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CHAPITRE 2. ANALYSE DES PACTES D’ACTIONNAIRES LORS DES INTRODUCTIONS EN

2.2. PRESENTATION DES HYPOTHESES ET DES VARIABLES

2.2.2. Présentation des mesures

Le tableau 2.1 présente l'ensemble des variables précédemment décrites. Nous renvoyons le

lecteur au paragraphe 1.4.1.3 du chapitre 1, pour une description plus détaillée de ces variables et

du processus de collecte.

2.2.2.1. Facteurs explicatifs de la présence d’un pacte d’actionnaires lors de l’introduction en bourse

ƒ Probabilité d'apparition d'un acquéreur postérieurement à l'introduction en bourse :

nous avons téléchargé, sur la base de données Thomson One Banker – Deals, l'ensemble des

offres publiques d'achat ayant eu lieu sur la période 1993-1997 et dont la cible était une

entreprise française. Nous avons obtenu une base de données de 5 204 OPA pour lesquelles

étaient disponibles la date de l'opération et le secteur d'activité de l'entreprise cible (selon la

classification SIC à deux chiffres). À chacune des 292 entreprises de notre échantillon, nous

avons associé le nombre d'OPA sur le même secteur d'activité (c'est-à-dire dont la cible

présentait le même code SIC à deux chiffres) intervenues sur les trois années précédant son

introduction, divisé par le nombre total d'opérations disponibles dans notre base de données.

Ainsi, pour chaque entreprise, la probabilité d'apparition d'un acquéreur postérieurement à

l’introduction est mesurée par la proportion d'OPA ayant eu lieu dans son secteur pendant les

trois années précédant son introduction en bourse. Notre intuition est que préalablement à

l'introduction en bourse, les actionnaires observent l'intensité des OPA dans leur secteur

d'activité. Plus l'intensité est élevée, plus les actionnaires devraient juger probable l'apparition

d'un acquéreur désireux de prendre le contrôle de leur entreprise, ce qui devrait entraîner la

mise en place d'un pacte d'actionnaires dans le cas où cette cession maximiserait la valeur de la

firme (Chemla, Habib et Ljungqvist, 2007).

ƒ Probabilité d’un transfert de richesse ex post : de manière générale, la probabilité d'un

transfert de richesse ex post sera approchée par des variables mesurant l'efficacité ou

l'inefficacité du système de gouvernance de l'entreprise. Tout d'abord, Bebchuk (1999) et

Bebchuk, Kraakman et Triantis (2000) expliquent que la séparation entre les droits aux

cash-flows et les droits de vote résulte d'une volonté de protéger une consommation de bénéfices

privés. Notre première mesure de la probabilité d'un transfert de richesse ex post équivaut à la

variable CCFDIV mesurant la divergence entre le niveau de contrôle et les droits aux cash-flows

du premier actionnaire. Cette variable correspond à la différence entre le contrôle exercé par le

premier actionnaire et sa participation dans le capital de l'entreprise rapportée à son niveau de

contrôle. Ensuite, nous avons utilisé des variables relatives à la structure et à la taille du conseil

d'administration. Fama (1980) et Fama et Jensen (1983) montrent que le conseil

d'administration devrait être d'autant plus efficace que la proportion d'administrateurs externes

est importante. La variable EXTCA mesure la proportion d'administrateurs indépendants

siégeant au conseil d'administration. Jensen (1993) explique qu'un conseil d’administration de

taille trop importante peut avoir du mal à exercer convenablement son rôle de contrôle. Nous

avons donc défini une variable NBADMCA correspondant au nombre d'administrateurs

composant le conseil d'administration. Le niveau des free cash-flows après distribution de

dividendes a aussi été intégré dans l'analyse en tant que mesure du risque de surinvestissement

tel qu'il a été présenté par Jensen (1986) (variable FCF). Nous avons évoqué, dans le chapitre

précédent, les travaux de Hutchinson et Gul (2004), qui montrent que des options de

croissance importante permettent un plus grand transfert de richesse ex post. À ce titre, nous

avons inclus dans nos tests la variable BTMH qui prend la valeur 1 si le ratio de la valeur

comptable des capitaux propres avec leur valeur de marché est supérieur à sa médiane. Nous

avons aussi intégré une variable d’interaction entre le niveau des flux de trésorerie disponibles

FCF et notre mesure des opportunités de croissance BTMH, puisque le risque de

surinvestissement devrait être un problème d’autant plus pressant que les opportunités de

croissance sont faibles (variable FCF×BTMH). Finalement, la présence d'entreprises de

capital-risque devrait réduire grandement la probabilité d'un transfert de richesse ex post,

puisqu'elles exercent généralement un contrôle très important des dirigeants (Kaplan et

Stromberg [2001]). Nos tests tiennent compte de l’effet de la présence d’entreprises de

capital-risque grâce à une variable dichotomique CAPRIS qui prendra la valeur 1 si au moins une

entreprise de capital-risque détient un siège au conseil d’administration et 0 dans le cas

contraire.

ƒ Variables de contrôle : toutes choses égales par ailleurs, la concentration du capital devrait

avoir un impact négatif sur la présence d’un pacte d'actionnaires. En effet, par définition, la

mise en place d'un pacte suppose la présence d'au moins deux actionnaires. Plus le capital est

concentré, moins il existe d'actionnaires suffisamment importants pour qu'il soit intéressant de

mettre en place un pacte. La plupart des clauses trouvées dans les pactes d'actionnaires sont

relatives aux transactions éventuelles portant sur les actions des signataires. D'ailleurs,

beaucoup de pactes contiennent des clauses de majorité qui restreignent le transfert des

actions, de façon à ce que les membres du pacte conservent la majorité des droits de vote.

Ainsi, il semble peu intéressant, pour une famille détenant la majorité du capital, de mettre en

place un pacte d'actionnaires. Par contre, dans le cas où la structure de propriété est très peu

concentrée, de sorte qu'aucun actionnaire ne détient la majorité des droits de vote, alors il

devient intéressant d’instaurer un pacte d'actionnaires qui permettra aux actionnaires de

conserver la majorité des droits de vote

20

. Nous avons donc défini une variable nommée

CAPCONC correspondant à l’indice de Herfindahl du pourcentage d’actions détenu après

introduction en bourse par chaque actionnaire listé dans la note d’information. D'après

Demsetz et Lehn (1985), la taille de l'entreprise est susceptible de réduire la concentration du

capital. La valeur d'une fraction donnée du capital augmente avec la taille optimale de

l'entreprise, ce qui, en toute logique, devrait mécaniquement réduire la concentration du

capital. Nous utilisons comme mesure de la taille de l’entreprise le logarithme de la valeur

nette comptable des actifs de la firme indiquée dans le dernier bilan disponible avant

l’introduction en bourse (variable TAILLE). Le risque de la firme, et plus particulièrement sa

composante spécifique qui peut être diversifiée, devrait logiquement réduire la concentration

du capital, car pour un niveau d'aversion au risque donné, le risque correspondant sera atteint

par un investisseur avec une fraction d'autant plus réduite du capital. Autrement dit, plus le

risque est grand, plus le nombre d'actionnaires nécessaires pour le supporter augmente. De

plus, Demsetz et Lehn (1985) affirment que les entreprises opérant dans des environnements

incertains devraient présenter une plus forte concentration du capital. Selon les auteurs, le

contrôle des dirigeants permis par une forte concentration du capital présente plus d’intérêt

dans le cas des entreprises intervenant dans des marchés incertains, car ces derniers facilitent

l'adoption d'un comportement opportuniste par les dirigeants. Les entreprises exerçant leur

activité dans des secteurs stables permettent un contrôle plus aisé des dirigeants et

nécessiteraient en cela une concentration du capital réduite. Nous avons retenu, comme

mesure de l'instabilité de l'environnement de la firme, le risque spécifique de la firme (variable

IDIORIS), défini comme l’écart-type des résidus du modèle de marché estimé sur une période

de 60 jours à partir du 10

e

jour de cotation. Finalement, nous avons utilisé trois variables de

20 En cela, les pactes d'actionnaires peuvent être vus comme des mécanismes anti-OPA puisqu’ils vont permettre aux actionnaires d’une entreprise pouvant potentiellement faire l’objet d’une OPA de conserver une majorité des droits de vote, rendant toute prise de contrôle impossible sans leur consentement.

contrôle supplémentaires : une mesure de l'intensité des introductions en bourse au moment

où une firme donnée réalise la sienne (variable CLUST) ; une variable dichotomique indiquant

si l'entreprise appartient ou non au secteur de la haute technologie (variable TECH) ; et le

ratio dettes financières sur actif net comptable (variable DETTEFI). Comme nous l'avons

évoqué dans le chapitre précédent, une période où les introductions en bourse sont

nombreuses peut correspondre soit à une surévaluation temporaire par les investisseurs, soit à

une période où l'information est moins chère et plus accessible. Dans le premier cas, la

possibilité d'un transfert de richesse est plus importante et devrait donc inciter les actionnaires

à mettre en place un pacte d'actionnaires. Dans le deuxième cas, la nécessité d’un pacte

d'actionnaires devrait être moindre, puisque l'information est plus abondante, réduisant ainsi la

possibilité d'un transfert de richesse ex post. Les entreprises des secteurs liés à la haute

technologie sont plus difficiles à contrôler et devraient donc laisser davantage de champ libre à

un éventuel transfert de richesse ex post. De plus, elles sont en moyenne plus risquées, ce qui

implique donc une plus faible concentration du capital. Ces entreprises devraient donc

présenter plus fréquemment des pactes d'actionnaires. Si la dette financière est effectivement

un moyen de discipliner les dirigeants, comme le laissent entendre Jensen et Meckling (1976)

et Jensen (1986), alors un plus grand niveau de ce ratio au moment de l'introduction en bourse

devrait réduire la possibilité d'un transfert de richesse ex post et donc diminuer l'intérêt d'un

pacte d'actionnaires.

2.2.2.2. Pactes d’actionnaires et probabilité que la firme fasse l’objet d’une acquisition postérieurement à

l’introduction en bourse

Pour tester l’hypothèse H2, nous avons conduit différentes régressions logistiques dont la

variable dépendante prend la valeur 1 si l’entreprise a fait l’objet d’une fusion ou d’une acquisition

dans les années qui suivent son introduction en bourse :

ƒ Pactes d’actionnaires : pour tester l’effet des pactes d’actionnaires, nous avons inclus une

variable dichotomique nommée PACTE prenant la valeur 1 s’il existe un pacte d’actionnaires

lors de l’introduction en bourse de la firme et 0 dans le cas contraire. Nous avons aussi intégré

une variable dichotomique appelée PACTEOPA prenant la valeur 1 si le pacte d’actionnaires a

pour effet de protéger l’entreprise d’une OPA hostile. Nous avons considéré qu’un pacte

d’actionnaires protège d’une OPA hostile si le nombre d’actions concernées par une clause

d’inaliénabilité et/ou de préemption donnait droit à une fraction de droit de vote supérieure à

50%.

nous nous sommes inspirés de recherches antérieures dont l’objet est de modéliser la

probabilité d’une acquisition. D’après l’étude de Morck, Shleifer et Vishny (1988), les firmes

dont les dirigeants et les membres du conseil d’administration détiennent une part importante

du capital ont une plus grande probabilité de faire l’objet d’une OPA amicale. Il en est de

même pour les firmes dirigées par leurs fondateurs. À ce titre, les auteurs remarquent que la

volonté de céder le contrôle de la firme par les fondateurs se concrétise fréquemment par une

OPA amicale dans leur échantillon. Ils montrent aussi que les firmes étant la cible d’une OPA

amicale sont souvent jeunes et en phase de croissance rapide. En conséquence, nous incluons

comme variable de contrôle la concentration du capital de la firme (variable CAPCONC) et

son âge au moment de l’introduction en bourse (variable AGE). Kini, Kracaw et Mian (1995)

étudient le lien entre la composition du conseil d’administration et le marché du contrôle sur

un échantillon de 224 OPA sur le marché américain entre 1958 et 1984. Leurs résultats

montrent que les prises de contrôle se substituent au conseil d’administration lorsque celui-ci

n’est pas capable de discipliner efficacement les dirigeants. En effet, ils prouvent qu’il existe

une relation inverse entre le turnover des dirigeants après l’OPA et la performance préalable.

Cette relation est très significative sur l’échantillon de firmes dont le conseil d’administration

compte peu ou pas du tout d’administrateurs externes. Ils ne trouvent aucune relation

significative sur l’échantillon de firmes dont le conseil d’administration compte une majorité

d’administrateurs externes. Nous avons donc inclus, comme variable explicative dans nos

régressions, la proportion d’administrateurs externes (variable EXTCA) ainsi que la taille du

conseil d’administration (variable NBADMCA). Powell (1997) essaye de déterminer, sur un

échantillon de 411 firmes du London Stock Exchange, si les facteurs influençant la probabilité

d’une OPA amicale sont les mêmes que ceux qui influencent une OPA hostile. Il retient,

comme variables de contrôle, le taux de rentabilité économique (résultat d’exploitation divisé

par le total de l’actif), le market-to-book, le niveau de free cash-flow de la firme, la taille mesurée par

le logarithme du total de l’actif net comptable et la proportion d’actifs corporels. Nous avons

inclus ces mêmes variables dans notre étude, nommées respectivement ROA, BTM et FCF.

Les études précédemment citées ont toutes opéré une distinction entre les prises de contrôle

hostiles (soit celles pour lesquelles le conseil d’administration de la cible s’était opposé à l’offre

publique d’achat) et amicales (soit celles pour lesquelles le conseil d’administration de la cible

avait approuvé l’offre publique d’achat). Les prises de contrôle hostiles trouveraient leurs

origines dans le besoin de remplacer une équipe dirigeante qui ne maximiserait pas la valeur de

sa firme, ce qui leur confère un rôle disciplinaire, alors que les prises de contrôle amicales se

feraient pour profiter de synergies qui découleraient du rapprochement entre deux firmes. Les

résultats de Morck, et al. (1988) et de Powell (1997) semblent confirmer la pertinence de cette

distinction. Sur notre échantillon, tous les changements de contrôle ayant eu lieu se sont faits

sur la base d’opérations amicales et il est donc opportun de se demander dans quelle mesure les

variables de contrôle que nous avons incluses dans nos régressions sont pertinentes. Il

semblerait pourtant que l’on puisse attribuer un rôle disciplinaire aux prises de contrôle

amicales. En effet, sur le marché français, Riva et Thauvron (2003) montrent que les cibles

d’OPA enregistrent une performance à long terme négative préalablement à la réalisation de

l’opération. Bien que les auteurs ne précisent pas le caractère hostile des opérations retenues, il

est fort probable que leur échantillon soit constitué en majorité de prises de contrôle amicales,

puisque ce type d’opération constitue la très grande majorité des OPA sur le marché français.

Sur le marché anglais, Weir et Laing (2002) démontrent que les prises de contrôle amicales

peuvent aussi avoir un rôle disciplinaire.