CHAPITRE 1. LES ENGAGEMENTS DE CONSERVATION D'ACTIONS
1.2. REVUE DE LA LITTÉRATURE
1.2.2. Synthèse des études empiriques
Le tableau 1.2 présente une synthèse des études empiriques réalisées à ce jour et qui sont au
nombre de cinq. Pour chaque étude, nous indiquons le marché concerné, la période étudiée, la
4 Le pourcentage de révision du prix d'introduction définitif par rapport au milieu de la fourchette se définit comme la différence entre le prix d'introduction définitif et le milieu de la fourchette de prix rapportée au milieu de la fourchette de prix.
taille de l'échantillon, la méthode économétrique
5et les principaux résultats. Lorsque les
différents chercheurs présentent à la fois des tests univariés et multivariés, nous reportons les
résultats des tests multivariés. Pour chacune des variables étudiées, nous présentons le signe
prédit par les hypothèses posées et les signes obtenus, la mention « ns » identifiant les résultats
non significatifs. Lorsque l'article pose deux hypothèses alternatives sans se décider ni pour l'une
ni pour l'autre, nous l'indiquons par un point d'interrogation dans la colonne « Signe attendu ».
1.2.2.1. Brau, Lambson et McQueen (2005)
Brauet al. (2005) proposent un test empirique du modèle présenté dans la sous-section 1.1.
L'échantillon qu'ils étudient se compose de 2 463 introductions en bourse et de 2 555 émissions
d'actions secondaires
6. Ils proposent des tests univariés qui sont globalement confirmés par les
résultats que nous reportons dans le tableau 1.2. L'hypothèse principale est que les firmes dont le
niveau d'asymétrie est important devraient présenter des engagements de confirmation plus longs
en moyenne. La seconde hypothèse est que les entreprises dont le risque spécifique est important
devraient avoir des engagements de conservation plus courts, car le coût d'un signal erroné est
plus élevé pour les firmes dont la qualité est basse. Toutes les variables utilisées dans l'étude
autres que le risque spécifique sont censées être des proxys liés positivement ou négativement
avec l'asymétrie d'information. Plus particulièrement, en se fondant sur l'hypothèse de
certification développée par Beatty et Ritter (1986), Michaely et Shaw (1995) et Megginson et
Weiss (1991), les auteurs affirment que l'asymétrie d'information devrait être décroissante avec les
variables mesurant la réputation de la banque d'investissement, la réputation de l'auditeur des
comptes et la présence d'entreprises de capital-risque. Le tableau 1.2 montre qu'à l'exception des
variables dichotomiques « appartenance au secteur de la haute technologie » qui n'est pas
significative et « appartenance au secteur financier » qui a un effet positif contraire aux
prédictions, les variables présentent toutes les signes attendus et sont significatives. Brau et al.
(2005) concluent que l'hypothèse de signalisation semble pertinente pour expliquer la présence et
la longueur de l'engagement de conservation. Concernant la méthode économétrique, il convient
de remarquer que les auteurs sont les seuls à tenir compte de la nature de la variable dépendante
qui est censurée à gauche lorsque l'échantillon comprend des firmes ne présentant pas de tels
5 Nous verrons ultérieurement que ce point est important. En effet, étant donné que la variable est à la fois discrète et censurée à gauche, les régressions utilisant la méthode des moindres carrés peuvent ne pas être le meilleur choix pour étudier l'influence concomitante de plusieurs variables explicatives.
6 Une émission d'actions secondaire se définit comme la vente d'actions anciennes et/ou nouvelles, initiée par une entreprise ayant déjà effectué son introduction en bourse. Le terme anglo-saxon utilisé est seasonned equity offerings. Brauet al. (2005) supposent que le degré d'asymétrie d'information est moindre pour les entreprises effectuant une émission d'actions secondaires.
engagements. En effet, la variable dépendante prend la valeur zéro pour les observations où il n'y
a pas d'engagement de conservation. Dans ce cas, l'estimateur des moindres carrés ordinaires sera
biaisé et non convergent et ce même si la régression est appliquée au sous-ensemble
d'observations pour lesquelles la variable dépendante n'est pas égale à zéro (Gujarati [2004]). Une
solution peut être d'estimer un modèle Tobit, comme le font Brauet al. (2005).
1.2.2.2. Mohan et Chen (2001)
Mohan et Chen (2001) testent l'hypothèse selon laquelle la durée des engagements de
conservation reflète le risque de l'émetteur. Selon eux, les banques d'investissement se soucient
d'assurer au marché une valeur minimale à la fois dans le court terme, en stabilisant le cours de
bourse, et dans le long terme, en imposant des engagements de conservation aux actionnaires
présents dans le capital préalablement à l'introduction en bourse. Ils affirment que la norme est
une période de 180 jours. Lorsque l'émetteur présente un risque accru, ses actionnaires devraient
s'engager pour une période plus longue. Néanmoins, selon les auteurs, les actionnaires ont un
comportement actif dans la détermination de la durée de l'engagement et donc, les émetteurs en
moyenne plus risqués peuvent refuser une sous-diversification trop importante. Dans ce cas, ils
pourraient obtenir de s'engager pour une période plus courte que la norme, mais qui devra être
compensée par une sous-évaluation initiale plus forte. Les tests univariés que Mohan et Chen
(2001) présentent (tests non reportés dans le tableau 1.2) semblent conforter cette analyse. En
utilisant des proxys du risque de l'émetteur tels que l'écart type des cours de bourse sur vingt
jours après le deuxième jour de l'introduction en bourse et le taux de rémunération pratiqué par la
banque introductrice, ils montrent que les entreprises dont l'engagement de conservation est de
180 jours sont moins risquées que les entreprises dont la durée d'engagement dévie cette norme.
Finalement, ils effectuent une régression dont nous avons reporté les résultats dans le tableau 1.2.
La durée de l'engagement de conservation présente un signe négatif significatif au seuil de 5%. La
même variable élevée au carré présente un signe positif également significatif au seuil de 5%. Les
auteurs concluent à la validation de leur hypothèse.
1.2.2.3. Brav et Gompers (2003)
Brav et Gompers (2003) testent les hypothèses présentées dans la section précédente. Le
tableau 1.1 montre que ces auteurs aboutissent à une prédiction différente pour l'hypothèse de
signalisation par rapport à Courteau (1995) et Brauet al. (2005) : les engagements de conservation
devraient permettre d’obtenir une révision à la hausse du prix d’introduction plus importante et
aussi un meilleur prix lors d’une augmentation de capital ultérieure. Brau et al. (2005) affirment
que l'hypothèse de signalisation n'amène aucune prédiction relative au lien concernant la durée de
la période d'inaliénabilité avec la révision du prix d’introduction et la probabilité de faire une
émission de capital secondaire après l'expiration de l'engagement de conservation. Brav et
Gompers (2003) testent cette hypothèse séparément en effectuant un test de Student de
différence de moyenne sur la longueur de l'engagement de conservation, entre un groupe
d'entreprises pour lesquelles le pourcentage de révision du prix d'introduction par rapport au
milieu de la fourchette est positif et un groupe pour lequel ce même ratio est négatif. Ils testent
aussi la différence de fréquence d'émissions secondaires entre un échantillon d'entreprises dont la
longueur de l'engagement de conservation est supérieure à la médiane et un échantillon pour
lequel la durée est inférieure à la médiane. Les deux tests de différence n'étant pas significatifs, les
auteurs concluent que l'hypothèse de signalisation n'est pas validée. Comme en atteste le tableau
1.2, ni le pourcentage de révision du prix définitif ni la probabilité d'une émission secondaire ne
seront intégrés aux régressions effectuées. Pour l'hypothèse de prévention de l'aléa moral, Brav et
Gompers (2003) utilisent comme proxy l'ensemble des variables figurant dans le tableau 1.2.
Comme le remarquent Brau et al. (2005), quelques-unes des variables utilisées sont plutôt
considérées, dans la littérature financière, comme des proxys de l'asymétrie d'information. En
particulier, le rang de la banque d'investissement et la présence d'une ou plusieurs entreprises de
capital-risque en tant qu’actionnaires sont censés réduire l'asymétrie d'information vis-à-vis du
public (cf. Section 1.1 concernant l'hypothèse de certification). Considérant les résultats de la
régression reportée dans le tableau 1.2, les auteurs concluent que l'hypothèse de prévention de
l'aléa moral est corroborée, considérant que l'ampleur de l'aléa moral est liée d'une part
négativement avec le book-to-market, le rapport des cash-flows au chiffre d'affaires, la présence
d'entreprises de capital-risque, le rang de la banque introductrice, et d'autre part positivement
avec la part de l'introduction réalisée par la vente d'actions nouvellement émises (si les entreprises
peuvent vendre une part importante d'actions anciennes, c'est qu'elles souffrent d'un problème
d'aléa moral moins important, toutes choses étant égales par ailleurs). Le signe positif trouvé pour
le rang de la banque introductrice est contraire à la dernière hypothèse qui veut que les banques
d'investissement de haut rang extraient un surplus de rémunération via l'imposition
d'engagements de conservation plus longs. Brav et Gompers (2003) vont tester cette hypothèse
séparément de deux manières. D'abord, ils constatent que la banque d'investissement peut
extraire des rémunérations additionnelles en jouant le rôle de teneur de marché pour les ventes
d'actions effectuées pendant l'engagement de conservation. Pour un sous-échantillon de 429
entreprises pour lesquelles des ventes anticipées ont été autorisées par la banque introductrice, ils
calculent la rémunération moyenne en prenant pour ces firmes la moyenne du produit du nombre
d'actions vendues par la fourchette enregistrée le jour de la vente. La rémunération maximale qui
peut donc être extraite via la position de teneur de marché est estimée par Brav et Gompers
(2003) à 45 578 $. Étant donné la relative faiblesse de ce chiffre, ils en concluent que cela ne
présente pas grand intérêt pour la banque
7. Ensuite, Brav et Gompers (2003) affirment que si
l'engagement de conservation sert aux banques d'investissement à se rémunérer en organisant les
cessions d'actions secondaires, cela devrait se traduire, au niveau de l'émetteur, par une
probabilité moindre de ne pas retenir la banque ayant effectué son introduction sur le marché. Ils
régressent la probabilité de changement de banque sur différentes variables ayant démontré un
pouvoir explicatif (sur ce point, voir Krigman, Shaw et Womack [2001]) et une variable
dichotomique prenant la valeur 1 si l'émission se fait avant la fin de la période d'incessibilité des
titres et 0 dans le cas contraire. Cette dernière variable n'est pas statistiquement significative, ce
qui a ainsi conduit les auteurs à rejeter définitivement l'hypothèse selon laquelle les banques
introductrices de haut rang imposent des engagements de conservation plus longs pour extraire
des rémunérations additionnelles.
1.2.2.4. Goergen, Renneboog.et Khurshed (2006)
Goergen et al. (2006) vont étudier les nouveaux marchés français et allemand. Pour tenir
compte de la diversité des engagements de conservation dans une même entreprise, ils effectuent
leurs calculs sur les actionnaires et non pas sur les entreprises. Ils vont tester l'hypothèse de Brau
et al. (2005) sur l'asymétrie d'information en utilisant les variables suivantes : proportion de l'actif
net total représentée par les actifs intangibles, âge de la firme et logarithme naturel de la
capitalisation boursière calculé à partir du prix d'offre définitif. Ils testeront aussi l'hypothèse de
certification pour l'Allemagne en utilisant le rang de la banque introductrice et la présence ou non
d'investisseurs en capital-risque. Concernant ce dernier point, ils évoquent aussi la possibilité que
les entreprises de capital-risque agissent comme un complément au signal émis par l'intermédiaire
d'un engagement de conservation. Ils reprendront les hypothèses posées par Brav et Gompers
(2003) et concernant, pour la première, la possibilité pour les entreprises dont les engagements de
conservation sont plus longs de réviser à la hausse le prix d'offre définitif par rapport au milieu de
la fourchette et pour la deuxième, le fait que les banques d'investissement de qualité imposent des
engagements de conservation plus longs pour extraire une rémunération plus importante lors
d'éventuelles opérations de cession qui devront se faire nécessairement via elles-mêmes durant la
période d'incessibilité des titres. Ils introduisent d'autres hypothèses relatives à la possibilité
7 Ces résultats sont cohérents avec ceux de Ellis, Michaely et O'Hara (2000) qui montrent qu'après les introductions en bourse, les banques d'investissement extraient de faibles revenus de leur position de teneur de marché.