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Les pertes des propriétés de transactivation de ces mutants ont été analysées sur la levure et sur des lignées cellulaires humaines. L'étude de référence publiée en 2003 par Kato et al. portait sur 2314 mutations de TP53 représentant toutes les substitutions ponctuelles possibles sur les 392 acides aminés de p53 (5,9 substitutions par résidus) (Kato et al., 2003). Après avoir induit les 2314 mutations par mutagenèse dirigée, un clonage d'expression dans la levure a été réalisé pour chaque mutation afin d'en étudier les impacts fonctionnels en terme de transactivation de gènes cibles de p53 parmi lesquels NOXA, BAX, MDM2 …

Toutes ces données sont mises à disposition sur le site web de l'IARC (the

International Agency for Research in Cancer (IARC) TP53 database

(http://www.iarc.fr))(Bouaoun et al., 2016) et ont facilité l'interprétation de l'impact fonctionnel des mutations de TP53 dans le cadre de notre étude.

De plus, les bases de données de l'IARC et UMD proposent les résultats des algorithmes de prédiction tels que sift. A noter que la base COSMIC (catalog of somatic

mutations in cancer, http://cancer.sanger.ac.uk/cosmic) utilisée pour l'interprétation

des mutations somatiques de nombreux gènes est bien inférieure aux bases IARC et UMD pour les mutations TP53 du fait que ces deux dernières bénéficient du travail de

curateurs dédiés. En l'occurrence, Thierry Soussi, curateur de la base UMD, a revalidé les mutants que nous avions retenus comme délétères en se référant à la dernière version de sa base qui n'était pas encore diffusée.

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La protéine p53 est active sous la forme d'un homotétramère, mais, si l'altération de TP53 est monoallélique, les protéines p53 mutées sont capables de se lier aux protéines p53 sauvages pour former des hétérotétramères mutant/sauvage. Non seulement l'impact délétère des protéines p53 mutantes ne sera pas compensé par l'effet protecteur des protéines p53 sauvages mais p53 sauvage pourra être inactivée par les mutants p53 dominants négatifs. Certains monomères p53 mutés (par exemple, Arg175His et Val143Ala) entraînent les monomères p53 sauvage à adopter une conformation spatiale mutante rendant le complexe tétramérique incapable de se lier spécifiquement à sa séquence d'ADN. Cette inactivation serait tributaire de nombreux facteurs de régulation dont l'environnement cellulaire, le ratio p53 sauvages/p53 mutants, la présence de mutations inactivatrices du domaine de tétramérisation, la conformation spatiale de p53 mutée (par exemple, les mutants Arg273His, Arg273Leu et Arg248Trp possèdent une conformation spatiale quasiment native se rapprochant de p53 sauvage, mais Arg248Trp ne peut néanmoins pas se lier à son site de liaison à l'ADN) (Walid et al. 2006).

Dans le cas où l'autre allèle TP53 est délété, les protéines p53 mutées n'auront pas d' activités dominantes négatives dépendantes de la transcription et de l'expression des gènes cibles de p53 mais elles peuvent avoir d'autres activités dominantes-négatives liées à une localisation cytosolique des protéines p53 mutées et à leurs interactions avec la mitochondrie. Ainsi, les mutants p53 Arg273His et Arg175His sont incapables de former des complexes avec les protéines BclXL et Bcl2, diminuant la perméabilisation de la membrane mitochondriale externe, et la libération du cytochrome c de la mitochondrie vers le cytosol, avec un impact négatif sur le déclenchement de l'apoptose.

Inversement, les isoformes de p53 et p63 ont été décrits comme ayant un impact dominant négatif sur les formes mutées de p53 (cf supra).

La protéine p53, gardien du génome 53/280

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Certaines mutations faux-sens particulières de p53 ont un effet "gain de fonction" induisant un phénotype nouveau dans les cellules mutées soit par interaction de p53 mutée au niveau de promoteurs de gènes cibles différents des gènes cibles de p53 sauvage déclenchant ainsi un nouveau programme transcriptionnel, soit en interagissant directement avec d'autres molécules, comme avec les molécules "Heat-Shock" qui permettraient leur stabilisation (démontrée avec la protéine p53 mutée R248Q) (Alexandrova and Marchenko, 2015; Liu et al., 2017).

Parmi les nouveaux programmes transcriptionnels induits par les protéines p53 mutées, les protéines p53 mutées R175H et R248Q pourraient induire l’expression du gène MDR-1 (gène de résistance multiple aux drogues) qui est physiologiquement inhibée par la protéine p53 sauvage(Strauss and Haas, 1995) .

Récemment, a été décrite l'interaction de p53 mutée avec le facteur de transcription ETS2 conduisant à l'induction des gènes MLL1, MLL2 et MOZ, régulateurs chromatiniens et épigénétiques favorisant la prolifération tumorale par décompaction de la chromatine (Figure 31) (Abraham and Espinosa, 2015; Prives and Lowe, 2015; Zhu et al., 2015).

En résumé, les nombreux processus moléculaires mis en jeu suite aux altérations du gène TP53 (Figure 1) ainsi que les limites techniques de détection des mutations,

Figure 31 : Activation des gènes MLL1, MLL2 et MOZ par p53 mutant "GoF".

Un mutant “gain de fonction” de p53 se lie au facteur de transcription ETS2 qui induit la transcription des gènes MLL1, MLL2 et MOZ. Des groupements Méthyl et Acetyl sont ajoutés aux histones permettant une décompaction de la chromatine et une surexpression locale de gènes favorisant la prolifération des cellules tumorales (Prives and Lowe, 2015; Zhu et al., 2015).

l'hétérogénéité des mutations de TP53, l'hétérogénéité des tumeurs, les différents

traitements et d'autres mécanismes inactivant la voie p53contribuent à faire persister

une incertitude quant à l'impact pronostique et théranostique des mutations de TP53, montrant la nécessité de poursuivre les études explorant le rôle de p53 dans les cancers.

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Quand p53 est mutée et que les mutations sont de type faux-sens (~80 % des cas), le changement de conformation de p53 mutante l'empêche d'activer son programme transcriptionnel "habituel" incluant l'induction de MDM2 et la boucle de rétrocontrôle négatif régulant p53. p53 peut alors s’accumuler très fortement dans les noyaux des cellules tumorales, c'est un pré-requis à l’acquisition de propriétés pro-oncogénique par p53 telles que résistance à l’apoptose et prolifération accrue.

Cette surexpression plus ou moins forte de la protéine p53 mutée peut alors être observée par technique d'immunohistochimie (IHC) dans les cellules concernées par une croissance tumorale et porteuses de mutations de TP53 (Illustration 2). Cette technique a été proposée comme "surrogate marker" dans les SMD del(5q) pour la recherche de mutations de TP53 (Saft et al., 2014).

Néanmoins, cette

proposition est à risque de faux négatif car l'IHC ne permet pas de distinguer les différents types de mutations et ne permet pas de détecter les mutations

Illustration 2 : Accumulation de p53 dans les SMD del(5q) mutés pour TP53

En haut à gauche : Mise en évidence par technique

d'immuno-histochimie (IHC) de cellules médullaires tumorales fortement marquées pour p53 ("p53-strong cells" ou 3+), modérément marquées pour p53 ("p53-moderate cells" ou 2+) ou négatives pour le marquage p53 (non montrées sur la photo). L'anticorps p53-DO1 reconnaît un épitope situé entre les acides aminés 20 et 25.

En haut à droite : Ces cellules ont été prélevées par micro-dissection laser et recueillies dans trois tubes séparés pour en extraire l'ADN.

En bas : Le pyroséquençage a montré que l'IHC est corrélée au statut muté du gène TP53 (mutation C275F, G>T) (Saft et al., 2014)

La protéine p53, gardien du génome 55/280

avec décalage de cadre de lecture (frameshift), non-sens et mutations d'épissage (~10%, 7 % et 2 %des cas respectivement).