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Aperçu de l’histoire de la marge sud-Péruvienne entre le Jurassique et le

2.3 Géologie du Sud du Pérou

2.3.5 Aperçu de l’histoire de la marge sud-Péruvienne entre le Jurassique et le

La question cruciale que les Andes posent à tous les géodynamiciens est la suivante : pourquoi et comment la marge sud-américaine s’est soudainement mise à se soulever et à s’épaissir ? En effet, les Andes n’ont pas toujours eu le visage que nous leur connaissons actuellement.

Figure 2.9 – Reconstruction de l’organisation du mouvement de l’IAHS (Indo-Atlantic Hotspot) il y a 124 Ma (Gradstein

et al., 2004). La figure est extraite de Somoza and Zaffarana 2008 qui fournissent une légende complète. Nous nous intéressons ici plus particulièrement à l’encadré a qui décrit le déplacement vers l’ouest de la région Andine entre 120 et 60 Ma. On notera l’accélération du mouvement entre 90 et 80 Ma.

2.3.5.1 Les variations de régime tectonique

A partir de ∼300 Ma et jusqu’au Crétacé inférieur, la marge sud-péruvienne est en extension, ce qui entraîne un amincissement lithosphérique (Boekhout et al., 2013; Sempere et al., 2002a). Durant cette période l’Amérique du Sud se déplace vers le nord-est, tout comme l’Afrique, avec laquelle elle forme le Gondwana Ouest (Ramos, 2010). Ce mouvement entraîne un retrait du slab. La fin de l’extension de la marge correspond à une période de stabilisation de l’Amérique du Sud, et au début de l’ouverture de l’Océan Atlantique Sud (Somoza and Zaffarana, 2008; Torsvik et al., 2009). A partir de 120 Ma l’Amérique du Sud se déplace vers l’ouest, tandis que la lithosphère océanique plongeante avance selon une direction 75˚E. Cela entraîne la mise en place d’un système convergent avec une composante oblique. Cependant, dans les Andes Occidentales, on ne trouve pas d’évidences de compression (Sempere, 2010; Sempere et al., 2008). A partir de l’Oligocène moyen, la compression s’observe dans la Cordillère Orientale (Sempere, 2010).

2.3.5.2 Les variations de l’enregistrement sédimentaire

Durant la phase d’extension un profond bassin sédimentaire se développe à l’arrière de l’arc Jurassique, l’arc Chocolate. Ce bassin demeure essentiellement marin entre ∼ 195-90 Ma et est très subsident. Les profondeurs maximales sont atteintes entre ∼180 et ∼165 Ma (Sempere et al., 2002a), et les séries sont affectées par de nombreuses failles normales synsédimentaires entre ∼ 180 et ∼ 170 Ma (Vicente et al., 1982). La Formation Murco (∼135-110 Ma) est déposée en milieu marin peu profond, avant qu’une transgression majeure affecte le bassin à 110 Ma (Sempere,

2010). Cette transgression marque le début du dépôt de la Formation Arcurquina. Au nord-est de notre zone d’étude, la formation Arcurquina et ses unités antérieures ont été affectées à ∼91- 89 Ma par le grand collapse de l’Ayabacas qui remanie l’ensemble (Callot, 2008). Ce collapse a affecté une surface d’au moins 80 000 km2 et a déplacé un volume de matériel estimé à >10 000 km3. C’est le plus grand glissement sous-marin fossile actuellement connu. La Formation Ayabacas se présente comme une unité chaotique facilement identifiable en image satellitaire tant les plis déformant les bancs de calcaires sont spectaculaires. Ce grand mouvement affecte vraisemblablement les calcaires jusqu’à la région d’Arequipa. A partir de ∼90 Ma, les dépôts du bassin d’arrière-arc deviennent clairement continentaux, constitués dans un premier temps d’argiles rouges puis de conglomérats à clastes plus ou moins massifs et pouvant être de nature plutonique (Cruz, 2002).

2.3.5.3 Les variation de relief et l’épaississement crustal

Dans la Cordillère Orientale et au niveau de l’Altiplano, les reliefs importants (>2km) sont acquis à partir de l’Oligocène moyen (Sempere, 2010). Avant cette période l’évaluation des pa- léoreliefs reste peu contrainte. Cependant, l’enregistrement sédimentaire montre un soulèvement de la marge à ∼90 Ma (Callot, 2008; Jaillard, 1994a; Jaillard et al., 2005; Jaillard and Soler, 1996; Sempere, 1994; Wipf, 2006). Ce soulèvement s’accompagne de la continentalisation rapide du bassin d’arrière-arc (Jaillard, 1994a; Jaillard and Soler, 1996; Mégard, 1978; Sempere, 2010).

Un problème majeur posé par la chaîne andine est le pourquoi et le comment de l’acquisition de son épaisseur. En effet le seul effet de la contraction tectonique ne permet pas d’expliquer l’épaississement observé actuellement. Qui plus est, les épaisseurs crustales maximales (∼ 70 km, Beck et al. 1996) sont observées dans les Andes Occidentales, sous la Cordillère Occidentale, où est situé l’arc magmatique (Sempere, 2010). Les Andes Occidentales, rappelons le, ne présentent pas d’évidences de compression, à l’exception de quelques failles inverses. Ainsi, ce n’est pas dans la ceinture subandine et la Cordillère Orientale, où le raccourcissement est directement observable, que l’on enregistre l’épaisseur crustale la plus grande (Sempere, 2010).

Différents auteurs évoquent le fait que si une grande partie de l’épaississement peut être expliqué par le raccourcissement observable dans la partie orientale, il reste encore un déficit de 10 à 30 % d’épaississement qui reste énigmatique (cf. fig. 2.10, Isacks 1988; Jaillard et al. 2002; Roeder 1988; Sheffels 1990). Cela met en évidence la lacune de connaissances quant aux mécanismes aboutissant à l’épaississement de la croûte dans cette région. Ce déficit pourrait être attribué à une addition magmatique de matériel ou bien à une mauvaise évaluation de l’épaisseur crustale avant 26 Ma (Allmendinger et al., 1997; Schmitz, 1994).

L’arc magmatique, un système clé ?

En dépit des nombreuses connaissances qui permettent aujourd’hui de réfléchir sur la dyna- mique de la marge sud-péruvienne, il apparait que la question de l’épaississement crustal reste sans réponse. Il est envisageable que le magmatisme ait pu jouer un rôle beaucoup plus impor- tant que celui qu’on lui confère jusqu’alors. L’étude du Batholite Côtier et à travers lui l’étude

Figure 2.10 – Coupe synthétique des Andes à la latitude 17-21˚S. On note l’évaluation de 25 % de volume de croûte dont

on ne sait pas expliquer la provenance. D’après Jaillard et al. 2002.

du système magmatique d’arc dans son ensemble est certainement l’une des clés nécessaires à la compréhension de la croissance crustale dans les Andes.

Etude de terrain : le Batholite

Côtier d’Arequipa

A l’échelle de la côte sud-Péruvienne, le Batholite Côtier forme le coeur de la Cordillère Occidentale, aujourd’hui définie en surface par un arc volcanique actif. Il affleure parallèlement à la ligne de côte, sur plus de 1600 km de long et en moyenne 60 km de large, à ∼150-200 km de la fosse de subduction actuelle, entre le nord de Trujillo et le sud d’Arequipa.

La particularité du Batholite Côtier dans le sud du Pérou (14˚-18˚S) est que contrairement aux segments plus septentrionaux (4˚-14˚S), il recoupe en partie un socle précambrien préservé dans la région (socle d’Arequipa). Notre étude a principalement été menée sur une zone d’environ 80 x 60 km (fig. 3.1) située au sud-ouest d’Arequipa. Les roches intrusives du batholite occupent environ un quart de cette surface, soit ∼1200 km2. Elles sont concentrées le long d’un axe NW- SE situé à une trentaine de km au SW d’Arequipa, et affleurent sur une surface plus réduite au sud (sud de la quebrada de Linga) et au nord (banlieue d’Arequipa) de cette zone, où elles sont recouvertes par des dépots volcanoclastiques récents.

Dès la seconde moitié du XXème siècle, cette section du batholite côtier est étudiée et dési- gnée par Stewart (1968) sous le nom de "Complexe de la Caldera". Il se serait mis en place dans des niveaux supérieurs de la croûte continentale (James, 1971a). Ce sont Jenks and Harris (1953) qui établissent la première analogie entre les roches ignées du batholite de la région d’Arequipa et les roches du batholite de Californie du Sud. Dès 1968, Stewart effectue les premières études pétrographiques à l’échelle du complexe de la Caldera. Une synthèse des nombreux travaux menés ultérieurement est publiée par l’équipe de Liverpool dans Pitcher et al. (1985).

Actuellement, une grande partie du complexe de la Caldera appartient à une entreprise minière internationale, la SOCIEDAD MINERA CERRO VERDE, qui y exploite des gisements de cuivre et de molybdène. Cette mine contrôle l’accès à une grande partie des affleurements de roches plutoniques.