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Calcul de la distance entre sous-espaces vectoriels de même dimension152

4.3 Reconstruction modale à partir de la configuration aéroélastique

4.3.1 Calcul de la distance entre sous-espaces vectoriels de même dimension152

Dans le but d’estimer la pertinence de l’information contenue dans les dérivées des vecteurs propres vis-à-vis de celle contenue dans les modes propres, il peut être judicieux de calculer la distance entre les sous-espaces vectoriels engendrés par ces deux matrices. Les distances entre sous-espaces vectoriels peuvent être utilisées dans un grand nombre d’applications ( [Ye et Lim 2016] ) : reconnaissance faciale, profilage métabolique, traitement de texte, d’image ou de vidéo... Le calcul de cette distance nécessite l’introduction des notions d’angles et de vecteurs principaux.

Soient F et G deux sous-espaces vectoriels de Rm de dimension k. Les angles principaux

θ1, ..., θk entre ces deux sous-espaces sont définis récursivement par :

cos(θj) = max u∈F max v∈G uTv = uTjvj , j = 1, ..., k (4.29) Tels que : ∥u∥ = ∥v∥ = 1 uTui= 0 , i = 1, ..., j − 1 vTvi= 0 , i = 1, ..., j − 1 (4.30)

Les angles principaux sont tels que 0 ≤ θ1 ≤ θ2≤ ... ≤ θkΠ

2. Ces angles définissent l’écart entre chaque vecteur principal de chacun des sous-espaces vectoriels, pris deux à deux. Les vecteurs (u1, u2, ..., uk), et (v1, v2, ..., vk) sont appelés vecteurs principaux entre les sous-espaces F et G.

Il existe un lien naturel entre les angles principaux et la Décomposition en Valeurs Singulières (SVD). On rappelle d’abord la notion de SVD dans le corps des réels :

CHAPITRE 4. DÉVELOPPEMENT D’UNE MÉTHODE NON-INTRUSIVE DE CALCUL DE GRADIENT AÉRO-STRUCTURE

Soit une matrice M ∈ Rm×n (m ≥ n). Il existe une factorisation de la forme :

M = UΣVT (4.31)

où U ∈ Rm×m est une matrice orthogonale, Σ ∈ Rm×n une matrice diagonale dont les coefficients diagonaux σj sont des réels positifs ou nuls, et VT ∈ Rn×n est une matrice orthogonale. La convention est de ranger les valeurs σj par ordre décroissant. Les valeurs et vecteurs singuliers de la matrice M sont caractérisés par :

σj = max ∥u∥j=∥v∥j=1

uTMv = uTjMvj , j = 1, ..., n (4.32)

uTui = vTvi = 0 , i = 1, ..., j − 1 (4.33) Montrons maintenant le lien entre les angles principaux et la SVD (voir [Bjorck et Golub 1973]). On considère deux matrices rectangulaires A, B ∈ Rm×k dont les colonnes constituent des bases orthonormales de F et G, et on pose :

S = ATB ∈ Rk×k (4.34)

La décomposition en valeurs singulières de la matrice S donne S = YΣZT avec Y, Z ∈ Rk×k deux matrices orthogonales, et Σ = diag(σ1, ..., σk) ∈ Rk×k. Si on pose U = AY et V = BZ, on a :

Σ = YTSZ = YTATBZ = UTV (4.35) Les relations suivantes sont vérifiées :

σj = max ∥u∥j=∥v∥j=1

uTv = uTjvj , j = 1, ..., k (4.36)

uTui = vTvi = 0 , i = 1, ..., j − 1 (4.37) En faisant le lien avec la définition des angles et vecteurs principaux (équations 4.29-4.30), on en déduit que les angles principaux sont donnés par :

CHAPITRE 4. DÉVELOPPEMENT D’UNE MÉTHODE NON-INTRUSIVE DE CALCUL DE GRADIENT AÉRO-STRUCTURE

Et les vecteurs principaux par :

U = AY , V = BZ (4.39)

On expose maintenant la démarche suivie pour le calcul des angles principaux dans notre cas. On note nddl le nombre de degrés de liberté de la structure, et nΦ le nombre de modes choisis pour représenter le déplacement statique. Étant données les deux matrices d’intérêt Φ, ∂Φ/∂p ∈ Rnddl×nΦ, la méthode suit le déroulement suivant :

1. Construction des bases orthonormales engendrées par les colonnes des matrices Y1, Y2 ∈ RnΦ×nΦ qui sont issues d’une procédure d’orthonormalisation des matrices Φ et ∂Φ/∂p.

2. Calcul des angles principaux à l’aide d’une SVD : YT1Y2 = UΣVT. On a U = (u1, u2, ..., uk), V = (v1, v2, ..., vk) et Σ = diag(cos(θ1), cos(θ2), ..., cos(θk)). La SVD ordonne de manière décroissante les valeurs singulières, ce qui sa-tisfait naturellement la condition d’ordonnancement des angles principaux 0 ≤ θ1≤ θ2 ≤ ... ≤ θkΠ

2.

A partir des angles principaux, différentes distances peuvent être calculées [Hamm et Lee 2008]. Dans ces travaux, en première approche, nous avons choisi la distance de Grassmann (que l’on note dG), et qui donnée par [Wong] (1967) :

d2G=

k

i=1

θi2 (4.40)

Pour ces travaux de thèse, l’utilisation de la distance de Grassmann permet de ramener un nombre important de données (deux matrices Φ et ∂Φ/∂p de dimension (nddl, nΦ)) à un scalaire par paramètre structural. Ce scalaire mesure la pertinence du rajout de la dérivée des modes dans la reconstruction des gradients. Il agit donc comme un critère pouvant réduire considérablement le nombre de calculs à effectuer pour accéder aux gradients aéro-structure. Pour mémoire, les équations 4.12 et 4.26 sont ré-écrites ici avec la notation de l’équation 4.28 :

dQs

dp = ZΦ dq

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dq

dp = [γ − FAG]

−1

TZδΦq∂γ

∂pq) (4.42)

On rappelle que les termes coûteux en temps calcul sont ceux qui nécessitent des calculs linéarisés : ZΦ (nΦ calculs) et ZδΦq (np calculs), avec nΦ le nombre de modes, et np le nombre de paramètres structuraux d’optimisation. Le calcul de la distance de Grassmann fournit une information précieuse : une valeur faible indique que la dérivée des modes par rapport au paramètre structure considéré apporte une information qui diffère peu de celle contenue dans la base modale. Il est alors possible d’éviter le calcul de ZδΦq pour ce paramètre. Si nG paramètres sont dans ce cas, alors le calcul des gradients par méthode non-intrusive nécessite (nΦ + np − nG) calculs linéarisés. Cependant, il est difficile de connaitre à priori la valeur de la distance de Grassmann fixant la limite entre les paramètres devant être comptés dans nG et les autres. Cette valeur dépend du cas-test, mais aussi du compromis souhaité entre précision et coût de calcul des gradients.

4.3.2 Stratégie pour une optimisation utilisant la méthode non-intrusive

Pour dimensionner une structure d’aile d’avion efficacement, la flexibilité apportée par la méthode non-intrusive peut être mise à profit. Nous avons discuté dans la sous-section précédente d’un critère évaluant la pertinence de la contribution des dérivées des modes dans la reconstruction du gradient. Nous proposons maintenant une réflexion sur la base modale. Pour illustrer le propos, la lecture de l’article de [Haftka et al.] de 1976 s’avère utile.

Dans cet article, l’objectif est de trouver une méthode de prédiction du flottement efficace lors d’un processus de dimensionnement structural. En effet, le design change à chaque itération, et les auteurs discutent de la possibilité de conserver la même base modale pour les calculs répétés de flottement. Le problème vient du coût de calcul des modes (en 1976) et selon eux, si la convergence du calcul est aussi bonne pour une base fixe que pour une base mise à jour, alors il n’y a pas de raison de recalculer les modes à chaque étape. Cependant, si la convergence est meilleure avec une base modale actualisée régulièrement, le choix dépend alors du compromis fait entre le coût de recalcul des modes, et le coût lié à l’utilisation de plus de modes fixes. En conclusion, les auteurs estiment que dans le cas d’une

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étape de design préliminaire où peu de degrés de liberté sont considérés et où d’importantes modifications structurales sont à prévoir, l’utilisation d’une base modale recalculée périodi-quement est préférable. A l’inverse, lors une étape plus avancée de conception où la structure possède de nombreux degrés de libertés, mais où de faibles changements sont à prévoir, l’utilisation d’une base fixe est préférable. Notons que 20 ans plus tard, la même technique de base modale fixée lors d’une optimisation structurale est utilisée dans [Huang et al. 1996].

Il est possible de faire un lien direct avec la méthode non-intrusive. Lors d’une op-timisation utilisant cette méthode pour le calcul des gradients, chaque nouveau mode signifie un calcul linéarisé supplémentaire multiplié par le nombre d’itérations du processus d’optimisation. L’utilisation d’une base modale fixe peut diminuer ce coût.

Prenons l’exemple d’une base modale riche. Il n’est pas nécessaire de l’actualiser souvent au fur et à mesure de l’optimisation, même lors de variations importantes du design. Cependant, cela requière une capacité de lissage des modes de haute-fréquence de qualité, afin de ne pas perdre d’information lors de cette étape.

Dans le cas d’une base modale pauvre, il est important de l’actualiser régulièrement. Toutefois, si l’on dispose d’une puissance de calcul suffisante, le temps d’obtention des gradients peut être équivalent à un seul calcul linéarisé, car chacun de ces calculs est indépendant des autres. Dans ce cas, l’actualisation de la base modale à chaque itération coûte peu.

Dans tous les cas, on peut penser à mettre en place un critère pour estimer la pertinence de recalcul de la base modal au cours des itérations de l’optimisation, par exemple en se basant sur le MAC (Modal Assurance Criterion, [Allemang 2003]) calculé par rapport à la matrice de masse ou de raideur.

4.4 Cas-test de l’Aile M6

Dans cette section, l’approche non-intrusive est appliquée à l’aile M6 de l’ONERA (voir section 2.6), et les résultats obtenus sont présentés. Dans cette étude, on utilise les deux paramètres de conception qui ont été définis pour le modèle structure lors du calcul des

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gradients par méthode intrusive (voir Figure 3.3). On rappelle que le premier paramètre contrôle l’épaisseur des peaux intrados et extrados, et le second paramètre l’épaisseur des longerons.