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a. Principe de l’Elisa

La technique d’Elisa est une technique de détection immunoenzymatique qui permet de visualiser une réaction antigène-anticorps grâce à une réaction colorée entre un substrat et une enzyme préalablement fixée sur l'anticorps de détection. L’Elisa se décline en plusieurs modes dont les principaux sont les tests directs, indirects ou type sandwich indirect (figure 9). Cette technique utilise des anticorps monoclonaux qui ont pour avantage leur forte affinité et spécificité pour un antigène /protéine au niveau d’un épitope particulier. De plus, le test Elisa présente d’autres avantages dont la possibilité de quantifier grâce à la réalisation d'une gamme en parallèle, l’accessibilité de la technique et la détection du signal ne nécessitant pas d'appareillage spécialisé. Néanmoins, cette technique est dépendante de la température, du pH et de la lumière.

40 b. Test Elisa et dosage des biomarqueurs de la MA

Les kits les plus utilisés pour le dosage du peptide Aβ 1-42, de la protéine t-Tau et p-Tau sont ceux élaborés par le laboratoire Innogenetics (Innotest β-amyloïde 1-42, Innotest Tau, Innotest P-Tau 181). Ils nécessitent au moins 300 µl d’échantillon. Ces tests utilisent le mode sandwich direct qui est présenté par la figure 10. Dans le cas du dosage du peptide Aβ 1-42, ce dernier est d’abord capturé par un anticorps (Ac) de reconnaissance spécifique aux épitopes de l’extrémité C-terminal (Aβ 42). Un deuxième Ac biotinylé de détection va reconnaitre l’extrémité N-terminal du peptide. La révélation colorimétrique est finalement réalisée grâce à l’ajout complexe streptavidine-HRP (horseradishperoxidase) et du substrat de l’enzyme HRP, le TMB (3,3',5,5'-tétraméthylbenzidine). Une solution acide est ensuite ajoutée pour stopper la réaction puis l’absorbance est mesurée pour déduire la concentration en Aβ 1-42. L‘enzyme et son substrat peuvent être de différente nature et générer des produits chromogéniques ou fluorescents.

Figure 10 : Principe de l’Elisa sandwich direct c. Analyses multibiomarqueurs

Toutefois, le test ELISA standard n’est pas adapté à des dosages à haut rendement car il permet l’analyse d’un seul analyte donc d’un biomarqueur de MA à la fois dans un échantillon donné. Le développement d’immunoessais multiplexes est donc une avancée majeure car ils permettent l’analyse simultanée de plusieurs molécules dans l’échantillon biologique d’intérêt. Les plateformes commerciales les plus utilisées sont regroupées dans le tableau 6 où le support d’immobilisation d’anticorps, le principe et la méthode de détection pour chaque méthode y sont présentés.

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Techniques Support solide d’immobilisation d’anticorps Principe Possibilité de multiplexage Méthode de détection ELISA Microplaques: Surface des puits en plastique

Immunoréaction réalisée au fond de chaque puit

Non Réaction enzymatique

colorimétrique / mesure de l’absorbance MSD Spots spécifiques ;

Surface des puits en carbone

Immunoréaction réalisée au fond de chaque puit

Oui, en utilisant différents Ac sur des zones

spécifiques des puits

Chimiluminescence mesurée après excitation électrique xMAP Microsphères en polystyrène Immunoréaction réalisée sur chaque bille séparée par cytométrie de flux

Oui, en utilisant différents Ac sur des billes codées (signature fluorescente unique pour chaque population de billes)

Fluorescence mesurée après excitation par laser de chaque bille passant le détecteur

Simoa Billes magnétiques Immunoréaction réalisée sur chaque bille capturée sous champ magnétique dans des micropuits (une bille par puit)

Oui, en utilisant différents Ac sur les billes codées (Signature fluorescente unique pour chaque population de billes)

Fluorescente induite par réaction

enzymatique sur chaque bille isolée

Tableau 6: Techniques d’immunodétection pour l’analyse de biomarqueurs du LCR 69. Elisa : Enzyme Linked Immunosorbent Assay, MSD : MesoScale Discovery , xMAP : multiple-analyte profiling, Simoa :

single molecule array.

Les technologies « single molecule array » (Simoa) et « multiple-analyte profiling » (xMAP) utilisent des billes codées afin de pouvoir différencier la signature fluorescente unique pour chaque population de billes sur lesquelles est greffée un anticorps spécifique rendant ainsi possible le multiplexage alors que la technologie « MesoScale Discovery » (MSD) utilise cependant des zones spécifiques pour chaque anticorps spécifique. Ces trois techniques suivent un protocole expérimental de type Elisa sandwich mais se différencient principalement par le support d’immobilisation d’anticorps utilisé et par la méthode de détection utilisée.

La technologie MSD utilisant des microplaques (sur lesquelles sont greffés les anticorps de capture) a permis la mesure de cytokines proinflammatoires associées à la MA 70. La technologie Simoa

42 utilisant un champ magnétique pour séparer chaque bille sur lesquelles sont greffés les anticorps de capture, a permis de doser la protéine Tau totale issus de fluides biologiques de patients atteins de la MA 71. Le système xMAP (multiple-analyte profiling), développé par Luminex, est particulièrement intéressant. Il combine différentes technologies telles que les immunoessais en microsphères, la cytométrie de flux et le traitement numérique des signaux. Cette technologie utilise un module de pipetage et de gestion des fluides, qui aspire les échantillons contenant les microsphères (sur lesquelles sont greffés les anticorps de capture) en suspension dans un canal liquide de manière à ce qu'elles soient les unes à la suite des autres (analogie avec la cytométrie de flux). Les microsphères passent ainsi une par une devant un jeu de deux lasers : un laser permettant de déterminer le code couleur de chaque bille et un laser excitant le fluorochrome couplé à un anticorps de reconnaissance. Ce système a été plusieurs fois comparé à l’Elisa standard 72,73. Il a été conclu que les deux plateformes analysant les trois biomarqueurs validés du LCR ont des performances comparables en termes de sensibilité et de spécificité pour différencier les patients sains des patients atteints de MA. En revanche, la technologie xMAP a une meilleure reproductibilité que l’Elisa standard, elle permet de réduire le temps d’analyse, de consommer moins d’échantillon et de réaliser la détection simultanée de plusieurs analytes d’un même puit.

Une autre approche se basant sur la séparation des analytes par focalisation isoélectrique avant leur immunodétection a été proposée pour le dosage de plusieurs formes de peptides amyloïdes. Le dispositif commercial NanoPro 1000 est un outil automatisé et accessible. La procédure est divisée en plusieurs étapes : le chargement de l’échantillon, la séparation par focalisation isoélectrique, l’immobilisation des analytes focalisés, l’immunoessai et la quantification (figure 11). Ainsi, la méthode consiste à introduire l’échantillon mélangé à une solution d’ampholyte dans un capillaire. Une fois la tension appliquée, les analytes sont séparés selon leur point isoélectrique (pI). Le capillaire est ensuite exposé à une lumière UV qui permet de lier de manière covalente les analytes focalisés sur la paroi interne du capillaire. Ainsi, les analytes sont fixés sur les parois du capillaire sur la zone correspondant à leur pI. Le capillaire est ensuite rincé puis rempli avec une solution d’anticorps primaires spécifiques des analytes d’intérêt. Finalement, les analytes sont détectés par un anticorps secondaire de reconnaissance et quantifiés par chimiluminescence.

43 Figure 11 : Principe du système NanoPro100074

Une étude utilisant cette technologie a permis de suivre l’effet d’un inhibiteur de l’enzyme BACE-1 sur la production des peptides Aβ 1-X, Aβ 2-X et Aβ 5-X 75. Les auteurs ont montré que l’utilisation de l’inhibiteur réduisait fortement la production en peptides Aβ 1-X (pI 5.33) et Aβ 2-X (pI 6) tout en favorisant la génération des peptides Aβ 5-X (pI 6.47) (figure 12). Ainsi, cette technique est intéressante pour le suivit de traitement, néanmoins, une immunoprécipitation en amont de la cIEF a été nécessaire pour la détection des peptides en faible abondance. De plus, les perspectives d’analyse d’un mélange de biomarqueurs de structure très différente (t-Tau/Aβ) avec ce dispositif restent limitées car l’Ac de reconnaissance utilisé est le même pour tous les analytes.

44 Figure 12 : Effet de l’inhibiteur (Tripartite) de l’enzyme BACE-1 sur la production des peptides Aβ 1-X (pI

5.33), Aβ 2-X (pI 6) et Aβ 5-X (pI 6.47) par les cellules modèles SH-SY5Y 75

Les techniques immunodépendantes ont ainsi montré leur intérêt pour le diagnostic de la MA même si quelques paramètres limitent leur utilisation : premièrement, ils sont dépendants des anticorps disponibles et deuxièmement, les effets de matrice peuvent altérer l’affinité des anticorps. De plus, une autre limite spécifique aux immunoessais multiplexes est liée au fait que les échantillons biologiques contiennent des protéines et des peptides à des concentrations très variables, ce qui nécessite un choix judicieux sur les combinaisons d’analytes à doser.

Dans le contexte actuel, la nécessité d’outils de diagnostic précoce à des stades pré-démentiels voir précliniques via des analyses biochimiques prend tout son sens. En effet, les analyses moléculaires du LCR ont démontré la capacité de certains biomarqueurs pour suivre la progression de la MA et ont permis une meilleure compréhension de la maladie. De plus, un diagnostic différentiel permettra de mieux soigner les malades afin de prévenir une dégradation irréversible du système neuronal. Cependant, les techniques de prélèvement du LCR restent invasives (ponction lombaire) et limitent la quantité d’échantillon disponible. Ainsi, des outils de diagnostic de plus en plus sensibles et

45 spécifiques, consommant très peu d’échantillons restent à développer. Ceux-ci permettront un diagnostic de la pathologie à un stade précoce et rendra possible la réalisation d’essais cliniques sur des patients dont le système nerveux central n’est pas encore trop altéré. Cette approche pourra permettre la mise en place de nouvelles thérapies.

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Chapitre 3 : L’électrophorèse capillaire et la miniaturisation

L’électrophorèse capillaire (EC) développée dans les années 80, s’est imposée en tant que technique de choix pour la séparation d’un grand nombre de molécules. Elle présente l’avantage de permettre des analyses rapides avec de très grandes efficacités et des résolutions élevées grâce au format capillaire et aux hautes tensions électriques appliquées. La simplicité de l’EC lui permet d’être particulièrement adaptée à la miniaturisation ne nécessitant pas l’introduction de phase stationnaire ni de dispositif de pression et d’injection de vannes comparé à la chromatographie. Cette miniaturisation offre des avantages très attractifs dans le domaine des sciences analytiques réduisant la consommation d’échantillon et le temps d’analyse. Avec les avancées de la micro-fabrication, l’électrophorèse a pu être transposée sur puce, en confinant les fluides dans des micro-canaux. Ceci a également permis le développement de systèmes microfluidiques sur puce connu sous le nom de µTas. Ce concept consiste à intégrer plusieurs étapes d’analyse (traitement d’échantillon, séparation, détection) dans un système unique à l’échelle micrométrique. Ceci représente un grand intérêt pour l’analyse de fluides biologiques et peut conduire à terme à une réduction du coût de l’analyse qui n’est pas négligeable pour les dispositifs médicaux dédiés à l’analyse clinique76–78. Depuis, ces 30 dernières années, de nombreux travaux portant sur les séparations sur puce ont été publiés pour différents types de molécules allant des petites aux macromolécules79,80. Dans ce chapitre, nous commençons par rappeler les principes de migration qui caractérise l’électrophorèse et ses principales limites. Deux modes de séparations pour l’analyse de protéines à savoir l’électrophorèse de zone et la focalisation isoélectrique sont détaillés. L’électrophorèse en milieu non-aqueux est également présentée. Ensuite, un récapitulatif des différents matériaux les plus utilisés pour la conception des microsystèmes est exposé. Afin de remédier au problème majeur lié à l’adsorption des protéines sur les parois des microsystèmes, les différents revêtements de surface existant sont présentés. Enfin, des exemples de microsystèmes d’analyse intégrés pour l’analyse de protéines ou de peptides sont proposés.

47 1. L’électrophorèse: principe

a. Phénomène de transport

L’électrophorèse permet de séparer des molécules selon leur mobilité sous l’action d’un champ électrique. Leur migration résulte de deux mécanismes de transport : l’électroosmose et l’électromigration.

L’électroosmose

Le flux électroosmotique (FEO) correspond à l’écoulement de l’électrolyte dans un capillaire sous l’action d’un champ électrique. A la différence du profil d’élution parabolique observé en chromatographie en phase liquide, l’écoulement électroosmotique en électrophorèse présente un profil plat. Ceci permet de réduire le phénomène de dispersion des bandes et d’obtenir ainsi des efficacités élevées. Le FEO est lié à la présence de charges électriques à la surface du capillaire et à leur interaction électrostatique avec les ions de l’électrolyte. Dans un capillaire à base de silice fondue (et dans une puce en verre), la surface interne du canal est chargée négativement du fait de l’ionisation des groupements silanols à pH supérieur à 2.5. Ainsi, pour assurer l’électroneutralité, les cations présents dans l’électrolyte forment une double couche électrique (couches compacte et diffuse) à la surface interne du système (figure 13). Une partie des cations compensent les charges négatives en surface du capillaire en établissant des interactions électrostatiques (attractives) fortes et forme une couche compacte appelée couche de Stern à une distance très faible de la surface. Les autres cations n’interagissant pas directement avec la surface négativement chargée forme une couche diffuse appelée couche de Gouy-Chapman qui se situe à une distance un peu plus grande.

Figure 13 : Représentation de la double couche électrique et de l’évolution du potentiel zêta en fonction de

48 La limite entre les deux couches électriques est appelée plan de Stern (plan de cisaillement). Au niveau de ce plan, le potentiel électrique appelé potentiel zêta (ζ) est caractéristique de la double couche et s’exprime selon les équations (1) et (2) :

ζ =

.σ

r.0

(1)

Avec ζ le potentiel de surface (V), r : la constante diélectrique de l’électrolyte, 0 : la permittivité du vide (8.85.10-12 C2.N-1.m-2), σ : la densité de charge de surface du canal (C.m-2) et δ: l’épaiseur de la double couche électrique (m).

 = √[

r

. 

0

.

2.FI.FR.T2

]

(2)

Où R est la constante des gaz parfait (8,325 J.mol-1.K-1), T : la température absolue (K), F : la constante de Faraday (96500 C.mol-1), et FI : la force ionique de l’électrolyte (mol.L-1).

Ainsi, lors de l’application d’un champ électrique aux extrémités du système, les cations de la couche compacte (dits immobiles) ne peuvent migrer alors que les cations de la couche diffuse (dits mobiles) sont attirés par la cathode. Cette migration de la couche diffuse telle un tapis roulant entraine l’ensemble des composés de l’électrolyte vers la cathode, c’est le phénomène d’électroosmose. En effet, le FEO s’effectue dans le sens de la migration des cations dans le cas d’une surface chargée négativement. La vitesse linéaire du FEO (Veo) est décrite selon l’équation de Helmholtz-Smoluchowski (3):

V

eo

= µ

eo

. E =

− ζ.r.0

. E

(3)

Avec Veo : la vitesse électroosmotique (m.s−1), µeo : la mobilité électroosmotique (m2. V−1.s−1), E : le champ électrique appliqué (V.m-1), : la viscosité du milieu (cP).

Outre le champ électrique, la température et certaines constantes, la vitesse linéaire du FEO peut donc être influencé par l’état de charge de la surface du capillaire et plusieurs facteurs liés à l’électrolyte tels que le pH, la force ionique, la nature (ions et contre-ions), la constante diélectrique et la viscosité. Par exemple, la figure 14 illustre la variation de la mobilité électroosmotique en fonction du pH de l’électrolyte avec un FEO plus élevé à pH alcalin qu’à pH acide. En effet, plus le pH est acide, plus la quantité de groupements silanols protonés augmente, réduisant ainsi la densité de charge à la surface et par conséquent la mobilité électroosmotique mesurée est plus faible. Il est également possible de masquer les groupements silanols par un revêtement de surface, modifiant ainsi la densité

49 de charge de surface et donc la mobilité électroosmotique. L’utilisation du polymère epoxy‐poly‐ (dimethylacrylamide) (Epdma) neutre montre une forte diminution de la mobilité électroosmotique sur une large gamme de pH (3-9).

Figure 14 : Evolution de la mobilité électroosmotique en fonction du pH dans une puce en verre native ou

traitée avec l’Epdma 82

L’électromigration

L’électromigration est un phénomène qui résulte du déplacement d’une espèce chargée lorsqu’elle est soumise à un champ électrique. La vitesse électrophorétique dépend du champ électrique et de la mobilité électrophorétique de l’ion selon l’équation (4) :

V

ep

= µ

ep

. E

(4)

Avec Vep : la vitesse électrophorétique (m.s−1), µep : la mobilité électrophorétique (m2.V−1. s−1). La mobilité électrophorétique d’une espèce chargée dans un milieu donné dépend non seulement de la force ionique et des propriétés physico-chimiques de l’électrolyte mais surtout de sa charge électrique et de son rayon hydrodynamique à dilution infinie selon l’équation (5) :

µ

ep

=

6π.r.q (5)

Avec q : la charge électrique (C), et r : le rayon de Stokes (m).

Si l’analyte présente des propriétés acido-basiques, son degré d’ionisation et donc sa mobilité électrophorétique seront influencés par le pH. Une molécule cationique est attirée vers la cathode avec une mobilité électrophorétique positive alors qu’une molécule anionique est attirée vers l’anode

50 avec une mobilité électrophorétique négative. Une molécule de charge neutre a une µep nulle et ne peut migrer que grâce au FEO.

b. Limitations

Malgré l’efficacité élevée des séparations en EC, il demeure toujours des phénomènes de dispersion se traduisant par l’élargissement des pics qui limitent ses performances. Ces dispersions peuvent être liées à la diffusion longitudinale, l’effet Joule, les phénomènes d’adsorption sur la paroi du capillaire, l’injection et la différence de conductivité entre l’électrolyte et l’échantillon. Les phénomènes d’adsorption à la surface et l’effet Joule sont particulièrement néfastes pour l’analyse de macromolécules (protéines et peptides).

Effet Joule

Le nombre de plateaux théoriques (N) est utilisé pour estimer l’efficacité d’une séparation selon l’équation (6) :

N =

µapp.E.Leff2.D (6)

Avec Leff : la longueur effective de séparation (m) et D : le coefficient de diffusion du composé d’intérêt (m2 · s−1).

En théorie, un champ électrique élevé permet d’obtenir des séparations rapides et efficaces, le nombre de plateaux théoriques étant proportionnel au champ électrique. Mais en réalité, le nombre de plateaux théoriques atteint souvent un seuil optimal puis diminue quand le champ électrique est trop élevé. Ceci est assimilé à l’effet Joule. En fait, le passage du courant dans le capillaire (sous action du champ électrique) induit un échauffement de l’électrolyte par effet Joule. Aussi, l’application d’un champ électrique élevé induit une augmentation importante de la température. Or, le coefficient de diffusion des analytes augmente avec la température, ce qui diminue l’efficacité selon l’équation 6. Par ailleurs, la viscosité et la permittivité électrique d’un électrolyte diminuent avec l’élévation de la température alors que le potentiel zêta augmente 83. Ceci modifie les mobilités électroosmotiques selon l’équation (3) et électrophorétiques selon l’équation (5) et par conséquent cela modifie le profil de vitesse ce qui induit une perte d’efficacité. De plus, la conductivité de l’électrolyte, inversement proportionnelle à la viscosité, augmente avec la température, ce qui accroît cette perte de performances. Des courants liquidiens de convection peuvent également apparaître et conduire à la formation de bulles et à l’évaporation de l’électrolyte si l’effet Joule est trop important. En outre, le transfert de chaleur vers

51 l’extérieur capillaire induit une température plus élevée au centre qu’aux bords, ce qui entraine la création d’un gradient radial de température, de profil parabolique. Une augmentation des phénomènes de dispersion et une réduction de l’efficacité des séparations sont alors observées 84.

En pratique, pour réguler ce phénomène, les analyses doivent être effectuées avec des systèmes de refroidissement permettant de contrôler la température du capillaire. Pour minimiser l’effet Joule, plusieurs stratégies peuvent être utilisées. La diminution du diamètre interne des capillaires permet de dissiper plus efficacement la chaleur. Des électrolytes de faible conductivité peuvent être conseillés.

Ce phénomène a été également observé dans les systèmes miniaturisés. Une méthode de contrôle de la température avec un indicateur tel que la Rhodamine B dont la fluorescence dépend de la température du milieu, a permis de mettre en évidence le gradient de température généré par l’effet joule à l’intérieur des canaux microfluidiques en acrylique 85. Sur la figure 15, un diagramme de couleur correspondant au gradient de température dans les canaux du microsystème est obtenu après l’application d’une tension élevée pendant quelques secondes. Un gradient de température de du centre (70°C) vers les extrémités (40°C) du système a été observé. Ceci reste relativement complexe à mettre en œuvre. Une façon simple est de tracer le courant en fonction du champ électrique appliqué. Dès que l’évolution montre un écart à la linéarité, on considère que le champ électrique appliqué est alors trop important. La chaleur dissipée par effet Joule n’est plus négligeable dans ce cas. Bien qu’il ait été montré que la dissipation de chaleur dans un microsystème en verre non réfrigéré est comparable à celle d’un capillaire thermostaté 84, ceci n’est pas forcément vrai dans le cas des systèmes en plastiques. Ainsi, l’efficacité de dissipation de la chaleur va aussi dépendre du matériel utilisé. Néanmoins, la plupart des systèmes en puces ne possèdent pas de systèmes réfrigérés, l’échauffement du canal peut être compensé par l’utilisation d’électrolytes de faible conductivité, de canaux de faibles diamètres internes ou de plus grande longueur, ou encore en abaissant les tensions appliquées 83.

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Figure 15: Schéma d’un micro-canal (a) et images de la distribution de température (b-f) prises après 0.2,