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Chapitre 3 : Vers des architectures étendues

2. Synthèse de fluorenones

Les nombreuses applications de ces structures ont suscité l’intérêt de la communauté scientifique.

Plusieurs méthodes d’accès menant à des composés possédant une taille, un agencement spatial, ou

des substituants différents ont donc été mises au point. Elles se divisent majoritairement en trois catégories : les cycloadditions, les cyclisations métallo-catalysées et les cyclisations organo-catalysées.

D’autres méthodes de synthèse moins usuelles telles que des oxydations ou des contractions de cycles

ont également été décrites. Cette section est articulée autour des méthodes d’obtention des

fluorenones, en fonction du cycle (B, C ou E) à construire et du nombre de substrats nécessaires à leur élaboration. Les voies d’accès aux fluorenones ne nécessitant pas la construction de l’un de ses cycles sont présentées à la fin de la partie.

a)

Construction du cycle E

La voie de synthèse vers les fluorenones passant par la construction du cycle à cinq chainons E est la méthode la plus utilisée pour atteindre les membres de cette famille. La construction peut se faire aussi bien de façon intra-, ou intermoléculaire, et se déroule le plus souvent selon un mécanisme métallo- ou acido-catalysé. Ce sont les méthodes intermoléculaires métallo-catalysée qui seront présentées les premières dans cette sous partie.

En 2000, l’équipe de Jones publie une voie de synthèse menant aux kinafluorenones où la construction du motif benzo[b]fluorenone s’effectue par un couplage pallado-catalysé188. La première étape de la stratégie de synthèse est ici une réaction d’acylation de type Friedel-Crafts permettant, la formation

d’une diaryl cétone dissymétrique à partir d’un acide carboxylique. La construction du cycle E est finalisée en présence d’un complexe de palladium(II) par C–H arylation intramoléculaire (Schéma 56).

SCHEMA 56-STRATEGIE D'ANNULATION DE JONES POUR LA CONSTRUCTION DU SQUELETTE DE LA KINAFLUORENONE

Cette réaction est également compatible avec une activation par micro-ondes : une irradiation µW

permet de réduire grandement le temps de réaction nécessaire, au prix d’une perte négligeable de

rendement.

La même année, l’équipe de Larock met au point une cyclocarbonylation pallado-catalysée (Schéma

57) permettant d’obtenir directement des fluorenones à partir de motifs bi-phényliques

o-halogénés189.

SCHEMA 57-CYCLOCARBONYLATION PALLADO-CATALYSEE DE LAROCK

188 G. Qabaja, G. B. Jones, J. Org. Chem.2000, 65, 7187; G. Qabaja, G. B. Jones, Tetrahedron Lett.2000, 41, 5317. 189 M. A. Campo, R. C. Larock, Org. Lett.2000, 2, 3675.

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Cette réaction présente l’avantage d’être compatible avec la présence des substituants divers et de

moduler les densités électroniques sur les cycles B et D avec de très bons rendements (67% - 100%).

La cyclocarbonylation s’effectue avec un rendement quantitatif sur le bi-phényle non substitué,

indifféremment de la nature de l’halogène (I ou Br).

Lorsque le substituant R2est positionné en méta du second cycle aromatique, la réaction mène à un

mélange de produits qui ne semble pas dépendre de l’influence électronique du substituant R2 (90/10

avec R2 = -Me ou R2 = -CHO) ; la cyclisation s’effectue toujours de façon à ce que le substituant R2 soit placé en position 3 de la fluorenone finale (Schéma 58).

SCHEMA 58-REGIOSELECTIVITE DE LA REACTION DE LAROCK

La réaction n’est pas seulement limitée à des structures bi-phényliques puisqu’elle fonctionne

également avec le phénanthrène (98%), le naphthalene (96%) et des hétérocycles comme

l’isoquinoline (95%) et le benzothiophène (67%).

Les cyclisations acido-catalysées vers des fluorenones se font généralement en présence d’un acide

de Brønsted, usuellement depuis une structure bi-phénylique substituée en position ortho par un acide carboxylique ou l’un de ses dérivés. Dans ces exemples, le cycle E est construit par SEAr selon le mécanisme décrit en Schéma 59.

SCHEMA 59-MECANISME GENERAL DE LA CYCLISATION ACIDO-CATALYSEE VERS UNE FLUORENONE

La première cyclisation acido-catalysée menant à une fluorenone est décrite en 1988 par Brown à

partir d’un dérivé d’indanone (Schéma 60)190.

SCHEMA 60-ISOMERISATION DE BROWN

Il décrit alors un processus d’isomérisation de la benzo[b]fluorenone vers la benzo[a]fluorenone, en la

faisant réagir avec de la potasse, provoquant l’ouverture de la cyclopentanone en acide carboxylique,

qui évolue ensuite en présence de PPA vers son isomère avec un rendement global de 28%.

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Prakash reprend cette méthodologie en remplaçant le PPA par du Nafion-H dans du m-dichlorobenzène. Il utilise ces conditions pour synthétiser des cétones cycliques de cinq à sept chainons avec de très bons rendements (82% à 95%) (Schéma 61)191.

SCHEMA 61-CYCLISATION DE PRAKASH

Par la suite, Velasco remplace l’acide carboxylique par un groupe nitrile sur des structures

bi-phényliques polysubstituées, montrant ainsi que cette réaction peut potentiellement s’appliquer à tous les dérivés des acides carboxyliques192. Il utilise dans ce cas de l’acide phosphorique non

polymérisé et la réaction décrite est compatible avec différents groupes alkyls (Me et iPr), des halogènes (Cl et Br), des groupes donneurs (OMe). Cependant, elle conduit au produit désiré avec des rendements moyens (12% à 68%). Plus tard, en utilisant du PPA comme agent de cyclisation sur un nitrile, Kim synthétise des fluorenones étendues par trois cycles benzéniques, avec un enchainement 6;6;6;5;6;6 (Schéma 62)193.

Hümmelgen, adapte ensuite la réaction sur un ester, catalysée avec du PPA, pour synthétiser des

polymères de fluorenones ayant des applications dans le domaine de l’optoélectronique194.

SCHEMA 62–CYCLISATION DE KIM

La métallation directe permet aussi la construction du cycle E des fluorenones. On retiendra par exemple la méthodologie Snieckus. A partir de dérivés d’acide, il utilise ce procédé pour sa synthèse

totale de la Dengibsin, une fluorenone naturelle présente dans l’orchidée indienne Dendrobium

Gibsonii (Schéma 63)195.

Les dernières étapes de sa synthèse sont une cyclisation au LDA, suivi d’une déprotection sélective de

deux éthers isopropyliques. Ciske généralise ensuite cette méthode aux structures bi-phényliques polymethoxylés en utilisant les mêmes conditions réactionnelles196.

Des réactions intermoléculaires créant le cycle E à partir de deux motifs aromatiquesont également

été décrites. Elles ont l’avantage de mener à une plus grande diversité moléculaire en créant deux

nouvelles liaisons C–C à partir de substrats moins complexes.

191 G. A. Olah, T. Mathew, M. Farnia, G. K. S. Prakash, Synlett1999, 1999, 1067. 192 Z. Yu, D. Velasco, Tetrahedron Lett.1999, 40, 3229.

193 K.-H. Kim, S.-H. Kim, K.-Y. Lee, J.-N. Kim, Bull. Korean Chem. Soc.2011, 32, 1387.

194 J. Gruber, R. W. C. Li, L. H. J. M. C. Aguiar, A. R. V. Benvenho, R. Lessmann, I. A. Hümmelgen, J. Mater. Chem.

2005, 15, 517.

195 W. Wang, V. Snieckus, J. Org. Chem.1992, 57, 424. 196 F. L. Ciske, Synthesis (Stuttg).1998, 1998, 1195.

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SCHEMA 63-SYNTHESE DE LA DENGIBSIN

Larock continue son travail de cyclisations metallo-catalysées (voir page 74) vers les fluorenones en publiant, en 2005197, une nouvelle stratégie de synthèse reposant sur la réactivité entre un

2-halogénobenzaldéhyde et un précurseur d’aryne (Schéma 64).

SCHEMA 64-SYNTHESE DE FLUORENONE PAR REACTION D'UN 2-HALOGENOBENZALDEHYDE AVEC UN ARYNE

Le mécanisme proposé débute par la formation de l’aryne en présence de CsF. Ce composé peut ensuite intégrer le cycle catalytique puis, après deux additions oxydantes successives, mener au complexe de palladium(IV). L’ouverture de ce complexe permet de compléter le cycle catalytique selon

deux chemins réactionnels possibles : l’un passant par une addition sur la liaison C=O, l’autre par une

insertion dans la liaison C–H du groupe carbonyle (Schéma 65).

L’insertion dans la liaison C–X fonctionne de manière équivalente avec un brome ou un iode – la réaction mène au produit désiré avec un rendement similaire – cependant le temps de réaction est allongé dans le cas où un brome est utilisé. Larock étend par la suite sa méthodologie aux fluorenones étendues et aux hétérocycles en conservant les mêmes conditions expérimentales198.

197 X. Zhang, R. C. Larock, Org. Lett.2005, 7, 3973.

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SCHEMA 65-FORMATION DE LA FLUORENONE PAR REACTION D'UN ARYNE SUR UN 2-HALOGENOBENZALDEHYDE

En 2008, un processus en cascade menant aux fluorenones est décrit par l’équipe de Cheng199. A l’aide d’une aldoxime, Cheng dirige une première C–H arylation pallado-catalysée en position ortho, puis cyclise directement son groupe directeur sur la structure bi-phénylique obtenue par une seconde C–H

activation suivie d’une addition sur la double liaison C=N (Schéma 66). Une hydrolyse acide permet

d’obtenir la fluorenone attendue avec un rendement variant entre 63% et 90%.

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SCHEMA 66-PROCESSUS CASCADE DE CHENG POUR LA SYNTHESE DE FLUORENONES

Lorsque plusieurs régioisomères peuvent être formés (lorsque l’aldoxime ou l’aromatique iodé sont

substitués en position méta), la réaction mène exclusivement à un seul des régioisomères possibles : celui où le substituant est situé en position 3 de la fluorenone (Schéma 67).

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Selon Cheng, la régiosélectivité observée serait dû à un contrôle stérique de la réaction.

Une seconde réaction domino est décrite en 2010 par l’équipe de Ray, faisant cette fois ci intervenir

un couplage de Suzuki, suivi d’un couplage entre le cycle aromatique et l’aldéhyde, menant à la

formation de la cyclopentanone centrale des fluorenones (Schéma 68)200.

SCHEMA 68-REACTION DOMINO DE RAY

Contrairement au processus de Cheng, cette réaction requiert la présence d’un atome de brome

supplémentaire pour obtenir le produit cyclisé, là où Cheng effectue une activation directe de la liaison C–H. Cette réaction est également décrite avec des rendements légèrement plus faibles pour des

produits similaires (de 51% à 80%), et semble être plus difficile à mettre en œuvre lorsque la cible est

une benzo[a]- ou une benzo[c]fluorenone (de 51% à 67%). La synthèse de benzo[b]fluorenones n’est

pas décrite dans cette étude. Cette réaction a cependant l’avantage de fonctionner avec des

aldéhydes, alors qu’une étape de synthèse supplémentaire est nécessaire pour former l’aldoxime,

essentiel à l’utilisation des conditions expérimentales décrites par Cheng. La nécessité d’avoir un acide

boronique en ortho d’un atome de brome limite cependant le nombre de substrats facilement

accessibles.

En 2010, Shi réutilise l’aldoxime de Cheng (voir page 78) et décrit un nouveau processus en cascade vers des fluorenones, effectuant successivement une arylation de type Suzuki, puis une cyclisation acido-catalysée201.

Le mécanisme débute ici par une C–H activation suivi d’une arylation pard’un acide boronique, dirigée par l’aldoxime. La cyclisation menant à la fluorenone est ici catalysée par TfOH (Schéma 69). La

régiosélectivité de la cyclisation lorsque l’acide boronique possède un substituant en position méta

n’est pas étudiée en détail ici : un seul exemple est décrit (avec un groupe -OMe), et mène à ce qui

semble être un mélange 50/50 entre les deux régioisomères possibles.

La cyclisation ne semble pas fonctionner avec des substituants électroattracteurs, et mène aux fluorenones attendues avec un rendement global médian : de 39% à 62%.

200 S. Paul, S. Samanta, J. K. Ray, Tetrahedron Lett.2010, 51, 5604.

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SCHEMA 69-CASCADE REACTIONNELLE DE SHI

En 2013, notre équipe utilise également TfOH pour cycliser des acides carboxyliques en fluorenones et ainsi former des structures tridimensionnelles hélicoïdales202. Dans ce cas, l’utilisation de PPA menait à la dégradation des précurseurs, c’est donc H2SO4, puis finalement TfOH203, qui a conduit à la cyclisation la plus sélective.

b)

Construction des cycles E et C

D’autres méthodologies, tels que les cycloadditions, permettent la construction simultanée de

plusieurs cycles des fluorenones. Ces réactions peuvent s’effectuer aussi bien de façon intramoléculaire, que de façon intermoléculaire, à partir de deux ou trois substrats.

202 A. Souibgui, A. Gaucher, J. Marrot, F. Aloui, F. Mahuteau-Betzer, B. Ben Hassine, D. Prim, Eur. J. Org. Chem.

2013, 2013, 4515.

203 H. Boufroura, A. Souibgui, A. Gaucher, J. Marrot, G. Pieters, F. Aloui, B. Ben Hassine, G. Clavier, D. Prim, Org. Biomol. Chem.2015, 13, 10844.

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La réaction de Diels-Alder et ses variantes sont parfaitement adaptées à la synthèse de fluorenones, et ont été utilisées pour décrire la formation de plusieurs cycles du squelette carboné de cette molécule, parfois même pour synthétiser des fluorenones étendues.

C’est l’équipe de Danheiser qui, en 1994, décrit la première la synthèse de fluorenones en utilisant une

cycloaddition de type [4+2]204. Le substrat de la réaction est ici une enyne qui, en présence d’hydroxytoluene butylé (BHT) dans le toluène, conduit à la cyclopentanone et, de manière concertée, au dernier cycle benzénique de la fluorenone avec un rendement de 55% (Schéma 70).

SCHEMA 70-CONDITIONS EXPERIMENTALES DE DANHEISER

L’équipe de Saá décrit par la suite une méthode de synthèse menant à des benzo[b]- et des

benzo[c]fluorenones205. Sa stratégie de synthèse est également basée sur la réaction de cycloaddition

en présence d’un motif comprenant deux alcynes. L’addition entre ces deux fonctions mène à la

formation d’un allène qui, en se réarrangeant, conduit à un mélange de benzo[b]- et de

benzo[c]fluorenone (Schéma 71).

SCHEMA 71-CYCLOADDITION DE SAA

204 R. L. Danheiser, A. E. Gould, R. F. de la Pradilla, A. L. Helgason, J. Org. Chem.1994, 59, 5514.

205 D. Rodríguez, M. F. Martínez-Esperón, A. Navarro-Vázquez, L. Castedo, D. Domínguez, C. Saá, J. Org. Chem.

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La proportion du mélange benzo[b]- / benzo[c]fluorenone est régit par la nature et l’effet électronique

des substituants R1, R2 et R3. En ce qui concerne le substituant R3,un caractère électroattracteur favorise la déprotonation en position α du groupe TMS de l’allène 1, ce qui déplace l’équilibre vers la

formation de la benzo[b]fluorenone. Dans le cas où R3 est électrodonneur, la prototropie est retardée,

et l’isomérisation vers l’allène 2 est alors observée.

Saá montre qu’un substituant R1 encombrant favorise la cyclisation vers la benzo[c]fluorenone,

probablement dû à la gêne stérique péri qu’il induit. De même, la présence d’un substituant R2 favorise également le réarrangement, quel que soit sa nature.

Cette réaction été utilisée par Echavarren en 2006 pour synthétiser le squelette carboné des kinamycins206, en inversant la position du groupe TMS et du phényle sur le substrat. Dans ce cas, la cyclisation thermique mène à un mélange de benzo[a]- et de benzo[b]fluorenone.

Très récemment, le groupe de Chen a encore amélioré la méthodologie de Saá en proposant des

conditions réactionnelles permettant de s’affranchir du mélange entre les deux fluorenones étendues

et de n’obtenir qu’un seul des deux isomères207. Pour ce faire, la réaction est catalysée par un complexe

de fer. L’ajout d’une source de brome électrophile comme le NBS permet en outre l’insertion

régiosélective d’un atome de brome sur la structure, ouvrant la voie aux réactions de couplage métallo

-catalysées, et donc à une post fonctionnalisation (Schéma 72).

SCHEMA 72-CYCLOBROMATION DE CHEN

Une autre voie de synthèse vers des dérivés de fluorenone est celle de Danishefsky qui, en 2008, synthétise la fluostatin C (voir page 69) à l’aide d’une réaction de Diels-Alder entre un vinyle indène comme diène et une quinone comme diènophile208. Dans ce cas cette cycloaddition permet de construire le dernier cycle benzénique de la fluorenone et son extension.

En s’inspirant de la réaction de Saá, Ratovelomanana-Vidal décrit une cycloaddition [2+2+2]

bimoléculaire entre trois alcynes, menant à des dérivés de fluorenone tetra substitués209. Depuis le

même substrat, en présence d’un alcyne supplémentaire, la cycloaddition intramoléculaire n’est plus

observée, ce qui permet d’obtenir une fluorenone dont l’un des cycles benzéniques est totalement

substitué (Schéma 73).

SCHEMA 73-CYCLOADDITION [2+2+2] DE RATOVELOMANANA-VIDAL

206 E. González-Cantalapiedra, Ó. de Frutos, C. Atienza, C. Mateo, A. M. Echavarren, Eur. J. Org. Chem.2006, 2006, 1430.

207 J. Tan, Z. Wang, J. Yuan, Y. Peng, Z. Chen, Adv. Synth. Catal.2019, 361, 1295. 208 M. Yu, S. J. Danishefsky, J. Am. Chem. Soc.2008, 130, 2783.

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Cette réaction présente plusieurs avantages dont le fait de pouvoir se dérouler sans solvant ni additif supplémentaire à une température inférieure à 100°C. Elle mène aux produits désirés avec une conversion complète et un rendement isolé compris entre 58% et 81%. Elle est également compatible avec la présence d’hétérocycles au niveau du cycle B (pyridine, furane, thiophène et benzothiofène). Cependant, la régiosélectivité de la cycloaddition n’est pas contrôlée, et la position finale des substituants R4 et R5 dépend de facteurd stérique et électronique.

Une stratégie alternative consiste à construire des fluorenones étendues à partir du noyau central. Dans cette méthodologie décrite par McLaughin 210 , la cyclopentenone réagit avec le 1,2-bis(dibromomethyl) benzène pour construire le fragment naphthalene latéral. Cette stratégie peut être réitérée pour aboutir à la fluorenone étendue avec un rendement global de 28% (Schéma 74).

SCHEMA 74-SYNTHESE D'UNE DIBENZOFLUORENONE PAR MCLAUGHLIN

Si cette méthodologie permet un accès rapide à des fluorenones étendues de chaque côté, son

principal désavantage est la nécessité d’utiliser un dérivé du dibromomethylbenzène, ce qui limite grandement la diversité moléculaire atteignable.

c)

Sans construction de cycle

Une dernière stratégie de synthèse consiste à modifier un ensemble de cycles préconstruit vers des fluorenones. On peut notamment penser aux réactions d’oxydation, ou de contraction de cycle,

présentées dans cette sous partie.

En 1998, Becker décrit une méthode d’oxydation des carbones en position benzylique vers des

cétones, qu’il applique naturellement pour synthétiser des fluorenones (Schéma 75)211.

SCHEMA 75-OXYDATION DE BECKER

210 J. L. Morris, C. L. Becker, F. R. Fronczek, W. H. Daly, M. L. McLaughlin, J. Org. Chem.1994, 59, 6484. 211 B. K. Banik, M. S. Venkatraman, C. Mukhopadhyay, F. F. Becker, Tetrahedron Lett.1998, 39, 7247.

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L’oxydation se fait en présence d’un sel de bismuth dans un mélange d’acide acétique, d’acétone et d’eau et permet l’oxydation direct du carbone sp3 du fluorene, menant à des fluorenones avec un rendement de 54% à 61%.

Une oxydation directe du fluorene en fluorenone est également décrite en 1999 par Sudalai212 alors

qu’il essayait de former un peroxyde de tert-buyl sur le carbone sp3. Dans certains cas, le peroxyde

formé se réarrange ensuite pour former une cétone. Il s’agit ici d’une réaction catalysée par un

complexe de ruthénium en présence d’hydroperoxyde de tert-butyle dans l’acétonitrile qui lui permet

d’obtenir la fluorenone de façon quantitative (Schéma 76).

SCHEMA 76-OXYDATION PAR TBHP

Cette réaction est plus tard reprise par Garcia213, qui utilise cette fois ci comme catalyseur un MOF. Si

ces conditions permettent de s’affranchir de l’utilisation de métaux rares, elle mène au produit

d’oxydation avec un rendement plus faible : 73%.

212 M. D. Nikalje, A. Sudalai, Tetrahedron1999, 55, 5903.

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Hashemi décrit une méthode d’oxydation plus générale, catalysée par CuCl en présence de celite sous

atmosphère d’O2214. La réaction semble fonctionner sur tous les dérivés halogénés oxydables, en particulier sur le 9-bromofluorene, où elle mène, en 4h, à la fluorenone avec un rendement de 86% (Schéma 77).

SCHEMA 77-OXYDATION DE HASHEMI

Une dernière stratégie de synthèse menant à des fluorenones est basée sur la contraction du cycle central d’une 1,2-benzoquinone. Cette contraction est décrite par Mal en présence d’hydroxyde de

potassium suivi d’une oxydation au chrome, et mène à la fluorenone avec un rendement global sur

deux étapes de 29% à 43% (Schéma 78)215.

SCHEMA 78–CONTRACTION DE CYCLE DE MAL

Deux ans plus tard, cette séquence est revisitée par Ferreira qui, en une seule étape catalysée par du diiode, obtient une fluorenone avec un rendement de 88% (Schéma 79)216.

La réaction est également décrite sur des quinones non benzo-condensées et sur des hétérocycles ; elle mène à une grande variété de dérivés de la cyclopentadiènone avec des rendements allant de 65% à 90%.

Ces méthodes sont moins communes car elles nécessitent pour la plupart l’utilisation d’oxydants

puissants, pouvant également affecter d’autres fonctions potentiellement présentes sur le substrat.

Une post fonctionnalisation, ou l’installation de groupes protecteurs sur les fonctions sensibles, peut s’avérer nécessaire pour s’assurer d’une bonne chimio sélectivité.

214 M. M. Hashemi, Y. A. Beni, J. Chem. Res.1999, 434.

215 A. Patra, S. Ghorai, S. De, D. Mal, Synthesis (Stuttg).2006, 2006, 2556. 216 S. Ferreira, C. Kaiser, V. Ferreira, Synlett2008, 2008, 2625.

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