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Chapitre 2 Outils spectroscopiques et chimiométriques au service

3 État de l’art des suivis métaboliques de cultures cellulaires

3.1 Suivi spectroscopique des cultures

De nos jours, les techniques les plus employées pour le suivi spectroscopique de plusieurs paramètres de bioprocédés sont basées sur les spectroscopies NIR et Raman. Cependant, il faut tout de même noter plusieurs travaux mettant en jeu d’autres spectroscopies.

3.1.1 Spectroscopie proche infrarouge (NIR)

En 1985, J. C. Alberti [84] présenta ses travaux sur le suivi de métabolites contenus dans un mélange de culture à l’aide de la spectroscopie proche-infrarouge. Ces travaux, portant sur les cellules type Saccharomyces cerevisiae (levure de boulanger) mettaient en avant la possibilité de suivre les concentrations des métabolites (glucose, éthanol et glycérol) dans le temps. Les qualités non-destructives de la spectroscopie proche-infrarouge étaient mises en avant, mais la nécessité de réaliser des prélèvements de culture pour l’analyse spectroscopique était un frein à l’utilisation de cette technique. C’est pourquoi en 1990, A. G. Cavinato [85] proposa un système permettant d’acquérir les spectres d’une culture en reliant une fibre optique directement sur la paroi en verre d’un bioréacteur de culture. Ces travaux furent également appliqués à une culture de levure de boulanger pour le suivi de la production d’éthanol des cellules à l’aide d’un modèle de régression multilinéaire. Les propriétés non-invasives de la spectroscopie proche-infrarouge avaient une nouvelle fois été mises en avant pour le suivi de paramètres. L’étude avait ensuite été étendue à plus de paramètres, notamment le suivi de la concentration en glucose et la densité cellulaire [86]. L’application de la spectroscopie NIR fut ensuite étendue à d’autres types de cellules telles que Lactobacillus casei (contrôle de la consommation en glucose et production d’acide lactique et de biomasse) [87], Phaffia rhodozyma (suivi de la consommation en glucose et production d’acide lactique et de biomasse) [88] ou encore Sf9 (suivi des concentrations en

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glucose et glutamine) [89]. Bien que les fibres optiques aient été utilisées précédemment, ces derniers travaux font seulement état de la faisabilité de suivre les différents paramètres métaboliques et donc ne mettent pas en jeu les acquisitions in situ ou en ligne au moyen de fibres optiques. En 1999, la spectroscopie NIR est proposée pour suivre les concentrations en protéines et en ARN ainsi que la densité cellulaire sur un flux de débris cellulaires suite à la centrifugation de cellules Saccharomyces cerevisiae [90] (il s’agit ici de la phase

downstream du bioprocédé de culture).

Dans les années 2000 et l’essor de la sonde à immersion pour l’acquisition de spectres

in situ, de nombreuses études mettent en jeu ces systèmes pour les suivis métaboliques. Ainsi, suite aux travaux précédemment réalisés, les modèles nouvellement développés permettent de suivre plusieurs métabolites simultanément à l’aide de modèles de régression multivariés, généralement calculés à l’aide de la méthode PLS [91-98]. La faisabilité du suivi en ligne des métabolites n’est alors plus à démontrer.

Par la suite, les travaux de recherche autour des suivis métaboliques tendront à améliorer les modèles de régression déjà établis. C’est généralement autour de la cellule CHO, la plus utilisée dans le domaine pharmaceutique pour la production d’anticorps [99], que les investigations porteront pour l’amélioration des outils de suivis spectroscopiques. Ainsi, en 2013, M. Clavaud [100] mit en avant la nécessité de considérer un certain nombre de paramètres influençant la variabilité de l’instrumentation NIR dans la construction des modèles de régression. Il démontra alors la capacité des modèles chimiométriques à supporter certains changements de paramètres (différent type de bioréacteur, culture atypique, etc.). En 2014, B. Kozma [101] présente des travaux allant dans la même direction en induisant délibérément des variations dans les systèmes de culture afin d’imiter différents effets du milieu de culture. Toujours en 2014, M. Milligan [102] propose des modèles de régression « semi-synthétiques » mettant en jeu des spectres acquis in situ ainsi que des spectres acquis sur les prélèvements pour mesure de référence afin d’agrandir l’ensemble d’apprentissage.

3.1.2 Spectroscopie moyen infrarouge (MIR)

Bien que la spectroscopie proche-infrarouge ait un puissant potentiel pour le suivi métabolique des cultures cellulaires, d’autres techniques spectroscopiques ont été mises en jeu pour réaliser les suivis de cultures cellulaires. Le potentiel de la spectroscopie moyen-infrarouge (MIR) a ainsi été comparé à la spectroscopie NIR pour la prédiction des concentrations en acide lactique et en glucose des cellules Lactobacillus casei, ainsi que la densité cellulaire [103]. La spectroscopie MIR s’est révélée plus performante pour cette

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application. Notons qu’il s’agissait uniquement de spectres acquis sur des prélèvements de culture (off-line).

Dans le même temps, le développement de sondes à immersion ou de systèmes en ligne pour la mesure de spectres MIR, basées sur les principes des appareils de mesure à réflexion totale atténuée (ATR pour Attenuated Total Reflectance), permet dans les années 2000 de réaliser des travaux sur le suivi métabolique en temps réel des concentrations pour différents types de cellule [104-113]. En 2013, M. Sandor [114] confronte les deux techniques de suivi en ligne, NIR et MIR, dans l’étude des concentrations métaboliques et densités cellulaires de cultures CHO. Ces travaux montrent finalement que les erreurs de prédiction obtenues pour les modèles de régression PLS basés sur les concentrations métaboliques (telles que celle du glucose) et les spectres MIR sont trois fois inférieures que pour les spectres NIR. À l’inverse, la spectroscopie NIR est plus performante pour le suivi des densités cellulaires puisque les sondes ATR-MIR présentent une faible profondeur de pénétration dans le milieu de culture. Ces-dernières sont donc incapables d’acquérir des spectres permettant de mesurer directement la densité cellulaire. Les modèles pour les densités cellulaires s’appuient donc sur la corrélation entre la densité et les concentrations en glucose et lactate.

Les deux techniques spectroscopiques, MIR et NIR, permettent donc de mesurer préférentiellement certains paramètres des cultures cellulaires. Cependant, la fragilité du dispositif de mesure en ligne MIR, à savoir les sondes à immersion ayant un dispositif ATR, empêche l’utilisation des systèmes moyen-infrarouge pour le contrôle des systèmes de production, ce qui contraste avec la robustesse des sondes à immersion NIR [114].

Bien que les résultats précédents prouvent que la spectroscopie infrarouge est en mesure de réaliser un suivi métabolique des cultures de cellules, celle-ci présente un inconvénient principal lié à l’eau. En effet, les bandes caractéristiques de la molécule d’eau sont très intenses en IR, ce qui peut poser problème vis-à-vis du milieu de culture cellulaire aqueux. De ce fait, d’autres types de spectroscopie furent engagés telle que la spectroscopie de fluorescence. Un dispositif de mesure de spectres de fluorescence fut développé en 1998 [115,116] et largement utilisé pour différents suivis de culture [117-123]. Néanmoins, c’est la spectroscopie Raman qui présenta les investigations les plus poussées, proposant des sondes à immersion performantes et permettant facilement de s’affranchir des bandes dues aux molécules d’eau.

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