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2. Méthodologie

2.1. Elaboration des tâches de segmentation

2.1.2. Entretien clinique d’évaluation de la segmentation d’événements

L’entretien clinique d’évaluation de la segmentation d’événements a été construit avec pour objectifs principaux d’être facilement et rapidement administrable et de permettre d’estimer les capacités de segmentation d’un individu en lui faisant produire le récit d’une série de souvenirs épisodiques.

2.1.2.1. Elaboration et présentation de la consigne de l’entretien clinique

Ce sont les travaux de Williams et collaborateurs (2008) décrit précédemment qui ont inspiré l’élaboration de l’entretien clinique d’évaluation de la segmentation d’événements.

Pour rappel, leurs résultats ont mis en évidence la structure des frontières des souvenirs épisodiques (i.e., la structure « action-fait ») et suggèrent qu’il est possible d’avoir un aperçu des capacités de segmentation d’événements d’un individu simplement en lui demandant de rappeler une série de souvenirs épisodiques.

Basés sur ces travaux, nous avons décidé de demander à nos participants de nous raconter une série de souvenirs épisodiques se rapportant à une partie de la journée en cours et ce pour deux raisons. Premièrement, d’après le principe de correspondance (Conway, 2005), le rappel détaillé d’une série d’événements récents devrait être facile pour tous.

Deuxièmement, focaliser le rappel sur une partie de la journée en cours nous a permis de fixer l’intervalle temporel entre le déroulement des événements rappelés et le moment de la passation. Ainsi, les productions de nos participants étaient comparables du point de vue de la distance temporelle du souvenir. Notons que ce choix nous obligeait à effectuer les passations dans l’après-midi afin de nous assurer que les participants avaient tous encodé un certain nombre d’événements avant la passation.

Nous avons au départ pré-testé plusieurs variantes de la consigne de l’entretien clinique. Le premier paramètre que nous avons fait varier est la période que nous voulions faire rappeler. Tout d’abord, nous avons envisagé de demander aux participants de rappeler leur matinée. Toutefois, les productions de quelques participants aux pré-tests ont révélé que cette consigne ne convenait pas car elle était trop vague : la durée de la matinée peut varier selon l’heure à laquelle les participants se réveillent. Afin de pallier à ce problème, nous avons ensuite demandé à quelques participants de faire le récit des deux heures qui précédaient la passation. Encore une fois, les pré-tests ont révélé que cette consigne ne convenait pas car certains participants ne savaient pas à quelle heure ils s’étaient engagés dans

telle ou telle activité, ce qui leur posait problème pour commencer leur récit. Par ailleurs, nous avons aussi anticipé que certains participants pourraient avoir fait une sieste en début d’après-midi et donc qu’ils ne pourraient pas rappeler suffisamment d’activités suivant cette consigne.

Sur la base de ces multiples pré-tests, nous avons finalement décidé de faire rappeler les deux premières heures de la journée à nos participants. Nous avons retenu cette consigne car elle permet d’uniformiser la durée de la période à rappeler pour tous les participants (i.e., deux heures) et aussi parce qu’elle permet une identification aisée du début de la période à rappeler (i.e., le réveil).

Le second paramètre que nous avons fait varier est la nature du rappel que nous sollicitions. Dans un premier essai, nous avons demandé aux participants de faire la liste de toutes les activités qu’ils avaient réalisées. Cette consigne posait problème car les participants pouvaient effectuer la tâche en se basant sur leurs scripts en mémoire à long terme et sans avoir à se souvenir réellement de ce qu’ils avaient fait précisément ce jour-là. En d’autres termes, ils pouvaient répondre à la consigne en utilisant des informations sémantiques alors que nous souhaitions qu’ils se basent sur des souvenirs épisodiques. Nous avons donc élaboré une consigne plus spécifique : nous avons demandé aux participants de nous raconter tout ce qu’ils avaient fait durant la période d’intérêt, dans l’ordre dans lequel ces événements s’étaient produits et avec le plus de détails possible – un peu comme si nous les avions filmés avec une caméra et que nous leur demandions de raconter ce film dans les moindres détails.

Nous considérons que le fait de demander aux participants de raconter ce qu’ils ont fait le matin avec le plus de détails possible et comme si nous les avions filmés avec une caméra les encourage à se baser sur des souvenirs épisodiques plutôt que sur leurs scripts stockés en mémoire à long terme. Par ailleurs, le fait de demander aux participants de raconter ce qu’ils ont fait au cours de la matinée dans l’ordre chronologique les incite également à segmenter leur récit de manière claire en utilisant notamment des marqueurs temporels (e.g., après, ensuite etc.). Enfin, nous considérons que demander de raconter ce qu’une personne a fait durant les deux premières heures de la journée est une tâche facilement administrable du point de vue du clinicien/expérimentateur et agréable à effectuer du point de vue du patient/participant. La consigne complète de l’entretien clinique d’évaluation de la segmentation d’événements est disponible en Annexe II de ce document.

2.1.2.2. Elaboration et présentation de la grille d’évaluation associée à l’entretien clinique

Afin de pouvoir évaluer les capacités de segmentation d’événements à partir de l’entretien clinique, nous avons construit un indice d’identification claire des frontières basé sur le nombre de marqueurs temporels utilisés par un participant dans son récit et sur le nombre d’événements rappelés par ce participant.

Plus explicitement, basés sur les études de segmentation de récits (Speer & Zacks, 2005), nous considérons que l’utilisation de marqueurs temporels qui délimitent clairement deux événements dans le récit d’un participant (e.g., après, ensuite etc.) est un indicateur des capacités d’identification de frontières d’événements de ce participant. De ce fait, pour chaque participant, nous avons décidé de compter le nombre total de marqueurs temporels présents dans leur récit et d’utiliser ce nombre comme source d’information pour estimer leurs capacités de segmentation. De manière générale, plus un participant utilise de marqueurs temporels pour délimiter différents événements, meilleures sont considérées ses capacités de segmentation d’événements. Toutefois, le nombre de marqueurs temporels utilisés par un participant dépend en partie de la taille du récit et du nombre d’événements rappelés par ce participant (i.e., on compte plus de marqueurs temporels dans des récits plus longs).

Afin de prendre en compte ce phénomène, nous avons décidé de diviser le nombre de marqueurs temporels utilisés par un participant par le nombre d’événements qu’il a rappelés.

Nous avons défini un événement comme une action, une observation ou une pensée unique, tirée d’un contexte temporel pertinent (i.e., les deux premières heures de la journée) et typiquement exprimée sous la forme d’une phrase grammaticale composée d’un sujet et d’un prédicat (e.g., « j’ai mangé un sandwich », « j’ai vu ma voisine sortir » ou « j’ai pensé que je devais encore sortir les poubelles » ; Levine, Svoboda, Hay, Winocur & Moscovitch, 2002).

Dans la grille que nous avons élaborée, nous avons également spécifié ce qui ne constituait pas un événement (e.g., une information sémantique rapportée) et nous avons défini comment coter les cas particuliers qu’il est possible d’observer dans certains récits de participants. Par exemple, si un participant rappelle plusieurs fois le même événement (i.e., une répétition), celui-ci n’est comptabilisé qu’une seule fois.

L’indice d’identification claire des frontières est donc calculé en divisant le nombre de marqueurs temporels utilisés par le nombre d’événements rappelés. Le score obtenu à l’indice d’identification claire des frontières se situe entre 0 (i.e., faibles capacités de segmentation) et 1 (i.e., bonnes capacités de segmentation). De par la manière dont il est calculé, cet indice est indépendant du nombre de mots contenus dans le récit et tient compte du nombre

d’événements rappelés par le participant. La grille d’évaluation associée à l’entretien clinique d’évaluation de la segmentation d’événements et un exemple de la production d’un participant à cette tâche sont disponibles en Annexes III et IV.