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II. Caractérisation des propriétés mécaniques du charbon de bois : approche expérimentale

II.3. Analyse et interprétation

II.3.3. Interprétation

II.3.3.4. Le cas particulier de Fagus

Au regard des liens mis en évidence entre caractéristiques physiques/anatomiques et fragmentation, le cas de Fagus est difficilement interprétable.

En effet, cette essence présente une masse volumique élevée, de nombreux vaisseaux composant le plus souvent une zone poreuse bien visible et possède des rayons qui, pour être moins longs et larges que ceux de Quercus, sont plus importants que ceux de toutes les autres essences. Malgré cela, son seuil d’élasticité est moyen et, dans toutes les classes de taille, il fait partie des espèces qui se fragmentent le moins. Il se rapproche fortement de

Populus. Sa faible fragmentation explique d’ailleurs en partie son positionnement sur le

106 expliqué par les critères pris en compte dans notre analyse. Son comportement thermique semble également différer légèrement du reste des taxons. D’autres propriétés physiques (composants chimiques ?) doivent avoir une influence sur son comportement thermo- mécanique qu’il importera de déterminer lors d’études ultérieures.

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Conclusion du chapitre III : de l’expérimentation au contexte archéologique

Cette étude montre que la structure anatomique du bois des différents taxons testés a une incidence importante sur les propriétés mécaniques des charbons qui en sont issus. La carbonisation, si elle produit sans doute un matériau moins hétérogène que ne le sont initialement les différents bois, ne gomme pas les différences de densité, d’organisation et de composition cellulaire, etc.

Le comportement thermique, la résistance à la pression, la fragmentation et ses modalités sont largement dépendantes des caractéristiques physiques et anatomiques des essences. Certaines des différences notées sont importantes à considérer du point de vue archéologique. L’altération des propriétés mécaniques suit un gradient thermique différentiel selon l’essence qui peut engendrer des différences de fragmentation des taxons au sein d’un même foyer. La température de formation du charbon de bois influence également la fragmentation du matériau (Théry et al., à paraitre). Or, les températures atteintes au sein d’une structure de combustion varient dans la durée mais aussi à l’intérieur même de la structure. La question de la fragilité des charbons de bois, en lien avec leur température de formation est donc archéologiquement très difficile à appréhender.

Les différences de fragmentations sont principalement visibles en dehors de la classe ]>4mm]. Ces premiers résultats tendent donc à montrer qu’une anthraco-analyse portant sur les seuls charbons supérieurs à 4mm induirait (comparativement aux classes de taille inférieures) moins de risques de sous- ou surreprésentations des taxons à l’exception de

Quercus qui est surreprésenté dans cette classe.

Nous avons également noté une variation taxonomique des valeurs de la contrainte à la rupture. En termes archéologiques, cela signifie que la rupture du matériau n’est pas initiée sous les mêmes niveaux de pression. Ainsi, à conditions d’enfouissement égales, les taxons n’auront pas forcément la même capacité de résistance, ce qui pourrait être un facteur de biais. Cependant, la contrainte à la rupture dépend de la température de formation du charbon de bois et n’a pas d’incidence sur la quantité de fragments produits après la rupture du matériau. Il en résulte donc un ensemble de situations extrêmement variables, dont tous les paramètres ne sont ni connus, ni mesurables. Aussi, s’il est important d’étudier et de prendre en compte les conditions d’enfouissement (nature et intensité des processus post-

108 dépositionnels ayant participé à la formation du dépôt, vitesse d’enfouissement, à l’échelle du site, mais aussi des variations intra-site), il n’est pas possible en l’état d’inférer le comportement mécanique des charbons. Il faut néanmoins garder en tête au moment de l’interprétation, que certains taxons sont plus fragiles que d’autres.

Inversement, les valeurs obtenues pour la contrainte à la rupture (oscillant de 8 à 19.4 MPa pour une moyenne de 13.9 MPa) apportent des précisions significatives. En effet, la pression supportée par les charbons de bois avant fragmentation est relativement élevée. Mécaniquement, le charbon de bois est un matériau considéré comme fragile. Or à titre de comparaison, la contrainte à la rupture d’un béton ordinaire se situe entre 16 et 40MPa, celui de l’acier entre 235 et 350MPa et celui des résineux courants, entre 18 et 30MPa. Or, pour l’essentiel les processus post-dépositionnels ne génèrent pas des pressions très importantes. La pression exercée par un pas d’homme par exemple (dépendant du poids de la personne et de la surface de son pied reposant au sol) est proche de 1MPa. De même, la pression maximale mesurée lors d’expérimentations de propagation du gel dans une entaille de roche calcaire est de l’ordre de 6MPa (Bost, 2008).

Ainsi, l’intense fragmentation des charbons de bois (allant parfois jusqu’à la disparition de la fraction macroscopique du matériel) caractéristique d’une partie des sites pléistocènes (du sud-ouest français notamment) ne semble pas pouvoir être le fait de processus uniques, ni de courte durée. Les processus classiques type gel-dégel ou piétinement, répétés de manière inhabituelle au cours d’une phase de faible (voir d’absence) sédimentation, pourraient sans doute générer une fragilisation progressive du matériel, conduisant à la fragmentation extrême que l’on connait. De tels effets doivent a priori être interprétés comme le signe de conditions particulières.

Bien sûr, ces observations doivent être nuancées, notamment du fait du mode de fabrication des échantillons relativement éloigné des réalités archéologiques. Ces résultats viennent cependant documenter le comportement mécanique des charbons de bois, encore largement méconnu.

De manière à tester le comportement des charbons de bois dans des situations plus proches des conditions archéologiques réelles, nous avons mis en œuvre une série d’expérimentations permettant d’appréhender les effets particuliers des alternances de gel- dégel et de retrait-gonflement du sédiment sur les charbons de bois, leur piétinement, leur

109 exposition aux phénomènes de météorisation. Les résultats sont présentés dans les chapitres qui suivent.

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CHAPITRE IV

CHARBONS DE BOIS ET PHÉNOMÈNES PÉRIGLACIAIRES, APPROCHE

EXPÉRIMENTALE

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Introduction

 Qu’est-ce que le périglaciaire ?

Le terme périglaciaire désigne tous les processus géomorphologiques associés aux alternances de gel-dégel de l’eau contenue dans les sols ou dans les roches. Les régions périglaciaires sont donc celles dont le modelé est tributaire du gel du sol, même lorsque celui-ci n’est pas permanent. Sols structurés (sols striés ou polygonaux), blocs laboureurs, coulées de solifluxion, cryoturbation, etc., sont des marqueurs de processus générés par l’alternance des cycles de gel et de dégel du sol. De tels marqueurs peuvent être le fruit de processus actifs sous les hautes latitudes et altitudes, ou inactifs. On parle alors de formes héritées. Sous nos latitudes, le domaine périglaciaire actif se limite aux régions montagnardes. L’étage périglaciaire se situe théoriquement entre l’isotherme 0°C et le bas de l’étage glaciaire. Ses limites altitudinales sont variables d’une chaine à l’autre. Dans les Pyrénées centrales, les formes périglaciaires se développent à partir de 2250-2300m d’altitude (Feuillet et Sellier, 2008). Dans les Alpes du Briançonnais, l’étage périglaciaire débute vers 2500m (Francou, 1983).

Toutefois, la température n’est pas le seul déterminant de l’activité périglaciaire et de son intensité. L’ensoleillement, le vent, l’humidité, l’amplitude thermique été/hiver, la lithologie, influencent l’ampleur des effets des alternances gel-dégel. Mais c’est surtout la durée et la continuité du couvert neigeux qui conditionnent le régime thermique des sols de montagne. En dehors de la période nivale, la température du sol est fortement corrélée à celle de l’air et subit donc des variations importantes. Inversement, pendant la période nivale, la couverture neigeuse joue un rôle d’isolant thermique. L’effet isolant de la neige dépend principalement de l’épaisseur de la couche (Lliboutry, 1965 ; Goodrich, 1982). Dans les Pyrénées, sur le site des Lacs d’Ardiden (2450m), les températures quotidiennes moyennes de l’air enregistrées par Météo France entre 2007 et 2009 oscillent entre -16 et 19.2°C. La température minimale atteinte est de -20.4°C. Ces températures font apparaître 111 cycles gel-dégel par an, mais seuls 18 cycles ont lieu en dehors de la période nivale (Feuillet, 2010). Cela signifie que seuls 16% des cycles concernent directement le sol. Dans la Haute Ubaye entre 2450 et 3150m d’altitude à la Mortice et au Chambeyron, les enregistrements réalisés

113 entre 1975 et 1982 font apparaître seulement 20 à 25 cycles annuels en moyenne à 5cm de profondeur (Coutard et al., 1996). De même, sur le site expérimental du Parc d’Ordesa y Monte Perdido (Pyrénées espagnoles), le nombre de cycles gel-dégel moyen par an oscille entre 25 et 50 en surface et 6 à 20 à une profondeur de 10cm (le régime thermique du site est détaillé au § I.3 de ce chapitre).

Si le nombre de cycles peut paraître relativement réduit, les phénomènes de cryoclastie, d’éboulis, de cryoexpulsion, les coulées de solifluxion, la formation de sols polygonaux et de sols striés, n’en conditionnent pas moins la morphogénèse locale.

Les stigmates de tels processus sont visibles dans les séquences des sites archéologiques pléistocènes, dont les dépôts se sont formés lors d’épisodes climatiques extrêmement rigoureux, ou qui ont subi a posteriori les effets de gels profonds.

 Régime thermique et extension du pergélisol au cours du dernier cycle glaciaire en

Europe occidentale

Le dernier cycle climatique en Europe est relativement bien connu. Les données issues des carottages dans la calotte glaciaire et des longues séquences lacustres et marines, associées aux résultats des nombreuses analyses géomorphologiques et paléoenvironnementales ont permis en quelques décennies de fixer avec beaucoup de précision le cadre climatique terrestre global et les expressions continentales de ses variations. Le croisement de données diverses et multi-scalaires conduit aujourd’hui à la formulation de modèles d’évolution du régime thermique continental et d’extension du permafrost. Cependant, malgré l’abondance et la qualité des données paléoclimatiques et paléoenvironnementales, de nombreuses incertitudes persistent. À la complexité des mécanismes climatiques, répondent des modifications thermiques et environnementales régionales influencées par de nombreux paramètres. Un rapide bilan (non-exhaustif) des données de la littérature montre que les gradients altitudinaux, latitudinaux, mais aussi longitudinaux contribuent à créer un ensemble de situations relativement hétérogènes en Europe de l’Ouest, qui rendent dès lors, les extrapolations à l’échelle locale extrêmement difficiles.

114 Le dernier cycle glaciaire débute avec le stade isotopique 5e, lors du dernier interglaciaire Eémien, vers 130ka. Il se caractérise par une dynamique forestière homogène en Europe et des températures moyennes annuelles de 2° à 4°C supérieures à l’actuel. D’après Zagwin (1996), les températures pendant les mois les plus froids oscilleraient entre -4 et 4°C, et celles des mois les plus chauds entre 10 et 20°C.

Le Début-Glaciaire ou Weichselien ancien est marqué par la chute des températures et l’augmentation de la continentalité. Pendant le stade de Melisey I (OIS 5d), celles-ci sont estimées à -2°C à la Grande Pile et -4°C en Velay ; elles seraient encore inférieures durant le second stade de Melisey (OIS 5b). Les deux interstades de Saint Germain (OIS 5c et 5a) sont caractérisés au contraire par des températures élevées, sans toutefois atteindre les niveaux de l’optimum Eémien (Guiter et al., 2003).

Le dernier Pléniglaciaire, et notamment les OIS 4 et 2, est caractérisé par l’installation du permafrost en Europe du Nord. D’après Vandenberghe (1998), les températures moyennes des mois les plus chauds en Europe du Nord-Ouest atteindraient 10°C, quand celles des mois les plus froids pourraient être inférieures à -20°C. Le Pléniglaciaire ancien est également caractérisé par une variation importante de l’humidité. L’OIS 3, même s’il est moins rigoureux reste globalement froid avec des températures qui oscilleraient entre 10 et 15°C en été et -4 à -20°C en hiver selon les auteurs. Les réchauffements interstadiaires atteindraient cependant des températures proches de l’actuel. Le permafrost referait son apparition au cours de l’OIS 2, vers 28 000 ans (Van Vliet-Lanoë, 1989). Le Maximum glaciaire est atteint vers 20 000BP (Jouzel, 1999) avec des températures moyennes annuelles inférieures à -7°C (Guiter, 2003) et des températures estivales ne dépassant pas les 7 ou 8°C (Vandenbergue, 1992). L’Europe du Sud tout en étant confrontée à des conditions moins extrêmes, enregistre de profondes variations climatiques et environnementales pendant les oscillations du Pléniglaciaire. Les travaux récents dans le bassin méditerranéen montrent notamment que même les courts événements de Heinrich entraînent de profondes modifications de la végétation. L’événement de Heinrich 2 qui précède le Maximum Glaciaire est documenté dans les séquences du Golfe du Lion et de la mer d’Alboran. Les reconstitutions thermiques indiquent pour l’Ouest méditerranéen des températures moyennes annuelles de -10 à -15°C entre 25 et 23500 ka calBP. Les estimations au cours du Maximum Glaciaire sont plus élevées, avec des températures hivernales de -10 à -15°C dans

115 la mer d’Alboran et de -16±8°C dans le Golfe du Lion et des températures moyennes annuelles positives (Beaudouin, 2005, 2007 ; Combourieu Nebout et al., 2009 ; Fletcher et Sanchez-Goñi, 2008). Les modélisations réalisées par Tjeerd Van Andel (2002), montrent qu’en plus du gradient Nord-Sud prévisible, il existe un fort gradient Est-Ouest, les conditions thermiques se durcissant avec l’augmentation de la continentalité. Les températures dans le sud-est de la France oscilleraient en été entre 12 et 18°C et en hiver entre -4 et 0°C au cours du Maximum Glaciaire. L’événement de Heinrich 1 est ensuite particulièrement marqué dans toutes les séquences de l’ouest méditerranéen. Il est caractérisé par des conditions très froides et surtout très sèches par rapport au Maximum Glaciaire (températures minimales en hiver -20°C et -8°C en été). Dans le sud de l’Italie, les variations enregistrées au Lago Grande Di Monticchio, permettent d’estimer de manière très générale durant le Pléniglaciaire des températures hivernales comprises entre -10 et 0°C au cours des interstades et inférieures à -10°C lors des stades glaciaires (Allen et al., 2000).

Ainsi, bien qu’étant atténué, l’abaissement drastique des températures atteint jusqu’aux régions méridionales de l’Europe. La question de l’extension géographique du permafrost pendant le Pléniglaciaire doit alors être considérée avec attention. Le permafrost, ou pergélisol, est défini par le gel permanent d’un sol pendant au minimum deux années consécutives (French, 2007). Plusieurs types, dont la mise en place dépend des conditions thermiques, sont toutefois distingués. Le pergélisol continu implique des températures moyennes annuelles de l’air (TMAA) ≤ -8°C avec une température du mois le plus froid ≤ -20°C, le domaine du pergélisol discontinu se développe à partir d’une TMAA ≤ - 4°C et le domaine du pergélisol sporadique implique une TMAA inférieure à 0°C (Vandenberghe et Pissart, 1993 ; Levavasseur et al., 2011). La question de l’extension du permafrost en Europe, et plus particulièrement en France, est toujours en débat. Une partie des auteurs considèrent que seule la moitié nord de la France a été touchée par un pergélisol continu, tandis que des données plus anciennes font état d’une extension qui aurait touché tout le pays. La carte publiée sur le site du CNRS (Cartographie ANDRA-CNF- INQUA 1999, Lettre n°10 du Programme International Géosphère Biosphère-Programme Mondial de Recherches sur le climat) issue des travaux de Van Vliet-Lanoë et Hallégouët (2001) montre une extension du pergélisol continu lors du Maximum glaciaire sur tout le

116 Nord et l’Est du pays jusqu’au nord du Languedoc avec quelques îlots à l’ouest et au sud-est du Massif Armoricain. L’Ouest et le Sud du pays, en revanche, ne seraient concernés que par un pergélisol discontinu ou un simple gel saisonnier profond. Pourtant, les indices d’emprise du pergélisol dans la région Sud-ouest sont nombreux (Bastin et Cailleux, 1941 ; Tricart, 1956 ; Texier et Bertran, 1993 ; Gangloff et al., 1994 ; Texier, 1996 ; Bertran et Fabre, 2005 ; Bertran et al., 2009b) et des données récemment acquises en Aquitaine contribuent à réactualiser la question (Lenoble et al., 2012). D’anciennes publications font état dans le Sud-Est de la France de la présence de réseaux de polygones et de sols cryoturbés (Bouteyre et Allemann, 1964 ; Cailleux et Rousset, 1968 ; Arnal, 1971 a et b ; Nury, 1969). De même, les modélisations de M. Garcin (1994) pour la Péninsule Ibérique montrent la sensibilité de l’intérieur des terres aux divers coups de froid du dernier cycle climatique pouvant entraîner des températures moyennes annuelles proches ou inférieures à 0°C. D’après cet auteur, l’installation d’un permafrost de type sporadique, discontinu ou continu est envisageable. Il pourrait concerner des surfaces non négligeables et « constituer un phénomène important de l’histoire quaternaire de l’Espagne, en dépit de sa position géographique méridionale ».

 Gel du sol et conservation des charbons de bois

On le voit, la question de l’extension du permafrost en Europe Occidentale est loin d’être réglée. Pour nous, elle revêt une importance particulière puisque l’intensité des phénomènes glaciaires et périglaciaires pourrait être un des facteurs agissant sur la conservation des charbons de bois. Dans la région aquitaine, les données récemment acquises font état d’au moins trois épisodes de mise en place d’un pergélisol au cours des derniers 40 000 ans, lesquels semblent particulièrement bien corrélés aux événements de Heinrich (Bertran et Lenoble, 2012). Certains de ces épisodes d’extension du pergélisol sont identifiés et datés dans les séquences locales de cavités. C’est le cas notamment du Pech de l’Azé II ou de la Grotte XVI dans lesquels les charbons de bois sont fort peu conservés. Dans d’autres gisements, tels la grotte Bouyssonie en Corrèze, la présence de petits sols polygonaux dans les niveaux du Paléolithique supérieur a été mise en évidence. Les couches archéologiques qu’ils renferment sont très riches en résidus de carbonisation et les charbons de bois sont nombreux et bien conservés. Le lien entre processus périglaciaires et

117 conservation du matériel anthracologique n’est donc ni unique, ni linéaire et demande à être approfondi, mais peut clairement être envisagé dans certaines séquences. L’intensité des phénomènes en jeu semble toutefois être un facteur important de l’ampleur de la dégradation du matériel.

Or, un certain nombre de variables participent de l’intensité de l’expression des phénomènes périglaciaires.

La propagation des ondes de gel est évidemment dépendante de l’intensité du gel, donc de la température de l’air, mais le couvert nival et le couvert végétal, l’hygrométrie du sol, ses propriétés, le niveau de radiation solaire participent également de l’importance de l’activité cryogénique. La pénétration des ondes de gel dans le sol dépend notamment de la notion de conductivité thermique. Celle-ci est influencée par l’intensité du froid, mais aussi par la nature du sol (minéralogie et densité) et sa teneur en eau. La conductivité thermique est plus importante dans un sol minéral que dans un sol riche en matière organique, elle a également tendance à augmenter avec la densité. L’eau possède une meilleure conductivité thermique que l’air, aussi à matrice, densité et porosité égales, la conductivité du sol augmente avec la teneur en eau. Les matériaux fins sont généralement plus conducteurs que les matériaux grossiers, mais la porosité en présence d’eau sera facteur d’augmentation des transferts d’énergie thermique. La variabilité de l’expression des processus liés au gel dépend donc d’une série de facteurs qui contribuent à créer des situations archéologiques hétérogènes.

Le lien entre processus périglaciaires et conservation des charbons de bois avait été envisagé par Théry-Parisot (1998, 2001) et l’avait conduite à mettre en œuvre une série d’expérimentations (cf. chapitre I, § II.4.). Les résultats ont démontré la relative sensibilité des charbons de bois aux alternances gel-dégel, en particulier lorsque ceux-ci sont issus de bois altéré et en présence d’eau. Dans ces premières expériences, les pressions externes dues au changement de volume de l’eau avaient probablement une incidence secondaire – bien qu’effective – sur la fragmentation des charbons de bois par rapport à l’impact des pressions internes liées au gel de l’eau à l’intérieur des fragments. Les effets induits semblaient alors assez réduits sur les charbons issus de bois sains et plusieurs centaines de cycles étaient nécessaires pour que les premiers signes de fragmentation apparaissent. Il

118 n’existe pas à l’heure actuelle de données permettant de documenter l’impact conjoint des pressions internes et externes telles qu’elles se produisent en contexte archéologique au sein d’une matrice sédimentaire. C'est-à-dire impliquant le gel de l’eau à l’intérieur des fragments eux-mêmes, mais aussi les phénomènes de compression et de traction induits par