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F. Surfaces minérales

II. La silice amorphe

II.I Choix de la silice amorphe vis-à-vis de la chimie prébiotique

La silice amorphe était présente sur la Terre primitive sous forme de cherts. Sur le plan géochimique, ces roches hautement siliceuses (>75%) ont permis de préserver les plus anciens organismes primitifs jusqu’à ce jour-là. Cette préservation en a fait des cibles scientifiques majeures pour l’étude des conditions environnementales qui ont vu l’apparition de la vie sur Terre.

Sur le plan expérimental, il existe plusieurs résultats encourageants sur l’interaction des biomolécules prébiotiques avec la silice. D’abord, le ribose est stabilisé en solution par les silicates84b, 112, 193. D'autre part, Georgelin et al ont montré sa stabilisation dans la configuration furanose sur la surface de la silice amorphe113. De plus, il a été montré que les acides aminés déposés

sur la silice peuvent être polymérisés en oligopeptides par activation thermique modérée30b. Dans

des conditions similaires, il a été montré la condensation de phosphates inorganiques en polyphosphates30c.

II.II Les cherts :

Les cherts sont présentes en abondance dans l’ensemble des cratons archéens. Elles permettent de contraindre les environnements primitifs qui ont vu l’apparition de la vie sur Terre194.

Ces roches siliceuses se forment selon trois processus194 :

1) Les C-cherts (cherts primaires) se forment par précipitation chimique de silice océanique sur le plancher, sous la forme d’une boue siliceuse ou en tant que ciment dans les sédiments de surface.

2) Les F-cherts (cherts de fracture) précipitent dans les fractures de la croûte depuis les fluides circulant.

3) Les S-cherts (cherts secondaires) sont issus de la silicification de roches préexistantes lors de la percolation de fluides enrichis en silice.

La formation massive de cherts à l’Archéen présente alors la réponse de l’environnement aux concentrations océaniques excessives de silice (absence des organismes à test siliceux).

La composition chimique et isotopique de ces roches est largement utilisée pour retrouver, entre autres, la température195et les caractéristiques géochimiques des océans archéens196 ; une approche

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basée sur le postulat que les cherts sont effectivement capables de retenir la composition chimique des fluides dont ils sont issus.

D’autre part, l’intérêt des cherts ne se limite pas aux processus océaniques et s’étend à la fois aux processus hydrothermaux et circulations fluides dans la croûte195d, 196a et aux processus d’altération à la surface des continents197 en lien étroit avec les conditions climatiques et atmosphériques195a, b.

II.III La structure de la silice amorphe

La structure générale de SiO2 est neutre. Dans le volume interne, chaque atome d’oxygène est le

pont entre deux tétraèdres [SiO4], de sorte que le rapport silicium : oxygène est de 1 :2. Le tétraèdre [SiO4], constitue l’élément de base de presque tous les polymorphes de silice, ces derniers ne se différent entre eux que par la connectivité du réseau tétraédrique. Par la suite, les différents modèles d’enchainement des polymorphes de silice se traduisent par la présence de différentes propriétés structurales, physiques et chimiques30g, 198.

Figure II-25 : Un modèle en cluster de la structure de la silice amorphe30g.

La silice amorphe est formée d’un enchaînement de tétraèdres de SiO4, Q4, dans le volume, par exemple dans le cercle rouge de la figure II-25. La surface de la silice amorphe ou la partie qui représente l’interface entre le matériau et l’environnement externe est riche en groupements silanols. Ces silanols peuvent être liés à un seul groupement hydroxyle (le Si est alors en environnement Q3),

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Du point de vue de la connectivité des liaisons, on peut donc distinguer silanols terminaux,

géminaux (G) et en allant plus loin silanols vicinaux (V), représentant des hydroxyles appartenant à deux tétraèdres partageant un sommet commun (pont siloxane Si-O-Si). Mais il est aussi important d'établir une distinction selon les possibilités de liaison hydrogène entre silanols, qui dépendent du voisinage dans l'espace et non de la connectivité de liaison. On distingue ainsi les silanols isolés (I), qui ne peuvent pas établir de liaisons hydrogènes, des silanols associés (H) qui interagissent entre eux par liaison hydrogène.

i. Les paramètres physico-chimiques :

La silice est un matériau solide de densité comprise entre 2 et 3 g/cm3, de haut point de fusion (1700°C) et de point de charge nulle (PZC) comprie entre 2 et 3 30g. La liaison Si-O est de caractère covalent, comme il est prouvé par des calculs de mécanique quantique. Les donnés expérimentales et théoriques obtenues indiquent une charge de +1,4 pour chaque atome de silicium et -0,7 sur

chaque atome d’oxygène199.

Les propriétés de surface de la silice amorphe, et notamment ses propriétés d'adsorption, dépendent dans la plupart des cas de la présence des groupements silanols. A une concentration suffisante, ces groupes rendent la surface hydrophile. Les groupements OH sont les responsables directes de l’interaction avec les adsorbats qui sont capables d’interagir via liaisons hydrogènes ou plus généralement via des interactions de type donneur-accepteur. L’élimination de ces groupements, par exemple par activation thermique, conduit à une diminution de l’adsorption et une acquisition de caractères de plus en plus hydrophobes198a. Par ailleurs, les groupements hydroxyles présentent une réactivité amphotère. Ils peuvent réagir comme bases en fixant un proton, ils créent alors une charge positive (1). Ils peuvent jouer le rôle d'acides et ils créent alors une charge négative en libérant un proton (2).

(1)

(2) Plus précisément, les propriétés de la silice sont déterminées par :

1) L’activité chimique de la surface - cette activité dépend de la concentration et de la distribution des différents types de groupements OH, et de la présence des ponts siloxane. Ka1 SiOH2

+

SiOH + H + solution Ka2 SiOH SiO

-+ H+ solution

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2) la structure poreuse de la silice. Il existe de nombreuses modifications microporeuses (zéolithes) et mésoporeuses, mais nous n'avons travaillé qu'avec des silices non poreuses. La modification chimique de la surface de la silice a suscité un grand intérêt; ce processus permet aux chercheurs de régler et de modifier les propriétés d'adsorption et les caractéristiques technologiques des matériaux composites198a.

ii. Les techniques de caractérisation :

Ø Résonance magnétique nucléaire (RMN) :

v 29 Si CP MAS de la silice amorphe:

Dès les premiers stades de son développement, la RMN a été une technique de choix pour l'étude de la structure locale des silicates et des polymorphes de silice200.

Figure II-26 : 29 Si CP MAS d’une silice de type Aérosil30g.

Le silicium 29Si est un noyau de spin ½ actif en RMN. Les analyses 29Si RMN fournissent des spectres bien résolus avec des déplacements chimiques très sensibles à l’environnement moléculaire. Par conséquent, cette analyse apporte des informations structurales précises. Elle permet d’observer en particulier les groupements de surface qui diffèrent par l’environnement des atomes de silicium (voir supra, distinction Q2/Q3/Q4). Parfois les signaux spécifiques des groupements de surfaces sont masqués par les signaux de la silice massique. Toutefois, pour de

nombreux types de silice amorphe, la surface spécifique dépasse plusieurs centaines de m2/g, dans

ce cas le nombre total d’atomes présents sur la surface est suffisamment élevé pour que leur signal soit clairement évident dans le spectre30g.

Normalement le volume interne comprend des environnements Q4 qui se manifestent dans le spectre

29 Si par un pic large à -112 pppm. D'autre part, la surface de la silice montre des environnements Q2 et Q3, avec des maxima respectivement à environ -90 et -10030g.

65 v 1H RMN de la silice amorphe :

Figure II-27 :1 H MAS RMN d’aérosil 200201.

La réactivité et l’utilisation de la silice sont intrinsèquement liées à la présence des groupements hydroxyles sur leur surface. Dans le but de comprendre et contrôler les propriétés de la silice, de nombreux travaux ont été donc consacré à l’étude des protons de la surface, surtout par infrarouge,

(1H-29Si) CP MAS NMR, 1H NMR (MAS, CRAMPS et multiple coherence)201.

Par analyse RMN MAS de 1H (figure II-27) on observe trois environnements de protons. Le premier

environnement à 1,8 ppm correspond aux hydrogènes des hydroxyles non-accessibles à l’eau, les hydrogènes isolés. Le deuxième environnement à 3,3 ppm correspond aux hydrogènes des hydroxyles accessibles à l’eau, en échange rapide avec les protons de l'eau. Son maximum se déplace en fonction de l'état d'hydratation. Le dernier environnement est moins important et présent sous forme d’un pic large compris entre 5-7ppm. Cet signal a été interprété par la présence de liaisons hydrogènes fortes201.

Ø Analyse thermogravimétrique (ATG) :

L’analyse thermogravimétrique de la silice amorphe a été utilisée depuis longtemps. Les courbes TG présentent généralement la perte d’eau physisorbée à une température <100°C, suivie par la condensation de différents types de silanols de surface qui se poursuit jusqu’à 1000°C. Bien que les analyses TG pourraient en principe évaluer la répartition des silanols de surface entre des populations de réactivités différentes à l’égard de la condensation (isolés vs associés), les tentatives

d’exploration ou d’extraction d’informations complémentaires ne sont pas convaincantes30g.

Déplacement chimique (ppm)

Déplacement chimique (ppm) Déplacement chimique (ppm)

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Figure II-28:Analyse thermogravimétrique d’Aérosil 380 sous flux d'air, β = 5°C/min.

La figure ci-dessus présente la dérivée première de la perte de masse d’Aérosil 380. Le premier et le plus intense événement est observé à 50°C et due à la désorption de l’eau physisorbé. A des plus élevées, on observe un deuxième événement qui apparait sous forme d’un pic large avec un maximum dans la gamme de température 230-280°C et qui s'étend légèrement peu à peu jusqu’à 1000°C. Comme il est dit plus haut, cet événement est dû à la condensation des groupements silanols30g.

Ø Analyse infrarouge (FTIR- Raman)

La spectroscopie infrarouge a été utilisée pour analyser la silice amorphe en phase gazeuse ou sous

vide depuis longtemps30g. L’évolution du spectre IR de la silice amorphe dans la région 2750-3800

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Figure II-29: Spectre IR de l’aérosil 300 après traitement sous vide à des températures croissantes. I : isolé, G : géminal, V : vicinal, H : en liaison hydrogène30g.

Cette gamme contient les vibrations d’élongation de groupements OH (υ O-H). Lorsque la silice est

exposée à l’air sans aucun prétraitement (300K), la contribution des hydroxyles de l’eau adsorbée est dominante. En même temps, la contribution des silanols (I, G, V) est présente sous forme d’une bande fine et peu intense. Le dégazage (traitement sous vide) de cet échantillon à 300K enlève directement une grande partie de l’eau adsorbée, en laissant quelques molécules adsorbées sur la surface. Cependant à 450K, la déshydratation est probablement totale. D’ailleurs, cette région présente une structure de bande compliquée. La bande étroite à 3747 cm-1 devient plus large et plus faible après dégazage, elle a été attribuée aux silanols isolés, non impliqués dans les liaisons hydrogènes. Enfin, le traitement sous vide à une température très élevée (1073K) provoque la disparition des hydroxyles liés par liaisons hydrogènes, due à leur condensation en siloxane (Si-O-Si)30g.