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 La coordination de l’offre de transport

2.3.2 La tarification et la billettique  La tarification intermodale

Les barrières tarifaires constituent un frein important { l’intermodalité. Il y a barrière tarifaire dès lors que le passage entre deux réseaux, ou deux zones au sein d’un même réseau, entraîne un différentiel de coût trop important qui va dissuader l’usager. Ces barrières sont souvent accentuées par la mise en place de forfaits d’abonnements ou de tarifications zonales. Marc Giraud et Francis Beaucire avaient ainsi pu mettre en évidence les effets de barrière tarifaire dus { la frontière régionale entre l’Île-de-France et la Picardie84. Un forfait { 2€ sur l’ensemble d’une zone (région, département, ressort territorial d’une AOM) efface les barrières { l’intérieur de la zone mais les renforce aux limites de celle-ci ou au contact d’un autre réseau. On pense souvent aux espaces périphériques, mais ça peut également être le cas, par exemple, quand sur un même territoire se côtoient réseau départemental, réseau régional, réseau national et réseau urbain.

84 BEAUCIRE, Francis et GIRAUD, Marc. T.E.R. Et territoires, quels effets de frontière interrégionaux ? Le mur tarifaire Picardie / Île de France. Dans : actes du colloque de Besançon. Besançon : Presses Universitaires de Franche-Comté, 2005.

Figure 47 : Etat des lieux : la tarification intermodale en Occitanie, réalisation personnelle pour la Région Occitanie, 2017

Elles sont plus discriminantes pour les espaces en marge des périmètres desservis par les différents réseaux de transports, et constituent un frein { la mobilité lorsque le périmètre de l’aire urbaine dépasse celui du ressort territorial (comme c’est le cas autour de Toulouse et Montpellier par exemple), mais aussi pour les espaces où se côtoient de nombreux réseaux comme c’est le cas le long du littoral et notamment dans l’Hérault. Elles influencent les pratiques des usagers ; dans les cas les plus extrêmes, elles peuvent même influencer leurs stratégies résidentielles.

Un autre frein notable { l’intermodalité découle de la superposition de différents réseaux. C’est souvent quand une ligne TER ou RRR traverse une agglomération que son potentiel intermodal est le plus important. Or, si une tarification adaptée n’est pas mise en place, l’offre de transport existante, trop complexe, n’est pas attractive pour les usagers.

Précisons d’ores et déj{ que l’intégration tarifaire est automatique lorsqu’un réseau est gratuit : il est alors possible de combiner un trajet interurbain et un trajet urbain sans devoir acheter de titre supplémentaire. Les réseaux gratuits en Occitanie sont ceux de la CA Castres- Mazamet, Pamiers, Figeac, et les navettes urbaines de Gaillac, Graulhet, Rabastens et Couffouleux dans la CA Gaillac-Graulhet.

Mais quand les réseaux à connecter sont tous les deux payants, il est possible de mettre en place des accords tarifaires. Des actions plus ou moins ambitieuses ont déjà été prises en Occitanie / Pyrénées-Méditerranée. La cartographie de ces actions (Figure 47) met en évidence la différence d’approche entre les deux ex-régions en la matière.

En ex-Languedoc-Roussillon, qui comporte un certain nombre de réseaux urbains en chapelet le long de la ligne de chemin de fer littorale, la Région a initié en 2006 dans un protocole d’intermodalité signé avec l’ensemble des autorités organisatrices des transports et départements, une démarche vers une tarification plus intégrée. Les partenaires signataires s’engageaient ainsi { conduire « une réflexion commune afin :

- d’accorder des réductions tarifaires supplémentaires aux voyageurs intermodaux notamment par le biais de nouveaux abonnements combinés permettant l’utilisation successive ou alternative de plusieurs modes de transport,

- d’étudier la pertinence et la possibilité de faire évoluer, sur l’ensemble du périmètre régional, les systèmes tarifaires existants vers des tarifications zonales,

- de développer des points de vente communs aux différents réseaux en mutualisant les services afin de favoriser la mise en place d’un système de distribution moderne adapté aux besoins des voyageurs. »

Ces ambitions se concrétisent dès avril 2007 avec la mise en place de la tarification intermodale zonale Kartatoo. D’abord limitée entre Montpellier et Nîmes, elle est rapidement étendue : création d’un forfait pour les scolaires en août de la même année ; extension jusqu’{ Narbonne en 2008 ; jusqu’{ Perpignan, Carcassonne et Alès en 2009 ; extension { l’ensemble du territoire desservi par les TER régionaux ex-Languedoc-Roussillon et création d’une formule annuelle en 2010 ; extension jusqu’{ Tarascon (Vaucluse) en 2011.

Figure 48 : Document de communication présentant les zones Kartatoo, ter.sncf.com

- Intermodale intégrée puisqu’elle permet de coupler l’utilisation du TER et des Transports Urbains des différentes AOM signataires de la convention,

- Zonale : elle comporte 40 zones calquées sur les ressorts territoriaux (ex-PTU) ou les bassins de vie (Figure 48),

- Evolutive (dans son périmètre d'action, les motifs de déplacements concernés, les réseaux de transport intégrés) ; actuellement, son périmètre s’étend { l’ensemble du territoire languedocien desservi par les TER, y compris la portion aveyronnaise de la ligne Béziers-Saint-Chély-d’Apcher, et la gare de Tarascon en Provence-Alpes-Côtes d’Azur.

Concrètement, elle propose un prix unique sur toutes les zones, et un forfait unique de passage d'une zone à l'autre. Les déplacements sont possibles à la fois en intrazone (déplacements TER et urbains au sein d'une même zone) et en interzone (passage entre deux zones contiguës). Elle fonctionne uniquement sur le principe de l’abonnement (mensuel ou annuel) et s’adresse donc { un public effectuant des trajets quotidiens combinant le TER et les réseaux urbains. Par exemple, un habitant de Sète se rendant quotidiennement à Montpellier pour ses études ou son travail devait auparavant souscrire à 3 abonnements : Thau Agglo, TER SNCF et TaM (Montpellier). Avec la tarification Kartatoo, il n’en a qu’un seul.

En 2013, une autre initiative est prise entre le département du Gard et les réseaux urbains d’Alès et Nîmes, pour mettre en place BANG (Billettique Alès-Nîmes-Gard, voir ci-dessous). Dans ce cadre, un titre de transport interzonal est créé entre les réseaux urbains d’Alès et de Nîmes et le réseau départemental du Gard. Il se décline en un forfait journée, un abonnement mensuel et un abonnement annuel. Il ne fonctionne pas sur les TER.

En ex-Midi-Pyrénées, il n’y a pas eu de mise en place de tarification intermodale { l’échelle régionale mais plutôt des aménagements au cas par cas, par le biais d’accords avec les différentes AOM et les départements, portant pour la plupart sur des accords pour l’acceptation de titres d’un réseau sur un autre.

L’un des plus anciens est l’accord sur la portion Arènes-Colomiers de la ligne Toulouse- Auch, sur lequel a été mise en place une tarification urbaine suite à un accord entre le Conseil Régional, la SNCF et le SMTC Tisséo. Associée à un ambitieux programme de création de nouvelles haltes et au cadencement de la ligne jusqu’{ Auch, elle a permis une hausse très importante de la

fréquentation85. Toutefois, en raison de la complexité du montage en matière de répartition des coûts et des compétences, cette expérience n’a pas été reproduite sur d’autres tronçons. Juliette Maulat l’explique par une insatisfaction des deux partenaires par rapport { celui-ci : Tisséo finance et appose sa marque mais n’a pas de maîtrise sur l’exploitation, tandis que la Région finance également mais n’a pas de maîtrise sur la tarification et l’image de marque.

[ l’image de cet accord sur Arènes-Colomiers, un certain nombre d’accords a été conclus avec différentes AOM : c’est le cas de la CA d’Agen, de la CA du Grand Cahors, et de la CC de

Decazeville-Aubin. Ces accords ont pour objet de rendre possible l’utilisation d’une tarification

urbaine sur les lignes de cars régionales { l’intérieur du ressort territorial de ces AOM, dans la limite des places disponibles dans ces cars. Ces accords, qui ne concernent généralement qu’un petit nombre d’arrêts, permettent cependant une extension significative des réseaux urbains de ces agglomérations.

Des accords similaires ont été conclus avec les départements du Tarn et des Hautes- Pyrénées et leurs réseaux respectifs TARNBUS et Maligne 65. Ils consistent à rendre les abonnements départementaux valables sur les portions du réseau routier régional incluses dans leur périmètre.

Des accords ont également été conclus avec les Conseils Départementaux de l’Ariège, de l’Aveyron, de la Haute-Garonne, du Gers, du Lot, des Hautes-Pyrénées et du Tarn pour permettre la prise en charge des titulaires de la carte départementale de transport gratuit sur les lignes routières régionales incluses dans le périmètre départemental. La carte des transports gratuits est attribuée selon des critères différents selon les départements : allocataires, demandeurs d'emploi, seuil de revenu, contrats uniques d’insertion, stagiaires, personnes en situation de handicap et accompagnants, sans domicile fixe, demandeurs d'asile...). C’est donc une mesure sociale qui permet une plus grande facilité de mobilité pour des publics souvent en difficulté.

Enfin, le dernier né et le plus ambitieux de ces accords régionaux, Pastel + crée en 2015 une tarification commune aux réseaux Tisséo et aux TER sur le ressort territorial (ex PTU), en partenariat avec le Tisséo-SMTC. La mise en place de Pastel + devait { l’origine s’échelonner sur 2 phases : la première sur le PTU et la seconde sur l’aire urbaine, en partenariat avec le Conseil Départemental de la Haute-Garonne. Mais la phase 2 (extension à l'aire urbaine et intégration des réseaux Arc-en-Ciel et routier régional) a été reportée par l'arrivée de la loi NOTRe, qui transfère

85 MAULAT, Juliette. Coordonner urbanisme et transport ferroviaire régional : le modèle à l’épreuve des

pratiques . Thèse de géographie. Université Paris 1, 2014. Disponible { l’adresse : https://halshs.archives-

le réseau Arc-en-Ciel à la région. Il est à noter que par son caractère multimodal, zonal et évolutif, la tarification Pastel + se rapproche beaucoup de la tarification Kartatoo qui a été mise en place en ex-Languedoc-Roussillon, { la différence près qu’elle n’est implantée que sur une seule zone.

Par ailleurs, des accords ont pu également être mis en place entre départements et AOM. On peut ainsi recenser une acceptation tarifaire des titres urbains pour la CA du Grand Cahors avec le Département du Lot, pour la CC Decazeville-Communauté et la CA Rodez Agglomération avec le Département de l’Aveyron, pour la CA de Béziers Agglomération avec Hérault Transport, et pour la CA de l’Albigeois avec le réseau Tarnbus. Enfin, les navettes urbaines de la CA Gaillac- Graulhet sont gratuites (donc interopérables par définition) mais le titre de TAD donne lui aussi accès au réseau Tarnbus.