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II.3.1. Spectroscopie Raman

II.3.1.1. Principe de la technique

La diffusion Raman a été découverte par C. V. Raman en 1928 mais la découverte est également attribuable à L. Mandelstam. Il s’agit d’une technique d’analyse optique non destructive basée sur le phénomène de diffusion inélastique de la lumière par effet Raman. Il s’agit d’une propriété physique montrant que la fréquence de la lumière traversant un milieu peut être modifiée (légèrement) par ce milieu.

Pour mettre en évidence l’effet Raman, on excite un matériau avec une lumière monochromatique (actuellement à l’aide d’un laser) de fréquence ωi. Arrivée sur l’échantillon, une partie de la lumière incidente va être réfléchie. Cependant, une partie infime de cette lumière incidente va être diffusée dans la matière.

On distingue deux composantes dans la partie diffusée de la lumière. La première est la diffusion élastique des photons, également appelée diffusion Rayleigh, n’entrainant pas de modification par rapport à la fréquence ωi. Néanmoins, une seconde composante beaucoup plus faible (1 photon sur 107) est observée avec un changement de fréquence des photons diffusés. C’est cette composante qui est associée à la diffusion inélastique et que l’on appelle diffusion Raman. Le décalage en fréquence va dépendre des propriétés du matériau. On peut préciser que le phénomène de diffusion est possible grâce aux particules élémentaires présentes dans le matériau. Parmi ces particules, on peut citer les photons, les phonons et les magnons. Ainsi pour les milieux non magnétiques, il est possible de réduire l’étude aux mécanismes d’interaction photons-phonons. La diffusion des photons incidents se fera alors uniquement par les phonons. Il existe deux types d’interactions, la première mettant en jeu un photon et un seul phonon que l’on qualifie de diffusion Raman du premier ordre et la seconde mettant en jeu un photon et deux phonons qualifiée de diffusion Raman du deuxième ordre.

Si l’on s’intéresse au mécanisme de diffusion Raman du premier ordre, l’absorption d’un photon incident de fréquence ωi et de vecteur d’onde ki dans le matériau va générer une paire électron-trou fictive. Ce phénomène va s’accompagner de la création ou de la destruction d’un phonon d’énergie ωp et de vecteur d’onde qp. Si un phonon est créé, on parle de diffusion stokes (énergie du phonon positive), si le phonon est détruit, on parle de diffusion anti-stokes (énergie de phonon négative). Le matériau suite à cette excitation va vouloir

98 retrouver son état d’équilibre. Ce retour à l’équilibre s’accompagnera de l’émission d’un photon d’énergie ωe et de vecteur d’onde ke. Le photon réémit par le milieu sera donc représentatif du phonon de matériau et donc de la vibration du milieu. On peut résumer ce phénomène à l’aide des équations de conservation de l’énergie et du moment dans le milieu.

Pour la diffusion stokes, on aura :

𝜔𝑒 = 𝜔𝑖 + 𝜔𝑝 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝑘⃗⃗⃗⃗ = 𝑘𝑒 ⃗⃗⃗ + 𝑞𝑖 ⃗⃗⃗⃗ 𝑝 Pour la diffusion anti-stokes, on aura :

𝜔𝑒 = 𝜔𝑖 − 𝜔𝑝 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝑘⃗⃗⃗⃗ = 𝑘𝑒 ⃗⃗⃗ − 𝑞𝑖 ⃗⃗⃗⃗ 𝑝

On peut aussi proposer le schéma suivant mettant en évidence les différents phénomènes de diffusion de la lumière sur un échantillon excité par un faisceau monochromatique.

Prenons le cas d’un spectroscope Raman fonctionnant à une longueur d’onde de 532 nm pour l’analyse d’un cristal tel que le Si. On peut déterminer l’amplitude maximale du vecteur d’onde tel que :

|𝑘⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗ = 𝑆𝑖,𝑚𝑎𝑥| 2𝜋 𝜆 𝑛𝑆𝑖,𝜆

Le Si a un index de réfraction n égal à 4,42 pour une longueur d’onde de 532 nm [101], on obtient donc un vecteur d’onde maximal de l’ordre du 106 cm-1. Il faut comparer cette valeur à la taille de la première zone de Brillouin d’un cristal de Si. Pour ce faire, on se base sur la formule suivante :

|𝑞𝑚𝑎𝑥| = 2𝜋 𝑎𝑆𝑖 Raie d excitation monochromatique ωi , ki Diffusion élastique Rayleigh Diffusion inélastique Raman stokes ωi + ωp , ki + qp Diffusion inélastique Raman anti-stokes ωi - ωp , ki - qp ωi , ki Phonon ωp , qp Réflexion Couche analysée

99 Considérant un paramètre de maille aSi de 5,43 Å [102], on obtient une étendue maximale de la zone de Brillouin de 108 cm-1. En comparant ces deux valeurs, on montre donc la diffusion Raman du premier ordre permet l’observation de photons du centre de la zone de Brillouin. La spectroscopie offre donc la possibilité d’obtenir des informations sur les modes de vibration des cristaux.

Précisons que dans les cas pratiques, la grande majorité des analyses Raman sont pratiquées sur les raies stokes car elles sont plus intenses que les raies anti-stokes. Les spectres Raman montrent le décalage des stokes par rapport à la raie Rayleigh. C’est ce décalage (appelé décalage Raman ou Raman shift en anglais) typiquement représenté en cm-1 qui est associé à un mode de vibration d’une liaison atomique dans le milieu analysé. L’étude des spectres permet alors de déterminer la nature du milieu excité par la raie laser.

II.3.1.2. Dispositif expérimental

Durant l’ensemble de notre étude, nous utiliserons un spectroscope microRaman HORIBA JOBIN YVON® LabRam Aramis. Le dispositif est équipé d’une platine commandée électroniquement sur laquelle on place l’échantillon. Un ensemble optique permet, grâce à différents objectifs, de déterminer la zone à observer de l’échantillon à l’aide d’une caméra vidéo. Il est possible de travailler avec deux sources de lumière blanche afin d’éclairer l’échantillon soit par réflexion soit par transmission. Notons aussi que l’image vidéo permet de focaliser précisément le laser d’excitation à la surface de l’échantillon.

La source d’excitation est un laser solide LASER QUANTUM® MP6000 à 532 nm délivrant une puissance de 40 mW au niveau de la surface à analyser. Un fois le laser focalisé sur la cible, la lumière diffusée est réémise par l’échantillon et passe à travers les objectifs du microscope. La lumière est ensuite filtrée afin de rejeter la longueur d’onde du laser d’excitation lors de l’analyse. On trouve un trou confocal sur le chemin optique (typiquement réglé à une ouverture de 50 μm) puis un réseau permettant de diffracter la lumière sur une caméra CCD de 1024 pixels par ligne. On peut schématiser le dispositif de la manière suivante :

100 L’appareil est équipé de plusieurs modèles de réseaux, offrant différentes résolutions spectrales. La meilleure résolution est obtenue avec le réseau de 2400 stries/mm. Ce réseau offre la possibilité d’intégrer la lumière sur un intervalle d’environ 530 cm-1. Pour les mesures sur une gamme plus large de décalage Raman, la rotation du réseau est associée à un « collage » logiciel de spectres contigus, permettant ainsi une analyse sur une grande dynamique. Afin de réduire l’énergie du faisceau laser d’excitation, le dispositif comprend plusieurs filtres d’atténuation (l’intensité du faisceau est divisée typiquement par 2, 5, 10, 100, 1000 et 10000). L’utilisation de ces filtres est nécessaire dans certains cas afin de ne pas abimer l’échantillon. C’est dans la même optique que l’appareil possède un mode de fonctionnement permettant de ne pas conserver le laser sur un point fixe, mais d’effectuer un balayage sur une faible zone (5 μm) pour réduire l’échauffement local de la surface analysée. On appelle ce mode « Duoscan ». Notons enfin qu’il est possible de contrôler le temps d’acquisition sur chaque intervalle du spectre, ainsi que de paramétrer des mesures automatiques en différents points permettant ainsi de réaliser une cartographie géométrique de l’échantillon.

Le logiciel de contrôle de l’appareil (LabSpec®) permet de gérer l’acquisition des spectres. Cependant, il s’agit aussi d’un outil permettant le traitement des spectres. Il assure aussi la calibration de l’instrument. Afin de réaliser des mesures d’une bonne précision, une calibration de l’appareil est réalisée régulièrement. Pour ce faire, on utilise systématiquement

Objectif Platine à déplacement XYZ Filtre d atténuation selectionnable Obturateur LASER QUANTUM MP6000 532 nm Lumière d excitation Lumière réémise par l echantillon Caméra vidéo Trou confocal Filtre de réjection de la raie laser Réseau orientable Capteur CCD Ordinateur de contrôle Logiciel LabSpec ® Télécommande de la platine Source de lumière blanche (Réflexion) Source de lumière blanche (Transmission) Lumière diffractée

101 des échantillons de référence (typiquement du Si <100>, du HOPG ou du diamant naturel) dont les caractéristiques Raman sont parfaitement connues et reproductibles. La grande précision de ce spectromètre est liée au fait que, bien qu’étant extrêmement précis, les décalages micrométriques induits par la mécanique interne sont compensés par le logiciel à l’aide des échantillons de référence.

II.3.1.3. Application à cette étude