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3.2.1. Impact du statut TP53 au diagnostic

Dans l'étude princeps de 2011, Jädersten et al. ont recherché par technologie NGS

454TM Roche des mutations de TP53 chez 55 patients porteurs de SMD de bas risque

avec délétion 5q et issus de « la vraie vie ». L'expression de p53 était aussi quantifiée en immunohistochimie (IHC) dans les cellules médullaires. Une mutation était retrouvée chez 10 patients (18%) avec une fréquence allélique mutée comprise entre 1 à 54% (11% en médiane). Les mutations étaient toutes détectées précocement et leur fréquence était identique parmi les malades avec un IPSS faible ou intermédiaire-1. Ces mutations s'associaient à un risque élevé de transformation en leucémie aiguë myéloïde (LAM) : 5/10 versus 7/45. Neuf des 10 patients avec mutation avaient une expression importante de p53 en IHC à un stade précoce, suggérant qu'une analyse IHC sur biopsie de moelle pouvait aider à prédire les SMD avec del5q qui allaient progresser. La présence d'une mutation s'associait à une mauvaise réponse au lénalidomide avec des taux de rémission cytogénétique de 0/7 versus 12/24. Le suivi médian était plus court que dans notre étude (40 mois). Ce travail mettait à jour TP53 comme nouveau facteur pronostique et théranostique dans les SMD avec del5q. Le statut p53 en immunohistochimie prédisait encore mieux le risque de transformation en LAM et le risque de progression que la présence de mutations du gène TP53 (Jädersten et al., 2011).

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Kulasekararaj et al. avaient observé dans les SMD del(5q)une incidence des mutations de TP53 de 19% au diagnostic et un impact prédictif péjoratif des mutations de TP53 dans les SMD mais qui était davantage lié aux SMD à caryotype complexe avec délétion 17p qu’aux SMD del(5q)(Kulasekararaj et al., 2013).

Une étude portant sur 85 des 205 patients du protocole MDS_004 (essai de phase 3, randomisé, en double aveugle avec un bras placebo mais possibilité de cross-over à 16 semaines) a évalué rétrospectivement l’expression protéique de p53 par immunohistochimie et l’a corrélée au devenir clinique. Une expression forte de p53 était observée chez 35% des patients et était significativement associée à un risque plus élevé de LAM secondaire (p=0,0006), une survie globale plus courte (p=0,0175) et un taux de reponse cytogénétique plus faible (p=0,009), mais pas avec l’obtention d’une réponse érythroïde (Saft et al., 2014).

Très récemment, l’étude prospective LEMON5 portant sur 67 patients montrait que, avant traitement par lénalidomide, l’incidence des mutations était de 12% avec des fréquences alléliques variant de 15,8% à 51,5%. Il n’y avait pas de différences cliniques Figure 102: Etude princeps de Jädersten et al. (2011)

Dans cette étude, la présence de mutations de TP53 prédit le devenir clinique des SMD del(5q) et est faiblement corrélée au statut p53 en immunohistochimie qui prédit mieux le risque de transformation en LAM et le risque de progression.

en fonction du statut mutationnel TP53 mais la survie était plus courte dans le groupe mutations de TP53(M. Mossner et al., 2016).

Dans notre étude, l’incidence des mutations TP53 au diagnostic était de 30 %, le statut mutationnel au diagnostic n'a pas permis de prédire la progression tumorale (p=0,777, Test de Gray, n=40). Nous n'avons pas analysé l'expression de la protéine par immunohistochimie par manque de matériel (nos patients n'avaient pas eu de biopsie osteo-médullaire et les frottis de suc médullaire n’étaient pas assez riches).

Les différences d’incidence au diagnostic observées entre les différentes études peuvent être dues à l’hétérogénéité des cohortes et des échantillons analysés (nous avons extrait les ADN de culots de cytogénétique après culture de moëlle, Mossner et al avaient analysé des cellules mononucléées, Jädersten et al avaient analysé des ADN de frottis de moëlle ou cellules mononucléées).

Les différences observées entre les différentes études en terme d’évolution clinique pourraient être dues à l’impact de la fréquence allélique (Variant Allelic Frequency, VAF) des mutants TP53 détectés. En effet, Sallman et al. ont rapporté qu’en analyse multivariée, seules les VAF de TP53 supérieures à 40% avaient un impact péjoratif indépendant du traitement (HR, 1,61 ; p<0,0001). Néanmoins, si cette étude portait sur 219 SMD, seulement 8 SMD del(5q) sont décrits dont seulement 3 mutés pour TP53, avec un suivi médian de seulement un an. Cette étude impacterait donc davantage les SMD à haut risque que les SMD del(5q)(D. A. Sallman et al., 2016; David A. Sallman & Padron, 2016).

Figure 103: Incidences des mutations de TP53 dans les SMD del(5q) au diagnostic

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3.2.2. Impact de l’évolution clonale de TP53

Parmi les 40 patients de notre cohorte initiale, 24 patients se sont vus proposer du lénalidomide par les cliniciens qui les prenaient en charge en fonction de la sévérité de leur anémie, de leur dépendance transfusionnelle (la moitié avait déjà reçu de l'érythropoïétine) et de leurs co-morbidités. Nous les avons inclus dans l’étude car ils avaient eu au moins deux prélèvements successifs permettant une analyse longitudinale.

Nous avons observé qu'une progression tumorale en leucémie aiguë myéloïde secondaire était survenue pour 11 patients sur 24 (45,8%) ayant reçu du lénalidomide, après un délai médian de 61 mois après le diagnostic (entre 22 et 171 mois)(Figure 105).

Figure 104: Survie globale (OS) en fonction du statut mutationnel TP53 et de la fréquence allélique des mutants TP53.

Survie globale des patients stratifiés sur (a) le statut TP53, (b) la VAF<20 % ou >40 %, (c)VAF comprise entre 20 et 40 %, (d) cohorte de validation avec survie globale selon que la VAF <20 % ou >40 %.

Nous avons séquencé le gène TP53 par NGS 454TM

sur un total de 94 échantillons : 6 patients sur 24 étaient positifs avant le début du traitement par lénalidomide soit une fréquence de 25% cohérente par rapport à la fréquence de 18% rapportée ailleurs dans la littérature. Quinze patients sur 24 ont été retrouvés mutés après traitement par lénalidomide (soit 62%). Une évolution clonale a été détectée chez 12 patients parmi lesquels 10 présentaient une émergence de mutations préalablement non détectées soit dans le gène TP53 (n=9) soit dans le gène RUNX1 (n=1). La seule patiente avec évolution clonale de TP53 sans transformation en leucémie aiguë était la patiente 6, sa tumeur était porteuse d'une mosaïque de mutations comme décrit précédemment. Par comparaison, l’étude de l’expression de p53 par immunohistochimie chez 85 des 205 patients du protocole MDS_004 incluait un suivi de l’expression de p53 sur des biopsies osteo-médullaires sériées chez 21 patients. A 12 semaines, une augmentation de l’expression de p53 était observée chez 8 patients (soit 38%) dont 6 ont développé une LAM dans un délai de 13 à 44 mois vs. 2 patients parmi les 12 qui étaient restés négatifs pour p53. Comme dans notre étude, l’évolution clonale incluant l’émergence de clones TP53 était associée à la progression tumorale rapide (p<0,01)(Saft et al., 2014).

Dans l’étude prospective allemande LE-MON5, 15 patients initialement négatifs au diagnostic ont été sélectionnés au hasard pour être à nouveau séquencés à un délai médian de 12 mois après initiation du lenalidomide (entre 11 et 36 mois). Chez 6 patients sur 15 (soit 40%), une mutation de TP53 est devenue détectable à une fréquence allélique médiane de 8,7% (comprise entre 5,5% et 31,1%). Comme dans

Figure 105: Évolution clonale et évolution clinique des patients SMD del(5q) sous Len

(Len, lénalidomide) @<( #D#+ E . : +#&+ # E = 2 ' E # <9# # E E E $ # <9# # # 9# # E # < 2+ " E

Évolution clonale et progression tumorale 203/280

notre étude, aucun paramètre initial clinico-biologique ne distinguait les patients qui allaient subir cette évolution clonale des autres (M. Mossner et al., 2016).

L’étude longitudinale d'une cohorte de 35 patients issus de l’essai de phase III MDS_004 (étude d’enregistrement du lénalidomide ayant inclus initialement 205 SMD avec del(5q) de risque faible ou intermédiaire-1) traités par lénalidomide (n=22) ou non (n=13) a montré que chez les 13 patients ayant subi une progression de la maladie, des mutations ont été détectées dans un nombre limité de gènes, à savoir TP53, RUNX1 et TET2 qui prédisaient une progression tumorale dans 81 % des cas. Des mutations de PTPN11 et SF3B1 étaient également détectées. Concernant les neuf patients ayant évolué en leucémie aiguë secondaire, sept étaient porteurs de mutations de TP53 dont seulement une était présente dans l'échantillon initial et six

étaient acquises sous lénalidomide.

Tableau 18: Comparaison des résultats de Scharenberg et al., 2017 avec les nôtres.

Tableau 17: Comparaison de l’incidence et des délais de survenue de l’évolution clonale et de la progression tumorale

Cette étude montrait que malgré une réponse clinique complète au lénalidomide, les cellules souches et progénitrices de la moelle contenaient une grande proportion de cellules résiduelles résistantes avec délétion 5q (Scharenberg et al., 2017; Tehranchi et al., 2010).

Ces résultats ont conforté les résultats déjà publiés dès 2010 : La persistance de cellules souches del(5q) résistantes au lénalidomide avait en effet été démontrée dans une étude portant sur des patients SMD del(5q) devenus indépendants transfusionnels sous lénalidomide. Le constat que 50% des patients rechutent après 2 à 3 ans de traitement sous forme de progression cytogénétique et clinique avait conduit les auteurs à mettre en évidence la persistance de cellules souches CD34+,CD90+,CD38-/low porteuses de la délétion 5q, résistantes au lénalidomide, et qui étaient responsables de la rechute malgré l’éradication des progéniteurs CD34+ CD38+ porteurs de la délétion 5q et malgré l’obtention d’une réponse cytogénétique partielle ou complète. Il manquait à cette étude l’analyse des mutations de TP53 (Tehranchi et al., 2010).

La question de l’imputabilité de la résistance des cellules souches del(5q) à la coexistence dans ces cellules souches de mutations de TP53 n’est pas élucidée, même si Wong et al ont calculé que 44% des sujets de plus de 50 ans étaient porteurs d’au moins une cellule souche hématopoïétique avec mutation de TP53, chiffre à

rapprocher de ceux obtenus par différentes études dont la nôtre montrant que 38 à

46% des patients subissent une évolution clonale de TP53 sous lénalidomide (Tableau 17, Illustration 34) (Wong et al., 2015).

Illustration 34: 44 % des sujets sains de 50 ans ont une CSH mutée pour TP53.

CSH/HSC : cellule souche hématopoïétique. Extraite de la présentation plénière ASH 2013 (Wong et al, ASH2013).