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CHAPITRE 2 : LE CINÉMA ET L’IMAGINAIRE

I. Le dispositif et l’écran réflecteur

I. 4. Flux et segmentation

Le montage dans toutes ses discordances est à même de séduire par sa capacité à mettre en relief les apories de la mémoire. Il peut faire jouer la fragmentation, les lignes brisées,

340 Alain Robbe-Grillet, « Sur quelques notions périmées », texte de 1957 repris dans Pour un nouveau roman, Paris,

Minuit, 1963, p.31.

la polyphonie du temps pour exprimer les durées subjectives, le débordement des identités, la non-linéarité de la mémoire.

Nous nous penchons ici sur deux exemples a propri contradictoires, en regardant ce qu’ils disent du rapport de l’image mouvante à la pensée, à l’expérience du temps et la mémoire. Le premier exemple est celui du montage de la discontinuité dans La guerre est

finie d’Alain Resnais (1966), cinéaste connu pour avoir fait un usage très personnel du

montage dans ses films des années 1960 : le montage est associé, dans ses films, à des agencements de la mémoire. Là où le plan long et le montage alterné signifiaient des superpositions de souvenirs avec le présent dans Hiroshima mon amour (1959) et une composition très disjonctive entre la figure du travelling contrariée par des plans saccadés — les objets laissés par les morts, les différents types d’architectures des camps, montrés sur un ton ironique — dans Nuit et Brouillard (1955), c’est dans des moments d’emballement narratifs, surtout donnés par l’anticipation, que le montage apporte le plus de signification dans La guerre est finie.

On se penche donc ici sur les opérateurs de discontinuité que sont les séquences très accélérées de flash-forwards et les flashes mentaux du protagoniste. Nous avons également choisi ce film par la possibilité de le situer dans la perspective d’une écriture, celle de Jorge Semprùn. Il semble en effet pertinent de pouvoir mesurer la manière dont le montage discontinu était déjà amené par l’écriture littéraire ou non — car il s’agit bien d’une écriture littéraire, faite pour le cinéma — mais aussi de situer la poétique de montage du film dans l’œuvre, aussi bien celle d’Alain Resnais, que de celle de Jorge Semprùn. En effet, une figure quasi fantastique de première importance dans la présente étude hante le film d’Alain Resnais et toute l’œuvre de Jorge Semprun, celle du double.

Le

deuxième exemple, en contrepoint, est celui d’une forme cinématographique : le plan-séquence, pris dans les débats et critiques, qui est également une figure traversant la filmographie de Wojciech Has. A priori antithèse d’une poétique du faux raccord, le plan-séquence témoigne d’une esthétique du flux.

I. 4. 1. Montage disruptif : identité(s), mémoire

Nous nous intéressons ici à une figure, celle du double, qui passe par le montage d’un cinéaste, Alain Resnais, tout en se nourrissant de l’œuvre littéraire du scénariste, Jorge Semprùn. Le montage est analogique à la mémoire, celle du protagoniste Diego, mais par détours, il fait le lien avec toute une œuvre cinématographique et toute une œuvre littéraire. Ce montage disruptif est donc un facteur de correspondance entre un corpus littéraire et un corpus cinématographique, lesquels sont liés au départ non pas par l’adaptation, mais par l’écriture scénaristique. C’est par la mise en série des identités que cette conjonction entre l’auteur et le cinéaste est créée.

Dans La guerre est finie, ces séries tournent autour des différentes identités du protagoniste incarné par Yves Montand, puisqu’il s’agit pour partie d’un film d’espionnage. Yves Montand incarne Diego, un cadre du Parti Communiste Espagnol exilé en France depuis l’arrivée de Franco au pouvoir. Il revient tout juste d’une mission clandestine en Espagne, où il a voyagé sous le faux nom de René Sallanches, un inconnu ami de la cause espagnole à qui il a emprunté son passeport. La mission a été dangereuse et il revient à Paris avec peu d’espoir sur les perspectives de la lutte. Il essaye de retrouver son camarade Juan pour l’empêcher de partir en mission, car il a peur que celui- ci ne se fasse arrêter en Espagne, mais il est déjà parti. Diego va donc rendre son passeport à René Sallanches, qui n’est pas chez lui, mais il rencontre la fille de ce dernier, Nadine (Geneviève Bujold). Puis, il retrouve sa compagne, Marianne (Ingrid Thulin). Lors de son compte-rendu de mission aux camarades du Parti, il est sommé de faire son auto-critique, on lui reproche son pessimisme à l’égard d’un mot d’ordre de grève générale donné en Espagne, auquel Diego ne croit pas du tout. Il est aussi décidé qu’un autre camarade, Ramon (Jean Bouise), ira à Barcelone pour tenter de rattraper Juan. Privé de mission, Diego rencontre des amis de Nadine, maoïstes qui prônent une action violente, ce dont Diego essaye de les dissuader. A la fin, il peut finalement partir en Espagne, sans savoir que c’est un piège : le film s’achève à la frontière, sur la certitude que Diego va être arrêté s’il la franchit, alors que Nadine a essayé de l’empêcher de partir.

Les identités clandestines sont créées par systèmes d’échos, onomastiques ou visuels : Diego est aussi appelé Domingo, Carlos, René Sallanches. Le nom de Mora fait référence au nom de la mère de Jorge Semprùn, lequel a lui-même été connu dans la clandestinité sous le nom de Federico Sanchez342. Mais il y a toujours, à l’horizon, la place du « mort », le double ou l’alter ego réel dont on prend la place. Les identités multiples font partie du même réseau signifiant qui s’articule autour du double, figure puissante dans toute l’œuvre de Semprùn. Du copain de Sémur dans Le Grand Voyage à François L. dans Le mort qu’il faut, le thème de la camaraderie intervient toujours sur fond de rédemption-damnation343. Le double ultime, au sens de reflet mortel, qui vient avec la même charge de culpabilité et d’amitié morte, c’est dans le film le personnage de Ramon, celui qu’on n’attendait pas. Le narrateur, en voice over, prophétise ainsi qu’il ne faudra que vivre « dans l’ombre de Ramon ». La polyphonie repose aussi sur une volonté de montrer la diversité des sensibilités de gauche de l’époque.

Mais c’est aussi à la cinématographique de Resnais que cette fragmentation des identités fait écho. Le montage d’Alain Resnais avec Hiroshima mon amour (1959) ou La

guerre est finie (1966) créée des polyphonies énonciatives qui reproduisent la

superposition de la durée immédiate et celle du souvenir (Hiroshima mon amour) ou de l’anticipation (La guerre est finie). Les faux raccords, sauts de pellicule ou contrepoints entre son et image, sont autant de procédés employés pour perturber la linéarité du récit. Le montage créé des séries signifiantes qui se percutent, se juxtaposent et se rencontrent de multiples manières.

Lorsque Diego Mora révèle à la jeune Nadine que « lorsqu’[il] entend son vrai nom, [il] sursaute », un enchaînement de sauts de pellicule intervient (Figures 1 et 2). Celui-ci fait anticiper de quelques minutes ce qui va se passer entre lui et cette jeune femme, mais réalise aussi autant plusieurs flashbacks très rapides (Figures 3 et 4). L’utilisation récurrente de prolepses, ou flash-forwards, vient non seulement souligner la non-linéarité de la mémoire, mais surtout marquer les soubresauts qui agitent le

342 Jorge Semprùn, Autobiographie de Federico Sanchez, Claude et Carmen Durand (trad.), Paris, Points, 1996. 343 Jorge Semprùn, Le Grand Voyage, Paris, Gallimard, coll. « Blanche », 1963 ; LО mort qu’ТХ Пaut, Paris, Gallimard,

continuum d’images et de mots de nos existences, et la difficulté de vivre les choses tout

en leur donnant du sens au moment présent. On peut parler d’un récit filmique qui bifurque, fait d’images qui se renvoient les unes aux autres dans une logique de télescopage, et ce dans une manière qui fait à la fois digresser, différer le récit, mais qui en même temps le nourrit, lui amène de nouveaux horizons par une multitude de nouveaux récits potentiels.344

Plusieurs séquences manifestent la désarticulation de la mémoire, surtout celles dans lesquelles apparaissent des plans qui se succèdent, très rapidement, de jeunes filles, filmées de dos. Le scénario indique :

Un bref instant, il quitte les Jude, cet appartement d’Hendaye, ces objets banalement rassurants : des tasses, une cafetière, un appareil de télévision. Devant le regard de son imagination —sa mémoire ? — passent des silhouettes, des visages, de jeunes filles, au Quartier latin. Images rapides, où parfois les visages, les corps de ces filles sont flous, mais les endroits très précis : une librairie, où elles choisissent des livres, sérieuses ; un café, où elles parlent, rieuses. Parfois, au contraire, les lieux sont imprécis et les visages, les corps, d’une très grande netteté.345

La mémoire est assimilée à l’imagination, la condensation des éléments et l’association des objets hétérogènes s’apparentent à la logique du rêve. Mais ce n’est pas toujours le scénario de Jorge Semprùn qui indique quand doivent intervenir ces moments de disjonction. À l’évocation du personnage d’Antoine, rien de spécial n’apparaît dans le scénario si ce n’est qu’il est simplement évoqué par Diego et Jude dans le dialogue346. Mais le montage du film fait affleurer l’image d’Antoine, le fait advenir dans le même genre de saut d’images rapides. La vision d’Antoine prenant le train s’apparente aussi bien à la temporalité du rêve qu’à celle du souvenir et de l’anticipation.

Une longue séquence de ces « images mentales », ainsi que les désigne le scénario, intervient juste après le départ de Diego, dans le train. Des images en saut

344 Ainsi que le remarque Maria Angelica Semilla Duran à propos de L’AutobТoРrapСТО dО ŻОdОrТco SancСОг, l’éМriture

de Semprùn est parcellaire, à ligne brisée, et souvent un récit ouvre la voie à un deuxième, puis un troisième prend le relais, mais tous trois « planent sur l’espaМe narratif », et projettent le récit principal vers de nouveaux horizons. Elle évoque plus loin une logique Н’arrшt sur image, qui « fige aussi bien la séquence des faits que la succession des jours ». Angelica Semilla Duran, Le masque et le masqué : Jorge Semprun et les abîmes de la mémoire, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2005, p.29.

345 Jorge Semprun, La guerre est finie, scénario du film d'Alain Resnais, Paris, Gallimard, 1966, p.27. 346 « JUDE : Antoine doit déjà être à la gare », Ibid., p.29.

juxtaposées de femmes descendant le même escalier, des anticipations de son arrivée à Paris, avec des retrouvailles et des réunions…le scénario indique ainsi :

La même sorte d’images mentales qui, ce matin déjà, l’ont envahi, à l’arrêt avant le poste- frontière. Mais, à présent, comme ces images ne s’imposent pas à lui, qu’il les choisit, en quelque sorte, elles sont plus structurées, plus ordonnées, dans un déroulement temporel et logique plus lisible. En fait, il se joue à lui-même, dans le petit cinéma personnel de son imagination, les scènes prévisibles de son arrivée à Paris.347

Semprùn associe le montage aux flux de la conscience : les mouvements de la pensée sont captés, matérialisés par le retour et l’anticipation. Voir, « mais avec silence et avec un mouvement légèrement plus lent » : telles sont les indications du scénario pour donner une charge d’irréalité à ces images, qu’on pourrait presque qualifier en termes deleuziens d’« image-cristal », c’est-à-dire l’actualisation d’une image virtuelle348.

Un jeu complexe sur les personnes grammaticales est également à l’œuvre, là encore tout comme dans toute l’œuvre de Jorge Semprùn, en particulier dans

Autobiographie de Federico Sanchez349 : le jeu entre je et tu s’instaure dans certains

moments de voix off ou over, émanant de la voix du « narrateur ».350 Ce « tu » provient aussi bien de l’œuvre de Semprùn que de la cinématographie d’Alain Resnais, par exemple du prologue d’Hiroshima mon amour (« tu n’as rien vu à Hiroshima… »).

Le panoramique final à 380 degrés de La guerre est finie révèle à la fois la mort certaine de Diego, en même temps qu’une figure potentiellement signifiante à l’intérieur même de tout le film (Figure 5). La guerre est finie est une boucle bouclée, un destin oraculaire — le protagoniste, en voulant empêcher le camarade de se faire prendre, est

347 Ibid, p.37.

348L’image-cristal est une image directe du temps. Le cinéma cherche toujours des circuits, qui tirent une « image

actuelle à des images-souvenir, des images-rêve, des images-monde. » […] L’image-cristal est le plus petit des circuits, qui fonМtionne Мomme limite intérieure Нe tous les autres, et qui aММole l’image aМtuelle р une sorte Нe Нouble immédiat, symétrique, consécutif ou même simultané ». Gilles Deleuze, CТnéma II. L’ImaРО-temps, Paris, Éditions de Minuit, 1985, p. 92.

349 Voire Angelica Semilla Duran, op.cit., pp. 34-50.

350 La toute première séquence du film, celle du passage de la frontière, fait intervenir sa voix qui s’aНresse р lui-même

à la deuxième personne. « Tu es passé, tu regardes la colline du Biriatou, tu retrouves la sensation un peu fade, légчrement angoissante Нu passage…tu as roulé toute la nuit, ta bouМhe est НesséМhée par la manque Нe sommeil, la fumée du tabac, tu franchis cette frontière une nouvelle fois dans la lumière frissonnante du petit matin, le soleil se lève Нerriчre toi, sur les hauteurs Н’źliгonНo. » Jorge Semprùn, La guerre est finie, Scénario du film d'Alain Resnais, op.cit., p.11. Plus tard, ce « tu » devient une intériorisation des accusations, du procès intenté à Diego par les camarades.

pris lui-même. Mais à l’intérieur de ce cercle, il y a des figures bifurcatoires données par ces séquences de flashs : la possibilité de conjurer cette répétition des morts des doubles et des alter ego, motif obsédant dans l’œuvre autobiographique de Semprùn, et aussi une logique compensatoire, dans une dimension autobiographique actualisant plus le

graphein (l’écriture) que le bios, puisque pour l’auteur, il faut choisir (L’écriture ou la vie351). L’un des deux a été choisi par Diego, la vie, et c’est bien pour cela qu’il va mourir à la fin ; mais au détour d’un dialogue l’autre voie est suggérée :

- Qu’est-ce que vous faites dans la vie ? demande Nadine, appart ça. –Rien d’autre. – Depuis longtemps ? - Depuis toujours. – Et encore avant ? – C’est loin, mais je crois que je voulais écrire, comme tout le monde352.

Le montage d’Alain Resnais apparaît comme un « montage par correspondances »353 trouvant dans ses formes disruptives une motivation contingente, dont le signifié est à chercher au-delà des évènements de la diégèse. Ces séquences exacerbent l’aspect d’arrachage au flux temporel, en insistant sur les rythmes, répétitions et ruptures plutôt que sur un enchaînement causal et linéaire des faits. Une poétique du raccord semble ici réaliser la possibilité qu’a le montage de capter certains mouvements de la conscience et de les re-projeter sur l’écran par télescopage. La prégnance de la forme disruptive, la non- congruence entre la voix et ce qui est montré, ainsi que – d’une manière générale – l’attrait de la coupe réalisent, enfin, le temps et le mouvement bergsoniens, cette « apparente discontinuité de la vie psychologique [qui] tient donc à ce que notre attention se fixe sur elle par une série d’actes discontinus ; où il n’y a qu’une pente douce, nous croyons apercevoir, en suivant la ligne brisée de nos actes, les marches d’un escalier354. »

Forme qui met en jeu l’expression d’une rencontre entre deux auteurs, ce montage actualise une ressemblance entre une fragmentation des identités littéraires ; mais il réalise aussi la continuité d’une œuvre cinématographique, marquée par un jeu sur le

351 Jorge Semprùn, L’écrТturО ou Хa vТО, Paris, Gallimard, coll. « Blanche », 1994. 352 Jorge Semprùn, La guerre est finie, Scénario du film d'Alain Resnais, op.cit., pp. 74-75.

353 Le montage par МorresponНanМes est un montage propre р la vision Н’un Мinéaste, ni narratif ni НialeМtique,

supposant souvent un jeu avec le temps qui devient a-chronologique. Voir Vincent Amiel, Esthétique du montage, Paris, Armand Colin, coll. « Cinéma », 2006, pp.78-80.

temps et la mémoire que L’Année dernière à Marienbad (1961) par exemple, exacerbe jusqu’à son plus haut point.

I. 4. 2. Plans longs et montage du flux : expérience de l’espace et du réel

Pourtant, dans l’après-guerre d’autres cinéastes aspirent à une esthétique aux antipodes de ce montage disruptif de La guerre est finie : cette aspiration tourne autour de l’effacement de la coupe, par une esthétique de la durée et de la lenteur - ce dont témoignent le néoréalisme et l’esthétique de réalité prônée par André Bazin. Le plan long, le plan- séquence et les tentatives de faire des films en un seul plan sont autant de figures de ce désir de continuité.

Le plan-séquence renvoie à un filmage d’une traite, c’est-à-dire que l’action est filmée par un seul plan, lequel étant entendu comme le temps filmique qui s’écoule entre le moment auquel on met l’enregistrement en marche et celui où on l’arrête. Le plan- séquence possède la plupart du temps pour caractéristique d’engager une réflexion, d’obliger le spectateur à scruter l’image ou bien encore à forcer ce regard, que la forme se réalise dans une ouverture (Twelve Angry Men de Sidney Lumet, 1957, A Clockworld

Orange de Stanley Kubrick, 1971) ou dans une clôture (Le Miroir d’Andreï Tarkovski,

1975). Selon André Bazin, cette attention particulière nous fait ainsi entrer dans l’ambiguïté du réel, ou plutôt le plan unique et la profondeur de champ engagent le spectateur dans un rapport plus intellectuel à la réalité, en « embrass[ant] la totalité de l’évènement » et en « fai[sant] passer dans l’écran la continuité vraie de la réalité355».

L’intention créatrice de faire un film en un seul plan — fantasme hitchcockien presqu’accompli avec The Rope/La Corde (1948), et depuis concrétisé par l’avènement du cinéma numérique avec L’Arche Russe d’Aleksandre Sokourov (2002) puis Victoria de Sebastian Schipper(2015,) est de la même manière peu lisible de manière uniforme chez tous les cinéastes. Ce que soulève le plan-séquence est surtout la question de l’unité du plan.

C’est la question de la durée qui est en jeu avec le plan-séquence, d’une manière formellement opposée, mais qui possède aussi des recoupements avec les formes de plans courts chez Resnais. Nous préférons ici l’emploi de « plan long » à celui de « plan- séquence », d’abord parce que le terme de plan-séquence est paradoxalement trop technique et pas assez précis — il repose sur l’idée du moment entre le démarrage de la caméra et son arrêt, ce qui exclue certaines séquences des films de Wojciech Has, par exemple, où en réalité, plusieurs coupes sont effectuées. Et en même temps, le terme ne recouvre pas la notion de durée, ici fondamentale : le terme de « long takes » fait mieux sentir l’enjeu temporel au cœur de ce type de scènes. C’est bien, selon nous, la raison pour laquelle Deleuze, tout en parlant du plan-séquence dans le premier chapitre de

L’image-mouvement, n’emploie jamais aucun terme de la sorte, qui viendrait fixer trop

fermement ce à quoi on fait référence. Le plan long, dans ce moment de l’ouvrage de Deleuze356, fait explicitement référence à un certain type de procédés, comme ceux produits par les caméras embarquées sur des voitures357.

Ce que Deleuze souligne aussi, c’est l’hypothèse d’une intégration du montage dans le plan long, tout en soulignant la capacité du montage à produire ce type de moments. Ceci rejoint l’analyse d’André Bazin du documentaire Nanouk (Nanook of the