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Les syndromes myélodysplasiques de risque IPSS faible ou intermédiaire-1 avec anomalie cytogénétique de type délétion 5q isolée ou associée à une anomalie additionnelle (à l'exclusion d'une délétion partielle ou complète du chromosome 7) seront dans la suite de ce

mémoire désignés par l'abréviation SMD del(5q).

Les SMD del(5q) représentent environ 5-10 % du groupe hétérogène des Syndromes Myélodysplasiques (SMD) définis ci-après. Dans la toute nouvelle classification OMS 2016, cette entité SMD del(5q) est une cytopénie réfractaire définie par un pourcentage de blastes médullaires inférieur à 5 % (Arber et al., 2016a). Les SMD del(5q) précédemment décrits sous le nom de syndrome 5q- sont regroupés dans un même groupe pronostique avec des SMD également de bas risque de progression mais avec un excès de blastes médullaires faible inférieure à 10 % (désignés par Anémies Réfractaires avec Excès de Blastes de type 1 ou MDS-EB1).

Les SMD del(5q) sont rares, touchent essentiellement

les femmes âgées qui souffrent d'anémie réfractaire isolée sans thrombopénie associée, voire avec thrombocytose. Leur pronostic était considérée comme très favorable.

Illustration 31:

Mégacaryocytes hypolobés de syndrome

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1.4.1. Caractéristiques des syndromes

myélodysplasiques (SMD)

+ + 1

Les syndromes myélodysplasiques (SMD) constituent un ensemble d'hémopathies malignes clonales hétérogènes dues à un dysfonctionnement de la moelle osseuse et évoluant naturellement en leucémie aiguë myéloïde secondaire.

Le diagnostic de SMD est habituellement évoqué face à un patient qui souffre d'une ou plusieurs diminutions de ses lignées sanguines ou cytopénies (anémie, thrombopénie, neutropénie). Les analyses cytomorphologiques et cytogénétiques permettent le plus souvent d'établir l'origine centrale de ces cytopénies, de poser le diagnostic (Arberet al.., 2016) et d'établir le pronostic grâce le plus souvent au score International Pronostic Scoring System ou IPSS et IPSS révisé ou IPSS-R (Greenberg et al., 1997, 2012).

Classiquement, les SMD sont classés en « haut risque » (quand le score pronostique est élevé) ou « bas risque » de progression en leucémie aiguë myéloïde (LAM) qui sera qualifiée de "secondaire", par opposition aux LAM de novo (diagnostiquée d'emblée au stade leucémique). La prise en charge thérapeutique est radicalement différente entre les deux groupes pronostiques de SMD puisque les patients classés"bas risque" (qui représentent 80 % de l'ensemble) vont le plus souvent se voir proposer des soins de support (facteurs de croissance, transfusions) visant à corriger leur cytopénie (le plus souvent une anémie) et à améliorer leur état général et leur qualité de vie (en améliorant l'asthénie, l'essouflement...)(Prebet, 2015). C'est le cas des syndromes myélodysplasiques de bas risque avec délétion 5q que nous détaillerons ci-après. Au contraire, les patients "à haut risque de progression" (environ 20 % des SMD) se verront proposer le plus souvent des thérapeutiques à visée curative au même titre que les patients souffrant de LAM.

Plus récemment, se sont développées de nouvelles stratégies d'étude des SMD à visée diagnostique et pronostique faisant appel à des techniques de cytométrie en flux (qui ne seront pas détaillées ici) et de biologie moléculaire.

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En 2011, les premières publications de l'équipe du Dr Benjamin L. Ebert (Brigham and Women’s Hospital et DanaFarber Cancer Institute, Harvard Medical School, Boston) ont révélé grâce à l'avènement du séquençage de nouvelle génération (NGS), l'existence de nombreuses mutations géniques

somatiques récurrentes dans les syndromes

myélodysplasiques. Ces travaux et d’autresont ainsi

décrit de potentiels marqueurs moléculaires de clonalité pour 90 % des SMD. Les gènes concernés sont impliqués dans l'épissage des transcrits d'ARN (SF3B1, SRSF2, U2AF1, ZRSR2), la régulation

épigénétique (TET2, ASXL1, EZH2,

DNMT3A,IDH1/2, ...), le complexe des cohésines (STAG2, RAD21, SMC1A, SMC3), la régulation transcriptionnelle (RUNX1, ETV6, ...), la transduction de signal (CBL, NRAS, JAK2, ...), et la voie p53 (TP53, PPM1D) (Figure 71)(Bejar et al., 2011, 2012; Haferlach et al., 2014; Lindsley et al.,

Figure 71: Gènes mutés de façon récurrente dans les SMD

organisés en un nombre limité de catégories(Kennedy and Ebert, 2017)

Figure 72: Paysage génétique des tumeurs.

TP53 est l'un des gènes les plus mutés tout cancer confondu, il est désigné par le terme de "Mountain" dans le paysage génétique des tumeurs (Copeland & Jenkins, 2009, d'après Wood et al., 2007)

2017; Papaemmanuil et al., 2013; Walter et al., 2013). Depuis la description du paysage génétique des tumeurs colo-rectales et tumeurs du sein par l’équipe de Vogelstein en 2007 (Wood et al., 2007), on désigne ces gènes par le terme de « montagnes » car ils sont les plus fréquemment mutés dans les SMD par opposition au terme « vallées » qui désigne les gènes les plus rarement mutés (Figure 72).

Ces marqueurs de clonalité pouvaient présenter un intérêt diagnostique pour les cytopénies clonales de signification indéterminée (CCUS) mais n'ont pas été pris en compte dans la classification OMS 2016. La découverte récente chez des sujets sains sans aucun signe clinique de clones minoritaires dit ‘CHIP’ porteurs des mêmes anomalies génétiques a remis en cause l'utilisation de ces marqueurs moléculaires à visée diagnostique (Malcovati and Cazzola, 2015; Xie et al., 2014).

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L'équipe de Ben Ebert a proposé une évolution du modèle pronostique dit du « MD Anderson » pour les SMD de bas risque prenant en compte une aggravation du pronostic des SMD de bas risque en présence de mutations de ASXL1, d'EZH2, ou de TP53 (Bejar et al., 2012).

Dans une étude précédente, les mêmes auteurs avaient montré que des mutations géniques des gènes TP53, EZH2, ETV6, RUNX1 et ASXL1 faisaient basculer en haut risque de progression en leucémie aiguë des patients atteints de SMD initialement classés en bas risque selon les scores pronostiques classiques, impliquant un possible changement de la prise en charge thérapeutique (Figure 73).

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A l’autre bout du spectre, les mutations du gène SF3B1 (principalement la mutation "hot spot" K700E) définit un sous-groupe de patients atteints de syndrome myélodysplasique avec sidéroblastes en couronne et un on pronostic (Malcovati et al., 2015).

La validation à large échelle et avec suffisamment de recul clinique est nécessaire à une éventuelle évolution du score IPSS-R en possible score "IPSS-R2" qui tiendrait compte des mutations somatiques des gènes pré-cités (Figure 74). Il convient également de signaler le rôle pronostique péoratif des mutations du gène SRSF2 dans les Leucémies myélomonocytaires chroniques du sujet jeune (ou LMMC)(Patnaik et al., 2015).

Figure 74: Impact pronostique des mutations géniques (classification IPSS-R).

Impact des mutations de TP53, EZH2, RUNX1, ETV6 et ASXL1 sur la survie globale de patients classés à bas risque selon l'IPSS-R(Kennedy and Ebert, 2017)

Figure 73: Augmentation du risque pronostique des SMD de bas risque avec mutations

Des patients initialement classés à bas risque de progression (Intermediaire-1) basculent alors en haut risque (Intermédiaire-2) (Diapositive de Matt Walter, WUSTL, d’après (Bejar et al., 2011))

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Les experts ayant mis à jour la classification OMS des hémopathies malignes myéloïdes publiée en 2016 insistent sur les mutations de TP53 : elles sont associées à une agressivité tumorale dans les SMD en général (Kennedy and Ebert, 2017), et plus spécifiquement possiblement prédictives de mauvaise réponse au lénalidomide chez les patients atteints de SMD avec délétion 5q isolée. Les auteurs recommandent de rechercher les mutations de TP53 dans ces SMD del(5q) de bas risque de progression, afin de déterminer si les mutations de TP53 pourraient aider à identifier un sous-groupe de plus mauvais pronostic(Arber et al., 2016).

Chez les patients atteints de SMD ayant pu bénéficier d’une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques, les mutations de TP53 on été décrites récemment comme conférant un pronostic péjoratif aux paients porteurs (Lindsley et al., 2017).

Figure 75: Impact péjoratif des mutations de TP53 en contexte d'allogreffes de CSH.

Les patients porteurs de mutations de TP53 bénéficiant d’une allogreffe de celules souches hémaotpoïétiques (CSH) ont un pronostic péjoratif, qu’ils soient âgés ou non de moins de 40 ans.

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Les mutations « driver » sont des lésions génétiques qui confèrent un avantage adaptatif significatif favorisant l’initiation et/ou la progression tumorale, contrairement aux mutations « passengers ». Leur statut driver est présumé statistiquement du fait de leur récurrence sensée refléter une sélection positive et par conséquent, une adaptabilité accrue. Cette terminologie s’applique également aux gènes portant ces mutations.

Le gène TP53 est habituellement classé dans les gènes drivers du cancer, mais récemment, il a aussi été proposé qu’il rejoigne le gène MYC dans la catégorie des gènes « engine » selon G. Evan (Univ Cambridge, «Treating cancers by targeting oncogenic engines, not their drivers », p53 workshop, Singapour 2017).

Dans le cas des SMD del(5q), la délétion 5q est le driver du phénotype tumoral mais la progression tumorale de cette hémopathie est principalement due aux mutations de TP53 comme décrit récemment dans les travaux de l’équipe d’Eva Hellström-Lindberg (Jädersten et al., 2011; Jädersten et al., 2011).

Figure 76: Mutations "passenger" et "driver" au cours de l'évolution du cancer

1.4.2. SMD de bas risque avec délétion 5q

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Van den Berghe H et al. décrivirent en 1974 le syndrome 5q- (entité incluse récemment dans l’entité SMD del(5q) de la classification OMS 2016) comme le premier cancer défini par une délétion chromosomique (5q32-33) associée à une entité phénotypique distincte (Anémie macrocytaire réfractaire, mégacaryocytes médullaires nombreux et hypolobulés,

absence de thrombopénie voire

thrombocytose), un bon pronostic et un faible risque de transformation aiguë.

Le processus oncogénique des SMD del(5q) échappe au modèle classique de carcinogenèse décrit par Knudson dans le rétinoblastome dit "du double hit »(Knudson, 1971). Dans ce modèle, les délétions chromosomiques somatiques semblent indiquer la présence de gènes suppresseurs de tumeur, dont l’inactivation du 2è allèle par mutation initierait le cancer, mais la délétion biallélique du locus 5q32 est létale. De plus, aucune mutation n’avait été initialement retrouvée sur l’allèle restant des 40 gènes de la région commune délétée 5q32-33, représentés ci-contre (Figure 77). Cela a conduit l’équipe de Ben. Ebert à les inactiver par une approche

d'ARN interférence et à mettre en évidence que l’anémie des SMD del(5q) était due à l’haploinsuffisance du gène RPS-14 impliqué dans la ribogenèse.

Figure 77: Région minimale délétée dans les del(5q).

Les gènes et les micro-ARN de la région 5q32-33 impliqués dans la pathogénie des SMD sont indiqués en rouge (d’après (Jädersten and Karsan, 2011))

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RPS14 code pour une protéine ribosomale, et les conséquences de son haplo-insuffisance rapproche l'anémie des SMD del(5q) de celle du syndrome de Blackfan-Diamond (Ebert et al., 2008). Le stress ribosomal active la voie p53 dans les progéniteurs érythroïdes conduisant à un arrêt du cycle cellulaire et à une apoptose des progéniteurs érythroïdes.

Puis le phénotype mégacaryocytaire et plaquettaire (Mégacaryocytes hypolobés et thrombocytose) a été élucidé par la découverte de la sous-expression des micro-ARN miR-145 et miR-146a impliqués dans la voie de la réponse immunitaire innée, et la régulation de p53 (Starczynowski et al., 2010).

Récemment, des mutations activatrices et récurrentes (fréquence estimée à 7%) de l’allèle non délété du gène CSNK1A1 situé en 5q32 ont été décrites élucidant encore davantage la physiopathogénie des SMD del(5q) (Krönke et al., 2015).

Figure 78: Physiopathologie du syndrome

5q-(Jädersten, 2010)

Figure 79: Sous-expression de miR-145 et miR-146a dans les SMD del(5q).

Habituellement fortement exprimés dans les cellules souches hématopoïétiques, l’haplo-insuffisance de ces micro-ARN est responsable du phénotype

Ce gène code pour la caséine kinase 1alpha (CK1alpha) qui a été décrite comme un gène suppresseur de tumeur régulant par phosphorylation la beta-caténine et p53. L’inactivation biallélique par mutation de CSNK1A1 conduit à l’activation de la beta-caténine sans activation de p53.

Récemment, il a été démontré que l'haploinsuffisance de HSPA9 également situé