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7.7 Conclusions

8.1.1 Dynamique de construction du batholite

L’ensemble de l’étude que nous avons réalisée sur le batholite d’Arequipa met en évidence une activité magmatique discontinue dans le temps : tout d’abord durant le Jurassique (200-175 Ma) puis entre le Crétacé et le Paléocène (90-60 Ma).

Entre 200 et 175 Ma, l’unité Mafique et l’unité Incahuasi se mettent en place dans la par- tie NE du batholite. Les plutons sont intrusifs dans le socle métamorphique. On identifie des coeurs hérités de zircons dans plusieurs échantillons, qui indiquent des âges protérozoïques à paléozoïques caractéristiques du socle précambrien. Ils attestent donc de la présence d’une com- posante cratonique dans les magmas jurassiques.

La faille normale de Cenicienta marque la bordure sud de l’unité Mafique. Elle sépare un mur constitué d’intrusions mafiques (gabbrodiorites-diorites) d’un toit constitué de la succession socle - Fm Chocolate - Fm Socosani. Cette configuration indique un fonctionnement de la faille postérieur au dépôt de la Fm Socosani, c’est-à-dire plus jeune que 170 Ma. Dans les intrusions jurassiques, on observe une déformation syn- (foliations magmatiques et haute température) à post- (zones de cisaillement ductile et déformation cassante) mise en place. Une partie des déformations ductiles et cassantes sont compatibles avec une cinématique extensive. Notre étude structurale préliminaire montre donc que le début de la construction du batholite au Jurassique se déroule au moins pour partie dans un contexte extensif, ce qui est en accord avec les données bibliographiques sur la géodynamique de la marge durant cette période (Ramos, 2010; Sempere et al., 2002a; Somoza, 1998). La question du rôle de la mise en place des unités intrusives et des transferts de magmas associés dans la genèse de cette déformation extensive peut être posée, mais la persistance du contexte extensif après la fin de la mise en place de ces unités, indiquée par exemple par la tectonique cassante associée aux accidents principaux (faille Cenicienta), démontre le caractère tectonique de cette déformation.

Durant cette même période, des roches intrusives dioritiques se mettent en place dans l’ac- tuelle partie sud de la quebrada de Linga, c’est-à-dire à environ 40 km au sud de l’unité Mafique. Cette distance observée actuellement est potentiellement surévaluée, en raison de l’extension qui affecte la région après la mise en place des intrusifs (∼188 Ma). La présence d’une importante faille normale à proximité de ces intrusions est un argument en faveur de cette hypothèse.

Dans la section de batholite étudiée, nous n’avons pas identifié d’intrusions mises en place entre 175 et 160 Ma. La diorite de Chapi-C., datée à 160,5 ± 0,8 Ma, est contemporaine de la construction du batholite d’Ilo (173-152 Ma, Boekhout et al. 2012), situé 100 km plus au sud.

Elle peut donc être décrite comme tardive et/ou en position d’arrière-arc. Cette diorite ne se met pas en place dans le socle métamorphique comme les intrusions jurassiques précédentes, mais elle recoupe la série sédimentaire jurassique dans des faciès caractéristiques de la Formation Cach´ios. Cette formation est considérée dans la région comme d’âge Callovien sur la base d’arguments paléontologiques (ammonites Reineckeia et Macrocephalites genera qui définissent un intervalle de temps compris entre 164,7 ± 4,0 et 162,8 ± 4,0 Ma, Gradstein et al. 2004). Nous notons la proximité dans le temps du dépôt de la Formation Cachíos et de son intrusion par la diorite de Chapi-C. (∼3-4 Ma d’écart). Ce faible écart d’âge entre un intrusif et son encaissant est également évoqué dans le batholite d’Ilo Boekhout et al. (2012).

La syénodiorite affleurant dans la quebrada de Linga a été datée à 154,7 ± 1,0 Ma. Cet échantillon a été prélevé dans un sill s’avérant faire partie d’un mélange de roches variées, pos- siblement allochtone, représentant certainement la Formation Ayabacas (Sempéré, com. pers.). Elle ne peut donc pas être utilisée pour localiser la position de l’arc actif durant cette période.

Aucune activité plutonique n’a été identifiée entre 160,5 et 90 Ma dans le batholite d’Are- quipa.

La réactivation de l’arc magmatique se produit au Crétacé par la mise en place entre 89,8 ± 0,7 et 87,1 ± 0,1 Ma d’unités intrusives dans l’actuelle unité de Linga (Linga-SJK1 et SJK2). L’unité Linga-CVB, sur laquelle nous ne disposons pas d’âge U-Pb, s’est également mise en place au Crétacé supérieur, selon une isochrone roche totale Rb/Sr indiquant 85 Ma. L’activité Crétacé supérieur se poursuit par la mise en place dans la partie NE du batholite des unités Tiabaya, entre 82,3 ± 0,4 et 76,1 ± 0,4 Ma. Ces intrusions recoupent à la fois les unités plutoniques jurassiques et l’ensemble socle + Fm Chocolate + Fm Socosani, ainsi que la faille Cenicienta.

Après un silence magmatique de moins de 10 Ma, l’activité de l’arc s’exprime par la mise en place à partie de 68,7 ± 0,5 Ma des volumineuses unités de Linga d’âge Maastrichien-Paléocène, ainsi que de l’unité Yarabamba. L’âge le plus jeune que nous avons obtenu est 61,6 ± 0,4 Ma sur un granite affleurant le long de la route Panaméricaine. Les unités Linga et Yarabamba semblent être connectées spatialement par un ”cordon” intrusif qui traverse les séries sédimentaires juras- siques. Ces séries sont situées à la base de l’unité de Linga et au toit de l’accident de Lluclla. Cet accident majeur sépare actuellement les parties NE et SW du batholite. Le début de son fonc- tionnement est d’âge indéterminé, mais on peut supposer qu’il est en partie dû à la construction de l’unité de Linga. La mise en place de cet épais corps plutonique est en effet susceptible d’avoir déstabilisé la structure de l’arc. L’accident est présent depuis l’extrémité NW de la zone d’étude jusqu’au cordon intrusif qui connecte l’unité de Linga et l’unité Yarabamba. Ainsi, la mise en place de l’unité Yarabamba (66,4 ± 0,4 - 64,3 ± 0,3) est postérieure au fonctionnement de cet accident (cf. Chapitre 4).

Les intrusions de l’unité de Linga recoupent la série sédimentaire jurassique moyen, tandis que les intrusions Tiabaya recoupent en partie le socle. Les données barométriques préliminaires sur amphibole concordent avec une hypothèse de mise en place des intrusifs à des profondeurs différentes dans la croûte supérieure, même si l’on reste dans la marge d’erreur de la méthode utilisée. L’unité de Linga se construit à un niveau moins profond que l’unité Tiabaya. En raison du fonctionnement de la faille de Lluclla, les deux unités sont aujourd’hui à la même altitude.

Une grande partie des affleurements de roches intrusives du batholite d’Arequipa est incluse dans la concession de la mine Cerro Verde. La quartz-monzonite qui contient les minéralisations cuprifères a été datée entre 61,6 et 59,8 Ma (Mukasa, 1986a). Cet auteur suggère que cette intrusion et celles qui lui sont associées ont fourni la chaleur et les fluides responsables de l’altération hydrothermale à l’origine des minéralisations de cuivre. L’étude menée par Quang et al. (2003) alimente cette hypothèse en datant l’activité hydrothermale autour de 62 Ma en

40Ar-39Ar sur séricite. Cette activité liée à la formation de "porphyry copper" traduit la présence

de corps intrusifs à moins de 3 km de profondeur (Sillitoe, 1973, 2010). La profondeur des unités intrusives est effectivement faible, et l’on note la présence d’un paléo-volcan (le Cerro Negro) à la surface de l’unité Yarabamba, dont l’activité a été datée entre 57,0 ± 1,5 et 52,6 ± 1,4 Ma (Cerro Verde proprietary data). Ces données indiquent que l’accroissement de l’activité de l’arc dès la fin du Crétacé supérieur est associée à l’exhumation de la partie NE du batholite et au basculement de l’unité de Linga et de son encaissant jurassique vers le SW. Des mouvement verticaux significatifs sont associés au moins temporellement à l’activité magmatique intrusive.