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5.2 Hétérogénéités Spatiales de la Dynamique

5.2.2 Distribution de mobilités locales

Dans la section précédente nous avons identifié dans le déplacement quadratique moyen des sondes ∆i un paramètre bien défini pour mesurer une mobilité locale dans le verre. Nous al-

lons à présent caractériser les distributions P (∆i) de mobilité des sondes individuelles dans la

suspension de particules de pNIPAm, avant et après la transition. P (∆i) dans un fluide homogène

Nous voulons tout d’abord nous assurer que les mesures que nous allons faire produisent des résultats significatifs. Pour cela, nous avons étudié la distribution de déplacements quadratiques moyens individuels, P (∆i), dans un fluide homogène (voir complément 5.6). Nous avons montré

que la distribution P (∆i) est déterminée par deux phénomènes, le nombre de réalisations finies

sur lequel ∆i(t) est calculé et les errreurs de détections. En effet, chaque ∆i est calculé sur un

nombre de déplacements indépendant Nind, tels que :

∆i(t) = 1

Nind NindX−1

n=0

(ri((n + 1)t) − ri(nt))2 . (5.8)

Si l’on utilise tous les déplacements disponibles pour calculer ∆i(t), Nind = trec/t. Si on né-

glige totalement les erreurs de détections, la forme de la distribution est prédite théorique- ment comme une fontion de ce paramètre Nind, notamment sa largeur est donnée par σ2 =

(h∆2iii− h∆ii2i)/h∆ii2i = 1/Nind. Aux petits Nind, les effets de statistique finie dominent et la

forme de la distribution P (∆i) est effectivement décrite par Nind. Aux grands Nind, la distribu-

tion est élargie du fait des erreurs de détection (σ2> 1/N

ind). Dans ce cas, à Nindfixé, la largeur

de la distribution croît quand le rapport signal sur bruit (S/N) diminue et quand le déplacement quadratique moyen des sondes diminue, ce qui nous indique que les erreurs de détections sont à l’origine de l’élargissement.

Dans nos expériences, le MSD des sondes est donné par le fluide que nous étudions, il ne peut être réglé. On peut améliorer le rapport signal sur bruit en éclairant fortement l’échantillon, mais alors il y a un risque de chauffer localement la suspension en des proportions incontrôlées, ce qui serait dramatique, puisque la température nous sert de paramètre qui contrôle la fraction volu- mique. Nous ne pouvons donc guère jouer sur le rapport signal sur bruit. Nous construisons donc en figure5.9 une distribution de MSD individuels pour des sondes immergées dans le fluide ho- mogène à l’équilibre purement visqueux que nous avons utilisé précédemment dans les conditions d’expérience les plus défavorables que nous rencontrons dans nos systèmes thermosensibles. Les résultats que nous présenterons ont un Nind = 667, comme présenté en figure5.9. Le MSD des

sondes dans la figure5.9sont de l’ordre de 0.1 px2, ce qui est en accord avec les plus petits MSD

mesurés dans les suspensions de particules de pNIPAm, et le rapport S/N ≃ 6, ce qui correspond aux rapports signal sur bruit de nos films dans les suspensions de pNIPAm3. La distribution5.9

nous sert de référence. Si une distribution obtenue dans des conditions expérimentales similaires, ou plus favorables (MSD et/ou S/N plus grands), a une largeur supérieure à cette distribution, cela révèlera que le système étudié présente une hétérogénéité spatiale de la dynamique.

P (∆i) dans les suspensions de pNIPAm

Nous pouvons maintenant caractériser les formes des distributions de MSD P (∆i), dans les

suspensions de particules de pNIPAm, à l’équilibre et hors équilibre. La figure 5.10 montre la distribution spatiale des MSD des sondes à travers l’échantillon, pour trois suspensions typiques. Dans ces trois distributions, le calcul des ∆i se fait à statistique constante, avec Nind = 667.

Dans la suspension diluée, T = 30◦C et Φ = 0.1Φ

0 (figure 5.10-(a)), la distribution des ∆i est

resserrée autour de la valeur moyenne. Elle est cependant plus large que la distribution des MSD mesurée dans le glycérol, et dans des conditions expérimentales similaires, présentée en figure

5.9. Dans la suspension de référence (Φ = Φ0, T = 30◦C), qui se comporte comme un liquide,

et dans le verre, T = 22◦C, t

w = 45 min, les distributions des MSD individuels sont plus larges

encore (figure5.10-(b,c)). La largeur de la distribution croît avec la fraction volumique effective. On voit apparaitre une surabondance de particules 2 à 3 fois plus rapides que la moyenne qui

5.2. HÉTÉROGÉNÉITÉS SPATIALES DE LA DYNAMIQUE

Figure 5.9 – La distribution des déplacements quadratiques moyens des sondes, normalisé par la moyenne sur les sondes, dans un fluide purement visqueux, mélange glycérol-eau (73% vol.) à T = 25◦C, pour un lag time de t = 0.06 s et un temps d’enregistrement de 40 s, soit un nombre

de déplacements indépendants dans chaque MSD de Nind= 667. Le MSD moyen est de 0.13 px2

soit 2.5 10−3 µm2. Le rapport signal sur bruit est de S/N ≃ 6, valeur typique des S/N pour les

expériences dans les suspensions de pNIPAm. La distribution est plus large que ce que l’on attend si seule la statistique finie de calcul de ∆i comptait (courbe en trait plein bleue). La largeur de

la distribution est de σ2 = 1/230 > 1/N

ind, indiquant que l’effet des erreurs de détections est

dominant ici. L’algorithme de détection utilisé est l’algorithme de circularité, l’algorithme de corrélation donne exactement le même résultat.

résultent en une queue exponentielle de la distribution de MSD. Cette queue devient d’autant plus prononcée que Φ est grande. La forme de la distribution ne montre pas de dépendance claire en fonction de l’âge du système dans ces expériences (figures5.10-(c,d)).

Les distributions P (∆i) dans les suspensions de microgels sont plus larges que la mesure

témoin réalisée dans un fluide homogène, même à la plus basse fraction volumique. Cela indique que la dynamique dans toutes les suspensions est spatialement hétérogène à l’échelle des sondes. L’élargissement quand la fraction volumique augmente indique que l’amplitude des hétérogénéités de dynamique croît avec la fraction volumique, jusque dans le verre.

la figure 5.11 montre l’évolution de la distribution des MSD individuels en fonction du lag time, dans deux des quatres états de la suspension présentés en figure 5.10, la suspension de référence à T = 30◦C, Φ/Φ

0 = 1 à partir de laquelle les trempes sont effectuées (fig. 5.11-(a))

et dans une suspension vieillissante trempée à T = 22◦C, t

w = 45 minutes après la trempe.

Figure 5.10 – Distribution de probabilité des déplacements quadratiques moyens des sondes (h∆r2

i(t)it′ = ∆i). (a) Dans une suspension diluée (T = 30◦C, Φ = 0.1Φ0), sur 1200 sondes, lag time t = 6 10−3 s, N

ind= 667, S/N= 5. (b) dans l’état de référence pour les trempes (T = 30◦C,

Φ = Φ0), sur 1150 sondes, lag time t = 3.75 10−2 s, Nind= 667, S/N= 9. (c) Dans un état verre,

après une trempe de T = 30◦C à T = 22C, t

w= 45 minutes après la trempe, sur 1220 sondes,

lag time t = 1 10−1 s, N

ind = 667, S/N= 5. (d) idem (c) avec tw = 120 min, t = 3 10−1 s. (a)

Dans la suspension diluée, la distribution est centrée autour du MSD moyenné sur toutes les sondes, plus large que ce qu’on observe pour un fluide purement visqueux. (b,c) La distribution des MSD individuels s’élargit avec l’augmentation de la fraction volumique effective. Une queue exponentielle se développe aux grands MSD individuelles. (c,d) Aucune dépendance claire de la forme de la distribution avec l’age du système n’a pu être mise en évidence. Les deux algorithmes de suivi de particules donnent des résultats égaux dans les barres d’erreur.

5.2. HÉTÉROGÉNÉITÉS SPATIALES DE LA DYNAMIQUE

Figure 5.11 – Distribution de probabilité des déplacements quadratiques moyens des sondes (h∆r2

i(t)it′ = ∆i), (a) dans l’état de référence pour les trempes (T = 30◦C, Φ = Φ0), sur 1150 sondes, pour trois lag times : t = 0.0375 s (Nind = 667, carré noir), t = 0.375 s (Nind = 67,

rond bleu), et t = 3.75 s (Nind = 7, lozange rouge). (b) dans un état verre, après une trempe

de T = 30◦C à T = 22C, t

w = 45 minutes après la trempe, sur 1000 sondes, pour trois lag

times : t = 0.1 s (Nind= 667, carré noir), t = 1 s (Nind= 67, rond bleu), et t = 10 s (Nind= 7,

lozange rouge). (a,b) La distribution des MSD individuels à une largeur constante aux lag times suffisamment faibles. Quand Ninddevient assez petit pour que 1/√Nindsoit supérieur à la largeur

de la distribution des MSD (normalisés), la distribution s’élargit du fait de la statistique finie (a).

la largeur de la distribution en figure 5.10, la distribution de MSD individuels reste inchangée (dans les barres d’erreurs) en forme et en largeur quand on change le lag time, comme on le voit sur les figures 5.11-(a) et (b). Pour des lag times plus grands, le faible nombre de déplacements indépendants impliqués dans le calcul d’un MSD individuel, Nind, induit un élargissement de la

distributions de MSD, comme analysé précédemment, comme on le voit sur la figure 5.11-(a) pour t = 3.75 s.

Cela nous indique que l’amplitude des hétérogénéités spatiales de la dynamique mises en relief par la distribution P (∆i) ne dépend pas du lag time sur lequel la dynamique est mesurée,

tant que la statistique de calcul de ∆i est suffisamment grande pour permettre de sonder un

phénomène physique et pas un artéfact de statistique finie.

Il est intéressant de noter que, si la distribution P (∆i) des MSD individuels décroit expo-

nentiellement à grand MSD et si les sondes ont toutes une dynamique locale gaussienne, on peut montrer par le calcul que la distribution moyennée d’ensemble des déplacements p (∆x, t) doit exhiber une queue exponentielle à grand déplacement. En effet, la PDF des déplacements moyennée d’ensemble est une somme de PDF de déplacements locales gaussienne :

p (∆x, t) = Z +∞ 0 d∆iP (∆i) exp (−(∆x(t))2/∆i)/ p π∆i, (5.9)

où la distribution spatiale de MSD est exponentielle à grands ∆i :

P (∆i) =exp (−∆i/∆0)

∆0

. (5.10)

Plus ∆i est grand, plus il contribuera à l’intégrale pour les grands ∆x, donc on peut écrire :

p (∆x, t) ∼ Z +∞ 0 d∆iexp (−∆i /∆0) ∆0 exp (−(∆x(t)) 2/∆ i)/ p π∆i. (5.11)

Un calcul simple en utilisant la méthode du col permet alors d’estimer le premier ordre de la PDF des déplacements moyennée d’ensemble à grand déplacements :

p (∆x, t) ∼ exp−2|∆x(t)|/p∆0



. (5.12)

La décroissance exponentielle de la distribution des MSD individuels P (∆i) à grands ∆i (figure 5.10-(c,d)) est donc à l’origine de la décroissance exponentielle des PDF des déplacements moyen- nées d’ensemble (figure5.4-(c)). C’est donc une hétérogénéité purement spatiale de la dynamique des sondes qui permet aux échelles de temps considérées d’expliquer la forme non gaussienne de la fonction de van Hove.

La décroissance exponentielle de P (∆i) révèle qu’une petite partie des sondes sont intrin-

sèquement 2 à 3 plus rapides que la moyenne. Etant donné que toutes les PDF individuelles de déplacements sont gaussiennes, les particules rapides sont responsables des nombreux grands déplacements dans les PDF de déplacements dans la suspension de référence et dans le verre. Ici, la décroissance exponentielle des PDF moyennées d’ensemble des déplacements résulte de l’existence de zones de mobilité plus grande que la moyenne sur le temps d’observation, plutôt que d’une dynamique de sauts que les particules feraient de temps en temps. La forme gaussienne des distributions individuelles de déplacements ne permet notamment pas de faire apparaître de façon naturelle une taille caractéristique pour ces sauts. De plus, dans ces expériences sur les

5.2. HÉTÉROGÉNÉITÉS SPATIALES DE LA DYNAMIQUE

échelles de temps considérées, nous n’avons pas détecté de signes de dynamique temporellement hétérogène, dans le sens de zones changeant de dynamique de rapide à lent et vice versa.

Nous avons caractérisé la distribution spatiale d’environnement dynamique et montré qu’elle peut expliquer les queues exponentielles des fonctions de van Hove dans les suspensions concen- trées (avant et après la transition vitreuse). Nous allons maintenant analyser quantitativement l’évolution de la variance σ2(t) de cette distribution P (∆

i) à l’approche de la transition et après,

ainsi que quantifier les hétérogénéités temporelles de la dynamique.