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C. Le ribose

II. Formation et stabilité

Dans le contexte de la chimie prébiotique, la synthèse du ribose, sa stabilité et sa réactivité sont particulièrement intéressantes surtout pour évaluer l’hypothèse du monde ARN.

II.I Réaction de formose :

La réaction de formose, «formation des oses », découverte par le chimiste Russe Alexandre Butlerov en 1861, consiste principalement à polymériser le formaldéhyde pour former des sucres de C2 à C6 plus ou moins ramifiés28. La source la plus importante de formaldéhyde sur la Terre primitive était la synthèse atmosphérique photochimique (en phase gazeuse). Le formaldéhyde est formé par photo-réduction de CO2 et d’H2O (1)103:

CO2 + H2O ⇔ HCHO + O2

(1)

Le formaldéhyde peut aussi être formé par décharge électrique dans une variété de mélanges de gaz (Miller 1953)104, par réaction photochimique de CH4 et/ou CO atmosphérique105 ou dans des

Glucose

Glycolyse

G6P

Ribulose 5-phosphate

Voie des pentoses phosphates

Ribose 5-phosphate

ATP AMP

5-phosphoribosyl 1-pyrophosphate

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conditions hydrothermales106.On a également suggéré une provenance extra-terrestre: les comètes ont pu livrer des quantités importantes de HCHO à la surface de la Terre107.

La réaction de formose est considérée comme la voie prébiotique de formation des sucres d’intérêt biologique. Théoriquement, cette réaction a pour précurseur unique la molécule de formaldéhyde, qui condense avec elle-même ou avec les produits intermédiaires de la réaction selon le schéma ci-dessous. Tout d’abord, deux molécules de formaldéhyde se condensent pour former le glycolaldéhyde (1) qui réagit ensuite par aldolisation avec le formaldéhyde pour former le glycéraldéhyde (2). Une isomérisation aldose-cétose donne le dihydroxyacétone (3) qui peut réagir avec le glycéraldéhyde pour former le ribulose (4) et par isomérisation le ribose (5). Le dihydroxyacétone peut aussi réagir avec le CH2OH pour former un cétotétrose (6) puis par isomérisation un aldotétrose (7). Enfin, l’aldotétrose peut donner 2 molécules de glycolaldéhyde (1) par rétroaldolisation33a. Certains points de ce mécanisme sont encore imparfaitement compris, ainsi la possibilité de condenser directement le formaldéhyde en glycolaldéhyde a été contestée (A. N. Simonov, O. P. Pestunova, L. G. Matvienko and V. N. Parmon, Kin. Catal. 2007, 48, 245-254.)

Schéma II-6 : Le mécanisme de formation du ribose par réaction de formose.

La cinétique et les rendements de formation des produits de la réaction de formose sont très sensibles aux conditions expérimentales108. La réaction se déroule en milieu légèrement basique. Sans catalyseur, la réaction est lente et présente une période de latence. L’hydroxyde de calcium est souvent utilisé comme catalyseur. Il agirait par catalyse basique générale (en tamponnant le milieu),

mais peut-être également en formant des complexes avec certains composés intermédiaires108-109.

Glycolaldéhyde Glycéraldéhyde Dihydroxyacétone 1 2 3 1 ribulose 5 Ribose Cétotétrose 7 1 risation Isomé-Aldotétrose Rétro-aldolisation 6 Formaldéhyde

38 II.II La stabilité du Ribose

Le ribose est un produit mineur de la réaction de formose. Une fois formé, il existe sous quatre formes anomères différentes. Comme dans de nombreux scénarios prébiotiques, il existe un problème de sélectivité. Sans même parler de la nécessité d'une énantiosélectivité (la vie utilise exclusivement le D-ribose, en ignorant le L-Ribose), on n'observe que la forme β-furanose dans les nucléotides et les molécules d’ARN. Or, cette forme est minoritaire en solution aqueuse (12%) et n’existe pas à l’état solide110.

Figure II-13 : Les différents anomères du ribose et leur pourcentage anomèrique en solution100a.

En outre, le D-ribose est instable en solution aqueuse. Par exemple, à pH 9 et 60 ° C, sa durée de demi-vie est d'environ 50 h; dans des conditions plus physiologiques, à un pH de 7 et 37 ° C, elle devrait être d'environ 500 h si on se base sur les données de Miller et ses collègues34. Alors, comment ce sucre est-il stabilisé en solution ? Une hypothèse est que les complexes de borates auraient agi comme stabilisateurs du ribose110-111. De même, au moins deux études ont affirmé que les silicates peuvent stabiliser le ribose en solution lors de la réaction de formose112. Ces complexes résultent de la formation de deux liaisons covalentes entre les atomes d'oxygène des deux groupes -OH de la molécule de ribose et le bore (resp. le silicium). Des études théoriques ont confirmé que le complexe ribose : silicate (2 :1) est plus stable que les autres complexes de pentose et d’hexose. Ce concept est vérifié par Lambert et al. et considéré comme étant le premier exemple de sélectivité d’interaction entre un minéral et des sucres112. En outre, les résultats théoriques ont également montré que les complexes de silicate sont exclusivement formés de ribo-furanose parce que, dans cette forme, l'angle dièdre HO-C-C-OH est suffisamment faible pour permettre la formation d'un cycle pentagonal planaire comprenant un atome de silicium112. Donc, le scénario impliquant les silicates pourrait aider à comprendre la sélectivité pour la forme furanose dans l’ARN.

Une autre direction de recherche est basée sur l’interaction des petites molécules biologiques avec les surfaces des matériaux inorganiques. A ce propos notre équipe a récemment prouvé que la surface de la silice amorphe permet de stabiliser le D-ribose durant le séchage, et que de plus elle entraîne une sélection importante de la forme furanose. Plus précisément, les 4 formes anomériques ont été observées après adsorption, et le séchage sous air et sous vide ont augmenté de façon

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significative la proportion des formes furanose (resp. 28 et 43%) par rapport au ribose dans la solution (21%)113.

Les études de sucres en milieu acide sont aussi très importantes, car elles signalent certaines réactions possibles des carbohydrates comme la formation de furfural par ouverture du cycle puis déshydratation. Cette réaction, accompagnée de la perte de trois molécules d'eau par le ribose, a été mise en évidence dès 1943114(voir schéma). L’effet catalytique des sels métalliques sur la formation de furfural a été également étudié115.

Schéma II-7 : Un mécanisme de formation du furfural à partir de D-ribose.

Des lactones (esters cycliques) peuvent également être formées en milieu acide suivant un processus d’oxydation. D’après la littérature, cette réaction se déroule suivant un mécanisme en trois étapes, comme celui qui est illustré dans le schéma II-8.

Schéma II-8 : Un mécanisme de trois étapes conduisant à la formation de ribonolactone à partir du D-ribose

Cette réaction débute par la formation du ribose linéaire (A), puis l’oxydation du groupe carbonyle, aboutissant à la formation de l’acide ribonique (B) et enfin la formation de la lactone par déshydratation et recyclisation (C).

Ribose cyclique Furfural

+ 3H2O

déshydratation

40