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Dans cette section, les gradients obtenus par méthodes tangente et adjointe pour le cas-test du CRM sont présentés. L’objectif est de calculer les gradients totaux des coefficients de portance et de trainée, par rapport à des paramètres structuraux. Ces gradients sont calculés autour de la position d’équilibre déterminée à la section 2.7. Pour rappel, le nombre de Mach est de 0.85, l’incidence sélectionnée de 2.127 à 35000 pieds. La figure 3.5 présente le modèle éléments finis coloré par groupe d’optimisation structure, ainsi que la peau aérodynamique du CRM. Cinq paramètres structuraux sont définis, contrôlant l’épaisseur de la peau intrados (voir Figure 3.6).

Figure 3.5 – MEF coloré par groupe d’optimisation structure, représenté avec la peau aérodynamique du CRM.

La convergence de la norme des résidus discrets du bloc fluide est reportée Figure 3.7. En mode direct, cinq second-membres sont considérés, soit un par variable de design. En mode adjoint, il y a seulement deux second-membres, c’est-à-dire un par fonction objectif.

Les tableaux 3.2 et 3.3 synthétisent les gradients totaux des coefficients de portance et de trainée respectivement, obtenus par méthode directe et adjointe. Pour information, les gradients calculés par différences finies sont également présentés. Il existe, pour cer-tains paramètres, de forts écarts entre les gradients calculés par méthode directe et ceux calculés par différences finies. Ceci est principalement dû au fait que ces gradients sont particulièrement sensibles au pas de différences finies, rendant la recherche d’une zone de stabilité des gradients au pas difficile. De plus, la convergence des résidus lors de l’analyse

CHAPITRE 3. DÉVELOPPEMENT D’UN MODULE DE CALCUL DE GRADIENT AÉRO-STRUCTURE PAR MÉTHODES DIRECTE ET ADJOINTE

aéroélastique, présentée Figure 2.17, montre une stagnation après avoir perdu 3 ordres de grandeurs. Ce comportement est dû au maillage fluide du CRM, et engendre à convergence un écart-type de l’ordre de 10−5sur les coefficients de portance, et de l’ordre de 10−6 sur les coefficients de trainée. Ces erreurs sont négligeables pour des coefficients aérodynamiques, mais deviennent importantes lorsqu’il s’agit de calculer le gradient de ces coefficients par différences finies. Ceci met en avant les limites de cette approche. Enfin, il est important de mentionner que la sensibilité de la turbulence est naturellement présente dans les calculs par différences finies. Cependant, du fait de la complexité de réaliser une linéarisation précise des équations RANS, et aussi afin de réduire significativement l’effort d’implémentation

Figure 3.6 – Cinq premiers paramètres d’optimisation.

Figure 3.7 – Convergence des résidus en densité pour les cinq paramètres (gauche) et résidus adjoints pour les deux fonctions objectif (droite).

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requis, il est courant d’utiliser des hypothèses simplificatrices telles que l’approche dite t figé", rendant le modèle de turbulence constant. D’autre part, la linéarisation exacte du modèle de turbulence conduit à un mauvais conditionnement de la matrice jacobienne des flux ce qui rend le système linéaire difficile à résoudre. Lorsque l’hypothèse µt figé est appliquée, seules les cinq premières équations résiduelles sont linéarisées par rapport aux variables moyennes de l’écoulement. La viscosité dynamique turbulente µtest traitée comme une constante. Lorsque cette hypothèse n’est pas faite, la précision des gradients obtenus est directement dépendante de la précision de la linéarisation de ce terme. Néanmoins, peu d’auteurs se sont focalisés sur la linéarisation du modèle de turbulence et discutés de ses bénéfices en matière de précision ([Nielsen et Anderson 1999],[Peter et Mayeur 2006]). Dans ces travaux de thèse, cette approximation a été faite pour les méthodes directe et adjointe, ce qui constitue une autre source d’erreur par rapport aux différences finies.

On peut constater que les écarts entre les méthodes directe et adjointe sont faibles. Ces résultats illustrent à nouveau la bonne implémentation de ces méthodes dans elsA/Aoc, et en démontrent la robustesse.

DF (Ael) Tangent Adjoint

dCl/dp p1 +3.771 × 10−3 +3.993 × 10−3 +4.028 × 10−3 p2 +1.319 × 10−2 +1.200 × 10−2 +1.209 × 10−2 p3 +8.143 × 10−3 +7.682 × 10−3 +7.728 × 10−3 p4 +2.807 × 10−3 +2.019 × 10−3 +2.018 × 10−3 p5 +1.041 × 10−3 +1.202 × 10−4 +1.193 × 10−4 Tableau 3.2 – Gradients des coefficients de portance par rapport aux épaisseurs de la peau intrados.

3.11 Conclusions du chapitre

Dans ce chapitre, une extension du module elsA/Aoc existant a été développée pour calculer des gradients de fonctions aéroélastiques haute-fidélité par rapport à des paramètres de dimensionnement structure, par méthodes tangente et adjointe. Une description théorique de ces méthodes est donnée, pour le cas général d’un système quelconque puis pour le cas

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DF (Ael) Tangent Adjoint

dCd/dp p1 +2.696 × 10−4 +2.262 × 10−4 +2.287 × 10−4 p2 +6.760 × 10−4 +6.578 × 10−4 +6.640 × 10−4 p3 +4.046 × 10−4 +3.592 × 10−4 +3.620 × 10−4 p4 +1.599 × 10−4 +8.034 × 10−5 +8.000 × 10−5 p5 +8.584 × 10−5 +4.960 × 10−6 +4.983 × 10−6 Tableau 3.3 – Gradients des coefficients de trainée par rapport aux épaisseurs de la peau intrados.

particulier d’un système aéro-structure. Les méthodes de validation des développements effectués sont décrites, puis les résultats obtenus sur les cas-tests de l’aile M6 et du CRM sont présentés. Dans chacun de ces cas, les gradients totaux des coefficients de portance et de trainée de pression sont calculés par rapport à des paramètres structuraux.

Les gradients obtenus avec la méthode tangente sont comparés avec des résultats par différences finies. Dans le cas-test de l’aile M6, de très faibles écarts sont observés entre ces deux méthodes. Cela démontre la précision et la bonne implémentation de la méthode tangente dans Aoc. Pour le cas-test du CRM, deux particularités empêchent l’obtention de résultats précis avec les différences finies. Tout d’abord, la convergence des résidus obtenue lors de l’analyse aéroélastique est moins bonne que pour l’aile M6. Cela entraine de faibles erreurs sur les coefficients aérodynamiques qui impactent la précision des gradients de ces coefficients. De plus, les gradients sont plus sensibles au pas de différences finies sur ce cas-test.

On compare ensuite les résultats obtenus avec les méthodes tangente et adjointe. Pour les deux cas-tests, ils sont très proches, démontrant ainsi que la dualité entre ces deux méthodes a été numériquement préservée. Ces deux cas-tests sont très différents en terme de complexité de modélisation et de géométrie, cependant les bonnes convergences des résidus des systèmes tangent et adjoint démontrent la robustesse du module elsA/Aoc.

Les méthodes tangente et adjointe trouvent leurs limites pour les modèles d’optimisation ayant de nombreuses fonctions objectif et de nombreux paramètres d’optimisation, ce qui

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est typiquement le cas pour les modèles d’optimisation aéro-structure. Nous proposons donc, dans le chapitre suivant, une méthode de calcul des gradients aéro-structure indépendante du nombre de fonctions objectif et potentiellement indépendante du nombre de paramètres d’optimisation structure.

Chapitre 4

Développement d’une méthode

non-intrusive de calcul de gradient

aéro-structure

4.1 Introduction

L’utilisation de la méthode adjointe s’est largement démocratisée ces dernières années pour le calcul de gradient haute-fidélité. Cette approche est efficace lorsque le nombre de réponses est faible par rapport au nombre de paramètres d’optimisation, ce qui est le cas en optimisation de forme aérodynamique. En revanche, dans le cas d’un dimensionnement structure réaliste, des critères de rupture dans de nombreuses zones de la structure doivent être pris en considération pour un grand nombre de cas de charges. Le pré-dimensionnement d’un caisson voilure peut tenir compte de plusieurs centaines de paramètres d’optimisation, et de plusieurs dizaines de milliers de contraintes. Néanmoins, afin de bénéficier de la formulation élégante de l’adjoint, plusieurs auteurs ont proposé une approche par agrégation de contraintes ( [Akgün et al. 2001],[Ghazlane 2012], [Kenway et Martins 2014] ) afin de réduire le nombre de contraintes admissibles, et ainsi le nombre de gradients à calculer. Cependant, cette approche n’est pas exempte de défauts. Typiquement, la fonction d’agrégation de Kreisselmeier-Steinhauser (utilisée dans les trois publications

CHAPITRE 4. DÉVELOPPEMENT D’UNE MÉTHODE NON-INTRUSIVE DE CALCUL DE GRADIENT AÉRO-STRUCTURE

citées précédemment) se formule comme suit :

KS(gj(p)) = gmax+1 ρln Ng j=1 exp (ρ(gj − gmax)) (4.1)

où gj représente la je contrainte individuelle, gmax la contrainte maximale parmi toutes les contraintes individuelles, en un point de design p, et ρ est un paramètre dont la valeur est à définir. Une valeur trop faible sur ρ conduit à une enveloppe très conservative des contraintes et donc potentiellement à un design sous-optimal. Une valeur forte sur ρ permet de se rapprocher de gmax, mais peut en revanche rendre le problème d’optimisation mal conditionné et dégrader sa convergence. L’ajustement de ce paramètre est donc nécessaire à chaque itération de l’optimisation ( [Poon et Martins 2007] ) pour éviter ces deux inconvénients.

L’approche proposée dans ce chapitre offre une alternative prometteuse pour calculer de façon efficace les gradients aéro-structure d’un système où le nombre de réponses et le nombre de variables de conception est important, lorsque les méthodes classiques tangente ou adjointe ne se démarquent pas. Cette approche permet de calculer la dérivée totale du champ des variables conservatives W par rapport à un jeu de paramètres p impactant la rigidité de la structure. Le calcul de ce terme est découplé, c’est-à-dire que la partie du calcul inhérente au fluide est traitée séparément de celle inhérente à la structure. Cela constitue un avantage intéressant pour réaliser une optimisation multidisciplinaire dans un contexte industriel, puisque dans ce cas les équipes aérodynamique et structure peuvent travailler séparément. De plus, le calcul de dW/dp permet un accès direct à l’ensemble des sensibilités des fonctions d’intérêts aérodynamiques (coefficients de portance et trainée par exemple), mais aussi aux sensibilités des chargements aéroélastiques appliqués sur les nœuds forces de la structure. Le coût du calcul des gradients aéro-structure via cette approche est donc indépendant du nombre de réponses, et nous montrerons également qu’il peut être indépendant du nombre de paramètres structuraux.

L’idée de cette méthode, que l’on nomme méthode non-intrusive dans la suite, est de construire une projection du champ de déplacement statique sur les modes structures afin de réutiliser le noyau d’un module d’aérodynamique linéarisé. Dans cette étude, nous

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travaillons avec le module elsA/Opt [Peter et al. 2012], développé à l’ONERA et dédié à l’optimisation aérodynamique de forme. Dans ce chapitre, nous établissons d’abord, à l’aide du noyau linéarisé, le lien entre gradients des charges et gradients des déplacements structures. Puis, nous détaillons les équations permettant d’aboutir au gradient des charges aéroélastiques par rapport à un jeu de paramètres structuraux. Enfin, la méthode est appliquée sur les cas-tests de l’aile M6 et du CRM qui ont été présentés dans les chapitres précédents.