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Chapitre 5 : ETUDE 4 : Analyse des pratiques des enseignants

III.6. b Processus en faveur/défaveur du passage de l’insertion vers l’intégration

Pour que les enseignants en insertion basculent vers l’intégration, il nous semble que 3 processus soient nécessaires :

- La mise en pratique de l’élève en situation de handicap. - Le processus de simplification

- Le processus d’implication

Chacun de ces points vont être successivement analysés à la suite de quoi les principaux freins identifiés seront à leur tour analysés.

- La mise en pratique de l’élève en situation de handicap

Il semblerait que l’une des clés réside dans la motivation des enseignants en faveur de la pratique physique et sportive des élèves en situation de handicap. En effet, l’augmentation importante des modifications des tâches (Figure V.16) passant de modifications négatives à des modifications positives est explicite (de –34 ± 24s à + 63 ± 32s).

Figure V.16 : Evolution des paramètres bruts de l’AIPE T des élèves ordinaires aux 3 stades (valeurs absolues).

M = L’enseignant modifie les règles, le matériel, et/ou l’activité pour que l’élève en situation de handicap pratique puisse pratiquer ; C = L’enseignant encourage à la coopération pendant le jeu ou l’activité ; V = L’enseignant communiqué verbalement avec l’élève en situation de handicap ; PI = L’enseignant interagit physiquement avec l’élève en situation de handicap ; ins : Insertion ; int : Intégration ; sco : Scolarisation

La figure V.17 présente l’évolutions des ALT PE des élèves en situation de handicap et confirme le passage vers la pratique des élèves en situation de handicap via la décroissance des courbes relatives aux temps moyen de soutien (par séance) apporté aux camarades (de 20 à 6 minutes) d’une part ; et aux temps moyen de non engagement moteur (par séance) d’autre part (de 26 à un peu moins de 18 minutes).

Figure V.17.: Evolution des paramètres bruts de l’ALT PE des élèves en situation de handicap aux 3 stades (valeurs absolues).

MA = engagement moteur approprié ; MI = engagement moteur inapproprié ; S = soutien aux camarades ; NM = non engagement moteur ; ins : Insertion ; int : Intégration ; sco : Scolarisation

Finalement, la croissance importante de la courbe de l’intensité physique de la figure V.18 (de 1,97 ± 1.79 à 4,56 ± 2.68) tend à confirmer ce processus d’acceptation de la pratique des élèves en situation de handicap même si les écarts types importants nécessitent de rester prudent.

Figure V.18 : Evolution des intensités physiques des élèves entre les 3 stades.

ins : Insertion ; int : Intégration ; sco : Scolarisation ; éh : élève en situation de handicap, éo : élève ordinaire

Au regard de ces éléments nous pouvons faire au moins deux hypothèses face à cette absence (au stade de l’insertion) de mise en pratique des élèves en situation de handicap :

- Les représentations des enseignants sont axées principalement sur une vision médicale de l’élève en situation de handicap, et sa fragilité supposée entraînerait plutôt, non pas un refus de faire pratiquer en tant que tel, mais une exacerbation du principe de sécurité.

- Les difficultés liées à la gestion d’une hétérogénéité plus importante et donc la complexité de prendre en charge un élève en situation de handicap (sans aide ni formation) sans, pour autant, négliger les autres élèves.

Ces hypothèses, ainsi que les hypothèses intermédiaires suivantes, seront reprises dans le chapitre qui suit dans une analyse transversale des différentes études de cette thèse, seul à même d’apporter suffisamment d’éléments pour une contribution significative.

- Le processus de simplification

Il nous semble que pour rendre effectif la pratique des élèves en situation de handicap, et donc concrétiser le passage de l’insertion à l’intégration, les enseignants s’orientent vers la simplification des exigences. Ainsi, l’augmentation importante du temps moyen d’engagement moteur approprié (par séance) des élèves en situation de handicap (Figure V.17), passant d’environ 12 à 30 minutes, rend compte de ce processus de simplification.

La figure V.19, sur l’évolution des ALT PE des élèves ordinaires, confirme ce processus de simplification. En effet, on observe que le temps moyen d’engagement moteur approprié (par séance) augmente de l’insertion à l’intégration (de 25 à 34 minutes) et que dans le même temps, le temps moyen d’engagement moteur inapproprié (par séance) est divisé par deux (d’environ 12 à 6 minutes).

De même, l’augmentation importante des courbes relatives aux « Félicitations » ou « Félicitations suivies d’un feed-back technique » de la figure V.20, (évolution des paramètres du CBAS des élèves en situation de handicap), c’est-à-dire uniquement en cas de réussite de l’élève, tend à confirmer le passage vers des situations facilitées.

Figure V.19 : Evolution des paramètres bruts de l’ALT PE des élèves ordinaires aux 3 stades (valeurs absolues).

MA = engagement moteur approprié ; MI = engagement moteur inapproprié ; S = soutien aux camarades ; NM = non engagement moteur ; ins : Insertion ; int : Intégration ; sco :

Scolarisation

Figure V.20 : Evolution des paramètres du CBAS des élèves en situation de handicap aux 3 stades (valeurs absolues).

F = L’enseignant félicite l’élève suite à sa réussite ; F & Ft = L’enseignant félicite et donne un feed-back technique à l’élève suite à sa réussite ; Ft = L’enseignant donne un feed-back technique à l’élève suite à son échec ; org = L’enseignant donne des consignes

d’organisation ; ins : Insertion ; int : Intégration ; sco : Scolarisation

Nous pouvons faire au moins deux hypothèses quant aux raisons de cette simplification des tâches pour l’ensemble des élèves. Cela permettrait :

- de contourner l’obstacle de l’hétérogénéité accrue par la pratique de l’élève en situation de handicap tout en aménageant une première forme de pratique sécurisée, - de viser une forme d’égalité entre les élèves dans la pratique (lissage des

différences), favorisant la coopération entre les élèves et donc l’intégration sociale des élèves en situation de handicap.

- Le processus d’implication

Le passage de l’insertion à l’intégration passe par une augmentation de l’implication pédagogique notamment en termes de verbalisations et d’éléments proxémiques. Ainsi, on observe une augmentation de la quantité de verbalisations de la figure V.21 passant de 51 ± 40s à 102 ± 64s. De même, on remarque le passage vers une proximité plus importante de l’insertion vers l’intégration. En effet, bien que les écarts types soient importants, la distance « enseignant-élève en situation de handicap » passe de 9,74 ± 5,7 m à 5,11 ± 5,6 m (Figure V.21a) et l’angle du regard passe de 72 ± 58° à 29 ± 37° (Figure V.21b).

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18

ins int sco

m éh éo -20 0 20 40 60 80 100 120 140 160

ins int sco

éh éo

Figure V.21a : Figure V.21b :

Evolution des distances enseignant / élèves Evolution des angles regard enseignant /

aux trois stades. élèves aux trois stades.

ins : Insertion ; int : Intégration ; sco : Scolarisation ; éh : élève en situation de handicap ; éo : élève ordinaire

Les hypothèses de cette implication importante envers l’élève en situation de handicap seraient :

- D’une part, une volonté probable de faire coopérer les élèves ordinaires avec l’élève en situation de handicap. L’enseignant, par son implication, agirait ici comme un catalyseur. Hypothèse confortée par le temps d’incitation à la coopération (AIPE-T) qui augmente de l’insertion à l’intégration (de 0s à 50 ± 31s). - D’autre part, une possible « surprotection » de l’enseignant en réponse à la

« fragilité » supposée de l’élève en situation de handicap moteur (Garel, 2003 ; Klavina, 2011).

Or, cette « attitude de surprotection, plutôt que de lui être bénéfique, risquerait au contraire d’enclaver un peu plus l’enfant dans un système clos et, de la sorte, de provoquer l’exacerbation de sa différence » (Zaffran, 2007). Autrement dit, une trop forte implication de l’enseignant envers l’élève en situation de handicap pourrait à terme devenir un frein dans le passage de l’insertion à l’intégration.

- Les principaux freins identifiés pour le passage Insertion -> Intégration

Au regard de l’analyse de l’ensemble des résultats, il nous semble que deux principaux obstacles peuvent freiner le passage de l’insertion à l’intégration.

Ainsi, le passage vers l’intégration entraîne une hétérogénéité plus importante à l’intérieur de la classe et de fait une complexité accrue d’enseigner. Par conséquent, les enseignants s’adaptent essentiellement par la simplification des exigences. Or, la simplification des exigences, représente à la fois un catalyseur d’intégration sociale à court terme, mais aussi un frein aux progrès moteurs sur le moyen et long terme. La figure V.19, par exemple, montre le déséquilibre occasionné par la simplification des tâches dans les ALT PE des élèves ordinaires. En effet, l’écart entre l’engagement moteur approprié (MA) et l’engagement moteur inapproprié (MI) fait plus que doubler (de 13 minutes en insertion à 27 minutes en intégration). De même, la figure V.17 relatif à l’évolution des ALT PE des élèves en situation de handicap montre également une augmentation importante de l’écart entre MA et MI (de 12 minutes en insertion à plus de 26 minutes en intégration). Or, plus l’écart est important, plus les élèves sont en réussite immédiate. La confrontation de ces deux résultats tend à montrer que la simplification des exigences est davantage un besoin pour l’enseignant de se rassurer, qu’une nécessité pour les élèves en situation de handicap de se confronter à la pratique.

Le deuxième obstacle nous semble être une conséquence de cette simplification des tâches. En effet, bien qu’il semble nécessaire lors de ce passage de favoriser l’entrée de l’élève en situation de handicap par la simplification des tâches, il semble difficile de conserver cette stratégie sur le moyen et long terme au risque de démotiver l’ensemble des élèves mais aussi de rendre responsable l’élève en situation de handicap de cette démotivation et donc peut-être à terme, arriver à l’inverse des résultats escomptés en terme d’intégration sociale (Kalyvas & Reid, 2003 ; Block, 2007 ; Block & Obrusnikova, 2007).

A terme, une des conséquences possibles de cette stratégie serait le retour vers l’insertion. Ce retour pourrait être imposé par la nécessité de ne pas léser les élèves ordinaires quant à leurs apprentissages et à leurs progressions par rapport aux contenus des programmes.

III.7. Passage de l’intégration à la scolarisation (différences, processus et obstacles)