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Récapitulatif sur les méthodes d’évaluation développées dans le cadre des

3. Evaluer la durabilité, ou non-durabilité, écologique : une démarche interdisciplinaire qui

3.2 Les méthodologies de comptabilité environnementale : des outils de représentation

3.2.9 Récapitulatif sur les méthodes d’évaluation développées dans le cadre des

thèses co-encadrées

Il est difficile de résumer en quelques lignes ce que nous a apporté chaque thèse suivie. J’ai l’habitude de dire aux candidats potentiels qu’une thèse est une aventure humaine unique, qui implique la volonté de travailler, de façon approfondie, sur un seul sujet pendant trois ans. La relation entre le doctorant et ses encadrants est également une aventure humaine et une rencontre particulière. Tout d’abord, je préfère « suivre » une thèse que « l’encadrer », et encore moins la « diriger », car je pense que le doctorant doit être, et se considérer, comme le

« chef de projet » de sa thèse. Si l’encadrant est là pour donner les grandes orientations du

projet en termes de sujet, de littérature et de méthodologie, c’est au doctorant de construire et s’approprier son projet ainsi que d’en dresser les limites. Selon moi, la relation doctorant/encadrant ne peut donc être basée ni sur un rapport hiérarchique ni sur un rapport de type « maître à élève ». Au contraire, je la considère comme réussie lorsqu’elle génère un apprentissage réciproque et un échange de connaissances et savoirs, mais aussi, et peut-être surtout, de questionnements et doutes. Cette vision peut ne pas être partagée. Comme toute relation humaine, elle n’est jamais parfaite et comporte toujours des moments difficiles et de tensions. Cependant, même s’ils sont difficilement formalisables, je pense que ces apports humains sont au moins tout aussi importants, tant pour le doctorant que pour ses encadrants, que les apports scientifiques de chaque thèse.

Ceci étant dit, nous essayons ci-dessous de synthétiser les principaux apports scientifiques des différentes thèses que nous avons suivies, et de voir en quoi elles ont contribué à préciser notre objectif de recherche concernant l’évaluation et la représentation des enjeux environnementaux dans une optique de transitions écologiques et énergétiques.

Les premiers travaux de thèse que nous avons suivis nous ont permis de préciser notre positionnement au sein de la vaste problématique de l’évaluation de la durabilité. Basés sur un important corpus théorique, les travaux d’Aurélien Boutaud ont posé des bases conceptuelles solides qui ont permis de retracer l’émergence de la notion de développement durable au prisme des théories de la négociation et de préciser les problématiques liées à l’évaluation de la durabilité. Ces travaux ont mis en évidence le fait qu’un système d’évaluation doit viser un double objectif :

Etre efficace en termes pédagogiques et de communication,

Mettre en évidence les tensions inexorables existant entre les différents enjeux du développement durable, et en particulier entre développement humain et préservation des ressources naturelles, deux enjeux non substituables entre eux et donc non commensurables.

Ainsi, A. Boutaud a eu l’idée de croiser empreinte écologique et indice de développement humain (Boutaud 2003). Ce schéma a depuis été maintes fois repris dans la littérature nationale et internationale, y compris par des documents publiés par le programme des Nations Unies pour le Développement. Il a également étudié une trentaine d’outils de questionnement et d’analyse du développement durable (OQADD) développés au sein de collectivités territoriales. Ces outils (Boutaud 2003)apparaissent comme un moyen d’appropriation du développement durable par les collectivités locales (ou au moins par les personnes créant ou utilisant les OQADD) afin de le rendre plus concret et pragmatique (Boutaud 2005). Il s’agit aussi potentiellement d’un outil permettant de susciter un débat et de nouveaux réflexes en termes de transversalité. Cependant, des blocages administratifs et politiques viennent souvent s’opposer à une large utilisation de ces outils qui restent ainsi souvent dans les sphères techniques (Boutaud 2005).

Nathalie Lourdel a, quant à elle, mis en évidence le lien entre évaluation, apprentissage et représentations du développement durable. Afin de représenter les idées retenues et les interactions perçues par des apprenants, elle a développé et expérimenté l’utilisation de cartes cognitives (Lourdel 2005).

Avec Karen Delchet, nous avons développé et expérimenté une des premières méthodes qualitatives, en France, d’évaluation de l’appropriation du développement durable par les PME. Cette expérimentation a montré l’importance de hiérarchiser les enjeux en termes de développement durable, pour une organisation donnée (Delchet 2006).

Adrien Ponrouch s’est basé sur la méthode que nous avons proposée avec K. Delchet pour l’adapter et l’expérimenter dans le contexte des collectivités locales. Il a ainsi défini trois champs de gestion des enjeux du développement durable par les collectivités locales : la gestion interne, le champ institutionnel (compétences et politiques) et la coordination stratégique territoriale (Ponrouch 2008).

Ces quatre premières thèses que j’ai co-encadrées étaient dirigées par Christian Brodhag. Les travaux de thèse d’Ibtissam El Bouazzaoui ont permis de développer et expérimenter une méthode d’estimation de l’empreinte écologique pour un projet d’aménagement du territoire (EL BOUAZZAOUI 2008). Il s’agissait de la première thèse pour laquelle j’ai défini

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moi-même le sujet. Le directeur de recherche, avec lequel je l’ai co-encadrée, était Jacques Bourgois.

Trois sujets de thèse se sont plus directement inspirés de la méthodologie d’analyse de cycle de vie. Dans le cadre d’un important travail de terrain avec des designers et des entreprises,

Gaël Guilloux s’est basé sur la méthodologie simplifiée de l’ACV pour proposer une méthode permettant de mieux associer au sein de projets de conception de produits les aspects environnementaux et ceux liés aux usagers finaux (Guilloux 2009). Cette thèse a été réalisée en cotutelle avec l’Université Polytechnique de Valencia. Les directeurs de recherche, avec lesquels je l’ai co-encadrée, étaient Salvador Capuz Rizo (UP de Valencia) et Christian Brodhag. Elle a obtenu le label européen.

Valentine Moreau s’est également inspirée de la méthodologie d’analyse de cycle de vie pour proposer une méthode permettant une évaluation environnementale locale et planétaire des équipements informatiques d’une entreprise de grande distribution, objet situé à l’intersection entre le site industriel et l’activité de service (Moreau 2012).

Samuel Le Féon a suivi la méthodologie d’analyse de cycle de vie de façon plus complète et conventionnelle que les deux travaux précédemment cités, qui s’en étaient inspirés pour proposer une méthode simplifiée, mais en l’appliquant à un objet original : les différents besoins de mobilité urbaine d’aires urbaines (Le Féon 2014).

En 2009, avec la montée des préoccupations énergétiques et leurs interactions avec les préoccupations environnementales, j’ai souhaité orienter plus particulièrement un sujet de thèse sur la question énergétique, avec une application au secteur du bâtiment afin de permettre à notre équipe de monter en compétences sur ce sujet sur lequel nous étions régulièrement sollicités par des étudiants souhaitant s’orienter professionnellement vers ce domaine porteur en termes d’emplois. Ainsi, Jonathan Villot a pu étudier les interactions entre les acteurs humains en vue de l’atteinte de l’objectif de réduction d’un facteur 4 des émissions de gaz à effet de serre et des consommations énergétiques sur un projet de rénovation d’un bâtiment (Villot 2012).

Les thèses de V. Moreau, J. Villot et S. Le Féon ont été co-encadrées avec Valérie Laforest, directrice de thèse.

Sollicités par le service environnement de CASINO avec qui nous avions déjà collaboré dans le cadre de stages sur le bilan carbone du groupe, nous avons obtenu le financement d’une thèse CIFRE visant à développer une méthodologie d’évaluation en termes de RSE des initiatives environnementales proposées au sein du groupe CASINO. Cette thèse, dirigée par Patrick Burlat, présente la spécificité de relever de la spécialité « Génie industriel » de l’école doctorale Sciences Ingénierie Santé, et non de la spécialité « Sciences et Génie de

l’environnement » comme les autres thèses co-encadrées. Sandrine Dumoulinneuf a ainsi

proposé une démarche d’évaluation a priori, qualitative et quantitative, des impacts sociaux et environnementaux, structurée autour des domaines d’actions listés par la norme ISO 26 000. Ces travaux se sont inspirés des méthodes d’analyse multicritère et de l’analyse de cycle de vie afin de proposer une démarche d’évaluation la plus objective possible en dépit de la multitude de parties prenantes, de points de vue, et d’enjeux parfois difficilement

quantifiables et évolutifs dans le temps. Elle a également proposé des pistes méthodologiques afin d’estimer les incertitudes associées à l’évaluation (Dumoulinneuf 2014).

Ces différents travaux, et en particulier ceux réalisés en partenariat avec des acteurs décisionnels, soulèvent régulièrement le dilemme, entre d’un côté, la volonté des décideurs finaux d’avoir un résultat d’évaluation simple, présenté selon le moins de dimensions possibles, et d’un autre côté, la volonté du chercheur de mettre en évidence les différentes dimensions incommensurables d’une situation évaluée donnée. Nous pensons qu’il n’y a pas de réponse unique, de méthode parfaite pour résoudre ce dilemme. Nous revendiquons une dimension pédagogique au fait de confronter nos différents partenaires de recherche à ce dilemme d’incommensurabilité, et, par là-même, à leurs responsabilités, en tant que décideurs, de choisir en toute conscience, information et transparence, les dimensions qu’ils privilégient. Selon nous, ce n’est pas à l’expert d’effectuer ce choix, et encore moins de le masquer sous des formules et méthodologies complexes.

Tableau 15. Récapitulatif des thèses soutenues selon l’objet de la recherche

Organisations territoriales / collectivités locales

Entreprises Objet plus spécifique

Réflexions sur la définition des notions de durabilité et d’évaluation (Boutaud, 2005) : Grand Lyon, communauté d’agglomération (Lourdel, 2005) : (pédagogie) Outils d’évaluation qualitative à base d’indicateurs (Ponrouch, 2008) :

Conseils généraux (Delchet, 2006) : PME

Focus spécifique sur les questions énergétiques (Villot, 2012) : Bâtiments, logements sociaux Corpus d’indicateurs généraux / Approche quantitative multicritère (Dumoulinneuf, 2014) : grande distribution

Outils basés sur les

méthodologies de type ACV

(Le Féon, 2014) :

mobilité urbaine (Guilloux, 2009)(Moreau, 2012) : design : équipements informatiques Empreinte

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