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Chapitre 2 : ETUDE 1 : Revue systématique de la littérature sur l’inclusion en

IV. Discussion

IV.3. Représentations des enseignants d’éducation physique qui intègrent des élèves en situation

IV.3.3. Relation entre les facteurs externes aux enseignants et leurs représentations

De nombreux travaux ont étudié l’influence d’un soutien extérieur (de la part d’un personnel spécifique) et de la qualité de la communication (entre les partenaires de l’inclusion) sur les représentations des enseignants. Or, la plupart de ces recherches mettent en évidence la réalité de représentations négatives sous formes de préoccupations chez les enseignants d’EPS (Heikinaro-Johanson et al. 1995 ; Murata & Jansma, 1997 ; LaMaster et al. 1998 ; Lienert et al. 2001 ; Fejgin et al. 2005 ; Sato et al. 2007).

IV.3.3.1. Relation entre les communications et les représentations des enseignants

Lienert et al. (2001) ont interrogé (entretiens semi-directifs, questionnaires démographiques et observations) 30 enseignants d’EPS (16 professeurs allemands et 14 professeurs aux États-Unis) dans le but de déterminer, par une analyse inductive (grounded theory), les préoccupations principales de ces enseignants. Ils montrent que les enseignants des deux pays expriment beaucoup de préoccupations communes dont la collaboration effective (sur le terrain) avec des personnels spécifiques. En fait, dans les deux pays, la collaboration dans un climat relationnel favorable a été collectivement considérés comme très importante par les enseignants d'EPS. Néanmoins, les enseignants étaient préoccupés par la réalité de cette collaboration avec les enseignants en APE (Etats-Unis) ou les enseignants assistants (en Allemagne). Par exemple, la plupart des enseignants des Etats-Unis estiment avoir collaboré en situation réelle avec un enseignant en APE au maximum, une ou deux fois au cours de l'année scolaire et sur une courte période d’enseignement. Cette coopération limitée entraine des préoccupations professionnelles aux conséquences négatives sur représentations des enseignants envers l’inclusion.

Pour aller plus loin, Fejgin et al. (2005) utilisent un questionnaire (sur 363 enseignants d’EPS Israéliens) pour examiner la relation entre l'inclusion d’un élève en situation de handicap et l'épuisement professionnel des enseignants d’EPS. Les résultats montrent que la quantité d'assistance en personnel spécifique reçu par l’enseignant lors de l’accueil de ces élèves en situation de handicap, est directement corrélée à l'épuisement professionnel. Les auteurs suggèrent également que le montant de ce soutien devrait être fonction des besoins de l’élève en situation de handicap (en particulier de la gravité des déficiences). Par ailleurs, Sherrill (1998) note qu’un effectif de classe supérieur à 30 élèves incluant un élève en

situation de handicap contribue à l’épuisement professionnel, intensifie les problèmes de discipline et forme un obstacle à l’individualisation de l’enseignement.

Dans une autre étude, LaMaster et al. (1998) ont interrogé et observé 6 professeurs d’EPS de l'Ohio. Contrairement aux études précédentes, le rôle des enseignants spécialistes en APE dans cet état des Etats-Unis est essentiellement consultatif. Une analyse thématique a révélé la frustration des enseignants concernant le manque de disponibilité des spécialistes en APE (en raison du nombre important de projet individuel à gérer et du faible nombre d’enseignants spécialistes). Il en résulte que les consultations étaient trop courtes (30 à 60 minutes) et trop espacées dans le temps (hebdomadaire ou mensuelle) pour influencer positivement sur les représentations des enseignants.

Or, la fréquence et la qualité des communications est un élément essentiel en faveur de l’efficacité inclusive. Heikinaro-Johanson et al. (1995) ont testé, sur deux enseignants Finlandais (pendant 2 mois), deux modèles de communication entre l’enseignant d’EPS et les APE consultants :

a) un modèle qualifié d’intensif (réunion en face à face chaque semaine, observation des séances d’EPS chaque semaine et conversations téléphoniques régulières) et,

b) un modèle qualifié de limité (une réunion au début et à la fin de la séquence d’enseignement).

L’évaluation de ces deux modèles de communication (sous forme d’une étude de cas) montre clairement le bénéfice du modèle intensif. L’enseignant d’EPS bénéficiant du modèle intensif est plus efficace dans son enseignement (par exemple, en termes de temps d’instruction, de feedback, d’encouragements…) affectant les acquisitions de l’élève en situation de handicap qui pratique quantitativement plus et avec davantage de réussite.

La dernière étude représentative portant sur 5 enseignants (Sato et al. 2007), s’intéresse à la communication entre l’enseignant d’EPS et la communauté éducative en générale. Pour ce faire, ils ont interrogé 5 enseignants d’EPS Japonais et analysé les entretiens semi directifs réalisés avec une méthode comparative constante. Les résultats ont montréque, dans la plupart des cas, la collaboration se concentre essentiellement entre l’enseignant et les parents des élèves en situation de handicap. Les enseignants jugent la communication avec les parents comme une étape essentielle pour une inclusion réussie. Cependant, la plupart des communications avec les parents sont généralement survenues pendant de brèves périodes et essentiellement par téléphone. De plus, qualitativement, le sujet de la communication se centre prioritairement sur des événements particuliers (précision des restrictions médicales,

problème relationnel entre élèves…) et très rarement sur des questions liées à la pratique et l’apprentissage des élèves ou l’explicitation des interventions pédagogiques ou didactiques.

En résumé de cette partie de chapitre, la fréquence et la qualité de la communication entre l’enseignant et les partenaires de l’inclusion (notamment les enseignants spécialisés en APE) est une variable extérieure à l’enseignant qui semble fondamentale pour influer sur ses représentations. Ainsi, l’assistance d’un soutien spécifique représente une source de connaissances intéressante pour envisager plus sereinement l’inclusion. Ce soutien représente également une source de motivation extrinsèque pour l’enseignant.

IV.3.3.2. Relation entre les politiques éducatives et les représentations des enseignants

Un dernier facteur extrinsèque aux enseignants pouvant influencer leurs représentations repose sur les politiques éducatives en faveur de l’inclusion (Sato et al. 2009 ; Qi, & Ha, 2012). Par exemple, Sato et al. (2009) examinent les représentations de 5 enseignants Japonais par le biais d’entretiens semi-directifs analysés via une méthode comparative constante. Ils confirment l’influence des partenaires de l’inclusion (les collègues d’EPS et d’APE, les parents, les directeurs d’établissements) comme motivation extrinsèque influant sur les représentations positives des enseignants. Mais, cette étude récente montre aussi que les enseignants mettent en œuvre des pratiques inclusives en raison de leur motivation extrinsèque à se conformer aux politiques éducatives inclusives.

Or, le problème pointé par des études anglaises concerne l’inadéquation entre les principes inclusifs inscrits pour la première fois dans les programmes d’EPS anglais (NCPE) en 2000 et le contenu et les attentes des programmes et certifications en EPS basés essentiellement sur les activités sportives traditionnelles de types compétitives. En effet, NCPE (2000) ordonne trois principes volontaristes en faveur de l’inclusion: i) construire un environnement d’apprentissage adapté ii) répondre aux divers besoins d’apprentissage des élèves iii) surmonter les obstacles liés à l’apprentissage et à l'évaluation des élèves à besoins éducatifs spécifiques.

Toutefois, de nombreuses études (Smith, 2004 ; Smith & Green, 2004 ; Haycock & Smith, 2010a, 2010b, 2011) montrent que les contenus des programmes restent largement centrés sur les activités compétitrices collectives (football, basketball, netball…) provoquant, de fait, une situation paradoxale dénoncée par les enseignants. Par exemple, Smith & Green (2004) étudient 7 enseignants d’EPS par le biais d’entretiens semi-directifs suivi d’une

analyse thématique. Les résultats montrent que les enseignants ont l’intention d’inclure les élèves en situation de handicap avec les mêmes opportunités de participer aux activités aux côtés de leurs camarades ordinaires, mais en pratique ce n’est pas le cas. Cela se traduit par une exclusion des activités sportives de la classe dans le sens ou les programmations officielles sont très orientées sur les activités collectives compétitives qui, selon eux, ne conviennent pas pour l’inclusion. Ils notent, par ailleurs, que les élèves en situation de handicap seraient plus aisément inclus avec leurs camarades ordinaires dans des activités individuelles de pleine nature (course d’orientation) ou artistique (danse).

Or, ces activités physiques restent marginales dans les programmes. Cette situation est confirmée par Morley et al. (2005) qui ont organisé un groupe de discussion (focus group) avec 12 enseignants d’EPS anglais suivi d’une analyse thématique. Les résultats suggèrent que l’augmentation des élèves en situation de handicap dans les écoles ordinaires n'a pas radicalement modifié le contenu des programmations d’activités physiques des enseignants, qui continuent d'être largement dominé par les sports collectifs compétitifs avec un fort accent sur la performance, l'excellence et les compétences techniques. Les auteurs montrent que cette programmation semble avoir réduit, plutôt qu'améliorer, les possibilités pour les élèves en situation de handicap de participer aux mêmes activités que leurs camarades ordinaires. En effet, de façon générale, les élèves en situation de handicap participent à un nombre limité d'activités physiques et sportives par rapport à leurs pairs ordinaires. Dans certains cas, les élèves en situation de handicap pratiquent l’EPS séparément des autres élèves, c'est-à-dire dans des créneaux développés spécialement pour eux, dans le but de répondre plus spécifiquement à leurs besoins et capacités motrices.

A côté des programmes basés sur les activités sportives, rendant difficile, voire impossible, l’inclusion des élèves en situation de handicap, Haycock & Smith (2010) montrent que les certifications sont également en inadéquation avec les principes inclusifs du NCPE. Pour ce faire, ils étudient 12 enseignants avec la même technique de recueil et d’analyse des données que Morley et al. (2005). Ils montrent que malgré l’expérience importante des enseignants interrogés, les critères d’évaluation sont jugés comme inadéquates et inappropriés pour identifier les acquisitions des élèves en situation de handicap. En réalité, selon les enseignants interrogés, les exigences, essentiellement basées sur la performance, ne sont atteignables que part un nombre limité d’élèves (y compris des élèves ordinaires).

Pour synthétiser cette partie, les enseignants d’EPS semblent favorablement disposés pour inclure des élèves en situation de handicap, mais la réalité de l’inclusion rend la pratique inclusive complexe et provoque des représentations ambivalentes chez les enseignants. C’est

également la conclusion de l’étude de Ammah et al. (2006) qui ont observé la pratique de deux enseignants expérimentés et analysé leurs représentations par le biais d’entretiens. Ces enseignants avaient en commun une représentation de l’inclusion comme un idéal vers lequel il faut tendre, mais se posaient beaucoup de questions sur les implications pratiques. Paradoxalement, leurs représentations ont été parfois influencées par des expériences favorables, parfois par des expériences défavorables. Ainsi, pour « que l’inclusion ne soit plus considéré par un grand nombre d’enseignants d’EPS comme ‘aventureuse’ (…), les caractéristiques du processus d'inclusion [les programmes EPS, le soutien, la communication, la formation et les conceptions] doivent être plus largement développées » (Morley et al. 2005).