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Chapitre 4 : ETUDE 3 : Analyse des perceptions des enseignants

II. Etape 1 : Recherche d’éventuelles stratégies inclusives dans les perceptions des enseignants d’EPS par la

III.3. Résultats et discussion

III.3.3. Traitement par entretien

III.3.3.2. Synthèse des enseignants en intégration

Les enseignants en intégration présentent également des étapes communes que nous explicitons ci-dessous.

Etape 1 « le CM d’inaptitude partielle » : l’accueil d’un élève en situation de handicap entraine la mise en place d’un protocole visant à obtenir le maximum d’informations sur les capacités et incapacités fonctionnelles de l’élève en situation de handicap. Cela se traduit par une demande de l’enseignant auprès du médecin spécialiste de l’élève en situation de handicap « A chaque fois qu’un élève handicapé ou dispensé de longue durée vient avec une dispense, je lui donne un courrier type que l’on à construit [l’équipe EPS] suivi du certificat médical d’inaptitude officiel à remettre à son médecin. Cela permet de montrer au corps médical que l’on prend toutes les précautions pour une pratique en toute sécurité ». Ces informations peuvent être complétées par un rendez-vous avec les parents « Je profite souvent de la réunion parents-professeurs pour demander si des soucis médicaux sont survenus depuis le commencement de l’EPS afin de rassurer les parents ».

Etape 2 « le dispositif descendant »: l’enseignant propose à l’élève et à sa famille de façon graduel soit :

o d’inclure l’élève en classe ordinaire si l’APSA est directement réalisable dans la programmation ordinaire « Souvent, comme notre programmation annuelle se base sur deux activités de vacances à vacances, on trouve souvent une ou deux activités dans l’année qui peuvent être pratiquées par l’élève handicapé sans trop de problèmes »,

o de travailler en parallèle de la classe sur une activité physique de façon autonome « Par exemple, en basket, il était complètement dépassé en termes de niveau par rapport aux autres, je lui ai donné une progression d’exercices déjà toute prête, au choix : musculation, demi-fond sur vélo d’appartement ou stretching pour qu’il puisse travailler de façon autonome dans un coin du gymnase ».

o de tenir des rôles périphériques à la pratique « Sur une séance de deux heures, le temps est parfois long, et les exercices programmés sont rapidement bouclés. A ce moment-là, les autres attaquent la période des matchs et je lui demande souvent de bien vouloir arbitrer ».

Etape 3 « le contournement de la difficulté inclusive »: lors de la mise en pratique du protocole, les enseignants en intégration ont pour objectif prioritaire la pratique physique et sportive de l’élève en situation de handicap (qu’elle soit collective : en classe ordinaire ; ou individuelle : en parallèle de la classe). Cela se traduit par une réduction du niveau des contenus lors de la pratique collective avec la classe ou d’une responsabilisation de l’élève lors d’une pratique individuelle (travail autonome en parallèle de la classe). La finalité est moins pédagogique ou didactique que fonctionnelle. En effet, les enseignants tentent par ces stratégies de contourner le défi de l’hétérogénéité. Concrètement, l’élève en situation de handicap pratique plus souvent avec ses camarades ordinaires en début de cycle et plutôt en début de séance (échauffements, premières situations). Au fur et à mesure de l’avancée dans le cycle, la pratique plus individuelle en parallèle de la classe s’impose. « Ce qui est sûr, c’est que l’échauffement général est toujours réalisé par tous les élèves [y compris par l’élève en situation de handicap]. Par la suite, ca dépend de l’activité et du CM [d’inaptitude partielle] ou de son niveau de pratique dans l’activité. Faut bien voir qu’un élève handicapé qui n’a pas le niveau, c’est frustrant pour les autres élèves mais aussi pour lui-même. En plus ça ajoute une difficulté supplémentaire pour gérer le regard des autres [des élèves valides envers les élèves en situation de handicap] ».

Etape 4 « l’évaluation partielle »: l’évaluation de l’élève repose sur plusieurs aspects. Les aspects de la participation et des efforts sont survalorisés. A contrario, l’aspect moteur, (technique, performance, tactique…) relatif au niveau de compétence propre à l’APSA du cycle est relativisé. Cela se traduit souvent pas l’absence de notation trimestrielle de l’élève. « je préfère mettre ‘élève inapte’ à la place de la note surtout que cette élève à une moyenne générale plutôt honorable et l’EPS ferait baisser sa moyenne ». Un dernier aspect est mis en avant par cette enseignante et relayé par ses collègues de ce stade d’intégration : « De toute façon, pour moi, l’important pour cet élève c’est qu’il participe et qu’il puisse valider des items du socle commun de compétence ».

Les principales justifications du poids de ce stade sont :

- manque de formation continue notamment sur le comment gérer l’hétérogénéité,

- l’élève en situation de handicap demande beaucoup de concentration et de temps au détriment des autres,

- respect du programme et des critères officiels d’évaluation.

A partir de la logique interne à ce cluster, nous pouvons confirmer la correspondance avec le niveau théorique de l’intégration. En effet, sur le plan de l’anticipation, les enseignants de ce cluster (comme pour le niveau théorique de l’intégration) se reposent sur le certificat d’inaptitude partielle permettant la pratique fonctionnelle de l’élève (Devoize, 1997 ; Burois 2002 ; Guyard-Bouteiller, 2006). En revanche, sur l’organisation de l’enseignement, la pratique effective des enseignants de ce cluster est plus complexe que la simple et directe mise en action de l’élève en parallèle du groupe classe. En effet, elle repose davantage sur une sorte de protocole de prise en charge descendant (du plus inclusif au moins inclusif) suivant les capacités de l’élève à se conformer aux exigences ordinaires (Cf. les nombreux dispositifs académiques publiés sur les sites EPS, par exemple académie de Grenoble, Versailles ou de Lille). Ainsi, même si les enseignants en intégration ne sont pas formés de façon continue à l’inclusion, ils font preuve de compétence d’autoformation en allant chercher les informations nécessaires afin d’adapter leurs cours à la présence d’un élève en situation de handicap pratiquant. Ainsi, lorsque les capacités de l’élève le permettent, le premier niveau se traduit par la pratique en classe ordinaire souvent en réduisant le niveau d’exigences ou de difficultés pour l’ensemble des élèves. Ce ‘nivellement’ se justifie par le fait que les enseignants de ce stade sont attachés à ne pas changer leurs pédagogies (Tournebize & Génolini, 2004) en raison de leur vision égalitaire de l’enseignement (Génolini & Tournebize, 2010) et peut être aussi pour ne pas stigmatiser l’élève en situation de handicap (Walter, 2002). Mais, dès lors que les simplifications touchent la motivation ou le niveau de compétence attendue chez les élèves ordinaires (Block, 2007), alors l’enseignant passe au second niveau, c'est-à-dire, la pratique en parallèle de la classe (Kohout, 2006) souvent sur des activités physiques individuelles relevant de la compétence propre n°5 (CP 5) telles que le stretching ou la musculation : ‘réaliser et orienter son activité physique en vue du développement et de l'entretien de soi’. Or, bien que cette CP5 fasse partie intégrante du curriculum de formation du citoyen cultivé, lucide, autonome, physiquement et socialement éduqué à partir du lycée (pour un état des lieux complet : Barrué, 2010), le fait d’y recourir quasi systématiquement,

lorsque les difficultés liées à l’hétérogénéité apparaissent, suggère que la CP 5 est une compétence refuge permettant de contourner le défi de l’inclusion. De façon, plus subtile, le recours à la CP 5 pour les élèves en situation de handicap se justifie (par les enseignants en intégration) par l’importance de développer les capacités fonctionnelles nécessaires à l’acquisition d’une meilleure autonomie (par rapport à l’aisance motrice), mais aussi par rapport à la responsabilisation des élèves devant s’entrainer plutôt individuellement avec des fiches de successions d’exercices physiques. Or, selon Garel (2003), « C'est là une conception qui confond l'EPS avec la rééducation psychomotrice ou la kinésithérapie (…) qui entrave l'intégration de l'élève en ne lui permettant pas d'accéder à la pratique d'activités physiques socialement valorisées ». Plus loin encore, la dernière étape du protocole descendant se réalise lorsque ce « placement » en parallèle de la classe demande beaucoup de temps et de concentration à l’enseignant (Ammah et al. 2006 ; Hersman & Hodge, 2010). Ainsi, l’étape suivante consiste en un retour vers la pratique occupationnelle périphérique détaillée au stade de l’insertion.

Au final, ce dispositif gradué du plus inclusif au moins inclusif peut être comparé au ‘Least Restrictive Environnement’ (LRE, Etats-Unis) adapté en Education Physique par Block & Krebs (1992, Cf. annexe 7) et Lieberman & Houston-Wilson (2002, Cf. annexe 6). Ce LRE consiste à placer l’élève en situation de handicap dans une forme d’enseignement le plus proche possible de l’inclusion en classe ordinaire (pleine inclusion sans soutien). Seulement, ajouté au fait que ces deux types de LRE déclinés en EPS soient plus développés (5 étapes détaillées), l’autre grande différence repose sur le fait que la dégradation vers un niveau inclusif inférieur ne peut s’opérer que lorsque toutes les solutions du niveau supérieur ont été épuisées. Or, au stade de l’intégration, le protocole descendant permet en réalité, pour un enseignant non formé et non expérimenté dans l’inclusion, de contourner les difficultés dès l’apparition d’une contrainte liée à l’hétérogénéité.