CHAPITRE 1. LES ENGAGEMENTS DE CONSERVATION D'ACTIONS
1.5. PRÉSENTATION DES RÉSULTATS
1.5.1. Résultat des tests univariés
1.5.1.1. Les entreprises du second marché
Le panel A du tableau 1.7 présente les résultats des tests de différence de moyenne sur le
second marché. Nous comparons un groupe de 24 entreprises présentant des engagements de
conservation avec un groupe de 134 entreprises ne présentant pas d'engagements de
conservation. Dans ce dernier groupe sont incluses les entreprises pour lesquelles il existait un
engagement de conservation imposé par l'AMF en raison de l'entrée d'un actionnaire peu de
temps avant l'introduction en bourse. Nous proposons un test t paramétrique (le t de Student).
Nous avons aussi calculé un test sur les rangs non paramétrique (le z de Wilcoxon), car notre
échantillon d’entreprises présentant un engagement de conservation est de taille assez faible et
l’hypothèse de normalité des variables a de fortes chances d’être violée.
La divergence entre le contrôle exercé et la participation au capital de l’actionnaire de
référence (variable CCFDIV) va dans le sens de l’hypothèse H2. Les entreprises dont les
actionnaires principaux ont été soumis à un engagement de conservation présentent un excès de
contrôle moyen de 40,96 %, alors que le groupe d’entreprises sans engagement de conservation
présente un excès de contrôle moyen de 26,93 %. La différence est largement significative au
seuil de 1% pour les deux types de tests. Il est donc possible que l’engagement de conservation ait
pu servir à empêcher l’actionnaire de référence de réduire encore plus sa participation. Le but
étant d’éviter une augmentation exponentielle des coûts d’agence qui pourrait réduire le montant
des capitaux levés, voire même faire obstacle à la réalisation de l’introduction en bourse.
Il semblerait aussi que les entreprises présentant un engagement de conservation aient un
actionnariat moins concentré, laissant plus de place à la contestation par un second actionnaire.
En effet, la variable CONTSEC est en moyenne plus faible sur ce groupe d’entreprises, avec une
valeur de 58,83 % par rapport aux autres entreprises n’ayant pas fait l’objet d’un engagement de
conservation et pour lesquelles la valeur moyenne de cette variable est de 77,72 %. Néanmoins, la
différence n’est significative qu’au seuil de 10%. Ce résultat faiblement significatif va à l’encontre
de l’hypothèse H2, puisque le groupe d’entreprises pour lesquelles il existe un engagement
de conservation est aussi celui pour lequel il existe un second actionnaire disposant d’un pouvoir
de contestation significatif.
Concernant le conseil d’administration, la présence d’administrateurs externes mesurée par
la variable EXTCA, ne semble pas être déterminante, même si la différence va dans le sens prédit
par l’hypothèse H2. Par contre, le groupe d’entreprises avec au moins un engagement de
conservation présente une taille moyenne du conseil d’administration mesurée par la variable
NBDIRCA de 6,58 administrateurs, alors que les entreprises sans engagements de conservation
comptent en moyenne 4,63 administrateurs dans leur conseil d’administration. La différence est
statistiquement significative au seuil de 1%. Nous sommes donc en droit de penser qu’un conseil
d’administration trop grand présente des inefficiences qui sont compensées au moment de
l’introduction en bourse par un engagement de conservation, corroborant ainsi l’hypothèse H2.
Notre dernière variable censée influencer la qualité du système de gouvernance de
l’entreprise est la variable SURINV qui correspond au rapport du free cash-flow aux actifs nets
comptables. Pour les 24 entreprises présentant un engagement de conservation, nous observons
une valeur moyenne de 6,45, supérieure à celle des entreprises sans engagement de conservation.
Ce résultat semble corroborer l’hypothèse H1, mais n’est significatif qu’au seuil de 10 % selon le
test de Student.
Il n’y a pas de différence significative concernant les dépenses de recherche et
développement (variable R&D), l’âge de la firme (variable ÂGE) et le nombre d’analystes
financiers ayant émis une prévision de BPA autour de l’introduction en bourse (variable NBAF).
Ces résultats tendent à infirmer l'hypothèse H1 concernant l'influence de l'asymétrie
d'information sur la durée des engagements de conservation. Toutefois, on s'aperçoit qu'il existe
une différence de moyenne significative au seuil de 1 % sur la variable RANGITM qui mesure la
réputation de l'établissement introducteur. La différence ne va pas dans le sens attendu : en effet,
les 24 entreprises présentant un engagement de conservation sont introduites par des banques
d'investissement en moyenne plus actives, puisque la moyenne de la variable RANGITM est de
2,71 contre 2,03 pour les 134 entreprises ne présentant pas d'engagements de conservation. Il
semble donc que sur la période étudiée, ce groupe de 24 entreprises ait été introduit en bourse
par des établissements introducteurs plus réputés (sous réserve bien sûr que notre variable soit
une mesure convenable du concept de réputation). Cette constatation va à l'encontre de
l'hypothèse H1, puisque selon les études, si l’établissement bancaire qui se charge de
l'introduction possède une forte réputation, sa seule présence devrait suffire à convaincre le
marché et donc ne pas entraîner la mise en place d'un engagement de conservation. Selon nous,
ce résultat peut sembler logique si l'on se place dans le cadre de l'hypothèse H3, selon laquelle le
groupe d'entreprises présentant des engagements de conservation est constitué d'entreprises dont
les caractéristiques auraient dû les amener à s'introduire sur le nouveau marché. Ainsi, la
réalisation de l’introduction en bourse sur le second marché aura été possible grâce, d'une part, à
la forte réputation de la banque d'investissement en charge de l'introduction en bourse, et d'autre
part, à l'acceptation d'un engagement de conservation. Il est donc possible de penser que la
banque d'investissement a imposé des engagements de conservation qui reflètent sa réputation.
De manière similaire, nous observons une relation contraire aux hypothèses H1 et H2 au
niveau de la variable CAPRIS. Le capital des entreprises dont un ou plusieurs actionnaires ont
souscrit un engagement de conservation est détenu en moyenne à hauteur de 14,97 % contre
seulement 4,02 % pour les autres entreprises. La différence est statistiquement significative au
seuil de 1 %, avec notamment un z de Wilcoxon de -4,11. Ainsi, la relation positive entre la
participation des entreprises de capital-risque et la présence d'engagements de conservation
suggère que les investisseurs en capital jouent un rôle actif au niveau du gouvernement
d’entreprise.
Finalement, nous constatons que la sous-évaluation initiale (variable SEVA) est plus faible
sur l'échantillon des entreprises avec engagements de conservation, avec une sous-évaluation
initiale moyenne de 9,16 %, alors que la sous-évaluation initiale moyenne pour l'autre groupe
d'entreprises est de 23,47 %. La différence est statistiquement significative au seuil de 5 % pour le
t de Student et de 1 % pour le z de Wilcoxon. Ainsi, il est possible de penser qu'en tant que signal
potentiel, la sous-évaluation initiale aura été moindre parce qu'un autre signal, les engagements de
conservation, aura été utilisé. Néanmoins, nous savons que la sous-évaluation initiale est reliée
négativement à la présence d'entreprises de capital-risque et de banques d'investissement à forte
réputation. Ce résultat n'est peut-être donc que la manifestation du fait que ce groupe de 24
firmes avec un engagement de conservation présente un actionnariat du capital-risque plus
important en moyenne, et que les banques d'investissement qui les ont amenées à l'introduction
en bourse sont d'un rang apparemment sensiblement plus élevé.
1.5.1.2. Les entreprises du nouveau marché
Pour cet échantillon d'entreprises, nous effectuons trois types de tests. Dans le panel B du
tableau 1.7, nous comparons un groupe de 20 entreprises ayant choisi l'engagement de
conservation le plus court (180 jours pour 100 % des actions) avec un groupe de 24 entreprises
ayant opté pour l’engagement de conservation le plus long (360 jours pour 80 % des actions).
Ensuite, dans le panel C, nous comparons un groupe de 65 entreprises ayant choisi un des deux
engagements réglementaires précédemment cités avec un groupe de 12 entreprises ayant préféré
un engagement de conservation plus contraignant dans la durée de l'engagement de conservation
et/ou dans le pourcentage d'actions bloquées. Finalement, dans le panel D, nous faisons une
comparaison globale des trois groupes (deux groupes ayant choisi un des deux engagements de
conservation réglementaires et un groupe ayant choisi de s'écarter de la règle).
L'examen du panel B nous permet de réfuter toutes les hypothèses se rapportant à la
théorie de l'agence ainsi qu'une partie des hypothèses liées à l'asymétrie d'information.
Néanmoins, on constate que les entreprises qui choisissent un engagement de 180 jours sont
introduites par des banques d'investissement de rang plus élevé, puisque la variable RANGITM
et de 3,20 en moyenne pour ces entreprises ; quant à celles qui ont choisi un engagement de
conservation de 360 jours, elles sont introduites par des banques d'investissement dont la
réputation est moindre, avec une valeur de la variable précédemment citée de 2,56. La différence
est statistiquement significative au seuil de 1 % pour le t de Student et au seuil de 5 % pour le z
de Wilcoxon. Ce résultat est en accord avec la littérature, puisqu'il semblerait que la réputation de
l'établissement introducteur soit apte à réduire la durée de l'engagement de conservation.
L'hypothèse H1 semble donc validée sur cette mesure.
De manière similaire, nous observons que les entreprises de capital-risque détiennent en
moyenne 17,50 % du capital (variable CAPRIS) des entreprises ayant choisi l'engagement de 180
jours, alors que cette proportion est de 10,39 % pour les entreprises ayant préféré l’engagement
de conservation de 360 jours. La différence n’est significative qu’au seuil de 10 %, d’après le test
de Wilcoxon.
Dans le panel C, nous examinons si les facteurs retenus ont une influence sur l'occurrence
d'un engagement de conservation qui dévie de la norme, c'est-à-dire dont la longueur est
supérieure à 360 jours et/ou dont le pourcentage d’actions bloquées est de plus de 80 %. Seuls le
nombre d'analystes suivant la firme (variable NBAF) et la participation des entreprises de capital-
risque (variable CAPRIS) semblent avoir un effet. Néanmoins, seuls les tests de Student sont
significatifs, ce qui nous conduit à considérer ces résultats avec la plus grande prudence, étant
donné la petite taille des échantillons. Nous remarquons que les deux variables vont dans le sens
prédit, puisque les entreprises ayant choisi un des deux engagements réglementaires ont été
suivies en moyenne par 1,57 analyste contre 1,31 pour celles qui ont pris un engagement de
conservation plus important. De même, pour la variable CAPRIS, les entreprises ayant choisi un
engagement de conservation plus contraignant présentent une valeur très faible de 4,04 % contre
12,08 % pour les autres.
Finalement, le panel D présente un test de Kruskal-Wallis qui permet de comparer les trois
groupes d'entreprises. Nous remarquons une relation en forme de U entre les différents choix
d’engagements de conservation possibles et le rang de la banque introductrice. Concernant la
participation des entreprises de capital-risque, la relation semble linéaire puisque pour un
engagement de 180 jours, la moyenne de la variable est de 17,52 % ; pour un engagement de 360
jours, la moyenne passe à 10,39 % et finalement à 4,04 % pour les entreprises s'étant détachées
des engagements réglementaires.
Dans le document
Les engagements contractuels des actionnaires de référence lors de l'introduction en bourse
(Page 66-70)