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I. EXPÉRIMENTATION IN VIVO DANS LES PYRÉNÉES ESPAGNOLES

I.4. Synthèse et discussion

Cette première expérimentation était destinée à tester les effets des processus périglaciaires sur les charbons de bois en contexte naturel. Elle a permis de mettre en évidence :

 une évolution beaucoup plus rapide des dépôts extérieurs par rapport à ceux placés à l’intérieur de la cavité. Ce constat indique que la plus grande stabilité thermique et

la réduction des processus météoriques dans les grottes peuvent avoir un effet positif sur la conservation des charbons de bois.

Toutefois, les meilleures conditions de conservation à l’intérieur de la cavité observées ici ne sont pas généralisables à tous les contextes archéologiques. Dans notre expérimentation, la très faible – voire la quasi absence – de sédimentation sur les versants est un facteur d’altération des dépôts.

 le taux de disparition du matériel est beaucoup plus important lorsque les charbons de bois sont déposés en surface (par opposition aux dépôts enfouis). Les pertes sont relativement rapides puisque plus de la moitié du matériel initialement déposé n’est plus retrouvé après seulement une année d’exposition. Inversement, les charbons enfouis, recouverts par seulement 5cm de sédiments, sont mieux préservés et se fragmentent moins. Cela met en évidence l’importance fondamentale de la vitesse

de sédimentation pour la préservation du matériel.

 en revanche, un phénomène de cryoexpulsion des plus gros fragments a pu être mis en évidence lorsque les charbons étaient enfouis. S’il semble effectif lorsque la couche de sédiment est encore peu épaisse (5cm), il serait utile de tester à l’avenir la possibilité de remontée des charbons de bois sur des hauteurs plus importantes. Cela

160 pourrait avoir des implications importantes sur le plan archéologique. Le constat de la circulation verticale des charbons de bois en contexte périglaciaire invite quoi qu’il en soit à la prudence vis-à-vis du choix des échantillons notamment lorsqu’ils sont destinés à la datation de niveaux dans lesquels l’activité du gel est identifiée.

 la fragmentation des charbons de bois est importante, passant de 105 fragments par cellule à plusieurs milliers au bout de quatre ans de dépôt seulement en contexte naturel. La rapidité de la perte de matériel dans les cellules de surface et de la fragmentation des échantillons quel que soit le type de dépôt laisse envisager les effets extrêmement destructeurs d’une exposition prolongée du matériel anthracologique dans des conditions sans doute plus rudes que celles de l’étage périglaciaire pyrénéen actuel. La rapidité et l’intensité de la fragmentation montre bien que les processus mécaniques peuvent avoir une incidence majeure sur la dégradation du matériel anthracologique et qu’une quasi disparition des charbons

de bois par hyper-fragmentation est envisageable.

 les phénomènes de dispersion et de perte n’affectent pas les taxons de manière

différentielle. Ils sont essentiellement liés au transport par le vent et les

ruissellements et dans une moindre mesure à l’avancée des fronts des coulées de solifluxion et à la cryoreptation. Ces processus affectent donc tous les taxons de manière relativement homogène et ne sont pas à même dans notre expérimentation de générer une conservation différentielle des essences. Celle-ci est donc majoritairement le fruit, si elle existe, de l’hétérogénéité de la fragmentation. Ceci met en évidence l’importance de continuer à étudier les modalités de fragmentation des essences.

 dans cet essai, Pinus et Quercus produisent moins de fragments que la moyenne des essences et Populus et plus ponctuellement Corylus en produisent plus. Toutefois, ces différences sont principalement marquées dans les classes de taille inférieures,

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la classe >4mm. L’étude de la fragmentation doit donc inclure la question de la

représentativité paléoenvironnementale en fonction de la taille des fragments.

Dans cette expérimentation, les alternances gel-dégel ont évidemment une incidence, toutefois les effets observés, relativement importants en comparaison d’un nombre de cycles gel-dégel réduit (25 à 50 en surface et 6 à 20 à 10cm de profondeur), sont également le fruit des processus liés : le vent froid et fort ainsi que les ruissellements de fonte du couvert neigeux ou consécutifs aux épisodes orageux contribuent à disperser et fragmenter les charbons de bois. Lorsque la neige est absente et même sans l’activité du gel, l’imbibition et la dessiccation régulière (journalière ?) des fragments doit probablement participer du processus de fragmentation. De même, la végétation, certes fort réduite, est malgré tout présente et les racines viennent en partie se nourrir des nutriments contenus dans les charbons de bois. Il est clair que dans le cadre de cette expérimentation en contexte naturel, il est difficile de faire la part réelle, isolée, du rôle des alternances gel-dégel. En contrepartie, le protocole mis en place permet justement de mettre en évidence l’importance et la rapidité d’action des processus météoriques combinés. Le rôle amplificateur des processus « secondaires », et en particulier du vent, a été constaté au cours d’autres expérimentations visant par exemple à mesurer les déplacements d’alignements de pièces de silex (notamment Hilton, 2003).

Toutefois, si l’on veut mesurer réellement la réaction particulière des charbons de bois aux alternance de gel et dégel du sédiment encaissant, cela ne peut être fait qu’en conditions contrôlées où un phénomène peut être mis en œuvre seul et observé.

Pour cette raison, nous avons réalisé une seconde expérimentation, à même de documenter spécifiquement les effets du gel-dégel.

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IV. EXPÉRIMENTATION IN VITRO : MESURE DES EFFETS DES ALTERNANCES DE GEL ET