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La microfluidique peut être considérée à la fois comme une science (études du comportement des fluides dans des micro-canaux) et une technologie (fabrication de dispositifs microfluidiques pour les laboratoires sur puces). Cette discipline a permis par la suite la fabrication d’un éventail de puces microfluidiques. Une puce microfluidique peut être définie comme un ensemble de micro-canaux gravés ou moulés dans un matériau. Les micro-canaux constituant la puce microfluidique sont connectés entre eux de manière à réaliser plusieurs fonctions (mélanges, tri, séparation, …). Ce réseau de micro-canaux enchâssé dans la puce microfluidique est relié à l’extérieur par des entrées et des sorties percées à travers la puce, comme des interfaces entre le monde macro et micro. Ainsi, les principales caractéristiques propres aux systèmes microfluidiques sont les suivantes 126 :

68  Manipulation de faibles volumes : ceci permet la réduction de la consommation d’échantillon (exemple : fluides biologiques) et de réactifs (exemple : anticorps) conduisant à une analyse moins coûteuse

 Rapport surface sur volume plus élevé : ceci conduit à la réduction des distances de diffusion des molécules et donc également des temps de contact permettant des réactions ou des mélanges plus rapides

 Ecoulement laminaire prédominant : L’écoulement des fluides est principalement contrôlé par des effets visqueux qui dominent sur les effets inertiels (dominant dans les systèmes microscopiques)

Par ailleurs, la diminution des dimensions des systèmes analytiques a stimulé la demande de techniques de haute sensibilité. La détection par fluorescence est particulièrement attractive car les fluorophores peuvent être excités et détectés sélectivement. L’excellente sensibilité de la spectroscopie à fluorescence est considérablement augmentée avec la réduction du volume d’échantillon à détecter car le bruit de fond (lumière parasite de Rayleigh/ la diffusion Raman) est réduit avec le volume d’échantillon alors que le signal de la molécule cible est indépendant des dimensions de l’échantillon. Le rapport signal/bruit est ainsi augmenté.

Ainsi, la miniaturisation et la microfluidique offrent un grand nombre d’avantages par rapport aux systèmes macroscopiques mais elles présentent certaines difficultés à l’échelle microscopique. En effet, le rapport surface sur volume étant élevé, la difficulté principale sera, lors de l’analyse de molécules biologiques, de s’affranchir des phénomènes d’adsorption sur les parois internes des canaux de séparation. De nombreuses stratégies ont été développées, visant à limiter ce phénomène, la plupart sont décrites dans les paragraphes qui suivent. A l’heure actuelle, le développement de procédés spécifiques tels que l’électrodéposition, la gravure, le collage, le moulage par injection, l’embossage et la lithographie douce a permis l’utilisation de matériaux variés qui sont présentés dans le paragraphe suivant.

a. Matériaux des microsystèmes pour l’électrophorèse sur puce

Les premiers microsystèmes étaient à base de silicone. Cependant, le verre et le quartz se sont révélés être des matériaux plus adaptés pour l’électrophorèse sur puce grâce à leur meilleure résistance aux tensions élevées 127. En effet, les matériaux inorganiques (le verre, le silicium et la céramique) possèdent une haute résistance aux solvants organiques et une forte thermo-conductivité. Les propriétés du verre sont particulièrement appréciées et ce, pour plusieurs raisons : une surface à base

69 de silanols, sa compatibilité avec les échantillons biologiques, sa perméabilité aux gaz et ses parois transparentes. Cependant, un des inconvénients majeurs est son coût ainsi qu’une micro-fabrication délicate et difficilement accessible à tous les laboratoires. C’est pourquoi, les puces à base de matériaux polymériques sont de plus en plus développées car elles présentent l’avantage de pouvoir être plus facilement produites en plus grande quantité et à faible coût par simple moulage ou méthode par pression. En 1998, Duffy et ses collaborateurs128 réalisent pour la première fois la séparation électrocinétique de petites molécules (acides aminés) et de molécules biologiques (protéines chargées et de fragments d'ADN) dans une puce en poly(dimethylsiloxane). Ce matériau peu cher, transparent et facile à fabriquer a ouvert de nouvelles perspectives concernant l’utilisation des matériaux polymériques pour l’électrophorèse sur puce. Deux revues 129,130 ont faits une présentation très complète des principaux matériaux utilisés pour la fabrication des microsystèmes. Les travaux de Nge et al. 129 se focalisent particulièrement sur l’électrophorèse sur puce et ont mis en avant les principaux facteurs à considérer pour le choix du matériau selon les fonctions recherchées du microsystème, le degré d’intégration et leur application. On y retrouve les matériaux inorganiques dont les propriétés ont été citées précédemment et les polymères divisés en deux catégories avec les élastomères (PDMS) et les thermoplastiques (copolymères de cyclooléfines, polyméthacrylate de méthyle, fluoro ethylène propylène …). Les élastomères sont des macromolécules liées entre elles de manière covalente formant un réseau après réticulation et présentant des propriétés « élastiques » alors que les thermoplastiques sont des macromolécules qui ne sont pas liées de manière covalente, elles peuvent être mobiles entre elles et lorsque le polymère est chauffé, ce dernier peut être remanié plusieurs fois à une température proche de sa température de transition vitreuse.

Il existe donc un panel de matériaux disponibles pour l’électrophorèse sur puce avec des propriétés de surface différentes et des avantages en termes de micro-fabrication et de capacité d’intégration dans un microsystème d’analyse totale. Cependant, les surfaces fluorées sur puce n’ont jamais été étudiées. A notre connaissance, ces surfaces n’ont pas encore été caractérisées en terme de µeo ainsi que leur capacité à permettre des séparations de macromolécules biologiques telles que des protéines, n’a pas été évaluée. Le chapitre 6 est ainsi dédié à l’étude d’une puce à surface fluorée pour des séparations électrocinétiques.

70 b. Traitements de surface

De nombreuses publications ont fait l’objet de travaux visant à réduire les phénomènes d’adsorption, surtout pour les macromolécules biologiques, par le contrôle de la surface chimique des microsystèmes mais aussi pour moduler le flux électroosmotique 94,131–133. Idéalement, le revêtement devrait être simple d’utilisation, pas cher, applicable sur une large gamme de pHs et ne doit pas interférer avec la détection. Par ailleurs, pour le choix du revêtement il est important de prendre en compte la nature des analytes (acide ou basique/ hydrophobe ou hydrophile) et celle de la nature chimique des matériaux utilisés (groupements ionisables ou non). Dans le cas des surfaces à base de silanols tels que les puces en verre, les revêtements consistent à masquer les groupements Si-O- afin de diminuer ou d’inverser les charges de surfaces réduisant ainsi les interactions électrostatiques. Un grand nombre de ces travaux ont été d’abord réalisés sur des capillaires en silice fondue et souvent transposés sur la puce en verre qui est chimiquement proche 131. Concernant les matériaux plus hydrophobes, de plus en plus utilisés pour la fabrication des microsystèmes, leur angle de contact généralement supérieur à 80° constitue un désavantage important pour des séparations électrocinétiques en milieu aqueux de composés biologiques tels que les protéines. L’hydrophobie des surfaces polymériques rend difficile l’utilisation de solutions aqueuses dans les canaux à cause de leur faible mouillabilité et limite les performances analytiques dues à l’adsorption forte des protéines. Ainsi, l’utilisation de ces matériaux pour la conception de microsystèmes d’analyse en milieu aqueux constitue un véritable défi. Le rôle des revêtements consistera donc à modifier la surface pour la rendre plus hydrophile et ainsi ajuster la mouillabilité, l’adhésion et la biocompatibilité du système. Deux stratégies de revêtements existent : les revêtements statiques avec des traitements de surface covalents (permanent) et non-covalents (semi-permanent), et les revêtements dynamiques qui sont non-covalents. Dans le tableau 8 sont présentées les différentes classes de revêtement avec leurs avantages et inconvénients.

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Types de revêtements

Avantages Inconvénients

Permanent  Revêtement très stable  Greffage covalent  Pas de régénération

 Procédures de revêtement longues et difficiles à mettre en œuvre

 Revêtement commercial coûteux Semi-permanent  Simple à mettre en œuvre

 Pas de molécule de revêtement en solution

 Possibilité de refaire le revêtement en cas de contamination

 Etape de régénération et de rinçage à adapter selon les analytes analysés pour des analyses reproductibles  Attachement dépendant des

propriétés de physico-chimique de surface

Dynamique  Simple à mettre en œuvre  Adsorption continue (en cours

d’analyse)

 Molécule de revêtement en solution pouvant altérer la séparation ou la détection  Attachement dépendant des

propriétés de physico-chimique de surface

Tableau 8 : Avantages et inconvénients de différents types de revêtements de surface

Revêtements permanents

Le revêtement permanent permet de lier de manière covalente un polymère à la surface du système tel que le polyvinylalcool (PVA) et le polyacrylamide (PAA). Ce type de revêtement est idéal pour l’analyse de protéines de par sa stabilité et la forte réduction du FEO mais sa procédure de revêtement reste difficile et longue à mettre en œuvre 94,133.

Généralement, les puces en verre sont greffées chimiquement 134 ou thermiquement 133 du fait de leur surface facilement ionisable et leur résistance à haute température. La figure 25 illustre l’efficacité du revêtement PVA pour la séparation rapide d’un mélange d’amines marquées par l’Alexa Fluor 350 comparé à une puce en verre native sur une longueur effective de 65 mm. La séparation des amines est observée après seulement 600 ms d’analyse dans la puce traitée au PVA alors que dans la puce non traitée aucune séparation n’est observée après 720 ms.

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Figure 25: Séparation d’un mélange d’amines marquées par l’Alexa Fluor 350après injection en mode « pinched » dans une puce en verre non traitée (A) et traitée au PVA (B) 135

Les revêtements permanents les plus utilisés pour le greffage des parois internes des puces polymériques (PMMA, PDMS, PC et PETG) sont représentés par leur structure chimique sur la figure 26. Ces greffages nécessitent une étape d’activation par oxydation de la surface via un traitement plasma (oxygène/ UV/ ozone) en amont du collage de la puce ou par modification chimique en particulier pour les plastiques en PC et en PETG. Dans la revue de Horvath et Dolnik 94, les méthodes de greffage covalent d’agents de surface sur ces matériaux polymériques sont décrites de manière détaillée.

73 Par ailleurs, il existe des techniques permettant le greffage covalent de revêtement dans des puces fermées. Une technique de greffage utilisant la photochimie a été étudiée sur des thermoplastiques. Elle consiste à initier le greffage photochimique d’un polymère par irradiation UV dans le canal évitant ainsi tout problème de collage. Par exemple, Du et al.136 ont utilisé cette technique pour le greffage de différents revêtements dans une puce en COC. La méthode consistait à remplir des canaux en COC avec une solution à base de monomères acryliques tel que l’acrylamido-2-methyl-1-propanesulfonique (AMPS), de benzophénone et d’un photo-initiateur qui sont ensuite introduit dans le canal de séparation. Une fois la puce traitée, l’angle de contact du canal en COC a été modifié atteignant jusqu’à les 12° selon le monomère utilisé. L’efficacité du revêtement anionique (AMPS) a été démontrée avec la séparation par ECZ d’un mélange d’acides aminés fluorescents en moins de trois minutes (figure 27).

Figure 27 : Greffage photochimique du revêtement anionique AMPS d’une puce en COC (A) et séparation

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Revêtements non-covalents (dynamiques et semi-permanents)

La physisorption des revêtements non-covalents se fait principalement via des interactions électrostatiques, des liaisons hydrogènes et des liaisons de Van der Walls sur une surface silanols comme les puces en verre. Alors que sur une surface hydrophobe non modifiée tels que les plastiques et les élastomères, la physisorption des revêtements non-covalents se fait principalement via des interactions hydrophobes et des liaisons hydrogènes. Les revêtements physiosorbés constituent une alternative intéressante pour le revêtement des microsystèmes de par leur simplicité de mise œuvre sans étape d’activation et sans conditions limitantes (haute température, solvant organique corrosif, oxydation plasma). En effet, comme vu précédemment l’oxydation plasma est possible seulement sur une surface plane et est donc réalisée en amont du collage des puces. Ceci conduit à des difficultés de collage ou de conservation de revêtement intact en particulier pour les thermoplastiques. De plus, le greffage à haute température et l’utilisation de solvants organiques va dépendre de la résistance du matériau.

De nombreux articles ont étudié le revêtement des canaux polymériques avec principalement des dérivés celluloses, à base de poly(éthylène) oxyde (PEO) ou d’acrylamide sur des puces en COC 106,137,138, en PMMA 139,140 et en PDMS 141. Ces travaux ont permis l’analyse de protéines et de peptides par ECZ et IEF en puce. L’utilisation du Pluronic F127 sur des puces en COC a permis une réduction significative de plus de 80% de l’adsorption de la BSA, connue pour adsorber sur tous types de surface, ce qui a permis son analyse par ECZ. En ce qui concerne la puce en PMMA, celle-ci a été caractérisée avec différents revêtements dynamiques tels que le méthyl cellulose (MC), le MC avec du tween 20 (MC-T), l’hydroxypropyl méthyl cellulose (HMPC), le PVA et le poly(vinylpyrrolidone (PVP) 139. Sur la figure 28, les analyses de la BSA marquée à l’isothiocyanate fluorescéine (FITC) et de la trypsin inhibitor (TI) marquée au Alexa 647 montrent une meilleure résolution entre les pics lors de l’analyse de chaque protéine marquée dans la puce traitée au PVA qui constitue le polymère le plus hydrophile par rapport aux autres revêtements. Cependant, il est important de noter que les pics sont plus larges et le temps de migration plus long à cause du FEO plus élevé agissant comme un contre flux sur la mobilité électrophorétique des pics détectés.

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Figure 28 : Electrophorèse sur puce en PMMA deux protéines marquées au Alexa 647, la BSA (A) et la TI

(B) dans différentes solutions polymériques. Pic 1 : forme libre du fluorophore et pics 2-3 et 2’-5’ : les différentes formes de protéines marquées 139

Les revêtements les plus décrits dans la littérature pour traiter une surface silanols sont des polymères, des molécules à faible poids moléculaire ou des surfactants. Les revêtements neutres souvent employés sont les polymères à base d’acrylamide (Epdma, LPA,...) les celluloses (HPMC, MC,….) et les polymères à base de polyethylène glycol (PEO, Pluronic,…). Pour les revêtements chargés, de nombreux travaux ont montré qu’il était possible d’utiliser une grande variété de molécules comme des surfactants ou détergents, des amines ou des polymères chargés susceptibles de moduler le FEO et de réduire l’adsorption des protéines sur une surface de silanols 88,142.