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Dans les deux cas considérés (figs. 7.14 et 7.15), nous voyons que la modélisation rend bien compte de la variabilité observée dans le groupe B-J, et converge vers le groupe A pour les valeurs élevées en Zr. Cependant, les deux situations envisagées ont des conséquences sur la dynamique du processus assez différentes.

– Dans le premier cas, les liquides doivent subir un pourcentage de cristallisation fractionnée important avant de pouvoir se mélanger. En conséquence, cela exclu beaucoup de tirages h(1)i, car le test Zr<150 sera faux. De plus, cela ressemble beaucoup au fonctionnement d’une chambre magmatique, où le liquide évolue jusqu’à la vidange et/où le remplissage par un nouveau liquide. Il convient donc d’isoler des chambres magmatiques (ou autres types de réservoirs de type "crystal mush") qui seront régulièrement alimentées par des apports de liquides issus du pôle 1 soit du pôle 2. On peut s’interroger sur la viabilité d’un tel système, et sur sa différence avec une évolution par AFC simple. Seule la contribution régulière de magma de type 1 ou 2 maintient le processus de différenciation actif, au contraire de l’AFC simple dans un système fermé. Une chambre magmatique fonctionnant en système ouvert, avec un processus d’assimilation/cristallisation, peut donner les mêmes résultats. Ceci à condition que la contribution crustale soit importante et maintenue. – Dans le deuxième cas, on contraint une participation plus forte du pôle 1, et les mélanges

Figure 7.14 – Comparaison entre les valeurs mesurées et les résultats du modèle (stat1). En pointillé : fit de la cristallisation

Figure 7.15 – Comparaison entre les valeurs mesurées et les résultats du modèle (stat2). En pointillé : fit de la cristallisation

quides initiaux (des pôles 1 et 2). La convergence est fortement contrainte par les premiers stades d’évolution, qui favorisent les hybrides proches du pôle 1. Ce paramètre peut être adapté en fonction de la valeur de convergence que l’on veut atteindre, et donc fournit une indication sur la contribution relative des pôles 1 et 2. Comme indiqué précédem- ment, c’est l’hybridation qui maintient le système actif, donc la probabilité d’avoir un flux constant de magmas primaires. Ce paramètre est lié à l’état thermique de la croûte, c’est à dire la possibilité intrinsèque de générer des liquides crustaux. L’afflux de liquides mantelliques seul dans une lithosphère froide ne crée pas un système favorable à la genèse de roches intrusives, mais probablement favorise probablement d’autres systèmes magma- tiques, comme les systèmes effusifs.

Nous favorisons un système fonctionnant selon l’hypothèse 2. En effet la seule contrainte au système est la prédominance de la composante pôle 1 mantellique dans les magmas. Dans les arcs, les deux pôles considérés ne sont pas "disponibles" en quantités similaires. L’apport man- tellique est continu tandis que l’apport crustal est limité, et son volume disponible à un instant t est contraint par le stade de maturation du système. Il existe une balance entre le fait que le réchauffement de la base de croûte favorise sa fusion partielle, et le fait que sa composition puisse évoluer au cours du temps. En effet le réchauffement est contrôlé par la fréquence et le volume des intrusions de sills basaltiques. Ces sills modifient à terme la composition globale de leur encaissant. De plus, l’évolution du système magmatique entraîne l’accumulation de roches cumulatives en base de croûte. Ainsi au cours du temps, la croûte fond de plus en plus, mais la contribution "crustale pure" diminue.

Dans le modèle statistique - hypothèse 2, nous notons l’écart marqué entre les quatre échan- tillons du groupe "Crétacé sur isochrone Sr" (avec des teneurs en Zr<150 ppm) et le domaine modélisé. Ce type de magma est un exemple de liquide qui est éliminé des calculs car il a subi une trop forte évolution par cristallisation fractionnée pour pouvoir participer à un mélange. Ce type de magma est soit isolé spatialement de la zone de mélange, soit il acquiert des caractéris- tiques physicochimiques incompatibles avec un processus de mélange.

7.6

Synthèse

L’exploitation des données géochimiques et isotopiques s’intègre dans une réflexion sur les modes d’acquisition des caractéristiques géochimiques des magmas. Les différences de lithologies entre les groupes intrusifs, et particulièrement entre l’unité Mafique et les unités Maastrichien- Paléocène de Linga sont complexes à appréhender dans leurs globalité. En effet, les degrés de différenciation contrastés de ces unités sont un filtre empêchant la comparaison de deux types de magmas à un même stade d’évolution.

Dans un premier temps, nous avons identifié une série cogénétique de 23 échantillons Maastrichien- Paléocène qui ont principalement évolué par cristallisation fractionnée (Groupe A). Leurs ca- ractéristiques ont permis la détermination de lois de corrélation, utilisées pour modéliser cette

évolution par cristallisation fractionnée. Grâce à la modélisation, nous avons recalculé les com- positions du magma "parent" de cette série cogénétique. Il est alors possible de comparer les magmas des différentes périodes d’activité de l’arc à un degré d’évolution similaire. Il en ressort que l’unité jurassique possède des caractéristiques géochimiques et isotopiques très contrastées par rapport au "magma parent" recalculé. Nous avons tenté de modéliser l’acquisition de la di- versité géochimique jurassique par des processus classiquement invoqués dans ce type d’étude : AFC et mélange. Il s’avère qu’aucun de ces deux modèles n’est réellement satisfaisant.

Dans un second temps nous avons procédé à une quantification plus précise des processus affectant le groupe A. Cette nouvelle approche a permis de déterminer les paramètres régissant l’évolution par cristallisation fractionnée du groupe (f, Dj), et la détermination des concentra- tions initiales C0 du magma parent. Les caractéristiques de ce magma sont similaires à celles d’une andésite continentale, magma à partir duquel des "pulses" évoluent par cristallisation frac- tionnée pour former les roches du groupe A.

Dans un troisième temps, nous avons cherché à modéliser les processus à l’origine de la diversité du groupe jurassique (B-J). Après avoir justifié le choix d’un processus de mélange, nous proposons deux types de modèles d’évolution par mélange/cristallisation fractionnée. Un modèle par front de cristallisation et un modèle statistique. Dans ces deux modèles, la diversité géochimique et isotopique des magmas est le résultat de l’évolution d’un magma hybride (entre un pôle mantellique et un pôle crustal), à la fois par cristallisation fractionnée et par mélange avec d’autres magmas hybrides. Le principal résultat de cette approche est que dans le modèle, les données convergent vers une composition de magma homogène qui correspond à celle du magma parent du groupe A.

Ainsi, nous notons que malgré la discontinuité de l’activité magmatique ayant conduit à la formation du batholite d’Arequipa, et malgré les disparités géochimiques et isotopiques entre les différentes unités qui le composent, la diversité est le résultat de l’enregistrement de différents stades d’évolution d’un même système

Le modèle que nous proposons est donc cohérent avec les caractéristiques des différentes périodes d’activité de l’arc. Il est composé d’un stade initial durant lequel les magmas évoluent par cristallisation fractionnée et mélange, et d’un stade de maturité où les magmas sont homo- généisés et évoluent seulement par cristallisation fractionnée. Si le système se stabilise sur une période de temps suffisante, alors nous n’observons au niveau du batholite que le "produit fini" de ce système. Cependant, les roches jurassiques nous donnent un aperçu du stade initial. Elles peuvent donc être considérées comme des "trempes" d’un stade n’étant pas arrivé à maturité thermique. L’activité de l’arc au Jurassique semble ne pas avoir été propice au passage vers le stade de maturation. Au contraire, durant le Crétacé et le M-Paléocène on observe toute la gamme de variation que peut générer notre système, avec une prédominance marquée du pôle mantellique sur le pôle crustal.