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Chapitre 2 Outils spectroscopiques et chimiométriques au service

1 Spectroscopie Raman

1.2 Système de mesure Raman

Il existe un grand nombre d’applications du principe de diffusion Raman et ainsi, autant d’appareillages associés. Dans ce travail de recherche, nous nous limiterons à l’utilisation de la spectrométrie Raman conventionnelle, mettant en jeu une source excitatrice, des fibres optiques et un monochromateur permettant de traiter le signal de diffusion Raman et un détecteur pour l’acquisition des spectres.

1.2.1 Source excitatrice

Afin d’observer convenablement le phénomène de diffusion Raman, il est nécessaire d’avoir une source excitatrice suffisamment intense. Ainsi, les lasers, délivrant un faisceau monochromatique intense, sont généralement utilisés en tant que sources dans les

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dispositifs actuels. Ce sont les lasers à gaz qui sont majoritairement utilisés pour le grand nombre de longueurs d’onde disponibles. Les premiers datent des années 1960, durant lesquels A. Javan développe le premier laser Hélium-Néon [50], permettant de libérer un faisceau de 15 mW à 1153 nm. Aujourd’hui, la transition la plus utilisée est celle à 633 nm pour des puissances allant de 1 à 100 mW. D’autres lasers à gaz mettent en jeu des particules ionisées tels que Kr+ ou Ag+, permettant d’obtenir différentes longueurs d’onde selon le type de gaz mis en jeu. Ces lasers permettent notamment d’obtenir des faisceaux puissants de l’ordre de la vingtaine de Watts. Cependant, la puissante alimentation de ces sources requiert un refroidissement continu généralement effectué à l’aide d’eau ou d’air, ce qui rend leur utilisation contraignante.

Les sources dites solides tendent aujourd’hui à prendre une place importante dans la fabrication de spectromètres. Bien qu’elles n’offrent pas une gamme de longueurs d’onde aussi riche que les lasers à gaz, ces sources présentent de meilleurs rendements. Le laser Nd-YAG [51] (acronyme de Neodymium-doped Yttrium Aluminium Garnet signifiant grenat d’yttrium-aluminium dopé au néodyme) permet de travailler sur les longueurs d’onde 1064 nm (infrarouge) et 532 nm (visible, vert). Les lasers titane:saphir ont été présentés plus tard, en 1982 [52], et comportent un cristal de saphir dopé aux ions titane pour milieu amplificateur. Généralement doublés d’une autre source, ces lasers sont réglables entre 650 nm et 1100 nm et permettent de générer des impulsions de l’ordre de quelques femtosecondes, ce qui les rend très utilisés en recherche, notamment pour des expériences spectroscopiques résolues en temps. Toutefois dans l’industrie, les dispositifs Raman présentent généralement des sources solides mettant en jeu des diodes laser émettant à une seule longueur d’onde. Au cours de ces travaux de recherche, c’est une diode laser émettant à 785 nm, pour une puissance maximale de 400 mW, qui est mise en jeu. En effet, en travaillant à cette longueur d’onde, la potentielle fluorescence des échantillons1 est grandement réduite, tout en procurant un signal Raman suffisamment intense pour être mesuré. Cependant, l’émission des diodes laser est moins directionnelle que les autres sources, ce qui nécessitera la présence d’une lentille ou d’autres composants optiques pour focaliser le faisceau émis. Dans ces travaux de recherche, nous acquerrons le signal Raman à l’aide de sondes à immersion mettant en jeu des fibres optiques pour guider le signal excitateur jusqu’à l’échantillon analysé (section 1.2.3 Sonde à immersion).

1 Les cultures de cellules présentent une forte tendance à la fluorescence à cause du matériel biologique principalement constitué de composants organiques.

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1.2.2 Spectromètre Raman

Suite à l’excitation de l’échantillon, le signal diffusé par l’échantillon est conduit à travers le spectromètre jusqu’au détecteur pour l’acquisition des spectres. Le dispositif du spectromètre dépend principalement du type de détecteur employé. Lorsque le détecteur est monocanal, à savoir un détecteur acquérant chaque fréquence spectrale séparément, le spectromètre est constitué d’un réseau de diffraction rotatif permettant de faire défiler les faisceaux préférentiellement face au détecteur. Chaque élément du spectre est alors acquis indépendamment. Toutefois, ce sont principalement des détecteurs multicanaux qui sont actuellement utilisés dans les dispositifs Raman, permettant ainsi d’acquérir toutes les fréquences du signal diffusé simultanément. Il s’agit de détecteurs type CCD

(Charge-Coupled Device) [53,54] ou barrettes de photodiodes. Les spectromètres comportent alors un réseau de diffraction fixe précédé d’un système de traitement du faisceau diffusé par l’échantillon, ce qui est notamment le cas des microspectromètres utilisant un microscope (Figure 2.3).

Figure 2.3 Représentation schématique d'un microspectromètre Raman.

Suite à l’excitation de l’échantillon, les rayons diffusés sont orientés d’abord vers un ou plusieurs filtres coupe-bandes pour bloquer les signaux de diffusion Rayleigh. Il peut s’agir de filtres dits « Notch » (provenant de l’anglais, to notch : entailler, enchocher) ou bien de filtres « Edge », séparant plus efficacement la bande Rayleigh. Le faisceau passe ensuite généralement par un trou confocal permettant de gérer le volume de travail en faisant varier le diamètre du trou. Un jeu de miroirs entraîne ensuite le faisceau sur un réseau de diffraction ayant pour but de séparer les rayons de différentes fréquences issus de la diffusion Raman. Ces rayons diffractés sont orientés vers le détecteur multicanal pour la mesure de l’intensité des différentes fréquences. Un traitement informatique des informations acquises par le détecteur permet alors de représenter le spectre Raman sous forme d’intensité des signaux en fonction des fréquences relatives à la source excitatrice.

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En plus du traitement des rayons diffusés par l’échantillon, l’acquisition d’un spectre Raman dépend d’autres paramètres, dont notamment le temps d’acquisition composé du temps d’exposition multiplié par le nombre d’accumulations (nous parlerons également de

scans) effectuées. Le temps d’exposition est la durée pendant laquelle le détecteur sera exposé à la diffusion Raman. Plus le détecteur est exposé, plus l’intensité spectrale sera élevée car plus de photons auront été détectés. Toutefois, il faut noter que les détecteurs CCD présentent un niveau de saturation correspondant au maximum de photons pouvant venir frapper la région photoactive du détecteur. La qualité spectrale peut également être améliorée en accumulant le nombre de scans Raman. En effet, les spectres possèdent un certain niveau de bruit, phénomène aléatoire lors de l’acquisition. En moyennant plusieurs

scans, il est alors possible de réduire ce phénomène aléatoire. Numériquement parlant, le rapport signal sur bruit (ou SNR pour Signal to Noise Ratio), mettant en jeu l’intensité des signaux et le niveau de bruit, est augmenté d’un facteur √𝑛, avec 𝑛 le nombre de scans moyennés pour obtenir le spectre final. Le temps d’acquisition total d’un spectre Raman est donc la composition du temps d’exposition et du nombre de répétitions, ou scans, effectué.

Dans le cas d’un mircospectromètre Raman (Figure 2.3), l’échantillon à mesurer est disposé sur une lame. Le faisceau incident est focalisé sur l’échantillon à l’aide d’un microscope optique, permettant ainsi de travailler à échelle microscopique avec une résolution spatiale de l’ordre du micromètre. Équipée d’une platine XY mobile, il est alors possible de quadriller l’échantillon et d’acquérir un spectre Raman par pixel afin de cartographier celui-ci. Des images de bactéries, de cellules ou encore des agrandissements d’échantillons macroscopiques sont alors accessibles. De plus, sans prendre en compte la platine, il est tout à fait possible de disposer des échantillons liquides sous le microscope pour simplement acquérir des spectres Raman des liquides étudiés. Néanmoins, dans le cas des cultures cellulaires présentées dans le Chapitre 1, un autre type d’appareil de mesure a été développé.

1.2.3 Sonde à immersion

Dans le cadre des cultures cellulaires, il est possible de prélever un échantillon du bioréacteur afin de pouvoir réaliser un spectre Raman représentatif de la culture. Cependant, le fait de réaliser un prélèvement expose le système de culture à l’environnement extérieur, ce qui accroit le risque de contamination de la culture par un agent externe. De plus, suite aux recommandations PAT de la FDA (Chapitre 1, section 4.3 Enjeux du Process Analytical

Technology), il est nécessaire pour les entreprises pharmaceutiques d’accéder aux informations métaboliques des cultures cellulaires en temps réel. En effet, en réalisant des prélèvements du bioréacteur, il se peut toujours que ces-derniers ne soient pas

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représentatifs de la réelle nature de l’ensemble de la culture. C’est pourquoi plusieurs travaux ont été menés afin de réaliser un nouveau type d’appareil de mesure : une sonde à immersion qui, reliée au spectromètre, permettrait d’acquérir des spectres in situ du bioréacteur de culture.

Les développements de techniques utilisant des fibres optiques pour les mesures Raman remontent à 1973 [55]. Ceci inspira par la suite la création des premières sondes de mesure basées sur les fibres optiques [56] qui permettaient de conduire la diffusion des échantillons jusqu’au spectromètre. L’avantage de cette technique était surtout de pouvoir acquérir des spectres dans différents environnements, qu’ils soient liquides ou gazeux. Les sondes furent ensuite adaptées pour les mesures in situ [57] dans des liquides ou des gaz notamment en incorporant une cellule de mesure à la sonde. Ces travaux furent entrepris en particulier pour les analyses et mesures en ligne de contaminants chimiques dans les eaux de surface, dont le suivi in situ et en temps réel est difficile à réaliser par le biais de méthodes externes [57]. Nous pouvons souligner ici le parallèle qui existe entre cette application et le suivi métabolique en ligne de cultures cellulaires.

Dans le début des années 1990, les sondes sont améliorées afin de pouvoir réaliser des mesures plus performantes de la diffusion Raman [58]. En effet, en introduisant différents composants optiques, ces sondes permettaient notamment de soustraire en partie la fluorescence induite et la diffusion Rayleigh. Les sondes furent continuellement améliorées par la suite, que ce soit le gainage de la tête de sonde [59] ou encore l’amélioration des composants optiques pour le traitement des faisceaux lumineux [60]. Le montage actuel des sondes à immersion est inspiré de système Raman pour l’analyse de gaz dans le sang [61]. Ce design, représenté Figure 2.4, permet de les insérer à travers de faibles diamètres tout en conservant un signal Raman suffisant et minimisant les effets parasites [62], ce qui est idéal pour disposer ces sondes sur les platines des bioréacteurs de culture de cellules.

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Le faisceau incident provenant de la source excitatrice traverse une fibre optique reliée au spectromètre puis est collimaté dans la tête de sonde. Un premier filtre passe-bande est employé afin de ne laisser passer que la longueur d’onde de la source excitatrice, ce qui permet notamment d’extraire toutes les sources lumineuses parasites. Toujours dans la tête de la sonde, un prisme rhomboïde est utilisé afin d’aligner le faisceau incident face à la « pointe » de la sonde, immergé dans le milieu. À noter qu’un jeu de miroir peut aussi être employé pour le même effet. La longueur de la pointe reliée à la tête de la sonde dépend du système sur lequel la sonde est disposée. À titre d’exemple, la société Kaiser Optical Systems, Inc. développe des sondes Raman disposables sur différents types de bioréacteurs de culture dont les pointes peuvent mesurer 20 cm (pour des bioréacteurs de quelques litres) ou 42 cm (pour de plus gros volumes, centaines de litres). Au bout de cette pointe, une fenêtre de saphir permet de focaliser le faisceau à quelques millimètres de distance dans le milieu immersif. La diffusion de l’échantillon remonte ensuite la pointe jusqu’à la tête de sonde. Un filtre passe-haut permet alors de conserver uniquement les longueurs d’onde diffusées au-delà d’un certain seuil. Ceci permet notamment de pouvoir extraire les signaux diffusés de même longueur d’onde que la source, à savoir la diffusion Rayleigh. Le faisceau converge finalement vers un collimateur, relié à la fibre optique qui dirigera le signal Raman vers le spectromètre.

Ainsi, l’utilisation de ces sondes permet d’acquérir les signaux Raman in situ de différents milieux. Cependant, les spectres Raman des milieux sont parfois complexes et difficiles à interpréter. Par exemple, dans le cas des cultures de cellules, un grand nombre de produits sont présents dans le milieu de culture. Le suivi des métabolites sur la seule base des spectres est alors extrêmement difficile, si ce n’est impossible. Différents outils de traitement des signaux existent pour exploiter au maximum les informations présentes dans des bases de données multivariées, comprenant notamment les jeux de données spectrales. Ainsi, en combinant ces outils statistiques et les données spectroscopiques, il est possible d’analyser et de traiter de manière performante les spectres Raman générés.