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Synthèse du chapitre sur les enjeux environnementaux planétaires et locaux

2. Des enjeux environnementaux planétaires et locaux

2.5 Synthèse du chapitre sur les enjeux environnementaux planétaires et locaux

Dans ce chapitre , nous avons vu que l’humanité est confrontée à l’atteinte de limites planétaires pour une dizaine de processus écologiques : changements climatiques, taux de perte en biodiversité, perturbations des cycles de l’azote et du phosphore, trou dans la couche d’ozone, acidification des océans, utilisation planétaire d’eau douce, changement d’affectation des sols, charge en aérosols atmosphériques et pollution chimique (Rockstrom, 2009). De ce fait, les ressources biologiques dont nous dépendons risquent de subir des transformations rapides et imprévisibles à l’horizon de quelques générations (Barnosky et al. 2012). D’autres sujets font également l’objet de préoccupations : pics d’épuisement des ressources fossiles et des matières premières minérales, risques industriels et nucléaires, par exemple. Ces sujets de préoccupation appellent à des changements, à court et moyen termes de nos modes de vie (United Nations Environment Programme (UNEP) 2012a). L’ hypothèse directrice de nos travaux est que si l’on veut éviter que ces changements soient imposés à nos sociétés par la raréfaction des ressources et les crises économiques et sociales qui y seront probablement associées, il est nécessaire (même si non suffisant) que les acteurs des différents niveaux, des citoyens aux politiques, en passant par les organisations telles que les entreprises, s’approprient les connaissances sur les enjeux écologiques qui se posent à nos sociétés. Cette hypothèse pose la question de la diffusion et la mobilisation des connaissances. La connaissance peut-être définie comme « un processus humain dynamique qui

conduit à justifier ses croyances personnelles vers une “vérité » » (Nonaka, Toyama & Konno

2000). Elle s’échange selon différents modes, explicites et implicites. Ainsi, si la formalisation des connaissances est nécessaire et peut permettre une diffusion plus large des connaissances explicites, elle ne peut suffire pour l’appropriation individuelle et collective des connaissances (Nonaka, Toyama & Konno 2000). En particulier, dans le domaine de la durabilité, un modèle alternatif d’échange d’informations et de connaissances pourrait avoir pour objectif de «réconcilier» le monde scientifique, celui des politiques et celui des acteurs de terrain en suscitant des processus qui faciliteraient les interactions entre ces différents mondes (Shaxson, Bielak & et al. 2012.). Le partage des connaissances relatives aux impacts environnementaux, et plus généralement à la soutenabilité, nous semble donc être une condition nécessaire, même si largement insuffisante, à la mise en place de meilleures

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conditions de soutenabilité et de résilience de nos sociétés. Cependant, si on peut escompter que chaque acteur assure les différentes fonctions relatives à la création et au partage de connaissances lui permettant d’optimiser l’atteinte de ses propres objectifs, l’enjeu du partage des connaissances en vue d’une transition vers une société plus soutenable, est d’amener différents acteurs à prendre en compte des connaissances qu’ils ne prendraient pas spontanément en compte, voire qui entrent en conflit avec leurs intérêts particuliers, et à certaines de leurs pratiques, conventions sociales et convictions. La présence de tierces parties, tels que les médiateurs ou « courtiers en connaissances environnementales » (knowledge brokering), apparaît ainsi comme particulièrement nécessaire. En particulier, les démarches "top-down" de diffusion de la connaissance nous semblent moins pertinentes dans ce contexte que des approches qui font une large place au débat public. Cependant, ces nouvelles approches ne doivent pas se substituer aux processus de légitimation plus classiques de la connaissance (démarche scientifique, par exemple) qui permettent de valider et légitimer les connaissances transmises. En effet, les connaissances environnementales sont souvent complexes, empreintes d’incertitudes et parfois controversées. Leur besoin de légitimation est donc particulièrement important doivent également bénéficier (Jany-Catrice, Meda 2011).

Nos travaux de recherche dans le domaine de l’évaluation environnementale ont vocation à se situer dans la prise en compte de l’environnement au niveau stratégique. L’évaluation environnementale stratégique peut être définie comme « une procédure d’évaluation préalable de Politique, Plan et Programme (PPP) visant à :

- Expliciter les enjeux environnementaux et sociaux

- Apprécier la cohérence des PPP au regard de l’environnement

- Préparer les évaluations ex post de même que les évaluations environnementales de projets

éventuels » et futurs (Guedegbe 2012).

La notion d’enjeu environnemental a été définie par (André 1999) comme « une préoccupation

majeure qui peut faire pencher la balance en faveur ou en défaveur d’un projet ». Plusieurs

typologies permettent de définir les différents enjeux environnementaux, selon plusieurs niveaux d’agrégation (impacts – dommages, par exemple). Par exemple, les différents enjeux environnementaux peuvent être regroupés en quatre catégories : changement climatique, effets sur la nature et la biodiversité, effets sur la santé humaine, utilisation excessive de ressources naturelles (De Caevel, Ooms 2005).

L’évaluation environnementale stratégique doit donc répondre au double défi de permettre la participation du public ainsi que la prise en compte d’enjeux environnementaux divers tant par leur nature que par leur échelle temporelle et géographique. Ces deux défis ne sont pas sans contradiction. Comment, par exemple, intégrer dans les débats les acteurs absents, pouvant être définis comme « le vivant biologique et les générations futures, ceux qui ne peuvent

être présents à la table des négociations et qui sont pourtant porteurs d’enjeux » (Sébastien, Paran

2004) ? Comment équilibrer la prise en compte des enjeux locaux et celles des impacts planétaires ?

Dans cette optique, une autre hypothèse sous-jacente à nos travaux de recherche est qu’il est nécessaire de définir des indicateurs représentant les impacts environnementaux générés par

les activités humaines et d’encourager leur prise en compte dans les décisions des différents acteurs. Ceci nous semble nécessaire tant au niveau "macro" des nations qu’au niveau "micro", c’est-à-dire à l’échelle de chaque organisation (entreprises ou établissements publics). C’est principalement à ce niveau « micro » que se situent plus particulièrement nos travaux portant sur l’évaluation des pressions exercées par les activités humaines sur l’environnement. Cependant, au-delà du cadre classique d’évaluation DPSIR (Force motrice – Pression – État – Impact – Réponses), les méthodes d’évaluation actuelles tendent vers une reconnaissance plus forte des interactions entre l’homme et la nature en vue d’évaluer et analyser les changements intervenus dans l’état de l’environnement (United Nations Environment Programme (UNEP) 2002). Ainsi, à l’image de la méthode d’évaluation des services écosystémiques, il nous semble que les méthodes d’évaluation environnementale tendent aujourd’hui vers l’analyse des relations entre l’Homme et l’environnement, prenant ainsi en compte simultanément différentes composantes du cadre DPSIR.

En contribuant à la création de nouvelles connaissances, l’évaluation des pressions exercées par les activités humaines sur l’environnement peut générer de "nouvelles" représentations de l’environnement, qui peuvent être des éléments décisionnels supplémentaires à prendre en compte par les acteurs territoriaux. Il nous semble donc important de reconnaître que les outils d’évaluation, quels qu’ils soient, reposent sur des hypothèses, souvent implicites, issues d’un système de valeurs (Gasparatos, Scolobig 2012). En particulier, le choix, ou non, de faire reposer les méthodes de calcul sur l’hypothèse de substituabilité entre capital humain et capital naturel nous semble central dans le choix des outils d’évaluation environnementale. Selon cette hypothèse, souvent implicite, le montant des investissements dans du capital produit par l’Homme (bâtiments, routes, connaissances, etc.) viendrait compenser les stocks déclinant de ressources non renouvelables afin de garder constante la consommation et, par conséquent, le niveau de « bien-être » des individus. Mais cette hypothèse a été remise en cause dès les années 1980. En particulier, P. Ehrlich a souligné les risques potentiels générés par la substitution entre êtres vivants (Ehrlich, Mooney 1983). Dans son sillon, en 1982, est né le courant « d’économistes écologistes », selon lequel « la condition nécessaire à la soutenabilité est le maintien du stock complet de capital naturel. Même si un stock plus faible de capital naturel peut être soutenable, la société ne peut plus se permettre le déclin du capital naturel compte-tenu des incertitudes importantes et des conséquences terribles des erreurs d’appréciation. Cette règle de constance du capital naturel total peut ainsi être vue comme une condition a minima de prudence pour assurer la soutenabilité, et n’être assouplie que si des preuves

solides montrent que cela est prudent » (Costanza, Daly 1992) (notre traduction). Ces réflexions

nous amènent à essayer d’éviter de développer, dans nos travaux de recherche, des outils d’évaluation reposant, de façon plus ou moins implicite, sur le postulat de substituabilité entre capital naturel et capital humain. Nous écarterons donc a priori les outils basés sur une évaluation monétaire de l’environnement.

Dans le chapitre suivant, nous verrons comment évaluer la durabilité ou la non-durabilité, ainsi que les verrous scientifiques posés par ce thème de recherche.

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