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CHAPITRE 1 : DISPERSION, EXPANSION, SÉRIATIONS

II. Néo-victorianisme et panfictionnisme : expansion

II. 2. Systèmes médiatiques et adaptogénie

Quelle est la place de l’adaptation au sein des variations médiatiques ou médiales ? La saisie du cinéma, comme médium et comme média, dans un système médiatique désormais redéfini, est en constante évolution. Il convient d’abord de revenir brièvement

193 Philippe Marion, « Narratologie médiatique et médiagenie des récits », Recherches en Communication n° 7, 1997, p.

69.

sur la (ou les) distinction(s) entre « médium » et « média », dans le but de préciser ce à quoi, pour notre part, nous nous référons et dans quelles affiliations sémantiques. En général, on entend par « médium » tout ce qui a trait à ses propriétés expressives, signifiantes et souvent irréductibles. Lorsque W.J.T Mitchell insiste sur le fait que le médium n’est pas entre l’émetteur et le récepteur, mais qu’il les constitue ; il fait bien porter l’accent sur les propriétés dudit médium qui fondent la communication, et avec elle, les positions mêmes des émetteurs et récepteurs. Le mantra de McLuhan « the

medium is the message » constitue l’une des origines de cette association que nous

percevons intuitivement entre médium et sémiotique195. Dans cette étude, c’est surtout en termes de passage d’un médium à un autre (en l’occurrence, le médium textuel au médium filmique) que nous nous exprimerons, étant entendu que nous nous intéressons avant tout à la manière dont ces migrations bousculent, accomplissent, modifient la signification.

Le terme de « médias » renvoie quant à lui à un système de communication plus institutionnalisé, qu’il s’agisse de l’industrie hollywoodienne, de la presse, la téléphonie, etc. Un média suppose une forme de communication, de pratiques discursives mais aussi un certain nombre d’acteurs. Dans cette étude, nous parlerons ponctuellement de changements de médias, surtout lorsqu’il s’agira de désigner des phénomènes à grande échelle ou d’une manière très générale, par exemple les changements de médias que le phénomène Star Wars ou celui du néo-victorianisme peuvent concerner ; dans ces deux cas, l’ampleur de la diversité des modes d’engagement du public et l’échelle à laquelle celui-ci peut être affecté par ces phénomènes culturels font que d’instinct, nous nous situons dans une posture en-deçà des variations de médium — sur lesquelles il conviendrait de se pencher aussi, mais qui ne sont pas notre objet — pour considérer la puissance et la convergence des différents médias impliqués. Si l’on envisage l’aНaptation sous l’angle de la pratique transmédiale, il apparaît que chez beaucoup de théoriciens, un médium est par essence la reconfiguration Н’un autre médium. Ces

195 A ce propos, il faut noter que les termes à la mode comme intermédialité ou transmédialité ont supplanté les termes

comme intersémioticité ou transsémioticité, peut-шtre Н’ailleurs jamais vraiment emploвés (Pour Sémir BaНir, le terme « intersémiotique » est « sous-employé »). Pourtant, il ne va pas forcément de soi de n’interroger que les Мhangements de médium et de média, par rapport à une réflexion à mener sur les changements de code sémiotique. Sémir Badir, « Les intersémiotiques », Estudos semióticos, vol. 9, 1, 2013, pp.1-12.

reconfigurations sont mues par deux impératifs, celle de l’imméНiateté et de l’hвperméНiateté :

This oscillation (between immediacy and hypermediacy) is the key to understanding how a medium refashions its predecesoors and other contemporary media. Although each medium promises to reform its predecessors by offering a more immediate or authentic experience, the promise of reform inevitably leads us to become aware of the new medium as a medium. Thus, immediacy tends to hypermediacy.196

Cependant, il s’agit d’envisager davantage ces remédiations dans la perspective d’un réseau de médias, organisés en affiliations : « Dans une socioculture donnée, à une époque donnée, les médias se répondent, échangent, dialoguent ou…se heurtent d’une façon singulière. […] Ils constituent un système ou, plutôt, s’organisent en système. »197 Le cinéma a bien sa place dans un système médiatique donné, lequel a évolué et qui connaît à l’heure actuelle une situation d’irréversibilité :

De nombreux signes semblent indiquer que l’action du numérique au sein du système médiatique génère une rétroaction « explosive » ne serait-ce que par son omniprésence. […] La digitalisation généralisée, à laquelle nous assistons en ce début de millénaire, correspondrait ainsi à ce que les médiologues appellent, à la suite de Pierre Lévy, un climat d’irréversibilité. Une fois celui-ci dépassé, il est impossible de revenir en arrière.198

Mais l’incertitude provient également de la centralisation des médias, de leur concentration aux mains de quelques groupes de production et de diffusion culturels, acteurs de consortiums technologiques et culturels qui détiennent la plupart des fictions, informations, canaux et messages de divertissement et de contenus. La « culture de la convergence » décrite par Henry Jenkins199, désigne ce système médiatique actuel fait d’une collusion des médias : les consommateurs de fiction sont devenus des « chasseurs » de leurs histoires préférées. Il semble dès lors difficile de savoir quelle position occupe l’adaptation au sein de cette médiasphère particulière, étant tantôt du côté de la convergence, tantôt témoignant d’un apport aux œuvres et à la fiction pensé sous une forme de lutte et d’appropriation.

196 Jay David Bolter et Richard Grusin, Remediation: Understanding New Media, The MIT Press, 1999, p.19. 197 André Gaudrault et Philippe Marion, La fin du cinéma ? op.cit., p.64.

198 Ibid, p.65.

Mais le terme d’adaptation désigne aussi toujours une pratique déclarée, celle de mise en film de textes, lequel peut aussi être décrit par une approche systémique. Telle est l’approche de Patrick Cattrysse200, qui s’inspire des théories de la traduction de l’école de Tel-Aviv pour décrire un ensemble de normes positives ou négatives qui affectent des corpus littéraires adaptés au cinéma : avec la nécessité d’établir un schème comparatif, cette approche rompt avec l’ « orthodoxie de l’original » ; en s’orientant plutôt sur la cible, (target), elle envisage les pratiques d’adaptation comme autant de dynamismes centraux ou périphériques, donc subversifs ou conservateurs. Il s’agit bien d’un système parce qu’il prend en compte un certain nombre de « bains » culturels dans lesquels les films sont reçus et présentés : campagnes de distribution, de promotions, discours et publications périphériques.

Plus banalement, l’adaptation revient à s’associer, voire à se confondre, avec les mécanismes dont nous usons pour envisager un certain nombre de transferts culturels diachroniques entre littérature et cinéma. Ainsi, dans Adaptation Revisited, Sarah Cardwell interroge-t-elle la pertinence du concept d’adaptation lorsqu’il s’agit, comme nous l’avons vu avec l’exemple du néo-victorianisme, d’archétypes génériques : « To an extent, all generic texts ‘re-write, re-view, re-activate and re-configure’ »201. La logique de séries, de corpus, de systèmes pour englober l’adaptation semble pertinente pour correspondre à chaque sens que recouvre le terme : soit comme séries fictionnelles, soit comme systèmes médiatiques.

C’est bien l’iНée avancée par Francesco Casetti : la notion même Н’identité

médiatique perd son sens, les spécificités se dissolvent et se reconfigurent sans arrêt.

Mais ceci n’entraîne pas, pour lui, la fin du cinéma, mais plutôt son éclatement dans de multiples domaines, pratiques de spectateur ou plateformes, ce qui permet paradoxalement sa perpétuation : « on the one hand, cinema is re-articulated in several

200Patrick Cattrysse, Pour unО tСéorТО dО Х’adaptatТon ПТХmТquО, Berne, Peter Lang, 1992.

201 Sarah Cardwell, Adaptation Revisited, Television and the Classic Novel, Manchester University Press, PalGrave,

fields, too different from each other to be kept together. On the other hand, these fields are ready to be re-absorbed into broader and more encompassing domains. »202

C’est ainsi que dans l’essai The Lumière Galaxy, le cinéma est perçu comme relocalisé (« relocation »)203 ; son éclatement est finalement ce qui lui permet une certaine survie, par évolution et ajustements. A titre d’exemple, l’expérience spectatorielle contemporaine ne se fait bien souvent ni par identité, ni par radicalité de la perte, mais par contacts et similitudes avec l’expérience traditionnelle de la salle de cinémas. Francesco Casetti donne l’exemple suivant : je regarde un film de cinéma dans l’avion, j’ai, face à moi, un « objet de cinéma » mais je perds l’environnement de la salle, alors qu’au contraire, un opéra filmé ou une série regardée sur mon home cinema reproduisent certaines conditions de la salle de cinéma, alors que je regarde des objets non cinématographiques204. Les modalités de l’expérience cinématographique et les films se trouvent ainsi dans des positions instables, mais dans des interactions multipliées. Les sept « mots-clés »205 qui définissent le cinéma d’aujourd’hui, pour Francesco Casetti sont : relocation (relocalisation du cinéma sur d’autres appareils et supports),

relics/icon (l’expérience cinématographique d’objets non filmiques, et les films regardés

selon des modalités d’expérience non cinématographique); assemblage et expansion (le cinéma s’intensifie par sa vocation de grand spectacle, tout en récupérant les images « pauvres », caméras de surveillance et téléphone portable, pour formuler une critique de la manière dont les autres médias présentent le monde transformé en pur simulacre),

hypertropie (la complexification des espaces de visionnage, non plus des hétérotopies

mais des hypertropies), display (la logique d’affichage), performance (les changements profonds du régime scopique).

Ces sept mots s’opposent radicalement à tout ce qui nourrissait jusqu’alors la réflexion sur l’appareil cinématographique : les notions de spécificité, de dispositif,

202 Francesco Casetti, « Theory, Post-theory, Neo-theories: Changes in Discourses, Changes in Objects » in Cinémas : revue d'études cinématographiques / Cinémas: Journal of Film Studies, vol. 17, n°2-3, 2007, p. 36.

203 Francesco Casetti, The Lumière Galaxy, op.cit., pp.17-66. 204 Ibid., p.8.

d’appareil de base. On voit donc que dans la réflexion médiatique du cinéma, de même que pour ce qui est de la fiction, c’est une pensée que Philippe Marion et André Gaudrault appellent « sérialo-centrée », qui considère que la remise en question du cinéma est plutôt une source de « redéploiement dynamique » pour appréhender un média dans son « étoilement vital »206.

Dès lors, puisque les médiums et médias eux-mêmes s’étendent et se dispersent, l’adaptation comme pratique ne peut représenter une ligne parfaitement droite et univoque, tracée entre deux points fixes (le texte, le film), mais doit se penser dans ses constellations. L’adaptation est, en premier lieu, dépendante d’un réseau de médiums. Elle est une pratique singulière dans des systèmes où diverses pratiques sont inter-reliées. Si l’adaptation signifie qu’il y a changement de médium — du verbal au filmique, du filmique au jeu vidéo — le changement de « média » peut s’opérer selon d’autres modalités. L’adaptation fait partie de ce qu’on appelle l’intermédialité ; elle suppose une pensée de la transformation et une prise en compte, au-delà de celle du médium, en termes de systèmes — signifiants et communicationnels. Cependant, elle peut recouvrir une partie plus grande que ce qu’on lui attribue généralement au sein de l’intermédialité, pour en venir à désigner des phénomènes possédant une prise dans le temps et qui se fonde sur une relation de palimpseste : aussi épais que celui-ci puisse apparaître, gratter les diverses couches doit pouvoir faire apparaître une origine, même si celle-ci est plus ou moins perceptible après l’épreuve du temps. Dès lors, elle fait plutôt figure de pratique

transmédiale ou transmédiatique.

L’adaptation est ensuite une relation de passage, de mutation ou de migration de

storyworlds qui se laisse envisager dans ses procédés de transferts culturels et politiques,

parfois au sens de « mise à jour » selon le contexte à la fois médiatique, cuturel, historique, social. Ceci nous met en présence d’une certaine dimension biopolitique et culturelle, qui s’appuie en réalité sur une conception très plastique des médiums et des médias qui, tout en façonnant les récits et notre manière de les appréhender, n’en sont pas

206 André Gaudrault et Philippe Marion, La fin du cinéma ?, op.cit., p.214. La thèse des deux auteurs tient cependant à

Мe que Мette pensée n’est pas neuve, et que l’iНentité Нu Мinéma n’a jamais en réalité été que Нéfinie par un Мertain construМtivisme. Les méНias s’organisent toujours en séries Мulturelles, et М’est le fait Н’isoler une iНentité méНiatique, par suite de décisions souvent institutionnelles, qui créent le média.

moins non déterminés. Certains récits, comme certaines idées, survivent aux médiums, trouvant de nouveaux terrains d’acclimatation, des milieux plus favorables que d’autres, s’épanouissant ou disparaissant d’une manière analogue au sémantisme des sciences de la vie : « Sometimes, like biology, adaptation, cultural adaptation involves migration to favorable conditions : stories travel to different cultures and different media. In short, stories adapt just as they are adapted. »207

Dans leur ouvrage qui envisage de renouveler la narratologie dans une perspective qui embrasse les possibilités intermédiales, Marie-Laure Ryan et Jan Noel Thon emploient le terme de storyworld car il permet une approche consciente des variations médiatiques (medium-conscious approach)208, distincte également des mondes fictionnels de Thomas Pavel, Lubomír Doležel, en ce qu’il peut aussi concerner des éléments factuels.

Si les médias sont crédités du pouvoir de façonner les idées, d’élaborer une construction complexe des faits sociaux et des opinions, c’est en grande partie par cette faculté, selon Marie-Laure Ryan, de pourvoir à la transmission des récits, lesquels nous affectent et nous conditionnent. Dépassant cependant cette conception classique, elle ne se satisfait pas d’une définition du récit comme enchaînement de faits, car c’est toute l’interrelation entre les récits « fictionnels », les représentations et les interactions sociales qui fournit un modèle de symbiose directe et remet en cause cette idée. C’est ici le récit qui est placé au centre de cette convergence des médias : ce sont leurs migrations à travers différents médias qui peuvent révéler quelque chose de la narrativité, mais aussi des médias eux-mêmes.

Le terme de « story », dès lors, se révèle insuffisant pour décrire la perméabilité des passages entre médias de spectacle et médias interactifs, franchises commerciales pour un récit, fandoms et autres modes qui détournent des composantes d’un même récit

207 Linda Hutcheon, A Theory of Adaptation, op. cit, p.31.

208 « Thinking of storyworlds as representations that transcend media not only expands the scope of narratology beyond

its “native” territorв of language-based narrative (native both because language was among the first media in which stories were told and because classical narratology was developed primarily with literary fiction in mind) but also provides a much-needed center of convergence and point of comparison to media studies. », Marie-Laure Ryan et Jan Noel Thon, « Introduction» in Narrative Across Media, op.cit., p.2.

sans toutefois le rejouer dans son enchaînement d’action. Le concept de storyworld est ainsi avancé pour capter ce type de représentations mentales spécifiques qu’un récit doit susciter pour être défini comme récit :

David Herman describes narratives as « blueprints for a specific mode of world-creation, but it would be more appropriate to say « world imagination », for while the author creates the storyworld through the production of signs, it is the reader, spectator, listener, or player who uses the blueprint of a finished text to construct a mental image of this world.209

Le concept se nourrit ainsi des apports des travaux analytiques ou cognitivistes de Thomas Pavel, Lubomír Doležel, Paul Werth et Richard Gerrig, prenant surtout acte de leurs diverses façons de montrer que parmi la quantité de textes qui existent, certains seulement ont la capacité de créer un monde dans lequel le lecteur peut se projeter. Comme les mondes possibles ou le chronotope de Bakhtine, les storyworlds se déroulent dans le temps et créent des changements d’état à l’intérieur de leur monde. Dotés d’existants, de lois physiques, d’évènements mentaux, les « récits-mondes » ne sont pas, selon les deux auteurs, une manière de participer à l’inflation terminologique qui prétendrait de surcroît supplanter les autres notions. Le terme ne remplace pas celui de « monde possible », d’hétérocosme ou de chronotrope, car chacun met l’accent sur un aspect bien particulier de la question. Le terme de « récit-monde » est l’occasion de faire déborder la dichotomie entre la notion de récit et celle de monde vers leurs relations mutuelles, selon les médias qui les accueillent. Un récit peut contenir des éléments qui se détachent et se rattachent en fonction du médium vers lesquels ils migrent. On peut ainsi distinguer classiquement des éléments intra ou extra-diégétiques, mais aussi qui peuvent être internes au monde (world internal) et externes au monde (world external) : or, en passant du texte au film et vice versa, ces rapports d’inclusion ou d’exclusion peuvent changer.

Ces rapports sont, par exemple, particulièrement significatifs en ce qui concerne l’agencement entre texte et dessin dans une œuvre donnée. Dans un roman illustré, des illustrations peuvent fonctionner comme paratextes pour l’œuvre littéraire – ne possèdant pas de continuité ontologique avec son récit, mais éventuellement avec son univers, décor ou personnage– mais peuvent se trouvent intégrées dans le récit filmique qui en est tiré,

de manière intra-diégétique. C’est, on le verra, ce qui se produit dans l’adaptation par Wojciech Has des récits de Bruno Schulz. Un des objectifs de ce terme est de désigner les relations entre ces mondes transmédiatiques, à quels niveaux révèlent-ils certains critères de ressemblance, d’appartenance mutuelle ou d’exclusion.

Une catégorie similaire intervient pour penser le rapport de la fiction au médium : le concept de « médiagénie » avancé par Philippe Marion, qui est l’interpénétration intense (une fusion) d’un médium avec un projet expressif. Ce concept dégage ainsi ce que les médias autorisent et ce qu’ils favorisent :

Toute forme de représentation implique une négociation avec la force d'inertie propre au système d'expression choisi. Cette opacité du matériau expressif constitue une contrainte pour que s'épanouisse la transparence relative de la représentation. Il en va de même pour les narrations médiatiques : le récit s'épanouit au diapason de l'interaction de la médiativité et de la narrativité. Mais il est des rencontres plus intenses que d'autres. Chaque projet narratif peut donc être considéré dans sa médiagénie. Les récits les plus médiagéniques semblent en effet avoir la possibilité de se réaliser de manière optimale en choisissant le partenaire médiatique qui leur convient le mieux et en négociant intensément leur "mise en intrigue" avec tous les dispositifs internes à ce média.210

On peut, dès lors, partir de ce concept de médiagénie (ce qu’un médium « fait mieux que les autres ») pour avancer, comme le fait Philippe Marion, l’idée d’« adaptogénie », à savoir le versant mobile, nomade d’un genre. Ce terme désigne ainsi ce qui, dans un genre, migre particulièrement bien dans un autre médium. Philippe Marion a ainsi récemment tenté de définir l’adaptogénie comme la faculté adaptative d’un genre ou d’un texte, prenant exemple sur le reportage, en voyant comment celui-ci migre vers la bande dessinée211. La médiagénie s’accroche aux spécificités d’un médium :

Pourquoi certains récits se montrent-ils si rétifs à l’adaptation ? Pourquoi semblent-ils s’accrocher ainsi à leur site d’origine ? Comment filmer, sans en trahir l’esprit et la teneur, l’incipit de la Recherche du temps perdu : “Longtemps, je me suis couché de bonne heure” ? […] Chaque projet narratif peut donc être considéré dans sa médiagénie. Les récits les plus médiagéniques semblent en effet avoir la possibilité de se réaliser de manière optimale en choisissant le partenaire médiatique qui leur convient le mieux et en négociant intensement leur “mise en intrigue” avec

210 Philippe Marion, « Narratologie médiatique et médiagenie des récits », art.cit., p. 86.