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Chapitre 4 : ETUDE 3 : Analyse des perceptions des enseignants

II. Etape 1 : Recherche d’éventuelles stratégies inclusives dans les perceptions des enseignants d’EPS par la

II.5. Synthèse de l’approche par questionnaire

Cette première partie de l’étude nous a permis de confirmer la réalité des trois niveaux inclusifs théoriques issus de notre analyse inductive des textes officiels sous forme de 3 stades similaires de perception de l’inclusion des élèves en situation de handicap par les enseignants d’EPS. Nous avons également vérifié qu’à l’instar des niveaux théoriques, les stades se hiérarchisent (du moins inclusif au plus inclusif) de l’insertion vers la scolarisation en passant par l’intégration. Un dernier apport de cette première partie de travail est la mise en évidence de la relation étroite entre les stades de l’insertion et de l’intégration, alors que le stade de la scolarisation présente des caractéristiques plus spécifiques. Quantitativement, l’insertion est bien représentée (38% des enseignants), l’intégration surreprésentée (53%) et la scolarisation très minoritaire (9%). Ainsi, on peut clairement exprimer la relation directe et influente des textes officiels sur les perceptions des enseignants concernant leurs pratiques inclusives. Par exemple, sur le plan des outils officiels de communication mis en place par les textes on peut considérer que :

- les enseignants en insertion usent principalement du certificat médical de dispense, - les enseignants en intégration utilise essentiellement le certificat médical d’inaptitude

partielle et,

- les enseignants en scolarisation s’inscrivent dans les équipes de suivi de la scolarisation (ESS) afin de déterminer les besoins éducatifs de l’élève en situation de handicap nécessaires à l’édification de son PPS.

Notre analyse montre également l’inertie importante d’autres variables telles que la qualité de l’environnement inclusif (effectifs, personnel de soutien, richesse et permanence des partenaires de l’inclusion…), ou le niveau de formation en APAS et d’expérience dans l’enseignement aux élèves en situation de handicap. L’ensemble de ces variables contribuant à faire que certains enseignants restent enfermés dans un niveau inclusif d’insertion ou d’intégration.

Un autre élément de synthèse représente la caractérisation partielle des enseignants de chaque stade. En effet, la richesse des données sur les caractéristiques de l’environnement inclusif, sur les représentations des enseignants envers les types de handicap ou sur le niveau de formation et d’expérience dans l’inclusion ne cache pas l’absence d’items significatifs sur le chapitre des pratiques inclusives. Autrement dit, seules trois des quatre thématiques étudiées ont été traitées réellement par les enseignants. Qui plus est, la technique des questionnaires avec réponses fermées ne nous a pas permis d’aller plus en profondeur dans l’analyse sans allonger de manière très importante la durée de remplissage du questionnaire, assurément au détriment du taux de réponses.

Ainsi, l’objectif principal de la seconde partie sera de voir, par l’intermédiaire de la technique de l’entretien semi-directif, si les perceptions des enseignants envers leurs pratiques inclusives ‘résonnent’ selon les trois niveaux théoriques. Le cas échéant, le second objectif sera de comparer la hiérarchie de ces éventuels stades de pratiques inclusives à l’évolution des niveaux théoriques.

III Etape 2 : Approfondissement dans la recherche sur les perceptions des enseignants quant à leurs pratiques inclusives par la technique de l’entretien

III.I. Introduction

L’étape précédente a permis de confirmer, d’une part, qu’il existe bien trois stades inclusifs correspondant aux trois niveaux théoriques (pour 3 des 4 thèmes du questionnaire), et d’autre part, que les stades interagissent entre eux de façon hiérarchique (insertion, intégration puis scolarisation). Une autre conclusion de cette étude repose sur le lien plus étroit entre l’insertion et l’intégration alors que la scolarisation repose sur des caractéristiques plus spécifiques.

Cependant, l’analyse des questionnaires n’a pas permis de vérifier l’adéquation entre les niveaux théoriques et les trois stades inclusifs distincts concernant le thème des pratiques inclusives perçues par les enseignants. Qui plus est, les questionnaires étant anonymes, on peut estimer qu’il pourrait exister une réticence (même inconsciente) des enseignants à décrire leurs pratiques inclusives. En revanche, la technique de l’entretien semi directif en face à face permettrait d’entrer plus vivement dans le sujet et de vérifier les dires des enseignants (fiabilité des verbalisations).

Ainsi, comment les enseignants de chaque stade perçoivent-ils leurs interventions dans, et en dehors de la classe ? Par exemple, observe-t-on des différences dans les programmations, dans la préparation des leçons ? En situation d’intervention, les enseignants pensent-ils présenter des caractéristiques pédagogiques et didactiques (objectifs, formes de groupement, gestion de l’hétérogénéité, aménagements, adaptations, contraintes docimologiques…) distincts suivant les stades ? Quelle est la place des compétences propres à l’EPS et des compétences méthodologiques [et sociales] (notamment sur les interactions sociales entre élèves avec et sans handicap) décrites par les enseignants en fonction des stades inclusifs ?

Fort de ce questionnement notre objectif principal est de rechercher sans a priori l’existence ou le nombre, d’éventuels stades inclusifs sur le plan des perceptions que les enseignants possèdent de leurs pratiques inclusives par le biais d’une étude qualitative prospective sous forme d’entretien semi-directifs et d’un traitement statistique via une analyse de partitionnement de données (ou analyse en cluster en anglais). Le cas échéant, le second objectif sera de caractériser chaque stade inclusif sous l’angle des perceptions sur les pratiques inclusives par le biais d’un traitement par entretien puis de comparer la hiérarchie de ces éventuels stades inclusifs (sur le plan des pratiques d’anticipation et d’interaction) à la chronologie des niveaux théoriques inclusifs via un traitement thématique des entretiens.

Pour cette deuxième étape, notre hypothèse principale est que la perception des pratiques inclusives de la part des enseignants, seraient une conséquence des facteurs issus des items décrits à l’étape précédentes (environnement inclusif, niveau de formation et d’expérience, textes officiels), et donc entreraient en correspondance avec les niveaux théoriques (et son ordre hiérarchique) issus du chapitre précédent.

III.2. Méthode

III.2.1. Population

Suite à l’analyse des questionnaires, nous avons contacté une sous population des 104 enseignants permettant constituée de 12 enseignants volontaires pour des entretiens. Ces douze enseignants se répartissent de manière homogène dans nos 3 groupes (stades) soit 4 enseignants par groupe. Nous les avons également sélectionnés en fonction de caractéristiques représentatives de la profession (telles que l’âge, le sexe et le type d’établissement) et de leur stade inclusif. Pour ce faire, nous nous sommes aidés des statistiques éditées dans les dossiers

enseignants et personnels de l’éducation. Etre professeur d’éducation physique et sportive en 2009 afin de réaliser une approche sur le principe de l’échantillonnage stratifié.

Aux cours des échanges téléphoniques préalables, 2 enseignants se sont rétractés et par conséquent, nous obtenons une sous population de 3 enseignants en insertion, 4 enseignants en intégration et 3 en scolarisation.

III.2.2. Procédure

La technique de l’entretien semi-directif a été choisie et présente l’avantage d’interroger directement chaque enseignant (préalablement pré-classé dans son stade inclusif) sur ses pratiques inclusives tant au niveau préparation à l’inclusion qu’au niveau de l’interaction en classe. Pour ce faire, un guide d’entretien a été créé. Chronologiquement, l’entretien commence par un court préambule pour expliquer la démarche de l’entretien et un questionnaire démographique (annexe n°4) permettant de prendre des renseignements généraux. Il s’oriente ensuite progressivement vers l’entretien proprement-dit, où la question initiale posée est large, invitant l’enseignant à expliciter les étapes successives de la prise en charge de l’élève en situation de handicap :

Pouvez-vous me décrire, de façon chronologique, ce que vous faites pour inclure un élève en situation de handicap dans vos cours d’EPS, à partir du moment où vous savez qu’un élève en situation de handicap sera accueilli ?

Cette approche ambitionne à la fois de comprendre le mécanisme inclusif de chaque stade nécessaire à l’analyse par entretien, tout en permettant de classer ultérieurement les verbalisations dans notre grille d’analyse thématique.

La deuxième question posée repose sur l’infirmation ou la confirmation, de la part de l’enseignant, sur la synthèse de la chronologie de ces étapes inclusives faites par le chargé d’entretien. Cela permet de clarifier la position de l’enseignant tout en lui permettant éventuellement d’y ajouter des éléments complémentaires de compréhension.

Puis, la démarche consiste à demander à l’enseignant de verbaliser, parmi les étapes qu’il vient de décrire, qu’elle(s) est (ou sont) la (ou les) étape(s) la (ou les) plus importante(s)

pour l’inclusion ? Par cette question, nous postulons que les choix relatifs aux étapes (des

enseignants d’un même stade) puissent nous orienter vers les points de passage privilégiés d’un stade à l’autre.

La phase suivante de l’entretien consiste à demander des précisions, des compléments sur des aspects des pratiques d’anticipation et de décision, qui n’ont pas été traitées spontanément par l’enseignant (par exemple : Vous ne m’avez pas parlé de l’évaluation, est-

ce un oubli ou est-ce volontaire ? […] Sauriez-vous m’en parler ?).

Une dernière question demande d’exprimer les éléments concernant sa pratique, en termes de frein(s) dans sa progression vers plus d’inclusion et de justifier par conséquent sa pratique actuelle.

Quels sont, selon vous, les éléments personnels et/ou extérieurs qui ne vous permettent pas d’aller plus loin dans l’inclusion et qui vont donc expliquer votre pratique actuelle ?

La procédure de l’entretien et le guide ont été préalablement testés et réajustés deux fois suite à son application sur deux enseignants d'EPS hors échantillon afin de valider les questions et le guide d’entretien. Ces deux tests ont été l’occasion de valider l’efficacité de l’enregistrement des entretiens par la prise de notes manuscrites en direct. De plus, cette prise de notes permet d’être plus réactif au moment de synthétiser les étapes (2ème question). La consigne donnée aux enseignants était de prendre leurs temps dans la période de réflexion et dans le débit de paroles. L’entretien est cependant entièrement enregistré.

Le lieu et l’horaire de l’entretien a été choisi par l’enseignant afin qu’il soit totalement disponible, c'est-à-dire, sans possibilité de dérangement et qu’il soit pleinement concentré sur le sujet. Mis à part un entretien au domicile d’un enseignant, les autres se sont effectués au

sein d’un bureau calme à l’intérieur de leurs établissements. La durée des entretiens s’étale de 45 minutes à une heure.

III.2.3. Analyse des entretiens

Plusieurs outils ont été utilisés. Tout d’abord, une nouvelle analyse en cluster qui permet de vérifier la cohérence des groupements d’enseignants prédéterminé ainsi que les niveaux d’agrégation entre les groupes (insertion proche d’intégration, alors que la scolarisation est éloignée). Pour ce faire, un travail de codage préalable a été nécessaire pour cette analyse. Nous avons répertorié tous les items signifiants de chaque discours et nous les avons codés pour chaque enseignant :

- 1 si l’item était présent, - 0 si l’item était absent.

Une étape de classification des verbalisations et de réduction de ces dernières pour cause d’homonymie ou de redondance fut ensuite opérée (voir un exemple en annexe 5).

Le deuxième outil d’analyse s’appuie sur une analyse par entretien qui part du postulat que chaque discours est porteur d’un processus singulier que l’on veut analyser. « L’analyse par entretien se justifie donc lorsqu’on étudie des processus, des modes d’organisations individuels en tant qu’ils sont révélateurs (…) d’un mode de réalisation d’une tâche professionnelle » (Blanchet & Gotman, 1992). En d’autres termes, l’analyse par entretien permet de mettre en évidence les modes de construction des processus individuels. Cependant, nous utilisons ici cette technique sous l’angle de la singularité non pas d’un seul enseignant, mais de trois enseignants d’un même stade. Aussi, par cet outil, nous tenterons de mettre en évidence une éventuelle correspondance :

- entre les étapes inclusives et leurs évolutions explicitées par les enseignants d’un même stade,

- dans le choix des étapes fondamentales pour chaque stade (le cas échéant de pouvoir visualiser le point de passage entre les stades),

- dans l’expression des points de blocage pouvant freiner voire inverser le passage vers le stade suivant.

Pour ce faire, nous synthétiserons ultérieurement l’architecture commune des entretiens (sous forme d’étapes) par stade inclusif.

A la suite de l’analyse par entretien, notre dernière approche repose sur une analyse thématique qui « (…) consiste à jeter l’ensemble des éléments signifiants dans une sorte de

sac à thèmes qui détruit définitivement l’architecture cognitive et affective des personnes singulières » (Bardin, 1991). Ce découpage transversal se base sur la procédure visant « (…) à repérer dans des expressions verbales ou textuelles des thèmes généraux récurrents qui apparaissent sous divers contenus plus concrets » (Mucchielli, 1996). Concrètement, « (…) on procède systématiquement au repérage, au regroupement et, subsidiairement, à l’examen discursif des thèmes abordés dans un corpus » (Paillé & Mucchielli, 2008). Ce faisant, nous regroupons les items dégagés pour la réalisation de l’analyse en cluster afin de les regrouper en thèmes récurrents selon le principe de ressemblance/différenciation.

Au final, l’analyse thématique consiste à découper transversalement tout le corpus et a pour objectif de discuter les éventuelles relations entre les stades inclusifs notamment au travers des évolutions dans les pratiques d’enseignement en anticipation ou en interaction.