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Perspectives théoriques de

3.2. Taux fixes contre taux flottants

3.2.2. Taux fixes

Même si de nombreux pays touchés par une crise financière durant la décennie écoulée ont, par la suite, opté pour des taux flottants, l’instabilité croissante associée à ce système suscite de plus en plus d’inquiétudes. C’est pourquoi les pays en déve-loppement et les pays en transition semblent de plus en plus enclins à aligner leurs monnaies sur des devises de référence et, dans un système financier mondial forte-ment intégré, l’existence de nombreuses monnaies indépendantes est de plus en plus remise en question (CNUCED, 2001:109). Dans un tel contexte, quels seraient les arguments en faveur de taux de change fixes?

Avantages

Si les taux de change sont fixés de manière adéquate, l’instabilité sera réduite

• et le commerce international sera florissant. Comme nous l’avons vu dans l’introduction, c’est ce qui s’était produit durant les quinze premières années de l’entrée en vigueur de l’Accord de Bretton Woods. Dans le cadre de ce système, la discipline monétaire est inévitable. Si par exemple, un gouverne-ment donné opte pour une politique budgétaire expansionniste trop ambi-tieuse, les importations augmenteront selon toute probabilité, compromet-tant ainsi à la fois les réserves de change et, en fin de compte, le taux de change lui-même. Les taux fixes pourraient donc agir comme un puissant stimulant pour la discipline budgétaire.

Inconvénients

La principale difficulté réside dans le fait qu’en cas de mauvais choix des

• parités, l’instabilité risque d’être aggravée au lieu d’être réduite. Dans une économie mondiale dynamique, les prix relatifs sont en constante évolution.

Aussi, tout régime de taux de change fixe devrait prendre en compte ces mouvements sous- jacents. Dans le cas contraire, le pays concerné risquerait de se retrouver dans une situation où son taux de change serait, soit suré-valué, soit sous- ésuré-valué, avec ce que cela comporte comme conséquences négatives sur la croissance.

L’un des principaux inconvénients a trait au fait que dans un système de

• taux fixe, les pouvoirs publics perdent un instrument essentiel en matière monétaire et de taux de change et la politique budgétaire devient plus effi-cace, mais au détriment de la politique monétaire.

Enfin, en l’absence de possibilité d’intervention sur le taux de change, le

• risque d’une plus grande vulnérabilité aux chocs asymétriques est plus important.

Le premier point mérite d’être approfondi. Il est bien connu qu’une économie où la circulation des capitaux est libre (ou qui se trouve dans l’impossibilité de contrôler efficacement les mouvements de capitaux) ne peut pas fixer son taux de change (à un niveau donné ou dans une fourchette étroite) et appliquer, dans le même temps, une politique monétaire indépendante. En fin de compte, ce pays sera obligé de renoncer à l’un de ces objectifs.

C’est précisément à ce dilemme que les pays asiatiques touchés par les crises moné-taires de 1997-1998 ont eu à faire face. Face aux effets déstabilisateurs des flux de capitaux à grande échelle et refusant de renoncer à contrôler leurs économies, les pays asiatiques et d’autres pays concernés ont choisi de rétablir le contrôle des capi-taux4.

Dans la section précédente, nous avons noté que l’un des risques induits par l’adop-tion de taux de change flottants était la « dévial’adop-tion déflal’adop-tionniste » de la politique macroéconomique. Cependant, il faut souligner que la déviation déflationniste n’est pas propre aux régimes de taux de change flottants. Dans un système de taux fixe aussi, si les pressions du marché entraînent un équilibre du taux de change en dessus ou au-dessous du taux minimal fixe, la banque centrale doit intervenir. Par ailleurs, si les attentes des détenteurs de devises évoluent vers une valeur du taux de change dépréciée de facto, la banque centrale devra vendre des dollars pour retirer la mon-naie locale de la circulation et réaligner le taux déterminé par le marché sur le taux nominal fixe.

Cette réduction de l’offre monétaire provoque une hausse des taux d’intérêt et une baisse de la production ou des revenus par rapport à ce qu’ils auraient été dans un régime de taux flottant. Ainsi, dans un régime de taux fixe, la politique macroécono-mique tend à réduire le taux de croissance économacroécono-mique et la capacité de la politique monétaire de stimuler la croissance. C’est là le prix à payer en termes économiques réels pour la stabilité financière du taux de change et du niveau des prix. L’autonomie de la politique monétaire est perdue et la priorité des objectifs économiques réels devient secondaire par rapport aux objectifs financiers, en raison de la pression défla-tionniste du régime de taux fixe sur la politique monétaire (Bradford, 2005:4).

4 Malgré l’opposition déclarée qu’il a manifestée au sujet du contrôle des capitaux, le FMI a, au lendemain de la crise asiatique, concédé que, dans de telles circonstances, le rétablissement de certaines formes de contrôle des capitaux était peut-être un moindre mal. En sa qualité de Directeur du département de la recherche du FMI, Kenneth S. Rogoff (2002) a confirmé ce constat en déclarant: « Il semble qu’il n’est pas inutile de rester ouvert à la question du contrôle des capitaux et de la dette, surtout lors de l’examen des moyens de mieux prémunir le système financier mondial contre les crises durant le vingt-et-unième siècle ”

En conséquence,

Utilisation des moyens d’intervention pour atteindre les objectifs de

politique générale sous les régimes des taux flottants (*) et des taux fixes (#)

Stabilité des

En résumé, on peut se faire une idée du dilemme des décideurs en consultant le tableau 3.3. Pour commencer, on rappellera la célèbre formule de Tinbergen qui disait que, pour assurer le succès de toute politique économique, il fallait réunir au moins autant d’instruments d’intervention qu’il y a d’objectifs (Tinbergen, 1956).

Dans les régimes de taux flottants, on suppose que le compte de capital est tota-lement ouvert, c’est-à-dire qu’il faut adapter la politique monétaire au compte de capital. Ainsi, les trois instruments de la politique macroéconomique (budget, taux de change et monnaie) visent trois objectifs. La croissance est, de fait, écartée des choix politiques.

Par contre, dans les régimes des taux fixes, l’indépendance de la politique monétaire est sacrifiée. En outre, on suppose que le compte de capital est totalement ouvert de sorte que les contrôles de capitaux sont supprimés en tant qu’instruments de la politique macroéconomique. En conséquence, dans le compromis entre compte courant et croissance économique, on a tendance à utiliser la politique budgétaire pour assurer l’équilibre de la balance extérieure au détriment de la croissance interne.

Le taux de change joue le rôle de pivot au service de la stabilité des prix internes avec des effets d’entraînement sur la balance extérieure.

Ainsi, dans les deux cas de figure, la croissance et l’emploi passent au second plan par rapport à la stabilité des finances et du taux de change. Dans quelle mesure cette dévia-tion défladévia-tionniste constitue-t-elle une véritable menace pour les décideurs africains?

Cette question sera examinée plus avant dans les chapitres suivants du présent rapport.

En attendant, il serait utile de souligner que de nombreuses études laissent entendre que les politiques nationales subissent une déviation déflationniste. C’est ainsi que, dans leur étude sur l’économie ghanéenne, Epstein et Heintz (2006) critiquent «la pro-grammation financière» que le gouvernement a adoptée sous la supervision du FMI.

Ce modèle a été incorporé aux documents stratégiques pour la lutte contre la pauvreté et l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés. Il met l’accent sur la stabilité

Le problème avec les conseils monétaires est que la marge de manœuvre des autorités monétaires est encore plus limitée que dans le système de l’étalon-or du dix-neuvième siècle, s’agissant d’interventions en dernier recours.

macroéconomique, en particulier la stabilité des prix, et un taux de change stable à moyen terme. Cependant, comme le notent Epstein et Heintz (2006:11):

«L’une des conséquences essentielle, et non moins troublante, de cette appro-che de programmation est qu’il n’existe aucun ensemble clairement défini des conditions nécessitant des politiques monétaires expansionnistes, même dans une situation de croissance lente et de chômage. Même si les deux objectifs sont atteints, la programmation ne nécessite pas une politique monétaire expansionniste. Cela est dû, pour une grande part, au fait qu’il n’y a pas d’objectif explicite et pratique en matière de croissance économi-que, de création d’emplois ou de réduction de la pauvreté. La déviation de la programmation financière est donc très restrictive. »

Epstein et Heintz utilisent un modèle autorégressif vectoriel de l’économie gha-néenne pour simuler la portée d’une politique monétaire plus expansive et arrivent à la conclusion qu’une politique plus expansionniste est non seulement faisable, mais aurait aussi des retombées positives sur la croissance économique sans effets négatifs notables sur l’inflation. Par ailleurs, leurs résultats indiquent que les hausses des taux d’intérêt peuvent avoir des conséquences stagflationnistes et que les augmentations de la croissance du PIB semblent avoir des effets très limités sur l’inflation. Ainsi, «Le contrôle de l’inflation par l’augmentation des taux d’intérêt et la limitation de la crois-sance termes de pertes de revenus et d’emplois dans un pays pauvre comme le Ghana.»