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Les relations de terrain nous montrent une chronologie relative entre les différents épisodes intrusifs, la tectonique et la sédimentation. Cette chronologie est illustrée dans la coupe synthé- tique simplifiée présentée en figure 3.31. Une des difficultés à ce stade de notre étude est d’une part que les unités intrusives sont composites et peuvent contenir des plutons d’âge différent, et d’autre part que la mise en évidence des grandes failles qui structurent le batholite est arrivée à la fin de notre travail de terrain, d’où des données de terrain les concernant plutôt parcellaires. Du plus ancien au plus récent nous pouvons cependant documenter la succession géologique suivante :

– le socle précambrien est l’unité la plus ancienne. Elle montre une lithologie et une his- toire complexe. Ayant enregistré une histoire géologique essentiellement protérozoïque et paléozoïque, il est probable que les roches du socle aient gardé une empreinte, au moins thermique, de l’activité méso-cénozoïque de l’arc magmatique. Le socle affleurant actuel- lement à Arequipa était initalement situé dans des niveaux plus profonds de la croûte, avant d’être recoupé par les intrusions à des niveaux moins profonds dès le Jurassique. Il a ensuite été encore exhumé par le jeu de grandes failles normales. L’histoire de son exhumation semble être un sujet de questionnement important.

– l’unité intrusive la plus ancienne semble être l’unité Mafique qui intrude le socle précam- brien. C’est en tout cas ce que montrent les données cartographiques, mais également l’histoire géologique enregistrée par sa structure interne qui est plus complexe et qui cor- respond vraisemblablement à une histoire plus longue que celle enregistrée dans les autres unités plutoniques. L’observation de déformation sub-solidus HT et déformation ductile semble indiquer que la mise en place de ces magmas a eu lieu dans un contexte tentonique actif. Nos données sont trop partielles pour définir précisément le contexte tectonique du- rant la mise en place de l’unité mais certains indices sont en accord avec un contexte extensif.

(a)

(b)

(c)

Figure 3.30 – Relation entre les formations Arcurquina, Ashua et Huanca. (a) Vue depuis le village de Huanca, on distingue

les calcaires Arcurquina relevés à gauche desquels se situe les formations rouges Ashua et Huanca (b) Affleurement de Chilcane. On identifie les calcaires Arcurquina sur lequels reposent les formations Ashua et Huanca. Le contact est tectonisé et redoublé vers le SW par une faille normale NW-SE qui pend vers le SW. (c) Schéma du contact illustré ci-dessus.

Mafique. Son pendage est vers le sud et le sud-ouest et sa cinématique est globalement nord-sud. Elle affecte à la fois l’unité Mafique et l’ensemble socle + Fm Chocolate + Fm Socosani. Elle est scellée par la mise en place de l’unité Tiabaya. Ces données placent son fonctionnement après le dépôt de la Fm Socosani et avant la mise en place de l’unité Tiabaya.

– l’unité Tiabaya est clairement intrusive dans l’unité Mafique, ainsi que dans le socle +Fm Chocolate, et elle recoupe la faille Cenicienta. Sa structure interne est magmatique et constitue vraisemblablement un enregistrement de sa mise en place.

données précises sur sa cinématique. Elle recoupe les unités Mafique et Tiabaya et semble affecter certaines intrusions de l’unité Linga dans le nord-ouest de la zone d’étude. – les unités Linga et Yarabamba : les relations mutuelles entre ces deux unités n’ont pas pu

être observées précisément sur le terrain. Le fait que l’unité Yarabamba recoupe la faille de Lluclla, qui elle même affecte l’unité Linga suggère que l’unité Yarabamba est plus jeune. Cependant, l’unité de Linga est une unité composite dont les intrusions peuvent être d’âges différents. La structure interne de ces unités est purement magmatique, et ne montre aucune trace d’interaction éventuelle avec une tectonique.

– les porphyres cuprifères et les paléovolcans marquent les évènements magmatiques les plus récents si l’on fait abstraction de l’activité oligo-miocène (Moquegua C) et de l’activité récente de l’arc. Leur position au coeur du batholite et les âges entre 62-57 Ma qui les caractérisent (Quang et al. 2003 et Cerro Verde S.A.A. proprietary data) indiquent que le batholite était en position de sub-surface dès le Paléocène.

Parallèlement à l’activité de l’arc, se déposent dans la région d’arrière-arc les formations Ashua et Huanca (couches rouges). Nous avons identifié un contact entre les bancs calcaires de la Fm Arcurquina (localement repris pour former la Fm Ayabacas) et les couches rouges qui est tectonique et doublé par une faille normale. Ces observations attestent de l’instabilité du bassin proximal durant la croissance de l’arc.

En ce qui concerne la géométrie du batholite, nous n’avons pas observé de géométrie en "cloche emboîtée" ("bell-shaped jarr") telle qu’elle a pu être décrite par Myers (1975). Les trois unités les plus récentes du batholite montrent une géométrie similaire, en plutons tabulaires de plusieurs centaines de mètres d’épaisseur chacun. La géométrie et la déformation des sédiments au contact de ces lames intrusives indiquent un mécanisme de mise en place par soulèvement des roches encaissantes.

Le faible dénivelé topographique de notre zone d’étude (entre 1500 et 2900 m) nous donne un accès limité à la dimension verticale du batholite. Les volumes relatifs des différentes unités peuvent cependant être estimées sur la base de la cartographie et de l’orientation des contacts identifiés. Sur le volume de l’unité Mafique, nous ne pouvons rien dire, car aucun de ses contacts intrusifs n’a été observé. L’unité la plus importante en terme de volume est clairement l’unité Linga. L’unité Yarabamba est plus volumineuse que l’unité Tiabaya, constituée de plutons rela- tivement circonscrits, et qui semble donc représenter l’unité de plus faible volume.

Une question majeure est celle de la signification des grandes failles normales mises en évi- dence lors de nos observations. Sont-elles l’expression d’une tectonique extensive depuis le Ju- rassique ou bien sont-elles liées à la croissance verticale du batholite ? En effet la juxtaposition actuelle de part et d’autre de la faille de Lluclla du socle et de la section sédimentaire du Juras- sique moyen, et des unités intrusives qui les recoupent, pose la question de l’âge des mouvements verticaux associés à la construction du batholite. Sont-ils synchrones ou postérieurs à l’une ou l’autre des unités et quel est le rôle de ces accidents ? Une approche structurale et géo-thermo- chronologique plus ciblée devrait permettre d’avancer sur ces questions.

Figure 3.31 Coup e syn thétique simplifiée du batholite d’Arequipa. FL : F aill e de Lluclla ; F C : F aille Cenicien ta ; F AS : F aille Aguasalada

Etude géochronologique

Etude géochronologique et

isotopique du Hafnium in situ sur

Zircon

4.1

Introduction

4.1.1 Le zircon, un minéral clé

Le zircon est un minéral ayant comme principal constituant le zirconium, c’est un orthosili- cate (ZrSiO4), composé de 67,2 wt % de ZrO2 et de 32,8 wt % SiO2. Il contient également des abondances significatives de U, Th, Hf et REE (Bea, 1996; O’hara et al., 2001; Sawka, 1988). C’est l’un des minéraux les plus utilisés en géochronologie et plus récemment en traçage iso- topique. Il n’apparaît pas dans toutes les roches crustales, en effet il est plutôt commun dans les roches intermédiaires à saturées en silice (Hoskin and Schaltegger, 2003) et peut apparaître dans les roches plus basiques. Il inclut dans son réseau plusieurs géochronomètres, basés sur la désintégration de l’Uranium (et du Thorium) en Plomb, et du Lutétium en Hafnium, utilisés également comme traceurs isotopiques. Il est aussi possible de mesurer dans les zircons les com- positions isotopiques en Oxygène, les abondances en REE et autres éléments en trace, qui sont tous autant d’indices concernant l’histoire des magmas et les roches qu’ils affectent.

Le zircon est un minéral très résistant, qui enregistre lors de ses différentes périodes de crois- sance la signature géochimique des magmas avec lequels il s’équilibre. Il la conserve au travers des différents événements magmatiques, métamorphiques et processus d’érosion qui modifient, transforme et même détruisent les autres minéraux communs. En préservant la signature géochi- mique des liquides, les zircons sont de précieux témoins des processus de mélanges magmatiques. Les relations entre la saturation en Zr, la cristallisation et la composition des liquides ont été étudiées par Watson (1979) et Watson and Harrison (1983). Ainsi dans les liquides sous-saturés en Zr, le minéral de zircon se dissout, et dans certains types de roches, comme les granites de type S, on peut trouver diverses textures de dissolution préservées, indiquant la succession de période de sous-saturation en Zr suivie par une période de saturation dans le liquide (de la Rosa et al., 2002; Zeck and Williams, 2002).

La morphologie des zircons est variable, dépendant entre autres du stade de cristallisation des magmas dans lesquels ils se forment. Ainsi dans certains magmas où le seuil de saturation en Zr n’est atteint que tardivement, les cristaux de zircon se forment de manière interstitielle entre les phases déjà cristallisées, leur conférant une forme hétéromorphe (Scoates and Chamberlain, 1995). Au sein d’une même roche, une population de zircons de même âge peuvent avoir des morphologies très variables (Hoskin and Schaltegger, 2003). Dans les roches magmatiques, leur

taille est généralement comprise entre 20 et 250 µm selon leur plus grand axe.

Les textures internes du zircon sont nombreuses et largement décrites par Corfu et al. (2003) entre autres, sur la base d’études menées en imagerie CL (Cathodoluminescence) et BSE (Back- Scattered-Electron). Ces techniques utilisent la répartition hétérogène des éléments dans la plu- part des zircons, en particulier les éléments en trace. La zonation oscillatoire, aussi appelée zonation de croissance, apparaît dans de nombreux minéraux (Shore and Fowler, 1996) et repré- sente la principale texture interne des zircons plutoniques (Benisek and Finger, 1993; Hanchar and Miller, 1993). Ces techniques permettent également de distinguer la présence de coeurs héri- tés, mis en évidence par une rupture de la structure interne du zircon et une différence chimique entre la partie héritée et la partie périphérique néo-cristallisée.

4.1.2 L’analyse du zircon par LA-ICP-MS

L’utilisation du Laser couplé à un spectromètre de masse à source plasma (LA-ICP-MS : Laser ablation inductively coupled plasma mass spectrometry) se développe à partir de 1985 (Gray, 1985) et devient rapidement un instrument analytique important dans la détermination des éléments en trace dans les échantillons géologiques (Jackson et al., 1992). Dès les années 1990 cette technique est présentée comme ayant un fort potentiel dans le domaine de la géochronologie (Fyer et al., 1993), grâce à ses faibles limites de détection, sa forte sensibilité et son rendement élevé. Ainsi dans les années suivantes de nombreuses études vont développer la méthode (Jackson et al., 2004; Košler and Sylvester, 2003; Paquette and Tiepolo, 2007; Poitrasson et al., 2000; Tiepolo, 2003).

Un système d’ablation laser est un appareil qui combine un générateur de faisceau lumi- neux de type laser avec un ensemble d’optiques qui conduisent ce dernier jusqu’à la surface de l’échantillon situé dans la cellule d’ablation, en contrôlant son diamètre par un système de caches. L’organisation d’un système d’ablation laser typique Nd :YAG est représentée sur la figure 4.1. On peut noter que dans la dernière partie du système optique, une caméra montée sur un microscope permet de positionner le spot du laser et ainsi de sélectionner une partie précise à analyser dans le minéral (ce qui n’est pas possible en analyse par dilution isotopique, méthode qui présente quant à elle l’avantage d’offrir une meilleure précision(Parrish and Noble, 2003)). Le gaz porteur (argon ou mélange argon-hélium) amène le matériel ablaté au coeur du plasma d’argon dans l’ICP. Le couplage de la torche avec un spectromètre de masse permet la mesure simultanée de plusieurs éléments ainsi que de certaines compositions isotopiques.

Le couplage d’une source plasma avec un spectromètre de masse à multicollection a permis d’avoir accès à des mesures sur des systèmes isotopiques comme le couple Lu-Hf (Jackson et al., 2001).

4.1.3 Motivation de l’étude géochronologique

Les Andes sud-américaines sont depuis longtemps citées comme le meilleur exemple de col- lision océan-continent (Mitchell and Reading, 1969). La marge ouest de l’Amérique du Sud est caractérisée par la présence d’un long affleurement plutonique parallèle à la côte, le Batholite Côtier. Des études précédentes ont montré que le segment de Batholite Côtier dans le sud du Pé- rou fournit un long enregistrement de l’activité de l’arc depuis le Jurassique jusqu’au Paléogène

Figure 4.1 – Illustration schématique de l’organisation d’un système laser Nd :YAG. Extrait de Jackson et al. (2001).

(Clark et al., 1990; Mukasa, 1986a; Pitcher et al., 1985). Cependant, l’histoire précise (>30 Ma) du magmatisme d’arc relié à la subduction reste largement incomplète (Mamani et al., 2010). Nous nous sommes donc intéressés à la section de batholite d’Arequipa qui offre une large zone d’affleurement et permet un échantillonnage précis.

Nous avons sélectionné 25 échantillons prélevés dans le batholite d’Arequipa dans le but de : (i) documenter de manière précise cette section de paléo-arc par une datation de chacune des unités intrusives via l’acquisition de données U-Pb (ii) obtenir une première caractérisation de la source des magmas via l’acquisition de données Lu-Hf.