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CHAPITRE 9. LE TRAVAIL DES PRÉVENTEURS EN ENTREPRISE

9.2. Les tâches relatives à la prévention des risques professionnels

9.2.1. Les tâches de conception

9.2.1.8. Les tâches de contrôle

Nous regroupons dans la catégorie "contrôle" l'ensemble des tâches au cours desquelles les préventeurs réalisent ou participent soit à des opérations de contrôle réglementaire de conformité de certains engins (ex.: nacelles), installations (ex.: ascenseurs), dispositifs de sécurité (ex.: extincteurs) et outils (ex.: palans, manilles) ainsi que les opérations au cours

123 desquelles ils réalisent ou participent à la réalisation des opérations de contrôle de l'application des règles de sécurité. Ces opérations sont plus communément appelées audits ou visites de sécurité.

CONTRÔLE P1 P2 P3 P4 P5 P6 P7 P8

Réalisation ou participation aux

contrôles de conformité du matériel 4% 0% 0% 0% 1% 4% 4% 1%

Réalisation d'audits ou visites de sécurité (contrôle application règles,

EPI...) 12% 1% 3% 1% 8% 7% 15% 11%

Tableau 26. Répartition du temps passé dans la catégorie "contrôle" (durée totale des journées de travail analysées par préventeur de l'échantillon).

Les tâches de réalisation ou participation aux contrôles de conformité du matériel occupent moins de 5% de l'activité des préventeurs de notre échantillon. Seuls quelques préventeurs réalisent eux-mêmes les contrôles périodiques réglementaires de certains apparaux de levage, échelles ou encore installations électriques lorsqu'ils y sont habilités. Ces contrôles sont cependant plus souvent réalisés par des organismes de contrôle externes certifiés. Les préventeurs accompagnent souvent les contrôleurs sur le terrain pour leur présenter les éléments à contrôler. Les rapports de contrôles rédigés par les contrôleurs sont ensuite transmis aux préventeurs qui les analysent et définissent les actions à mettre en œuvre pour lever les éventuelles non conformités (mise au rebus, consignation, balisage, achat de nouveau matériel, planification des réparations, etc.).

Les audits ou visites de sécurité sont en revanche réalisés par tous les préventeurs de notre échantillon. Cependant, tous les préventeurs n'y consacrent pas la même proportion de leur temps de travail. En effet, si P1, P7 et P8 passent plus de 10% de leur temps de travail à réaliser des audits ou visites de sécurité, P5 et P6 y consacrent entre 7% et 8% alors que P2, P3 et P4 y consacrent moins de 3%. Au cours de ces phases d'activité, les préventeurs se rendent sur le terrain pour y rencontrer les opérateurs sur leur situation de travail. Nous l'avons vu dans le point 2.2.1.2., l'objectif prescrit de ces visites est de relever les écarts aux consignes de sécurité comme le non port des EPI ou encore le non-respect des mesures de prévention. Pour ce faire, les préventeurs contrôlent certains déterminants de la situation de travail et interrogent les opérateurs pour tenter de déceler les non conformités aux prescriptions sécurité en vigueur sur le chantier. En cas de détection d'un écart à la prescription, le préventeur doit œuvrer à la remise en conformité rapide de la situation de travail. Il peut ainsi demander aux opérateurs de stopper l'activité tant que la mise en conformité n'est pas effective. Cette mesure plus communément appelée "arrêt de chantier" est cependant très peu souvent utilisée par les préventeurs comme nous l'avons vu dans le point 4.1.2. En effet, les écarts peuvent être levés immédiatement (le préventeur demande d'aller chercher l'EPI manquant ou demande de modifier la méthode d'intervention jugée dangereuse) cependant, parfois, ces écarts ne sont pas levés au moment de la clôture de la visite. Le préventeur réalise une analyse rapide de la gravité du risque encouru relatif à l'écart à la prescription combiné qu'il croise avec un certain nombre de critères comme le caractère urgent de la tâche à réaliser, le comportement des opérateurs au moment de la visite (à

124 l'écoute, agacés, pressés, etc.) ou encore la difficulté technique ou organisationnelle pour lever l'écart (manque de moyens, de personnel, etc.) pour décider d'arrêter ou non le chantier. Nous reviendrons de manière plus détaillée sur les phases de visite de sécurité dans la prochaine partie de ce chapitre.

Si nous dressons le bilan des proportions de temps de travail passés par type de tâche, nous nous rendons compte qu'une grande partie du temps de travail des préventeurs est consacrée à des tâches administratives. En effet, six préventeurs sur huit consacrent au total plus de 40% de leur temps de travail à des tâches de conception de documents (prescriptions de sécurité, supports de formation, résultats sécurité, etc.), de veille réglementaire, de planification et de traçabilité des actions de sécurité. En revanche, nous avons constaté que les tâches de visite de sécurité durant lesquelles les préventeurs sont confrontés au travail des opérateurs en situation réelle n'occupent pas une part très importante de leur temps de travail alors que cette tâche est décrite par les préventeurs comme essentielle dans leur travail. En effet, les différents entretiens que nous avons pu mener lors des phases d'observations ouvertes avec les huit préventeurs de notre échantillon nous ont permis de mettre en évidence l'importance de la visite de sécurité et surtout de la "présence terrain" dans leur sentiment de réaliser un travail de qualité.

La lourdeur administrative imposée par le référentiel M.A.S.E. est souvent mise en cause par les préventeurs pour expliquer cette "désertion du terrain" ce qui corrobore le constat de Garrigou et al. (2004). En effet, les préventeurs expliquent que les exigences administratives du référentiel sont telles qu'ils sont amenés à passer beaucoup de temps au bureau à réaliser des tâches de traçabilité, de conception documentaire, de recherche d'information, de planification ou d'analyse sur lesquelles l'auditeur M.A.S.E. porte selon eux l'essentiel de son attention lors de l'audit de certification. Les visites de sécurité sont alors le plus souvent réalisées lors des périodes administrativement "creuses" donc de manière non prioritaire par rapport aux tâches administratives.

De plus, nous avons constaté que si elles mobilisent le préventeur sur une période relativement longue puisqu'elles impliquent un déplacement du bureau vers le chantier parfois éloigné, le temps passé sur le "terrain" à observer et échanger avec les opérateurs est souvent très court (une trentaine de minutes en moyenne) et les écarts à la prescription relevés ne sont pas systématiquement tous levés une fois la visite terminée. La visite de sécurité a donc tendance à être coûteuse à mettre en œuvre pour une faible efficacité ce qui pourrait également expliquer qu'elle ne soit pas gérée de manière prioritaire par les préventeurs qui peuvent avoir tendance à éviter de se retrouver confrontés à des situations pour lesquelles ils ne parviennent pas toujours à être en accord avec les prescriptions du M.A.S.E. (notamment la levée systématique des écarts relevés à l'issue de la visite).

Nous avons réalisé une analyse systématique des phases de visites de sécurité réalisées par sept des huit préventeurs de notre échantillon afin de rendre compte de manière factuelle des limites induites par la méthodologie utilisée par les préventeurs pour réaliser leurs visites de sécurité. Nous présentons cette analyse dans la prochaine partie.

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