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Single-molecule DNA sequencing of acute myeloid leukemia and myelodysplastic syndromes with multiple TP53 alterations.

Lodé L, Ameur A, Coste T, Ménard A, Richebourg S, Gaillard JB, Le Bris Y, Béné MC, Lavabre-Bertrand T, Soussi T.

Haematologica. 2018 Jan;103(1):e13-e16. doi: 10.3324/haematol.2017.176719. Epub 2017 Oct 27. No abstract available.

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3. DISCUSSION

Nos travaux portaient sur une cohorte initiale de 40 patients consécutifs atteints de Syndromes Myélodysplasiques de bas risque avec délétion 5q « isolée ». Parmi eux, 24 ont été traités par lénalidomide. L'âge médian des patients au diagnostic était de 75 ans (51-86 ans) avec une forte prédominance féminine comme classiquement décrit pour cette hémopathie maligne. Avec un délai médian de suivi de 60 mois à partir du diagnostic (3-207 mois, écart interquartile, 32-83 mois), 14 patients étaient toujours en vie, 2 étaient perdus de vue, 3 sont décédés de cause cardiaque et 21 sont décédés de la progression de leur maladie. La survie médiane dans cette cohorte était de 61 mois. L'incidence de mutations TP53 au diagnostic était de 30 %, ce qui est légèrement supérieur à ce qui a été décrit dans la littérature. Par comparaison, Saft et al. avaient évalué la forte expression protéique de p53 par immunohistochimie et validé ce marqueur comme marqueur de remplacement ("surrogate marker") des mutations de TP53. Ils avaient trouvé une incidence de surexpression de p53 à 35 % (30 patients sur 85).

3.1. Hétérogénéité sous-clonale

intra-tumorale des SMD del5q

Dans notre étude, au total, nous avons détecté 31 mutations du gène TP53 dans des codons situés majoritairement dans le domaine de liaison à l'ADN de protéines p53 le plus souvent devenues non fonctionnelles. Certains patients étaient porteurs de multiples mutations de TP53 et posaient la question de mutations composées ou oligoclonales. Parmi les patients de la cohorte de patients par lénalidomide, 6 des 11 tumeurs de SMD del(5q) mutées pour TP53 étaient porteuses de mutations multiples de TP53 et ont fait l'objet d'une étude de séquençage de molécule unique en long fragment sur RSII PacBio en collaboration avec le Pr Thierry Soussi et SciLife (Uppsala, Suède).

Dans notre étude, l’analyse des longs fragments générés par la technologie de séquençage de 3è génération PacBio n’a pas montré la présence de mutations en cis (« composées ») ni dans les SMD del(5q) ni dans les LAM à caryotype normal analysées dans la même étude, contrairement à ce qui avait été détecté dans les Leucémies Myéloïdes Chroniques les plus résistantes (Soverini et al., 2013). En l’absence de mutations en cis, se pose la question de la présence de mutations en trans et/ou de mutations oligoclonales et donc de l’hétérogénéité génétique intra-tumorale des SMD del(5q) à laquelle la technologie PacBio ne pouvait pas répondre formellement, même si la présence de plus de deux mutations en l’absence de LOH a permis de proposer la coexistence de plusieurs clones chez la patiente 6 (Figure 99 p:161).

3.1.1. Mutations multiples

L’analyse de la base de données UMD TP53 nettoyée par le Pr Thierry Soussi a montré que des mutations multiples de TP53 étaient retrouvées dans 9,5 % des leucémies

Tableau 14: Fréquence des mutations multiples de TP53 dans les cancers

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lymphoïdes chroniques, 13 % des leucémies aiguës myéloïdes, 22 % des syndromes myélodysplasiques de la base (qui ne contient que des tumeurs mutées pour TP53) (Tableau 14)

L'impact fonctionnel délétères des mutations de TP53 est tel qu'on peut se demander quel peut être l’intérêt pour la tumeur d’héberger plusieurs mutations de TP53.

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Selon une théorie évolutionniste dite Théorie «M», les tumeurs n’auraient pas « besoin » de plusieurs mutations, celles-ci seraient le fruit du hasard et de compromis, la trace des nombreux essais infructueux qui se seraient produits avant qu’un énième essai génère un sous-clone avec un avantage sélectif et initie le cancer. C’est « l’Hypothèse de l’erreur » qui s’oppose à la théorie atavique ou Théorie «A» basée sur la notion que le phénotype malin serait une réactivation d’un programme biologique ancestral fondamental à l’époque des organismes unicellulaires qui avaient besoin de proliférer sans limites (Ujvari, Roche, & Thomas, 2017).

La présence de mutations multiples dans les tumeurs de notre étude est donc probablement le fruit du hasard, même concernant un gène aussi critique que TP53. Les analyses moléculaires ont confirmé que les génomes des cancers sont hautement dynamiques, cette dynamique évolutive se reflète dans l’hétérogénéité génétique sous-clonale détectée en NGS (M. Mossner et al., 2016; Silva-Coelho et al., 2017; Walter et al., 2013).

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En dehors de la technique traditionnelle de culture de moëlle osseuse en milieu semi-solide permettant d’isoler les différentes sous-clones cellulaires avant séquençage, les nouvelles techniques de séquençage sur cellules isolées (SCS pour Single Cell Sequencing) sont désormais les techniques de choix pour confirmer le statut oligoclonal de mutations multiples détectées et l’hétérogénéité intra-tumorale (Ellsworth et al., 2017). De nombreux progrès ont déjà été réalisés depuis une dizaine d’années (Figure 100), en particulier au niveau des techniques d’isolement des cellules

uniques, d’amplification de l’ADN génomique entier (whole genome amplification, WGA) ou du transcriptome entier (Whole-transcriptome amplification, WTA).

Ce sont en effet ~6pg d’ADN et ~10pg d’ARN que l’on peut espérer isoler à partir d’une cellule diploïde. L’amplification d’acides nucléiques est nécessaire pour disposer de suffisamment de matériel pour séquencer le génome entier avec une couverture suffisante. L’enjeu est également d’éviter les principaux artéfacts techniques tels que l’amplification préférentielle de certaines régions et/ou des pertes alléliques entraînant des risques d’erreurs et possiblement des défauts de couverture compromettant la détermination des variants nucléotidiques (Figure 101).

Actuellement, il existe trois approches d’amplification du génome entier (WGA) qui sont présentées dans le tableau 15.

Figure 100: Evolution des techniques utilisées en SCS (Ellsworth et al., 2017)

Tableau 15: Comparaison des méthodes de WGA adaptées au SCS.

WGA : Whole Genome Sequencing, SCS : Single Cell Sequencing, SNV : Single nucleotide variant, CNV : copy number variant, DOP-PCR : Degenerate Oligonucleotide -primed polymerase chain reaction, MDA : multiple-displacement amplification, MALBAC multiple annealing and looping based amplification cycles (d’après Liang, 2014).

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A ce jour, la technique de SCS reste réservée aux laboratoires experts.

3.1.2. Une étude ciblée sur le gène TP53

suffit-elle ?

Nous avons analysé le gène TP53 par NGS 454 dans le cadre de la phase 2 du projet IRON (Kohlmann et al., 2011) à une époque où peu de laboratoires avaient accès à la technologie NGS. Ce projet nous donnait accès à des plaques de préparation de librairies d’amplicons qui étaient dédiées au seul gène TP53 (exons 4 à 11).

Dans notre étude, 30% des patients étaient porteurs de mutations de TP53 au diagnostic (ou dans un prélèvement “précoce” avant mise en place du traitement), ce qui est supérieur au taux de 12% décrit dans l’étude de Mossner portant sur 67 patients de l’étude clinique LE-MON5 et qui a, elle aussi, été réalisée dans le cadre du projet IRON-II à partir des mêmes plaques d’amplicons dédiées à TP53 mais sur un plus grand effectif. Selon la disponibilité du matériel, nous avons ponctuellement complété le profil génétique de nos patients.

Figure 101: Erreurs techniques et aléas de couverture dans les données de single-cell sequencing (SCS).

(a) erreurs par perte d’un allèle, faux positifs, faux négatifs dus à une couverture insuffisante.

« Pop » : population cellulaire. (b) profondeur de couverture et étendue de couverture. (c) L’uniformité de couverture en SCS peut varier d’une cellule à l’autre, et est meilleure dans les séquençage d’ADN génomique issu de population cellulaire(Navin, 2014)

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Nous nous sommes intéressés à la mutation hot spot V617F de JAK2 car une série de 78 patients consécutifs atteints de syndromes 5q- (selon la classification OMS 2008) avait montré que les mutations JAK2 V617F et MPL W515L étaient retrouvées dans 6,4% et 3,8% des cas, respectivement (Patnaik et al., 2010).

Dans notre série de 24 patients sous lénalidomide, nous n’avons pas retrouvé de mutations sur le codon 515 du gène MPL et la mutation JAK2 V617F analysée par PCR quantitative allèle-spécifique a été retrouvée chez 5 patients (soit 21%). Parmi eux, trois patientes (P3, P5, P24) n’avaient pas de mutation de TP53, une patiente (P11) avait une mutation de TP53 au diagnostic sans évolution clonale et une patiente (P6) avait au moins deux mutations majoritaires de TP53 qui ont émergé peu après le début du traitement par lénalidomide. Chez cette patiente, la fréquence allélique de JAK2 V617F a augmenté au cours du suivi.

Une particularité du syndrome 5q- par rapport aux autres SMD est la fréquence d’une thrombocytose évocatrice de néoplasie myéloproliférative mais, dans notre étude comme dans l’étude de Patnaïk et al , le taux de plaquettes n’était pas corrélé à la présence de mutations de néoplasies myéloprolifératives. Depuis a été découverte la corrélation entre la sous-expression des miR-145 et -146a et le phénotype plaquettaire et mégacaryocytaire (cf introduction). A noter qu'un taux de plaquettes inférieur à 280 G/L a été décrit comme associé à un échec au lénalidomide (Mallo et al., 2013).

Trois de ces patientes hébergeaient des sous-clones minoritaires de JAK2 V617F (fréquences alléliques entre 1 et 3%) dont une (P3) est décédée de causes cardio-vasculaires. Ceci ainsi que l’âge avancé des patients atteints de SMD del(5q) est à rapprocher du risque cardio-vasculaire récemment décrit par Jaiswal et al. associé au phénomène dit d’“hématopoïèse clonale de potentiel indéterminé”(Clonal hematopoiesis of indeterminate potential, CHIP) lui-même lié au vieillissement des cellules souches hématopoïétiques. L’équipe de Ben Ebert a démontré que des mutations dans les gènes DNMT3A, TET2, ASXL1 et JAK2 sont individuellement associées à la maladie coronarienne mais également aux signes précliniques en matière de calcification des artères coronaires (Jaiswal et al., 2017). Le CHIP est défini par la présence, le plus souvent à une faible fréquence allélique d’un clone somatique de cellules sanguines chez des sujets relativement âgés et qui n’ont aucune autre anomalie hématologique (Steensma et al., 2015). Ce n’est pas le cas de nos patients atteints de SMD del(5q) mais nous faisons l'hypothèse que ces patients étaient

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porteurs d’un CHIP indépendant et compétiteur de leur SMD del(5q). En effet, tous les patients porteurs d’une mutation de JAK2 avaient des maladies stables au cours du suivi, ce qui suggère un possible bénéfice au maintien de l’hétérogénéité tumorale pour limiter la progression de la maladie.

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Chez la patiente P6 (cohorte LEN, numérotée Fr7 dans la cohorte PacBio), une leucémie myélo-monocytaire co-existait avec le SMD del(5q). La détection de la mutation JAK2 V617F dans ce contexte de LMMC est classique. La patiente est restée en bon état général à désormais plus de 7 ans des premiers signes d'évolution clonale post-lenalidomide. Nous avons observé l'émergence de 2 sous-clones majoritaires puis de 6 autres sous-clones minoritaires soit au total 8 mutations de TP53 parmi lesquelles les mutations "hot spot" Arg248Gln et Arg273His. Une analyse complémentaire d’un panel de 54 gènes a permis de détecter 7 autres mutations touchant les gènes EZH2, ETV6 et ASXL1 habituellement associés à un pronostic péjoratif dans les SMD (Bejar et al., 2011, 2012), ainsi que TET2, KDM6A et ATM. L’impact de l’hétérogénéité génétique chez cette patiente pourrait avoir favorisé un maintien de la compétition entre les différents clones et joué un rôle dans la stabilité clinique de la patiente.

Une autre patiente de notre cohorte (#19) était porteuse de MGUS puis de myélome avec SMD del(5q). Seul le gène TP53 a été analysé et la mutation Ile195Asn a été détectée à une fréquence allélique d’environ 50 %, suggérant, en l’absence de perte d’hétérozygotie 17p, que l’ensemble des cellules analysées (après mise en culture en cytogénétique) étaient porteuses de la mutation TP53. La patiente a été traitée par lénalidomide à faible dose (5mg/jour) et dexaméthasone, traitement adapté au SMD del(5q) et au myélome. Elle a eu une réponse érythroïde qui a duré 2 ans sans évolution clonale ni progression tumorale, et nous l’avons classé dans le scénario n°3 d’équilibre clonal. La coexistence des deux hémopathies semble là encore avoir favorisé la compétition clonale et empêché la sélection d’un clone dominant.

D’autres cas de double hémopathie incluant un SMD del(5q) ont été décrits dans la littérature, notamment récemment, un autre cas de MGUS (Monoclonal Gammopathy of Undetermined Significance) évoluant en myélome (MM) et SMD del(5q).

Ce cas n’était pas associé à une mutation de TP53. Néanmoins, les auteurs rappellent que si la majorité des mutations géniques diffèrent entre les SMD et le MM, les deux hémopathies ont une incidence de mutations de TP53 proche (~ 8-15 %). Comme notre patiente, le patient a été traité par lenalidomide faible dose et dexaméthasone et les auteurs ont observé une bonne réponse rapide (en 1 mois) et durable (réponse cytogénétique complète évaluée 14 mois après le début du traitement)(Nolte et al., 2017).

Le patiente P6 hébergeait deux sous-clones porteurs de mutations TP53 très délétères situées en position Arg248 et en position Arg273. Ces codons sont parmi les plus mutés de TP53 dans le site de fixation de p53 à l’ADN, et récemment décrits dans plusieurs cancers comme responsables de phénotypes gain de fonction (GoF) oncogéniques (Alexandrova et al., 2015; Asher et al., 2003; Shtraizent et al., 2015). De façon étonnante, dans notre étude, la stabilité clinique a persisté chez la patiente P6 malgré l’émergence de ces deux clones TP53 prédits comme très agressifs.

Tout se passe comme si, au sein de l'environnement qu'est la moelle osseuse de cette patiente contenant de multiples sous-clones del(5q), les sous-clones TP53 oncogéniques, agressifs et très résistants au lénalidomide étaient « maintenus en

Tableau 16: Architecture clonale du cas rapporté par Nolte et al.

Au diagnostic de MGUS, la moëlle osseuse était envahie par un clone porteur de la mutationASXL1 Y591X, qui est restée stable pendant le traitement par lenalidomide à 10mg/j et dexamethasone

(40mg/semaine). Le patient est devenu indépendant transfusionnel après un seul cycle de len.La réponse cytogénétique complète a été validée 14 mois après le début du LEN. Au moment de la progression en LAM secondaire, dont les clones drivers indépendants étaient porteurs d’une part de ETV6 Y391C et d’autre part de ETV6 P214Q, RUNX1 R204P et d’une monosomie 7.

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respect » par les autres sous-clones moins agressifs. La présence du clone porteur de JAK2 V617F suggère en particulier un rôle compétiteur de ce clone de LMMC qui semblait favorisé par la prolifération et avait donc probablement un accès privilégié aux ressources au sein du micro-environnement médullaire (oxygène, nutriments). L’intérêt de maintenir l’hétérogénéité clonale de la tumeur voire de maintenir la co-existence de deux tumeurs chez le même hôte pour éviter la progression clinique de la tumeur la plus agressive est évocateur du modèle de thérapie adaptative décrit par Gatenby en 2009. L'auteur explique que le phénotype tumoral agressif et/ou résistant a un coût pour les cellules tumorales qui l'expriment. Ce coût les rend moins adaptées à la prolifération par comparaison aux cellules tumorales de phénotype « peu agressif » et/ou sensible au traitement. Ainsi, dans un environnement tumoral Darwinien, la prolifération des cellules tumorales les moins agressives se fera aux dépens des cellules tumorales les plus agressives et le maintien des cellules tumorales moins agressives permettra une stabilité de la maladie en évitant le sélection des clones agressifs (Gatenby et al., 2009).

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D’autres équipes ont analysé un panel de gènes ou un exome entier de SMD del(5q) (Scharenberg et al., 2017; Silva-Coelho et al., 2017) et ont démontré la présence de mutations des gènes TET2, DNMT3A, ATM, SF3B1, RUNX1, CSNK1A, ASXL1... dans les SMD del(5q) analysés.

Aussi, notre analyse mutationnelle des gènes TP53 et JAK2 ne pouvait pas suffire à rendre compte de l’hétérogénéité génétique des SMD del(5q) et il aurait fallu pouvoir étudier sur tous nos échantillons un panel de gènes comme pour la patiente P6.

Néanmoins, nos travaux et d’autres ont montré que la progression tumorale des SMD del(5q) était principalement due aux mutations délétères de TP53 qui tient le rôle de “driver” de la progression, et dont l’étude était pertinente dans ce contexte, comme présenté ci-après ainsi que dans l’étude allemande du LE-MON5.

3.2. Évolution clonale et progression