être traduites par des déplacements des bandes caractéristiques concernées. A ce propos, plusieurs études IR de la complexation de sucres par les métaux ont été réalisées et peuvent constituer une base de données123.

D-ribose linéaire Enédiol

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