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Dans cette section, les microgels thermosensibles de pNIPAm sont brièvement présentés. Nous décrivons la synthèse des particules de microgels, leur structure, et leurs interactions.

2.2.1 Microgel chimique thermosensible de pNIPAm

Un microgel est une particule de taille micrométrique composée d’un gel chimique [Saunders and Vincent,1999], c’est-à-dire d’un polymère réticulé gonflé par son solvant [Shibayama and Ta- naka,1993]. Les particules que nous utilisons sont formée du polymère poly-N-isopropylacrylamide (pNIPAm), réticulée avec l’agent réticulant BIS (N-N’-methylenebisacrylamide), et le solvant que nous utilisons est l’eau. Le gel de pNIPAm fait partie de la famille des gels répondant à un sti- mulus (stimuli responsive gels). Ces gels changent de taux de gonflement quand un paramètre de contrôle (comme la température, le pH ou la concentration en ions dans le solvant, l’illumination, le solvant) varie [Shibayama and Tanaka,1993]. Les gels de pNIPAm dans l’eau sont thermosen- sibles [Hirokawa and Tanaka,1984], ils gonflent quand la température diminue. Le diamètre des particules de pNIPAm va donc décroître avec la température. On peut donc contrôler la fraction volumique d’une suspension de ces particules en changeant la température.

Si la dynamique de gonflement et de dégonflement d’un gel macroscopique est relativement lente1, elle dépend cependant de la taille du gel [Tanaka and Filmore, 1979], comme le carré

2.2. UNE SUSPENSION COLLOÏDALE THERMOSENSIBLE

de son diamètre, de sorte qu’on peut estimer qu’un microgel de pNIPAm d’une taille micromé- trique gonfle et dégonfle quand la température change en des échelles de temps de l’ordre de la milliseconde à la seconde [Fernandez-Nieves et al.,2011].

Les microgels de pNIPAm forment donc des suspensions dans l’eau dont on peut contrôler la fraction volumique par un paramètre de contrôle extérieur simple, la température, et qui répondent extrêmement vite à ce paramètre de contrôle. Ils sont donc particulièrement adaptés à l’étude de la transition vitreuse.

La synthèse des particules de pNIPAm est réalisée généralement par polymérisation par émulsion sans surfactant (surfactant free emulsion polymérisation, SFEP) [Goodwin et al.,1973,

Pelton and Chibante,1986]. Une collaboration a été développée entre l’équipe de Bérengère Abou et le laboratoire COMPASS, une organisation en cotutelle entre l’industriel Rhodia, spécialisé dans la formulation chimique de produits et matériaux, l’University of Pennsylvannia et le Centre National de la Recherche Scientifique, localisé à Bristol, Pennsylvannie, USA. Dans le cadre de cette collaboration, le physicien et chimiste Ahmed Al-Sayed a synthétisé pour nous les particules de pNIPAm qui sont utilisées dans cette thèse. Plusieurs synthèses ont été réalisées, donnant lieu à différents type de particules que nous décrivons en détail en 2.4. Le protocole général qu’il a suivi pour synthétiser les particules est le suivant décrit dans [Colin et al.,2011]. Une certaine quantité d’agent réticulant BIS (N,N’-Methylenebisacrylamide, Polysciences, Inc.), de monomère de NIPA (N-isopropylacrylamide, Polysciences, Inc.), et d’eau déionisée sont chargées dans un ballon tricol équipé d’un agitateur, un thermomètre et d’un injecteur de gaz. Le mélange est remué et chauffé à 82◦C. On fait buller de l’azote sec pendant 10 min pour éliminer l’oxygène

dissous. Une solution aqueuse de l’initiateur de la polymérisation (Ammonium Persulfate, APS) est ajoutée au mélange pour démarrer la polymérisation. Le mélange est remué en continu à 82◦C

pendant un certain temps (de l’ordre de 30 min), puis on le laisse refroidir à la température de la pièce. Les particules ainsi formées sont centrifugées et resuspendues dans l’eau déionisée plusieurs fois pour éliminer les monomères n’ayant pas réagit, les homopolymères non réticulés, et les sels. Diamètre de microgels

Décrivons à présent la dépendance précise en température du diamètre des particules de pNI- PAm. Le polymère de pNIPAm seul est en bon solvant dans l’eau pour les basses températures, en dessous de sa température critique inférieure de solubilité (lower critical solution temperature, LCST), TLCST = 32◦C [Schild, 1992]. Au delà de cette température, il devient hydrophobe, et

une suspension de chaînes de pNIPAm dans l’eau démixe [Heskins and Guillet,1968]. On montre en figure2.3-(a) la formule chimique du pNIPAm. Cette molécule présente des parties hydrogé- nocarbonées hydrophobes et une fonction amide capable de partager des liaisons hydrogènes avec l’eau. La transition hydrophobe – hydrophyle du polymère est d’origine entropique. Les liaisons hydrogènes sont fortement dirigée en dessous de la LCST [Tamai et al.,1996]. Quand la tempé- rature augmente, cet alignement fort devient moins probable à cause de l’agitation thermique, l’interaction molécule d’eau – pNIPAm devient donc plus répulsive, générant la transition hy- drophile – hydrophobe [Heskins and Guillet,1968,Saunders and Vincent,1999]. Cette transition est réversible [Saunders and Vincent,1999].

Cette transition se reflète dans le comportement des microgels de pNIPAm réticulés, dont un schéma est présenté en figure2.3-(b). Ce schéma est tiré des résultats de nos mesures de rayon, des temps caractéristiques entre une minute et 10 heures, en fonction de la densité de réticulant dans le gel [Shibayama and Nagai,1999]

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Figure 2.3 – (a) Molécule de pNIPAm. Elle est composée d’une chaîne carbonée et de groupe- ment isopropyl hydrophobes, et d’une fonction amide hydrophile, offrant 3 sites possibles pour des liaisons hydrogènes. (b) Schema du diamètre (renormalisé par le diamètre maximum (dM

pris arbitrairement à T = 20◦C) et le diamètre minimum d

m à T > 35◦C) en fonction de la

température, inspiré des résultats des figures2.7et2.8. Le diamètre du microgel réticulé décroît lentement avec la température. Après la LCST (voir texte) du polymère seul, le diamètre des particules décroît abruptement, ce qui marque l’expulsion de l’eau hors du microgel. Des schémas des microgels illustrent le phénomène.

présentées en figure 2.7 et 2.8. Avant T = 32◦C, le diamètre des particules décroit lentement,

depuis sa valeur complètement gonflée à basse température (notée dM) avec la température.

Les particules sont gonflées par l’eau. Après T = 32◦C, le rayon décroît fortement en quelques

degrés, avec une décroissance la plus rapide aux alentours de T = 33◦C. Une grande partie de

l’eau est éjectée des particules de pNIPAm. Au delà de T = 35◦C, le diamètre est constant, à sa

valeur complètement effondrée (notée dm). La particule prend la forme d’un globule hydrophobe

[Stieger et al.,2004b].

Pour des particules composées uniquement de pNIPAm pur et de réticulant, le paramètre important, autre que T, qui gouverne les propriétés des particules est la fraction d’agent réticulant dans la particule [Senff and Richtering, 2000]. Elle gouverne, entre autres, le rapport entre le diamètre des microgels dans l’état complètement gonflé et le diamètre dans l’état complètement éffondré (dM/dm), qui est d’autant plus grand que la fraction de réticulant est faible [Senff and Richtering,2000]. La densité polymérique à l’intérieur du microgel est donc d’autant plus faible que le taux de crosslinker est faible. Cette fraction en réticulant gouverne également la vitesse à laquelle le gel de pNIPAm gonfle et dégonfle [Shibayama and Nagai, 1999], qui est d’autant plus faible que le degré de réticulation est grand. Nous précisons les autres effets de la fraction de réticulant dans la section suivante.

2.2. UNE SUSPENSION COLLOÏDALE THERMOSENSIBLE

possible de synthétiser des particules thermosensibles à la chimie plus complexe (par exemple en ajoutant un copolymère comme l’acide poly-vinylacétique [Hoare and Pelton,2004]). Dans ce cas, les particules sont susceptibles d’être sensibles à d’autres stimuli, comme le pH de la solution [Fernandez-Nieves et al.,2011], ce qui complexifie le diagramme de phase.

Nous allons maintenant décrire la structure et les intéractions de nos microgels de pNIPAm réticulés.

2.2.2 Structure des particules de pNIPAm

La structure des particules de pNIPAm a été étudiée en diffusion des neutrons aux petits angles [Crowther et al.,1999,Saunders,2004,Stieger et al.,2004b]. En dessous de la température d’effondrement des microgels, on observe une structure de gel polymèrique gonflé, tandis qu’au delà on mesure des propriétés de diffusion caractéristique d’un globule sphérique de polymère homogène [Crowther et al.,1999]. L’augmentation de la densité de réticulant dans le gel semble le rendre plus rigide (les fluctuations thermiques du réseau sont plus faibles [Kratz et al.,2001,

Saunders,2004]). La densité de polymère dans les états gonflés semble assez homogène au centre de la particule [Stieger et al.,2004b], puis il existe une couche en bordure de la particule dans laquelle la densité de polymère diminue, quand les particules sont synthétisées par la méthode SFEP. La densité de réticulant semble suivre un schéma similaire [Saunders,2004]. Il ressort de ces études un schéma de la structure de la particules où la particule a une composition homogène en son centre et une forme plus « dendritique » sur une fine couche dans sa périphérie.

2.2.3 Interaction entre particules de pNIPAm

Nous présentons à présent la façon dont les particules de pNIPAm interagissent quand elles sont en solution dans l’eau.

Au delà de T = 32◦C, les particules étant hydrophobes, le potentiel d’interaction entre le

particules est attractif à longue portée, avec une répulsion courte portée [Wu et al.,2002,2003], ce qui conduit à une séparation de phase entre les colloïdes et le fluide suspendant.

En deça de T = 32◦C, le potentiel d’interaction entre les colloïdes est un potentiel de type

sphères molles. Il a été mesuré pour des microgels très similaires aux nôtres par Han et al. [Han et al.,2008], suivant une méthode mise au point par Crocker et Grier [Crocker and Grier,1994], qui se sert de la fonction de distribution de paire des particules en suspension modérément di- luée pour évaluer le potentiel d’interaction, via la distribution de Boltzmann, et améliorée pour mesurer les potentiels d’interaction à courte portée [Baumgartl and Bechinger,2005,Polin et al.,

2007]. Nous reportons en figure2.4les potentiels d’interaction mesurées pour deux températures différentes, T = 24◦C et T = 30C. Le potentiel d’interaction entre particules est répulsif à

ces températures, quand la distance entre particule est plus petite que leur diamètre et qu’elles s’interpénètrent. Cette répulsion est relativement faible au début de l’interpénétration puis aug- mente fortement pour des distances de l’ordre de 75% du diamètre. Le potentiel d’interaction est quasi nul pour des distances plus grandes que le diamètre des particules, ce qui reflète l’absence d’interactions longue portée dans ce système où la charge portée par les particules de microgel est faible, comme pour nos particules. Le potentiel d’interaction des particules est un potentiel d’interaction de type sphères molles. Il est à noter que l’amplitude de la répulsion change peu en fonction de la température, si l’on normalise la distance interparticulaire par le diamètre des particules. Les particules changent donc peu de potentiel d’interaction quand la température varie.

Figure 2.4 – Le potentiel d’interaction de pair u(r) de microgels de pNIPAm à 24◦C (@) et à 30◦C (E). Les flèches indiquent les diamètres hydrodynamiques correspondant, mesurée en

diffusion dynamique de la lumière. Reproduit de Han et al. [Han et al.,2008], avec la permission de A. Alsayed.

Nordstrom et al. ont étudié la compression des particules de pNIPAm (de densité de réticulant inconnue) sous centrifugation [Nordstrom et al.,2010b]. Ils ont été ainsi capables de mesurer un module élastique des particules entre T = 16◦C et T = 22C, supposant une interaction ad

hoc, Hertzienne à petite déformation, entre les particules. Dans ce domaine de température, le module élastique croît entre 10 et 50 Pa, suggérant un potentiel d’interaction plus élevé quand la température augmente dans ce domaine de températures.

La densité de réticulant dans le microgel doit être un paramètre important pour contrôler le potentiel d’interaction entre particules. Des mesures de modules elastiques de suspensions concen- trées de microgels de différentes densités de réticulant [Senff and Richtering,2000] suggèrent que le potentiel d’intéraction interparticulaire augmente quand la densité en réticulant augmente. De fait, plus la particule est réticulée, moins elle est déformable, et plus la densité polymérique dans la particule est faible, ce qui se traduit par un durcissement du potentiel d’interaction, qui se rapprochera du potentiel de sphère dure.

Enfin, il nous reste à parler du comportement des particules lors de l’augmentation de la fraction volumique. Des études de diffusion des neutrons aux petits angles ont montré que les particules de pNIPAm se compriment quand la fraction volumique en particules augmente [Stie- ger et al.,2004a], à partir de fractions volumiques assez basses, de l’ordre de Φ ≃ 0.3. Le taux de compression ne semblait pas dépendre de la densité de réticulant. La fraction volumique d’une suspension de pNIPAm n’est donc pas une quantité facile à définir et à mesurer, ce qui oblige à avoir recours à des concepts comme la fraction volumique effective [Senff and Richtering,1999], qui est le produit de la densité en nombre de particules par le volume des particules en suspension diluée.