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2. Méthodologie

2.1. Elaboration des tâches de segmentation

2.1.1. Tâche de segmentation de vidéos

La tâche de segmentation de vidéos que nous avons élaborée a été conçue à partir de la procédure de Newtson (1973) et des variantes utilisées par Zacks et collaborateurs dans leurs études. En effet, ce type de paradigme a été utilisé dans une grande partie des études expérimentales portant sur la segmentation d’événements, tout particulièrement dans celles qui ont permis de mettre en évidence les liens entre ce processus et la mémoire épisodique.

Nous avons donc considéré que la procédure de Newtson constituait une bonne base pour l’élaboration d’une tâche psychométrique clinique. Ainsi, dans notre tâche de segmentation de vidéos comme dans cette procédure, nous demandons aux participants de visionner des vidéos et de les segmenter en appuyant sur une touche d’un clavier lorsque, selon eux, un événement porteur de signification se termine et qu’un autre commence. Toutefois, afin de rendre notre

tâche plus écologique et exploitable en clinique, nous avons apporté plusieurs modifications (décrites ci-dessous) aux consignes et à la procédure utilisées en recherche.

2.1.1.1. Élaboration de la tâche de segmentation de vidéos

Nous avons modifié la procédure classique d’évaluation de la segmentation d’événements de trois manières différentes. Premièrement, nous avons décidé de réduire le nombre de vidéos montrées aux participants. Ceci avait pour but de raccourcir le temps nécessaire à la passation de la tâche, car en clinique le temps réservé à l’évaluation des compétences cognitives est restreint. Ainsi, contrairement à Zacks et collaborateurs qui généralement présentent à leurs participants une vidéo d’entraînement et au moins trois vidéos d’intérêt, nous avons décidé de présenter à nos participants une vidéo d’entraînement et seulement deux vidéos d’intérêt.

Deuxièmement, puisque la majorité des informations que nous mémorisons au quotidien sont mises en mémoire de manière incidente, nous avons décidé de ne pas avertir nos participants qu’ils allaient devoir rappeler le contenu des vidéos après le visionnement de celles-ci. Nous avons donc demandé aux participants de visionner toutes les vidéos de la tâche avant d’évaluer leur mémoire des événements contenus dans ces vidéos. Cette volonté de solliciter un encodage incident (i.e., sans consigne d’encodage intentionnel) distingue notre procédure de celle utilisée par Zacks et collaborateurs car ceux-ci informent leurs participants qu’un test de mémoire sera administré après le visionnement de chaque vidéo. Nous considérons notre manière de procéder comme plus conforme à l’encodage des informations tel qu’il se produit le plus souvent dans la vie quotidienne.

Enfin, dans les études expérimentales, les chercheurs demandent à leurs participants de segmenter d’une manière (i.e., grossière) puis d’une autre (i.e., fine) chaque vidéo qu’ils présentent à leurs participants. Afin encore une fois d’être le plus écologique possible, nous avons choisi de laisser nos participants segmenter les vidéos de manière naturelle et spontanée, sans consigne sur le niveau de segmentation à adopter.

Pour résumer, la tâche de segmentation de vidéos telle que nous l’avons élaborée est plus courte que la procédure classiquement utilisée en recherche et est plus écologique pour deux raisons : (1) nous sollicitons un encodage incident des informations contenues dans les vidéos et (2) les participants peuvent segmenter de manière naturelle et spontanée les vidéos qui leur sont montrées.

2.1.1.2. Consignes et déroulement de la tâche

Suite à l’élaboration de la tâche de segmentation de vidéos, nous avons réalisé plusieurs pré-tests afin de nous assurer du bon fonctionnement de la tâche et de la clarté des consignes. Les participants des pré-tests n’ont pas rencontré de difficultés particulières avec la tâche et ils la réalisaient en approximativement 20 minutes.

L’administration de la tâche de segmentation de vidéos se déroule sur un ordinateur comme suit. Tout d’abord, l’expérimentateur lit les consignes de la tâche avec le participant et encourage celui-ci à poser des questions s’il en a. Les consignes que nous avons élaborées commencent par définir avec des mots simples ce qu’est la segmentation d’événements et illustrent à l’aide d’images le fait qu’il existe différentes manières de segmenter une activité (i.e., il est possible de segmenter une même activité de manière plutôt fine ou plutôt grossière). Il est ensuite expliqué au participant qu’il va regarder des vidéos de personnes réalisant des activités de la vie quotidienne et que sa tâche sera de segmenter les différents événements qui composent l’activité que nous allons lui montrer. Pour ce faire, il est indiqué au participant qu’il devra appuyer sur la barre ESPACE du clavier de l’ordinateur lorsque, selon lui, un événement commence et qu’un autre se termine. Afin de s’assurer que le participant ait bien compris les consignes, l’expérimentateur doit lui demander de réexpliquer avec ses propres mots ce qui lui est demandé de faire avant de pouvoir commencer à visionner les vidéos. S’il est apparent que le participant n’a pas compris les consignes, l’expérimentateur doit les lui réexpliquer.

Suite à cela, le participant a la possibilité de s’entraîner à segmenter une courte vidéo, ce qui permet à l’expérimentateur de vérifier que les consignes ont bien été comprises. Si le participant appuie au moins deux fois volontairement sur la barre ESPACE durant le visionnement de la vidéo d’entraînement, l’expérimentateur peut considérer que le participant a compris ce qui lui est demandé car ce faisant il aura identifié le début et la fin d’au moins un événement. Si le participant n’appuie pas ou appuie seulement une fois volontairement sur la barre ESPACE lors du visionnement de la vidéo d’entraînement, l’expérimentateur doit réexpliquer la tâche au participant et lui ré-administrer la vidéo d’entraînement. Au cas où le participant échouerait à appuyer sur la barre ESPACE au moins deux fois lors d’un deuxième visionnement de la vidéo d’entraînement, l’expérimentateur doit mettre un terme à la passation de la tâche de segmentation de vidéos. Après avoir regardé et segmenté la vidéo d’entraînement, le participant est une nouvelle fois encouragé à poser des questions s’il en a.

Lorsqu’il est prêt, il peut commencer le visionnement de la première vidéo d’intérêt, puis de la seconde vidéo d’intérêt (consigne complète en Annexe I).

2.1.1.3. Matériel et stimuli

Les consignes et les vidéos utilisées dans la tâche de segmentation d’événements ont été présentées en utilisant une procédure que nous avons programmée à l’aide du logiciel E-Prime 2 (Schneider, Eschman, & Zuccolotto, 2002) sur un ordinateur portable DELL Latitude D520 avec une résolution d’écran de 1064 par 768 pixels. Après avoir obtenu l’accord de J.

M. Zacks pour l’utilisation expérimentale et clinique de ses stimuli, nous avons choisi de montrer à nos participants trois vidéos qui ont précédemment été utilisées dans l’étude de Sargent et collaborateurs (2013 ; Figure 3).

Figure 3. Captures d’écran des trois vidéos utilisées dans la tâche de segmentation de vidéos.

Au-dessus, la vidéo d’entraînement. Au-dessous et à gauche, la vidéo 1. Au-dessous et à droite, la vidéo 2.

Ces trois vidéos ont une forme similaire : elles présentent un plan fixe sur une pièce dans laquelle une personne entre, se livre à une activité, puis ressort. La vidéo d’entraînement dure 155 s et montre un homme en train de construire un bateau avec des lego. Cette vidéo était présentée au centre de l’écran à une résolution réduite car nous ne disposions malheureusement pas d’une copie de meilleure qualité. Les frontières d’événements identifiées par les participants durant cette vidéo n’ont pas été prises en compte dans nos

analyses. La première vidéo d’intérêt utilisée (i.e., vidéo 1) dure 329 s et montre une femme en train de préparer un petit-déjeuner dans une cuisine. La deuxième vidéo d’intérêt utilisée (i.e., vidéo 2) dure 376 s et montre un homme en train de préparer/décorer une salle-à-manger pour une fête. Les vidéos 1 et 2 étaient présentées sur tout l’écran de l’ordinateur et les frontières d’événements identifiées par les participants durant ces vidéos ont été prises en compte dans nos analyses. En comparaison aux actions de la femme dans la vidéo 1, les actions de l’homme dans la vidéo 2 sont plus séquentielles. Par exemple, pendant que la femme dans la vidéo 1 exécute les différentes étapes nécessaires à la préparation d’un œuf, elle effectue aussi d’autres actions qui ne sont pas liées à la préparation d’un œuf (e.g., se verser une verre de jus d’oranges). Au contraire, l’homme montré dans la vidéo 2 termine chaque activité qu’il entreprend avant d’en commencer une autre (e.g., il finit de mettre la table avant de commencer à décorer la pièce). Nous avons choisi d’utiliser des vidéos différentes sur le plan de la séquentialité des actions car certaines activités de la vie quotidienne sont naturellement organisées de manière très séquentielle alors que d’autres le sont moins. Le fait de présenter deux vidéos différentes sur le plan de la séquentialité nous permet donc une évaluation plus complète des capacités de segmentation. Les trois vidéos étaient toujours présentées aux participants dans l’ordre dans lequel nous les avons décrites ci-dessus.

2.1.1.4. Calcul du score d’accord de segmentation

Comme dans les études de Zacks et collaborateurs, nous avons évalué les capacités de segmentation d’événements en calculant le degré d’accord entre un participant et la totalité du groupe sur la localisation des frontières d’événements dans chaque vidéo (Kurby & Zacks, 2011). Pour ce faire, nous avons commencé par diviser chaque vidéo en segments d’une seconde (i.e., 329 segments pour la vidéo 1 et 376 segments pour la vidéo 2). Nous avons ensuite codé la segmentation de chaque participant de la manière suivante : un score de 1 était attribué à chaque segment à l’intérieur duquel le participant avait appuyé sur la barre ESPACE et un score de 0 était attribué à chaque segment à l’intérieur duquel le participant n’avait pas appuyé. Afin de créer une « norme » sur la localisation des frontières d’événements dans chaque vidéo, nous avons calculé pour chaque segment d’une seconde la proportion de participants qui y avaient identifié une frontière d’événement. Pour chaque participant et pour chaque vidéo, nous avons ensuite calculé la corrélation bisérielle de point entre la segmentation du participant et la norme du groupe sur la localisation des frontières.

Ces calculs nous ont permis d’obtenir un score d’accord de segmentation allant de 0 (i.e., pas

d’accord de segmentation avec le groupe) à 1 (i.e., total accord de segmentation avec le groupe) pour chaque participant et pour chaque vidéo.