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L’électrophorèse sur puce a en particulier fait l’objet de nombreux travaux comme méthode de séparation seule ou couplée à d’autres modules analytiques 79,80,143. En effet, le format miniaturisé permet d’ouvrir de nouvelles perspectives de couplage améliorant la sensibilité et/ou la spécificité des analyses. L’intégration d’une étape de traitement d’échantillon, le couplage à des méthodes de détection très sensibles ou encore la conception de dispositifs de séparation à multiples dimensions est depuis quelques années envisageable. Une revue récente de 2016 permet d’avoir une vue d’ensemble des microsystèmes développés depuis 2010 pour la séparation de biomolécules en format microfluidique 144.

L’analyse d’échantillon biologique nécessite dans la plupart des cas une étape de traitement de l’échantillon pour enrichir ou purifier l’échantillon d’intérêt. Très récemment, Kumar et al. ont développé une plateforme microfluidique pour la séparation de protéine par µECZ intégrant, en amont de la séparation, un module de pré-concentration monolitique à chaine alkyl (C8) pour une extraction

76 en phase inverse145. Ce dispositif est représenté sur la figure 29A. Il a permis l’enrichissement de la ferritine (Fer) et du peptide glycine–glycine–tyrosine–arginine (GGUR) (Figure 29B). L’enrichissement a été particulièrement efficace pour la ferritine qui a été pré-concentrée par un facteur 80. Ceci a permis d’augmenter l’intensité du pic par 50 lors de l’analyse µECZ comparée à sa détection sans module de pré-concentration.

Figure 29 : Plateforme microfluidique couplant l’enrichissement de protéines par extraction sur phase solide

et la séparation par µECZ. (A) Schéma de la plateforme microfluidique et (B) électrophorégrammes montrant l’effet de l’enrichissement de la ferritine (Fer) et du peptide glycine–glycine–tyrosine–arginine

(GGUR) 145

L’IEF sur puce est aussi une méthode très utilisée pour l’analyse de macromolécules comme étape de séparation et/ou de concentration d’un mélange complexe dans des systèmes à plusieurs dimensions 100,146. Récemment, Nordman et al. ont développé une puce en SU-8 couplant en ligne la séparation IEF de six peptides standards à l’interface ESI d’une spectrométrie de masse (SM) 147. La particularité de ce couplage est la mobilisation des bandes séparées vers la SM via le flux électroosmotique. La puce SU-8 ayant une charge de surface dépendante du pH, le flux peut être éliminé durant la focalisation pour être restauré durant la mobilisation. L’IEF peut également être couplée à des méthodes de séparation tel que l’ECZ sur puce 143,148 ou à des détections immunologiques. Henares et al. ont développé un dispositif qui consiste à réaliser séquentiellement un test Elisa dans un canal en verre qui est ensuite soumis à une focalisation isoélectrique au sein du même dispositif 149. Le

77 principe consiste à amplifier le signal de l’Elisa en concentrant le signal fluorescent sur une zone plus étroite. Ainsi, l’intensité du signal Elisa est beaucoup plus intense comparé à l’Elisa en canal sans concentration par IEF (figure 30). Une sensibilité presque sept fois supérieure a été obtenue pour le système Elisa-cIEF comparé à l’Elisa seule.

Figure 30: Comparaison des images fluorescentes (Rhodamine 110) de la détection par Elisa d’un IgG

humain à différentes concentrations avec et sans cIEF 149

Ainsi, la microfluidique a conduit au développement de systèmes de plus en plus fonctionnels pour des applications variées. Ces dernières années de nombreux travaux visant à la détection de biomarqueurs ont été présentés et regroupés dans plusieurs revues 78,150,151. Nous donnerons quelques exemples de microsystèmes reposant sur l’utilisation d’un module d’électrophorèse sur puce pour l’analyse de biomarqueurs moléculaires afin de mettre en évidence l’intérêt de ces dispositifs de séparations pour le diagnostic de maladies.

L’analyse de peptides amyloïdes biomarqueurs de la MA sur des microsytèmes a déjà fait l’objet de plusieurs publications. Par exemple, notre groupe a développé une méthode de séparation des peptides amyloïdes de structure très proche (Aβ 1-38, Aβ 1-40 et Aβ 1-42 ) sur puce en verre avec une limite de détection de 200 nM 152. Mais, plus récemment Mohamadi et ses collaborateurs 153 ont développé une plateforme microfluidique présentant différents modules intégrant l’immunocapture, la pré-concentration et la séparation des peptides amyloïdes (figure 31). L’échantillon de LCR est dans un premier temps préparé par des étapes d’incubation avec un fluorophore (Fluoroprobe NHS 488) et des billes magnétiques sur lesquelles sont greffés des anticorps monoclonaux anti-Aβ. Une fois

78 l’échantillon préparé, il est injecté et des pinces magnétiques vont assembler les billes magnétiques et permettre ainsi la capture des peptides. Ensuite, une élution électrocinétique/pré-concentration des peptides ont été réalisées sur une membrane d’hydrogel en amont du module d’électrophorèse. Les analytes sont finalement injectés, séparés puis détectés par fluorescence dans un canal de quelques cm. Ces travaux séparant simultanément différents peptides amyloïdes sont intéressants mais ne sont pas encore assez sensibles pour permettre la détection de peptides issus des fluides biologiques.

Figure 31: Plateforme microfluidique en PDMS intégrant plusieurs modules en line pour la détection de

peptides amyloïdes tronqués ajoutés dans du LCR 153

En revanche, certains auteurs ont pu développer des outils de diagnostic compatible avec certains fluides biologiques. Huang et ses collaborateurs 154 ont pu détecter différents phénotypes d’haptoglobine (Hp), biomarqueurs du cancer du foie, dans les sérums de patients sains et malades sur une puce en verre. L’analyse comparative des électrophorégrammes des différents sérums (figure 32) montre une diminution du phénotype Hp 2-2 dans le sérum du patient malade comparé au patient sain. Ce dispositif a permis une analyse efficace presque trois fois plus rapide que celle obtenue par électrophorèse capillaire.

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Figure 32 : Analyses µECZ du sérum d’un patient sain et d’un patient malade du cancer du foie réalisées sur

puce en verre. Conditions d’analyse : tension appliquée de 800 V ; longueur effective de 4 cm et totale de 5 cm ; BGE: 100 mM de tampon borate à pH 10.56, 5mM SDS 154

L’électrophorèse en gel a également fait l’objet de système miniaturisé pour l’analyse multidimensionnelle de protéines en format microfluidique 155,156. Le Western-blot utilisant une immunodétection est une des méthodes particulièrement prometteuses en format miniaturisé. Récemment, Hughes et Herr ont développé un Western-blot sur micro canaux en verre consommant 1000 fois moins d’échantillon et de réactif comparé à la méthode standard permettant la réalisation de 48 blots en triplicat en moins d’une heure 157. Ce système utilise un gel photoactif de porosité ajustable pour permettre le tamisage des protéines ainsi que l’immobilisation des protéines séparées via un mécanisme photochimique pour leur immunocapture qui permet de s’affranchir du transfert de membrane classique (le blot). Ainsi, toutes les étapes du western-blot (séparation en fonction du poids moléculaire sur SDS-PAGE ; immobilisation et détection des protéines) sont réalisées dans le même canal (figure 33A). Ce dispositif a été appliqué au diagnostic du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) qui consiste à évaluer l’éventuelle présence dans un sérum humain d’anticorps reconnaissant spécifiquement les protéines gp120 et p24, protéines du VIH. Dans le cas d’un sujet infecté, ces anticorps seront présents dans le sérum et la réponse sera positive. Si le sujet n’est pas infecté, il n’y aura pas d’anticorps et donc la réponse sera négative et on ne verra donc pas apparaitre de bande sur le micro-westen blot. Sur la figure 33 B, un sérum humain a été analysé avec le µwestern blot et comparé au test conventionnel. Cette étude a montré que le test de diagnostic du VIH réalisé avec le μWestern est en accord avec le dosage des anticorps dans le système classique tout en réduisant le temps d’analyse et la consommation d’échantillon.

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Figure 33 : µWestern blot appliqué au diagnostic du VIH : (A) Schéma du microsystème en verre

composée de 144 canaux pour la réalisation de 48 blots en triple sur chaque puce. (B) Etude de la réactivité d’un échantillon de sérum VIH dilué par 100. Forte réactivité (++), le contrôle faiblement réactif (+), et non réactif (-) de sérums humains des protéines « cible » la gp120 (200 nM) et la p24 (1 µM) qui sont révélés par

un anticorps secondaire, anti- IgG humain marqué par un fluorophore (rouge). A droite, le Western blot classique (6 à 18 h d’analyse), avec des bandes réactives gp120- et p24- indiqué par des flèches 157

Ainsi, les différentes applications sur microsystèmes montrent un potentiel grandissant. Actuellement, de nombreuses compagnies commercialisent des microsystèmes automatisés, accessibles et rapides utilisant différentes techniques d’analyse 77,158. L’analyseur Wako i30 est un exemple de microsystème d’analyse totale commercial qui permet la réalisation de plusieurs étapes analytiques sur une seule puce microfluidique pour des analyses de routine (figure 34). L’échantillon est d’abord mis en contact avec une solution d’anticorps marqués dans les micro-canaux. Ensuite, une étape d’isotachophorèse est réalisée afin de concentrer l’immunocomplexe suivi d’une étape de séparation par électrophorèse en gel. Chaque essai est réalisé en moins de 10 min. Le potentiel diagnostic de l’α-fétoprotéine (AFP)-L3 et de la prothrombine dans les cas de carcinomes hépatocellulaires a été démontré 159.

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Figure 34 : Analyseur Wako i30 : (A) Photo de l’appareil et (B) la puce microfluidique

5. Microsystèmes ou interfaces microfluidiques couplant la séparation à la