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CHAPITRE 3 : FANTASTIQUE, FIGURES, LECTURE

II. Le fantastique : opérateur, figures, visibilité

II.1. Phantasia et phasein : dispositifs « cinéfantographiques »

Adjectif devenu substantif, le fantastique entretient étymologiquement un lien avec l’image ; l’adjectif fantastikos désignant la capacité à former des images, des représentations. Le mot est lui-même dérivé du verbe phasein, qui désigne donc une phase active. Manifestation littéraire ou artistique d’un certain mode cognitif, le fantastique en viendrait à désigner un produit reconnaissable de l’imagination. « Art de l’hallucination », le fantastique posséderait également cette capacité de révélation du réel, justement par ses excentricités, signe d’une inaptitude à appréhender le quotidien sous ses formes originales. Cette excentricité du fantastique se retrouve dans les débuts du cinéma, que Georges Méliès a pu tout de suite exploiter ; le désir de l’ailleurs, de l’extra-terrestre, usant des ressources de ce nouvel art pour prolonger ce que les spectacles, la magie pouvaient offrir. Il ne s’agit pas, dans le cas présent, de refaire l’histoire de l’adaptation cinématographique, en montrant comme le fantastique a particulièrement bien migré vers le cinéma. Il s’agit plutôt de montrer que le fantastique possède, dans ses fondements même, des particularités génériques, structurelles, esthétiques qui en font l’art d’un paradoxe de la visibilité et du transfert entre différentes manières d’exprimer le réel (codes sémiotiques) et différents dispositifs technologiques (médiums).

La définition de Tzvetan Todorov du fantastique en est pourtant assez éloignée : elle est aristotélicienne, classificatoire, poursuivant aussi l’idée fondamentale du fantastique comme « rupture » ou irruption que l’on retrouve chez les théoriciens « classiques » du fantastique, Roger Caillois487, Pierre-Georges Castex488, Louis Vax489.

487 « Le fantastique suppose la solidité du monde réel, mais pour mieux la ravager », Roger Caillois, « Préface à Х’AntСoХoРТО du ПantastТquО, op.cТt., p.10.

488 Le fantastique se caractérise par « une intrusion brutale du mystère dans le cadre de la vie réelle », Pierre-Georges

Mais, comme le rappelle Jean-Louis Backès490, nombreuses sont les définitions du fantastique qui se contentent de pointer vers la figure tutélaire d’E.T.A. Hoffmann. On saisit le fantastique comme la somme de ses contes, de la Stimmung (l’atmosphère) qu’ils ont développée, des commentateurs d’Hoffmann et de ses imitateurs. Si l’on suit cette logique, loin s’en faut de tomber dans le seul registre de l’histoire littéraire. Au contraire, il convient d’élargir la base définitoire pour comprendre les mécanismes d’attraction du fantastique.

Max Milner a ainsi ouvert la voie pour penser le fantastique comme indissociable d’un imaginaire de l’optique, depuis les grandes recherches sur l’optique entreprises à partir du XVIIIème, jusqu’aux spectacles de fantasmagorie très populaires au XIXème siècle. Les romantiques allemands, dont Goethe ou Novalis, utilisent la métaphore optique comme expression d’une activité créatrice. Presque tous les instruments d’optique de son temps figurent chez Hoffmann, de la camera obscura jusqu’au kaléidoscope491. Par la présence insistante de ces instruments dans le récit, il y a signalement de la coupure et de la continuité entre un imaginaire, sans cesse sollicité par le désir, et le réel qui s’inscrit en faux contre cette sollicitation. Cela peut être — et il convient de souligner la force de ce « peut-être » selon Max Milner — dû à une vue de l’homme trop bornée pour percevoir, d’ordinaire, l’intimité de l’être ou l’ordre caché du monde492.

Le fantastique est un produit historique d’une certaine appréciation de la vue : « le fantastique n’est pas dans l’objet, mais dans l’œil » selon l’expression d’Ernest Hello493.

489 Le fantastique nous montre « Нes hommes Мomme nous, plaМés souНain en présenМe Нe l’inexpliМable », Louis Vax, La séductТon dО Х’étranРО Ś étudО sur Хa ХТttératurО ПantastТquО, Paris, Presses universitaires de France, 1965, p.88. 490 Jean-Louis Backès, « Le mot ‘fantastique’ », site Vox Poetica, en ligne : http://www.vox-

poetica.com/sflgc/biblio/backes.html

491 Max Milner analyse ainsi la présence des objets optiques chez Hoffmann (la lorgnette dans « Le marchand de

sable », le miroir de Théodore dans « La Maison déserte », les lunettes de Celiomati dans « Princesse Brambilla ». Voir Max Milner, La ПantasmaРorТО, źssaТ sur Х’optТquО ПantastТquО, Paris, Presses universitaires de France, 1982.

492 Sur l’optique et la littérature, voir Tony James, Dream, Creativity and Madness in 19th century France, Clarendon

Press, 1996.

Il s’agit toujours ici de ne pas opposer réel et imaginaire ou de réassigner une fonction de pure hypostase à l’image, devenue un prolongement de la réalité. Cette idée rejoint les analyses de Siegfried Kracauer, pour qui le cinéma est « rédemption de la réalité physique », et qui opère dans son essai fondateur494, une lecture de Proust comme théoricien du cinéma, essentiellement sous l’angle d’une pensée de la distanciation (estrangement) et du gros plan : Proust, selon Kracauer, établit une relation entre approche photographique et aliénation495. En décomposant le réel, les films permettent de voir différemment la réalité, ainsi que les angles morts de l’esprit (the « blind spots of the

mind »496). On se souvient également, de la fameuse théorie des écrans d’Emile Zola :

Tout œuvre d’art est comme une fenêtre ouverte sur la création ; il y a, enchâssé dans l’embrasement de la fenêtre, une sorte d’écran transparent, à travers lequel on aperçoit les objets plus ou moins déformés, souffrant des changements plus ou moins sensibles dans leurs lignes et leurs couleurs. Ces changements tiennent à la nature de l’écran. On n’a plus la création exacte et réelle, mais la création modifiée par le milieu où passe son image. […] L’écran classique est une belle feuille de talc très pure et d’un grain fin et solide, d’une blancheur laiteuse. […] L’écran romantique est une glace sans tain, claire, bien qu’un peu trouble en certains endroit, et colorée des sept nuances de l’arc-en-ciel. […] L’écran réaliste est un simple verre à vitre, très mince, et qui a la prétention d’être si parfaitement transparent que les images le traversent et se reproduisent ensuite dans toute leur réalité.497

L’écran fantastique s’oppose à l’écran réaliste. Au-delà de la métaphore, Charles Grivel étend ainsi à la machine, au dispositif, ce qu’il attribuait au pouvoir de l’œil :

Le fantastique est un effet de l’écran. Cet écran est d’abord dans les yeux de qui regarde. Il est ensuite projection mentale sur un voile brillant, un tissu tendu en face de la vue, tandis que le corps au repos du spectateur demeure plongé dans l’ombre. […] Cet écran peut être une toile (avec renforcement du cadre), un livre (avec sa découpe en doubles pages), n’importe quelle vapeur ou nuée (là où les dieux surgissent), pourvu qu’elle réfracte498.

494 Siegfried Kracauer, Theory of Film: The Redemption of Physical Reality, Princeton University Press, 1960. 495 Siegfried Kracauer, Theory of Film, op.cit., p.16.

496 Ibid., p. 53.

497 źmile Zola, Lettre a Antony Valabregue du 18 août 1864, in Correspondance, edition établie par Bard H. Bakker,

vol. 1, Montreal/Paris, Les Presses de l’Universite de Montreal/źditions du CNRS, 1978, p.378.

On reconnaîtra alors ce qui peut être appelé le « dispositif » cinématographique, dont l’affinité avec le fantastique a été surtout analysée par Jean-Louis Leutrat dans Vie des

fantômes, surtout en ce qui concerne les thématiques du double, du fantôme et des

revenants. La duplication est au cœur du principe d’enregistrement et de projection, car « le cinéma est le seul art à même de manifester visiblement du réel en tant qu’autre499». La figure de la toile, de la surface ou du quadrilatère de lumière est présente dans l’idée de réfraction et d’analogie entre la page et l’écran, dont les processus doubles de projection et de réfraction nourrissent cette idée intermédiale d’une relation sujet-objet typiquement fantastique.

Mais c’est aussi au niveau du dispositif filmique que nous évoquions dans le chapitre précédent, c’est-à-dire au niveau du corps du spectateur dans la salle de cinéma, que le fantastique trouve une origine scopique, à tel point qu’on a pu dire que le cinéma fantastique était une formule pléonastique500. Ainsi, Raymond Bellour, sans toutefois recourir à des notions génériques, analyse dans Hypnoses, Corps, Animalités, la fonction primitive et originaire de la relation du spectateur à l’écran : corps avachi, passif, proche d’un état régressif. Le régime de visibilité que le cinéma suscite est ainsi à rapprocher d’une forme d’hallucination, d’hypnose, et bien sûr, de rêve501. C’est bien tout le propos du Signifiant imaginaire de Metz que de souligner une structuration similaire entre l’inconscient et le cinéma, reposant sur une productivité en images – jusqu’au travail du rêve :

Pourtant, le flux filmique ressemble davantage au flux onirique que ne lui ressemblent d’autres produits de la veille. Il est reçu, nous l’avons dit, dans un état de moindre vigilance. Son signifiant propre (les images sonores et en mouvement) lui confère une certaine affinité avec le rêve) car il coïncide d’emblée avec le signifiant onirique par l’un de ses traits majeurs, l’expression « imagée », l’aptitude à la figurabilité, selon le terme de Freud.502

499 Jean-Louis Leutrat, Vie des fantômes, op.cit., p.42

500 Gérard Lenne, Histoire du cinéma fantastique, Paris, Seghers, 1989, cité par Jean Fabre, Le Miroir de sorcière, p.

284.

501 Raymond Bellour, Le corps du cinéma. Hypnoses, émotions, animalités, op.cit. 502 Christian Metz, Le Signifiant imaginaire, op.cit., p.153.

Par les facultés imageantes du Phasein, et l’analogie du dispositif filmique avec la production d’images mentales, le fantastique se conçoit dans une relation essentielle à l’image. Ceci se manifeste également dans la structure fantasmatique du désir qui nourrit le fantastique, par un avènement de régies de la présence-absence, ainsi qu’une fonction syntaxique, puisque le fantastique comme le dispositif filmique interrogent la différence entre sujet et objet.

Tout d’abord, il y a, bien sûr, la possibilité - et nous l’avons déjà esquissé en parlant du rêve et de l’hypnose - de parler de pulsion scopique d’ordre du désir. C’est à coup sûr l’un des grands régimes d’images que véhicule le fantastique. Nombreux sont ainsi les travaux qui ont étudié le rapport du fantastique à la structuration du désir, à commencer par Freud dans son analyse de « Der Sandmann » (« L’homme au sable »)503.

La pulsion de visibilité fait également partie inhérente de l’eros lui-même, comme le rappelle Camille Dumoulié : le fantastique ne faisant qu’exprimer littéralement ce que Lacan disait de la relation amoureuse ; à savoir que je ne désire jamais l’autre que comme objet, jamais comme sujet504. Cette syntaxe amoureuse trouve alors son apogée dans les figures fantastiques d’amour pour un objet ou encore dans toutes les distorsions du désir. Deuxièmement, les images fantastiques comme cinématographiques se présentent comme catégories du vrai et du faux, de la lumière et de l’obscurité, comme un jeu infini et spectral sur l’apparition et la disparition. Il ne s’agit pas d’une vue du désir, mais d’une vue du vrai et du faux, questionnant les limites de l’expérience et du sensible comme accès à la vérité, puisque le fantastique met en présence la persistance d’une « réalité impensable et pourtant là »505.

Si Charles Grivel, Max Milner ou d’autres se refusent à définir le fantastique comme ce qui n’existe pas, il n’en est pas moins vrai que le fantastique comme le cinéma interrogent tous deux les conditions de visibilité de ce qui n’a pas de référence dans le

503 Sigmund Freud, L’ТnquТétant ПamТХТОr, suivi du Marchand de sable (E.T.A. Hoffmann), Paris, Petite Bibliothèque

Payot, 2011

504 Jacques Lacan, Séminaire VIII, Le transfert, Paris, Éditions du Seuil, 1991, p.174-175, cité par Camille Dumoulié, Cet obscur objet de désir, op.cit., p.13.

505 Gwenhaël Ponnau et Roger Bozzetto, article « Fantastique », in Dictionnaire universel des littératures, Presses

réel. Mais ce refus dit bien le paradoxe de l’effet profond que ces figures sans forme fixe peuvent créer, comme le dit Burke :

[…] how much the notions of ghosts and goblins, of which none can form clear ideas, affect minds which give credit to the popular tales concerning such sorts of beings.506

La figure du fantôme pose ainsi particulièrement cette question d’apparition, de la persistance d’une image sans fondement réel. Ainsi que le formule Stéphane Rongier, le fantôme au cinéma appelle à une définition du corps507. D’abord le corps de la représentation (mise en scène, narration, figuration), ainsi que le corps du cinéma, puisqu’ « il en est du fantastique comme du cinéma ; apparaître-disparaître508». Le cinéma est d’essence spectrale.

Enfin, une autre modalité du visible des régimes d’images fantastiques réside dans sa faculté à poser un questionnement sur la différence entre soi et le monde, le sujet et l’objet. Le stade du miroir, en psychanalyse, établit la séparation entre la mère et l’enfant. Or, l’image fantastique tourne peu ou prou autour d’une médiation problématique entre le moi et les autres, parce que la rupture de l’ordre symbolique est consommée. Le cinéma, on l’a vu avec les théories de Christian Metz et de Jean-Louis Baudry, entraîne le spectateur vers un bain de sensations qui annule la séparation entre le moi et l’extérieur du monde.

Bref, « l’imagicité » du fantastique réside surtout dans sa capacité à convoquer le cinéma – et dans celle à capter l’imagination et le rapport du sujet aux images :

Le lien du littéraire au cinématographique n’est pas dans la ‘spectacularisation’ d’un potentiel visuel ‘contenu’ dans le texte littéraire, mais au contraire dans la mise en jeu complexe, grâce aux puissances expressives et cognitives des dispositifs audiovisuels eux-mêmes, de la relation du sujet au monde via les images — et ici, plus particulièrement, via l’imagination elle-même — qui taraude tout aussi bien la littérature.509

506 Edmund Burke, On the Sublime and Beautiful, The works of Edmund Burke, édition établie par W. King et F.

Laurence, p.121.

507 Stéphane Rongier, Théorie des fantômes, op.cit., p. 156.

508 Jean-Louis Leutrat, L'Autre visible, Paris, Klincksieck, 1998, p. 18.

509 Guillaume Soulez, « La Нéfaite Нe MéphistoMéliчs ou les Нegrés Нe l’imagination Нans Faust de Murnau » in Jean-

Les points que l’on a abordés ne sont pas exclusifs au fantastique ; l’image comme fantasme, l’image comme présence-absence et la mise en crise de la mimésis ont été le produit d’intenses échanges entre littérature et cinéma en général. Cependant, un certain « désir d’images » et une école du regard cinématographique, dans la littérature contemporaine nourrie de cinéma, pourrait tout à fait avouer de profondes affinités avec ce qu’historiquement, le fantastique a pu développer : notion d’estrangement, images de l’absence, structures fantasmatiques et revenance. C’est pourquoi, sans doute, retrouve-t- on tant de formulations critiques communes à la critique du fantastique et à la critique littéraire de la modernité en général.

II.1. 2. Cinéma et modernité : dispositifs « hanthologiques »

Une philosophie de l’image moderne, une pensée du visible littéraire écarte définitivement la nécessité d’évènements surnaturels, de créatures fantastiques et de monstres, mais elle en garde certains accents poéticiens. Ainsi de l’« inéluctabilité du visible » de James Joyce, (« Ineluctable modality of the visible »510) qui exprime dans

Ulysse ce paradoxe qui veut que l’acte de voir repose sur une scission entre ce qui nous

regarde en même temps que ce que nous voyons. Comme l’analyse Georges Didi- Huberman, cette modalité du visible est inéluctable, en étant vouée à une question ontologique : c’est « sentir quelque chose nous échapper, autrement dit : quand voir c’est perdre. Tout est là511. »

Cette modalité traverse toute l’histoire du visible, se retrouve dans toutes les tentatives de donner forme au paradoxe qui la constitue512, depuis les théologiens médiévaux qui tentent de séparer l’image du vestigum — le vestige, la trace, la ruine — tout ce qui est autour de nous et portant la trace de la ressemblance perdue de l’homme

510 « Ineluctable modality of the visible: at least that if no more, thought through my eyes. » James Joyce, Ulysses,

édition établie par Hans Walter, New York, Gabler, 1986, « Proteus ».

511 Georges Didi-Huberman, Ce que nous voyons, ce qui nous regarde, Paris, Éditions de Minuit, coll. « Critique »,

p.14.

512 « C’est-à-Нire que Мette moНalité a une histoire toujours anaМhronique, toujours ‘р rebrousse-poil’, pour parler aveМ

avec Dieu et la chute originelle, jusqu’aux avant-gardes américaines des années 1960 et 1970, comme Jasper Johns voulant créer « un objet qui parle de la perte, de la destruction, de la disparition des objets513».

Le fantastique et la modernité sont liés, là encore, par la figure du fantôme, selon quatre voies d’accès que résume Raphaëlle Guidée514. D’abord, par les problèmes de transmission, d’héritage que la figure du fantôme souligne, là où notre modernité s’expose au retour sans fin d’un passé infiniment révolu, dont elle ne peut néanmoins faire le deuil »515. Il s’agit d’une crise de l’histoire, un présentisme complexe qui repose sur un changement de « régime d’historicité », pour employer l’expression de François Hartog516.

La deuxième voie est celle de l’apparition et du développement des techniques d’enregistrement, de la radio au cinéma, en passant par la photographie. Une nouvelle pensée du deuil et de la revenance se développe, par exemple avec La Chambre claire de Roland Barthes. La troisième pensée qui associe modernité et fantômes a trait à la hantise amenée par les catastrophes, guerres et totalitarismes du XXème siècle : après la première guerre mondiale, Paul Valéry écrit que « l’Hamlet européen regarde des millions de spectres517». Enfin, c’est un trait souvent avancé à propos de la modernité ; une perte de repères, une absence de contours la qualifie, elle n’est qu’un concept temporel abstrait et sans contenance.

A propos de la troisième voie évoquée précédemment, celle des dispositifs d’enregistrement, on peut se demander si, en effaçant désormais les traces de cet enregistrement, le cinéma contemporain ne sortirait pas de cette spectralité. En se situant sur le double plan de la création et de celui du spectateur, c’est-à-dire dans la manière de

513 Cité par Ibid., p.15.

514 Raphaëlle Guidée, « La modernité hantée » in Otrante : Arts et littératures fantastiques n°25, Hanthologies : les fantômes et la modernité, Printemps 2009, pp. 9-19.

515 Ibid., p.12.

516 François Hartog, Régimes d’historicité, Présentisme et expérience du temps, Paris, Éditions du Seuil, coll. « La

librairie du XXIème siècle », 2003.

percevoir l’étrangeté des images cinématographiques montrant des êtres et des créatures sans référent dans le réel, on peut se demander si le lien organique entre le dispositif cinématographique et le fantastique est toujours opérant.

La réflexion sur le numérique change la manière de considérer l’image et le visible, qui ne sont plus considérés que des données capturées par algorithmes. Dès lors, c’est potentiellement toute image qui est fantastique, étrange. L’image cinématographique est un indice, c’est la fameuse image-empreinte d’André Bazin, poursuivant l’idée, très occidentale depuis Platon, que l’image est une hypostase : elle est

image de quelque chose – et peut ainsi faire accéder à une vérité. Mais si le processus de

captation de l’image ne fait fondamentalement plus la différence entre une image générée par ordinateur (CGI) et une prise de vue réelle, ne peut-on pas établir que l’image n’est plus qu’une virtualité parmi d’autres et abolit les catégories- même de référence et de surnaturel d’une part - et d’étrangeté ressentie par le spectateur d’autre part ? C’est la capacité du fantastique à désigner ce qui n’existe pas qui devient problématique parce que la distinction entre l’image mimétique et l’image non-mimétique se complique avec le numérique. Or, c’est bien ce qui semble régner dans la théorie du fantastique :