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B.   Au cours du syndrome de loge : 42

1)   Syndrome de loge = augmentation de la PIM : 42

Le syndrome de loge est lʼensemble des manifestations cliniques et para-cliniques qui résultent dʼune augmentation de pression à lʼintérieur des loges musculaires. J.F. Kouvalchouk le définit comme lʼensemble « des douleurs dʼeffort au niveau dʼune ou plusieurs loges musculaires, dues à lʼélévation des pressions tissulaires, par inadéquation entre le contenant (parois de la loge) et le contenu (masse musculaire)».

Lʼaugmentation de pression est le facteur sine qua non sans lequel le syndrome de loge ne peut survenir, quelque soit lʼétiologie du phénomène.

Lʼaugmentation de pression réduit la perfusion capillaire, menaçant ainsi la viabilité du tissu perfusé.

Une augmentation de pression peut subvenir :

En ce qui concerne le syndrome de loge chronique dʼeffort, lʼinadéquation entre le contenant et le contenu, a engendré plusieurs théories tentant dʼexpliquer le mécanisme déclencheur de lʼhyperpression tissulaire96:

a. La théorie mécanique :

Cette théorie repose sur les propriétés physiques des structures anatomiques de la loge musculaire, cʼest à dire les muscles, et les fascias qui les contiennent.

 Lʼaugmentation de la PIM pourrait résulter dʼune augmentation excessive du volume musculaire à lʼeffort (au-delà des 20-30% constatés dans des conditions physiologiques habituelles) :

Le syndrome survient généralement lorsquʼun groupe musculaire appartenant à une loge est sollicité de manière répétée et intensive. Cette activité répétée est à lʼorigine dʼune hypertrophie musculaire dʼadaptation et son caractère intensif entraîne une augmentation physiologique du volume musculaire lors de lʼeffort, ce qui décompense le rapport contenant-contenu et est à lʼorigine des troubles de la microcirculation tissulaire.

Lʼaugmentation de la masse musculaire, constatée chez les sportifs avec un programme dʼentraînement sérieux, ne se traduit pourtant pas par lʼapparition du CECS. Il nʼy a dʼailleurs que peu de cas de CECS, secondaires à la prise dʼanabolisants, produits recherchés pour lʼhypertrophie musculaire quʼils déclenchent97. Lʼhypertrophie musculaire pourrait être plus embarrassante dans certaines loges hermétiques comme la LPP.

Les muscles surnuméraires restent assez rares, et leur présence se complique rarement dʼun CECS98.

Au niveau microscopique, il a également été rapporté une prévalence de fibres musculaires à contraction lente (fibres S) plus fréquente chez les patients CECS. Ces fibres sont les premières à se contracter dans le muscle. Elles ne développent pas une force importante, mais elles peuvent rester contractées plus longtemps que les autres, ce qui influence évidemment la PIM.

 Il pourrait sʼagir également dʼune anomalie des propriétés physiques des enveloppes de la loge, voire dʼune réduction de son espace virtuel : lʼaponévrose deviendrait trop épaisse et/ou trop rigide du fait de lésions musculo- aponévrotiques liées à lʼactivité sportive. Il en résulterait une diminution de la compliance de la loge, les fascias réalisant un véritable garrot interne99.

Turnispeed99 a mis en évidence une structure histochimique du collagène identique chez les sportifs, mais des fascias plus rigides et plus épais, en raison des traumatismes itératifs. Objectivement, il reste difficile de déterminer si ces anomalies sont à lʼorigine du risque dʼaugmentation de la PIM, ou secondaire à lʼaugmentation de la PIM99.

Birtles et al.87, en 2002, observent une augmentation du volume musculaire identique entre sujets sains et patients CECS, au cours dʼun exercice isométrique ; signe dʼune compliance satisfaisante des aponévroses dans le CECS.

Dahl et al.100 invalident, en 2010, le fait que lʼépaisseur et la rigidité/raideur des fascias puissent expliquer lʼaugmentation de la PIM et la survenue du CECS. Ils balayent également lʼidée que les patients diabétiques, qui sont reconnus pour avoir des tissus conjonctifs plus raides101, soient plus sujets au CECS du fait dʼanomalies de la trame collagène au niveau de leurs fascias.

Barbour et al.102 font le même constat après avoir étudié 6 critères histologiques précis ; lʼactivité des fibroblastes, les cellules inflammatoires chroniques, la vascularisation, la régularité du collagène, les monocytes, et la matrice extracellulaire ; seul élément à souligner pour eux, lʼexistence dʼune irrégularité du collagène moindre chez les patients CECS, mise sur le compte dʼun remodelage en réponse aux contraintes de lʼhyperpression.

Kwiatkowski et Detmer57 constatent, eux, la présence dʼexpansions aponévrotiques anormales pouvant provoquer une augmentation de la PIM.

Même sʼil nʼexiste pas dʼétudes ayant démontré clairement la survenue de telles lésions : on peut envisager lʼexistence de microtraumatismes musculaires à répétition ou de microlésions aponévrotiques résultant de lʼactivité sportive. On peut aussi évoquer les conséquences de la fermeture infortuite des hernies musculaires.

b. La théorie hémodynamique :

Elle met lʼaccent sur un hyperfonctionnement musculaire générateur dʼun

hyper-débit avec persistance dʼune ouverture des shunts artério-veineux après

effort103.

Lʼhyperhémie (augmentation du débit sanguin artériel avec vasodilatation artérielle et dilatation capillaire) provoquerait une augmentation de la filtration capillaire à lʼorigine dʼun œdème. Cet œdème serait aggravé par une insuffisance du retour veino- lymphatique favorisé par des troubles de compliance de loge104, notamment par une perturbation des phases de relaxation musculaire, voire par lʼabsence de celles-

ci105,106. Lʼapparition de lʼœdème augmenterait le volume et la PIM.

c. La théorie métabolique :

Elle souligne lʼimportance des troubles de lʼosmolarité du secteur interstitiel qui concourent à la constitution de lʼœdème, par augmentation de la filtration transcapillaire.

Lʼeffort sʻaccompagne dʼune augmentation des lactates (mise en évidence par Qvarfordt et al.107). Les lactates augmentent la perméabilité capillaire, favorisent lʼœdème, lʼaugmentation du volume du contenu et donc lʼaugmentation de la PIM. Le rôle des lactates ou des métabolites musculaires ne reste, ceci dit, pas formellement démontré108.

Dʼautres molécules jouent sur la perméabilité capillaire et sur la résistance du réseau artériolaire. Même si cela nʼa pas été décrit dans les articles concernant le CECS, on pourrait envisager dʼautres déséquilibres, mimant lʼeffet des lactates.

Des altérations au niveau des mitochondries sont également mentionnées comme fréquentes chez les patients CECS.

d. La théorie ischémique :

Lʼischémie dʼeffort serait responsable dʼun œdème à lʼorigine de

lʼhyperpression tissulaire, notion actuellement contestée109,110.

Si différentes techniques comme la spectroscopie par résonance magnétique nucléaire au phosphore et la spectroscopie proche infrarouge (qui mesure la PO2) ont

bien montré lʼexistence dʼune désoxygénation musculaire locale au cours de lʼeffort et une réoxygénation post-effort plus importante et plus lente que chez le sportif sain, il nʼest pas possible de dire si cette anomalie est à lʼorigine de lʼhyperpression ou sa conséquence111,112.

De même lʼutilisation de la clairance musculaire au xénon 133107 a bien décelé une hypoxie dʼeffort, mais celle-ci demeure relative puisque le débit est majoré de prêt de huit fois celle de repos.

Breit111 avec une étude par spectrographie proche infrarouge mesurant lʼoxygénation tissulaire et Abraham113 par mesure du débit sanguin par laser-doppler sʼaccordent aussi sur ce dernier point.

Dʼautres études ont remis en cause le rôle de lʼischémie dans la genèse du

CECS99,109,110. Les résultats de lʼéquipe de Trease114 utilisant la tomographie par

émission mono-photonique au Thallium 201, et ceux de lʼéquipe de Owens115 utilisant la scintigraphie MIBI sont similaires.

Lʼhyperpression tissulaire est certainement dʼorigine multifactorielle. Quelque soit le mécanisme, celui-ci peut engendrer un œdème qui induit à son tour une augmentation de la PIM.