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En réponse à un signal de stress, p53 sauvage transloque rapidement à la mitochondrie et interagit via son domaine de liaison à l'ADN avec les membres de la famille Bcl-2 pour les inhiber ou les activer. Il va ainsi induire la perméabilisation de la membrane externe de la mitochondrie (MOMP, mitochondrial outer membrane permeabilization), favorisant la voie pro-apoptotique caspase-dépendante. Dans la famille BCL-2, on distingue les molécules anti-apoptotiques BCL-2, BCL-XL et MCL-1 qui contiennent les 4 domaines BH1, BH2, BH3 et BH4 tandis que les molécules pro-apoptotiques se répartissent en molécules comprenant les domaines BH1, BH2 et BH3 (ce sont les protéines BAX et BAK) et en molécules ne comprenant que le domaine BH3 (les "BH3-only"). Dans ce dernier sous-groupe, on trouve les dérepresseurs PUMA, NOXA et BAD qui inhibent les molécules anti-apoptotiques de la famille BCL-2 (Figure 18).

A noter que contrairement à son activité transcriptionnelle qui est dépendante de la conformation tétramérique de p53, l'activité pro-apoptotique de p53 mitochondrial fonctionnerait en conformation monomérique et serait peu impactée par l'effet dominant-négatif de p53 mutée (Vaseva & Moll, 2009).

Figure 18 : Programme pro-apoptotique indépendant de la transcription de p53

p53 neutralise les effets inhibiteurs de BCL-2 et BCL-XL sur Bax et Bak qui forment alors des pores membranaires dans la membrane externe mitochondriale. Les molécules pro-apoptotiques tBid et Bak sont libérées par p53 qui agit comme une super molécule "BH3-only". (Vaseva and Moll, 2009)

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La protéine p53 est quasiment indétectable dans les cellules normales du fait d'une rétro-inhibition. En effet, parmi ses gènes cibles, se trouve son propre inhibiteur MDM2 (ou Human Mouse Double Minute 2 Homolog ; HDM2). En ubiquitinylant p53, MDM2 favorise sa dégradation par le protéasome grâce à son activité E3 ubiquitine ligase.

La protéine MDM2 interagit avec p53 au niveau d'une région limitée de la partie N-terminale (résidus d'acides aminés 13 à 29). Les Serines des résidus 15 et 20 de p53 sont particulièrement impliquées dans la régulation de p53 car leurs modifications empêchent l'interaction de p53 avec MDM2 et MDM4, un autre régulateur négatif de p53. MDM2 et MDM4 se lient aux domaines d'activation transcriptionnelle de p53, inhibant ses fonctions transactivatrices.

Cette boucle de rétrocontrôle est régulée par les kinases ATM et ATR qui, en cas de stress cellulaire, vont phosphoryler p53 et MDM2 empêchant p53 d’être inhibée par MDM2, permettant ainsi son accumulation, la protéine p53 devient alors détectable dans les tissus concernés (Figure 13 et 19).

Figure 19 : Auto-régulation de p53 par rétrocontrôle négatif via l'induction de MDM2

La dégradation physiologique de p53 par le protéasome est médiée par plusieurs E3 ubiquitin ligases dont MDM2 (Meek et al,, 2009)

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En dehors d'ATM, ATR, CHK1 et CHK2, de nombreuses autres kinases phosphorylent p53 impactant la transcription des gènes cibles de p53. La caséine-kinase 1 a été particulièrement étudiée récemment dans l'hémopathie maligne qui nous a intéressés lors de ce travail de thèse (SMD del(5q))(voir infra). La protéine p53 est également sous le contrôle de nombreux autres mécanismes de régulations de type

modifications post-traductionnelles (Toledo & Wahl, 2006, figure 20), interaction avec son inhibiteur PPM1D/Wip1 (Jonak et al., 2016) ou des micro- ARN (Hermeking et al, 2012).

Figure 20 : Mécanismes de régulation de p53 par modifications post-traductionnelles.

La partie N-terminale est potentiellement la cible de nombreuses phosphorylation et la partie C-terminale est potentiellement la cible de phosphorylations, acétylation, et sumoylation.

Orange : phosphorylations, vert : acetylation, violet : ubiquitylation, rose : neddylation, bleu : méthylation, marron : sumoylation (Toledo & Wahl, 2006).

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Certains micro-ARN (miRNA) régulent l'expression de p53 en se fixant à la partie 3'UTR des transcrits TP53 et en empêchant la traduction ou en favorisant la dégradation des ARN messagers. A ce jour, onze miRNAs ont été identifiés comme ciblant le gène humain TP53, incluant miR-125b, miR-15a et miR-16.

Dans la section b2 (distribution des mutations), nous verrons que, dans les lymphomes diffus à grandes cellules B (DLBCL), des mutations situées dans la partie 3'UTR du gène TP53 peuvent empêcher les micro-ARN régulateurs négatifs d'agir sur les transcrits de TP53. Cette modification d'expression touche aussi bien la protéine p53 sauvage que la protéine p53 mutée en cas de coexistence de mutations de la région codante et de la région 3'UTR du gène TP53 (Li et al., 2013) .

Ces altérations de la région 3' non codante de TP53 prédites comme susceptibles de modifier les sites de fixation des micro-ARN régulateurs atteindraient une fréquence

Figure 21 : Mutations dans la région codante et/ou 3' non codante de TP53

A, en l'absence de mutations, l'expression de p53 sauvage est protectrice ; B, une mutation dans la région codante de TP53 produit une p53 mutée de pronostic défavorable ; C, des mutations dans la région 3' non codante ont été décrites dans les DLBCL qui empêchent la fixation de micro-ARN régulateurs négatifs de p53 et favorisent donc fortement l'expression de p53 sauvage, de pronostic encore plus favorable que sans mutation de la région 3' non codante de TP53; D, la coexistence de mutations dans la séquence codante et la région 3' non codante favorise l'expression de p53 mutée, de pronostic encore plus défavorable qu'en présence de mutations seulement dans la région codante. miRNA targeting TP53, micro-ARN ciblant TP53 ; CDS, région codante du gène TP53 ; 3'UTR, région 3' non codante (Jardin and Coiffier, 2013)

de 50 % dans les DLBCL contre 20 % de mutations de la séquence codante (Jardin & Coiffier, 2013).

1.1.2. Anomalies de TP53 dans les cancers

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En onco-hématologie, il est fréquent d’observer à l’aide de techniques de cytogénétique des délétions mono- ou bialléliques du locus

17p13.1/TP53 (figure 22) généralement

associées à un pronostic péjoratif dans les cancers (Trbusek & Malcikova, 2013).

Le nombre allèles fonctionnels de TP53 influence le risque de développer un cancer. Ainsi les patients atteints du syndrome héréditaire de Li Fraumeni ont seulement un seul allèle fonctionnel de TP53, et ont plus de 90 % de risque de développer un cancer au cours

de leur vie (Testa et al., 2013). De même, la présence d'une délétion monoallélique acquise par une tumeur impacte son pronostic de façon péjorative. Ainsi, les délétions hémizygotes de TP53 sont détectées dans 10 % des cas et associées à un pronostic défavorable dans le myélome multiple .

Au contraire en 2015, Abegglen et al. examina la séquence génomique de l'Éléphant d’Afrique (Loxodonta africana) et de l'Éléphant d’Asie en tentant d’élucider « le paradoxe de Peto », en l’occurrence le fait que les éléphants développent moins de cancer qu’attendu chez les mammifères au vu de de leur masse corporelle et de leur longévité (Ducasse et al., 2015 ; Thomas et al, 2013) De façon impressionnante, ils ont trouvé

Figure 22 : Région minimale délétée dans la délétion 17p13.1, locus du gène TP53

(Zenz et al., 2010)

Figure 23 : TP53 et le paradoxe de Peto

Le nombre d’allèles du gène TP53 est une (parmi d'autres) des solutions retenues par la sélection pour résoudre le paradoxe de Peto (Source : Joshua Schiffman)

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que le génome de l'Éléphant d’Afrique portait 20 copies du gène TP53 soit 40 allèles et celui de l'Éléphant d’Asie avait 15 à 20 copies de TP53 (figure 23). Les copies supplémentaires de TP53 n’ont pas d’intron, ce qui laisse penser que ce sont des rétrogènes de TP53 qui se sont réinsérés dans le génome au cours de l’évolution des différentes espèces d’Éléphant, leur ancêtre commun portant lui classiquement deux allèles de TP53 (la divergence date d’il y a 50 millions d’années). Les lymphocytes des éléphants ont un taux élevé d’apoptose médiée par p53 en réponse à des tests de lésions d’ADN par comparaison avec des lymphocytes de donneurs sains humains, suggérant que ces rétrogènes de TP53 pourraient contribuer à expliquer que les éléphants développent très peu de cancer (Callaway & Gatenby, 2015).

Récemment, un modèle murin de délétion d'une région synténique du locus humain 17p13 suggère que TP53 ne serait pas le seul gène driver du locus 17p13 en montrant une synergie de l'agressivité de la maladie due à la perte du gène Trp53 (TP53 murin) associée à l'haplo-insuffisance de gènes voisins de TP53, à savoir :

- un gène codant pour EIF5A, facteur d'initiation et de promotion de la traduction - un gène codant pour la lipoxygenase ALOX15b, dont le transcrit a été détecté dans le poumon, la cornée et la prostate (alors que le gène Alox15 est exprimé dans les cellules sanguines)(Liu Y, 2016).

Illustration 1 : Détection de la délétion 5q31 des SMD del(5q) par FISH

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Le Syndrome de Li-Fraumeni (LFS) est dû à des mutations germinales de TP53. Il prédispose à la survenue de cancers

multiples (sein, sarcomes, glioblastomes, leucémies,

lymphomes...) de façon précoce (50 % des sujets LFS de 30 ans, 90 % des sujets LFS de 70 ans). Nous nous intéresserons ici exclusivement aux mutations somatiques de TP53 qui sont retrouvées dans environ 50 % des

cancers, avec des fréquences variables selon le type de tumeur.

La prévalence des mutations somatiques de TP53 par site anatomique est remise à jour régulièrement par les sites dédiés à p53 tels que le site de l'IARC (Agence Internationale pour la Recherche contre le Cancer, http://p53.iarc.fr ) ou le site

http://p53.fr.

Les tumeurs les plus mutées pour TP53 sont le cancer colorectal, les cancers tête et cou, et cancers de l'œsophage avec près de la moitié des cas mutés pour TP53, puis les cancers génitaux féminins, pancréas, peau et estomac avec environ un tiers des cas touchés.

Figure 24 : Fréquences de mutations somatiques dans les cancers.

Seuls les 40 gènes les plus mutés sont représentés. TP53 apparaît comme le gène le plus muté dans le cancer Source : Initiative Pan-Cancer, The Cancer Genome Atlas (TCGA) network(Cancer Genome Atlas Research Network et al., 2013; Soussi and Wiman, 2015).

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Par comparaison, les tumeurs hématopoïétiques apparaissent a priori peu concernées par les mutations de TP53 avec une prévalence de 12,7% (762/5979) dans la version R12 de novembre 2007 de l'IARC. Dans la version R18 d'avril 2016, l'IARC individualise les tumeurs lymphoïdes comme les plus mutées des tumeurs hématopoïétiques avec

une prévalence de 19,34 % (484/2502)(http://p53.iarc.fr et Figure 25). Parmi elles, les

lymphomes diffus à grandes cellules B ("DLBCL") ont été décrits en 2008 (avant l'ère du NGS) mutés dans 20 % des cas (Young et al., 2008).

Récemment, l'avènement des technologies NGS a permis de mettre en évidence (i) l'hétérogénéité génétique inter-tumorale (amenant à des sous-classifications moléculaires des hémopathies malignes, figure 26), (ii) l'hétérogénéité génétique intra-tumorale (avec en particulier la mise en évidence de sous-clones mutés pour TP53 de très faibles fréquences alléliques comme dans la LLC (Rossi et al, 2014) et (iii) des mutations présentes dans des régions géniques jusque récemment peu ou pas explorées en séquençage Sanger (cf paragraphe suivant). Ces nouvelles données

Figure 25 : Prévalence des mutations somatiques de TP53 par site de tumeur (http://p53.iarc.fr/), version R18, Avril 2016, N=26347 (sur 82440 tumeurs recensées)

rendent difficile l'évaluation d'une prévalence des mutations de TP53 dans les hémopathies malignes "en général" (Figure 27) : rarement détectées au diagnostic, leur fréquence peut atteindre 50 % à la rechute ou à la progression tumorale.

Figure 26 : Impact pronostique des mutations de TP53 dans les leucémies aiguës myéloïdes (Grossmann, 2012)

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Figure 27 : Fréquence des décès et des mutations de TP53 par cancer.

Sources : IARC et UMD TP53 database 2017.

La fréquence des mutations de TP53 varie selon les sous-types dans les cancers du poumon et du sein (a,c), selon l'étiologie virale ou non dans les cancers du foie et du col de l'utérus (b,d) ou selon le stade le maladie dans les cancers de la prostate (e, métastatique ou non) et les leucémies et les lymphomes (f, rares au diagnostic, la fréquence peut atteindre 50 % au stade de la rechute ou de la progression tumorale) (source : p53 website).

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Séquence codante

Les mutations de TP53 détectées (74 à 90% selon les sources) sont majoritairement des SNV (single nucleotide variant) de type faux-sens (la protéine sera produite dans sa forme complète avec modification d'un seul acide aminé)(Brosh and Rotter, 2009).

Ces mutations ont le plus souvent été retrouvées dans le domaine de liaison à l’ADN (DBD) possiblement du fait que les études par technique Sanger se focalisaient sur cette région (Figure

28). Six hot spots ont été décrits situés sur les positions 175, 245, 248, 249, 273 et 282 mais toute la séquence codante est susceptible d'être mutée.

Désormais, grâce au NGS, on peut rechercher des mutations présentes en dehors de ce domaine de liaison à l’ADN en particulier dans les domaines transactivateurs, le domaine d’oligomérisation ou les sites canoniques d'épissage. Ces mutations représenteraient un quart de l'ensemble des mutations de TP53 dans les LAM et auraient le même impact pronostique délétère que les mutations de DBD (Leroy et al., 2013) (Figure 29).

Figure 28 : Distribution des mutations de TP53

La majorité des mutations a été rapportée dans le domaine de liaison à l'ADN. Les 6 rectangles indiquent les 6 codons les plus mutés (Brosh and Rotter, 2009)

Source : IARC.

Figure 29 : Impact pronostique des mutations de TP53 dans les LAM.

L'impact des mutations situées en dehors du domaine de liaison à l'ADN (DBD) sont aussi délétère que celles du DBD.

Séquences non codantes

Dans les lymphomes diffus à grandes cellules B (DLBCL), des variants de type SNV (Single Nucleotide Variants) situés dans la région non codante 3'UTR de TP53 ont été décrits comme impactant la survie à 5 ans des patients (mais pas la survie globale). Dans leur série de 491 patients, les auteurs ont décrit la présence de 187 variants dans la région 3'UTR de TP53 dont la plupart étaient situés dans des sites complémentaires de séquences ciblées par des micro-ARN. Ces variants impactaient le niveau d'expression de p53, que p53 soit mutée ou sauvage. Dans cette série, les auteurs décrivaient également l'impact négatif sur l'expression de p53 d'un polymorphisme situé dans le signal de poly-adénylation de TP53 (Li et al., 2013).

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Toute anomalie de p53 est susceptible d’être une faille dans la stratégie de résistance au cancer. Contrairement aux autres gènes suppresseurs de tumeurs dont l’inactivation doit être biallélique pour conduire à une perte des fonctions protectrices contre le cancer (l’exemple type est le gène RB induisant un rétinoblastome après délétion d'un allèle et mutation de l'autre, d'après le modèle double-hit de Knudson), une altération monoallélique de TP53 suffit à induire une inactivation du gène TP53 (de Vries et al., 2002). Cette particularité est due à la nécessité pour les monomères p53

Figure 30 : Distribution des variants détectés dans la partie 3'UTR de TP53.

Analyse chez 491 patients atteints de DLBCL ; les prédictions d'effet de ces SNV sur des sites de liaison de micro-ARN sur les transcrits de TP53 : ajout (bleu), suppression (rouge) ou les deux (noir) (Li et al., 2013).

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d’adopter une structure quaternaire en s'oligomérisant en tétramère pour que leurs domaines de liaison à l'ADN puisse interagir avec les séquences de réponse à p53 des promoteurs des gènes cibles (voir section protéine) (Walid et al, 2006).

Plusieurs processus peuvent induire cette perte de fonction parmi lesquels :

(1) Une inactivation du gèneTP53 par délétion d’un ou de ses deux allèles va réduire ou inhiber la formation des tétramères p53 sauvage et donc induire la diminution de l'expression de ses gènes cibles impliqués dans l'arrêt les cellules en phase G1 du cycle cellulaire, la réparation de l’ADN endommagé, l’apoptose... ;

(2) Des mutations non-sens et des mutations de type "splice" (au sein de sites d'épissage) vont produire des protéines p53 tronquées incapables de s'oligomériser donc inactives ;

(3) Des mutations faux-sens situées dans le DBD de p53 ou qui altèrent la structure tridimensionnelle du domaine de liaison à l'ADN (DBD) génèrent des protéines qui n'induiront pas ou peu le programme transcriptionnel de gène suppresseur de tumeur.