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Les particules de pNIPAm sont donc des particules dont le diamètre dépend fortement de la température, qui s’adaptent quasi-instantanément aux changements de température, ce qui permet d’ajuster la fraction volumique de la suspension. On fait ainsi des trempes en température équivalent à des trempes en fraction volumique pour former des verres. Comme le diamètre des particules varie réversiblement, quand on varie réversiblement la température, on peut étudier tout le diagramme de phase sur un même échantillon. En dessous de la température LCST du polymère, les microgels intéragissent avec un potentiel d’interaction de type sphère molle. Les suspensions colloïdales de microgels thermosensibles, des suspensions colloïdales de sphères molles, sont donc de bons systèmes modèles pour l’étude de la transition vitreuse.

2.3

Propriétés de suspensions de sphères molles répulsives

Dans cette section, nous présentons les propriétés connues des suspensions colloïdales de sphères molles. Leur comportement est comparé au comportement du système de référence pour les suspensions purement répulsives, les suspensions colloïdales de sphères dures.

2.3.1 Diagramme de phase, liquide, cristal et verre

Dans ce paragraphe, nous abordons d’abord la question de la définition et du sens de la fraction volumique en particules pour une suspension de particules pouvant s’interpénétrer, puis nous décrivons le diagramme de phase pour de telles suspensions.

Comme nous l’avons déjà évoqué ci-dessus, les particules de microgel étant molles, elles peuvent s’interpénétrer, ce qui pose problème pour définir la fraction volumique en particule dans la suspension. Certains auteurs voulant déterminer le diagramme de phase de suspensions thermosensibles préfèrent ne pas définir de fraction volumique, et dressent leur diagramme de phase dans un plan contrentration polymérique – température [Huang and Hu,2007,Wu et al.,

2002].

La première façon de mesurer la fraction volumique en microgels, inaugurée par Senff et al. [Senff and Richtering, 1999], consiste à mesurer à différentes températures la viscosité de suspensions diluées, dont on connait les concentrations en polymères (c), proportionnelle au nombre de particules par unité de volume dans la suspension (n ∝ c). On utilise ensuite la formule d’Einstein Batchelor (éq.2.1), pour déterminer à chaque température une fraction effective Φeff,

proportionnelle à c, Φeff(T, c) = k(T)c = k′(T)n. Si la constante de proportionnalité varie

comme le diamètre des particules au cube, k(T) = κd3(T), la fraction volumique Φ

eff(T, c) =

κd3(T)c = κd3(T)n est dans le régime dilué une véritable fraction volumique. On détermine

ainsi une constante κ. Pour déterminer la fraction volumique de la suspension concentrée que l’on a diluée pour faire les mesures, on suppose que Φeff(T, c) = κd3(T)c reste valable aux

grandes concentrations. Du fait de la compression et de l’interpénétration des particules dans les suspensions concentrées [Stieger et al., 2004a], cette approximation n’est pas valide. Les diagrammes de phase des suspensions de sphères molles tracés en utilisant cette fraction effective s’étendent jusqu’à φeff = 1 et même au delà [Fernandez-Nieves et al.,2011,Senff and Richtering, 2000,Sessoms et al.,2009,Sierra-Martin and Fernandez-Nieves,2012], ce qui reflète des particules en contact, compressées et déformées dans la suspension.

Le diagramme de phase d’une suspension de particules de pNIPAm peu chargées quasi- monodisperses est de même nature que le diagramme de phase des suspensions de sphères dures.

Quand la fraction volumique effective augmente, soit en diminuant la température, soit en aug- mentant la densité numérique en particules, la suspension passe d’une phase liquide à une phase cristalline [Alsayed et al., 2005, Byul Debord and Lyon, 2003, Debord and Lyon, 2000, Lyon et al., 2004]. Si on augmente fortement et rapidement la fraction volumique effective on forme un verre colloïdal [Colin et al.,2011,Purnomo et al.,2008,Senff and Richtering,1999,Sessoms et al.,2009,Yunker et al.,2009]. La dynamique de la suspension liquide ralentit fortement à l’ap- proche de la transition vitreuse, comme on l’observe dans de nombreux autres systèmes vitreux [Senff and Richtering,1999].

Les fractions volumiques effectives de transition entre phases sont différentes des fractions des transitions dans les sphères dures, et dépendent du potentiel d’interaction entre les microgels, ainsi que de la polydispersité de la suspension. Nous analysons ces effets dans ce qui suit.

2.3.2 Effets connus de la mollesse

Quand la dureté des particules diminue, les fractions volumiques effectives auxquelles les transitions ont lieu croissent [Sierra-Martin and Fernandez-Nieves, 2012, Stieger et al., 2004a]. Du point de vue des simulations numériques, il a été avancé que le comportement dynamique de liquides moléculaires de sphères molles répulsives pouvait être calqué sur le comportement des sphères dures, dans le régime des basses pressions en changeant la température [Ramirez- Gonzalez et al.,2011, Xu et al., 2009], cependant à haute pression, ce qui équivaut à la haute fraction volumique des suspensions colloïdales, des différences sont observées [Xu et al., 2009]. Une étude expérimentale menée sur des particules de microgels ioniques contenant très peu de réticulant a montré la disparition de l’état cristallin pour des particules interagissant de façon très molle [Sierra-Martin and Fernandez-Nieves,2012]. De plus la croissance des temps de relaxation dans des microgels ioniques similaires change de dépendence en fraction volumique, de « fragile » à « fort », quand on change le degré de réticulation des particules : plus les particules colloidales sont molles, plus le comportement sera proche du comportement de verre fort [Mattson et al.,

2009], ce qui suggère que le nombre de configurations accessibles est plus important à une fraction volumique donnée, pour des sphères molles.

2.3.3 Effet de la polydispersité

La polydispersité des suspensions affecte également le diagramme de phase des suspensions colloïdales. La polydispersité d’une suspension colloïdale mesure la distribution des tailles des particules. Pour des particules sphériques, on la mesure grâce à l’écart-type de la distribution de diamètre des particules :

πd=

s

h(d − hdi)2i

hdi2 . (2.2)

L’effet principal de la polydispersité est d’introduire un désordre structural dans la suspension, qui a pour conséquence de défavoriser la structure cristalline, si bien que la cristallisation peut être supprimée. Yunker et al. ont étudié l’effet de l’introduction de polydispersité dans une suspension de microgels de pNIPAm [Yunker et al.,2010], en mélangeant de particules de différentes tailles. La formation du cristal est éliminée à partir d’une polydispersité de πd= 6% (3% de particules de

1.09 µm dans un ensemble de particules de 1.55 µm). D’un point de vue théorique, le diagramme de phase d’équilibre de sphères molles polydisperses modèles, dont le potentiel d’interaction varie comme V (r) ∝ 1/r12 (assez proche du potentiel de la figure 2.4), a été étudié par simulation

2.3. PROPRIÉTÉS DE SUSPENSIONS DE SPHÈRES MOLLES RÉPULSIVES

Monte Carlo [Cammarota et al., 2010, Fernández et al., 2007]. La transition liquide cristal est repoussée aux plus grandes fractions volumiques quand la polydispersité augmente. Pour des polydispersités πd & 20%, un système inhomogène est trouvée comme état d’équilibre, dont la

nature est sujette à débat, soit solide amorphe inhomogène [Fernández et al.,2007], soit formée de deux phases, un solide cristallin et un amorphe, séparées [Cammarota et al.,2010]. En simulant une dynamique moléculaire des particules, il est montré que la transition vitreuse2 a lieu avant

la cristallisation pour des polydispersités πd> 10%. Notons que, dans ces articles, le diagramme

de phase est étudié en faisant varier le rapport température – force du potentiel d’interaction, à densité fixe, puis extrapolé à toutes densités par des arguments d’échelle.

Les simulations numériques d’assemblées de particules bi-disperses interagissant avec un po- tentiel Lennard-Jones (20% en nombre de particule de taille 0.88, 80% de particules de taille 1, polydispersité πd≃ 5%) ne montrent pas de phase cristalline. Le système est dans un arrange-

ment amorphe pour toutes les températures et toutes les concentrations [Kob and et al., 1997]. On peut avec ce genre de système étudier le ralentissement de la dynamique à l’approche de la transition vitreuse, sans que la cristallisation ne vienne parasiter l’étude.

L’effet de la polydispersité a été plus abondamment étudié sur les systèmes de sphères dures. Les principaux résultats sont les suivants. La fraction volumique à laquelle la transition liquide – cristal a lieu augmente avec la polydispersité, il existe une polydispersité critique au delà de laquelle le cristal unique (mono-cristal) n’est plus stable à aucune fraction volumique [Bartlett and Warren, 1999]. Un diagramme de phase théorique des phases d’équilibre a été tracé par Fasolo et al. [Fasolo and Sollich, 2004]. Au delà de πd & 7%, le mono-cristal n’est stable à

aucune fraction volumique. Les phases d’équilibre alléguées sont de multiples cristaux séparés. La nature précise des phases d’équilibre est cependant disputée [Fernández et al., 2007]. La polydispersité exacte pour laquelle le mono-cristal n’est plus stable dépend de la forme exacte de la distribution [Fasolo and Sollich,2004], mais elle tourne autour de 6−8%, pour des distributions triangulaire, de Schultz [Fasolo and Sollich, 2004] et gaussienne [Moriguchi et al., 1993, Pusey et al.,2009]. Des simulations numériques de sphères dures polydisperses ont montré que le temps de nucléation du cristal à une fraction volumique donnée croît de plusieurs ordres de grandeur quand la polydispersité augmente [Pusey et al.,2009], ce qui facilite considérablement l’obtention de phases liquides métastables. On peut relier ce fait à l’augmentation de la barrière d’énergie libre pour la nucléation de cristaux avec la polydispersité, calculée par Auer et Frenkel [Auer and Frenkel,2001]. Notons que pour des polydispersités plus grandes que πd∼ 7%, à haute fraction

volumique, les états liquides sont hors équilibres, donc vitreux [Fasolo and Sollich, 2004, Sear,

1998].

En conclusion, la formation de mono-cristaux est supprimée par la polydispersité, pour πd > 6 − 10% (selon les détails du système considéré). La polydispersité induit également une

augmentation du temps de vie des phases métastables, quand le système cristallise. D’un point de vue pratique, un système suffisamment polydisperse (πd > 6 − 10%), on peut observer et

étudier une transition liquide – verre, sans cristallisation parasite. C’est pourquoi nous utilisons des suspensions de sphères molles fortement polydisperses pour étudier la transition vitreuse.

2.3.4 Quelques résultats concernant la transition vitreuse des sphères molles

Dans cette section, nous résumons quelques résultats obtenus précédemment à cette thèse dans des suspensions de microgels, lors de l’étude de la transition vitreuse.

2. définie par le temps de relaxation atteignant 106

Tout d’abord, il faut mentionner que les suspensions de pNIPAm monodisperses sont parfai- tement adaptées à l’étude de la cristallisation des suspensions colloïdales [Debord et al., 2002,

Hellweg et al., 2000, Lyon et al., 2004], ainsi qu’à l’étude du phénomène inverse, la fusion de cristaux colloïdaux [Alsayed et al.,2005,Han et al.,2008].

Certains aspects de la transition vitreuse ont été étudiés grâce à des suspensions de microgels de pNIPAm. Les premiers travaux portent sur la croissance des temps de relaxation de sus- pensions de pNIPAm quand la fraction volumique augmente, mesurée grâce à des mesures de rhéologie macroscopiques [Senff and Richtering,1999,2000]. Nous présentons ici certains de ces résultats, qui sont pertinents pour notre étude.

Zhang et al. [Zhang et al., 2009] ont étudié des suspensions bi-disperses de microgels de pNIPAm en deux dimensions. Ils étudient la structure statique de la suspension en fonction de la fraction surfacique, à travers la fonction de corrélation de paire g(r) (probabilité de trouver une particule en r, quand une particule se trouve en 0). La hauteur du premier pic de g(r) (qui est proportionnelle à la largeur de la distribution des distances entre premiers voisins) exhibe un maximum en fonction de la fraction surfacique. Ce maximum est interprété comme un marqueur de la transition de jamming des particules (Φj = 0.85). Le ralentissement de la dynamique est

également étudié [Zhang et al.,2009]. Le temps de relaxation le plus long diverge dans le système bidimensionnel, de façon intéressante à une fraction surfacique proche de Φj.

Yunker et al. [Yunker et al.,2009] étudient la dynamique de vieillissement du même système bidimensionnel après une trempe en température équivalente à une trempe en fraction volumique, d’un état liquide à un état bloqué. Le mécanisme de vieillissement mis en évidence est une suite de réarrangements irréversibles, qui sont des mouvement de grandes amplitude impliquant un grand nombre de particules. Plus le temps passe plus le nombre de réarrangements diminue, et plus le nombre de particules incluses dans un réarrangement augmente. Ces réarrangement s’accompagnent du développement d’un ordre hexagonal à courte portée (une particule tend à avoir 6 voisins disposés sur un hexagone de plus en plus régulier) dans la suspension bi-disperse en deux dimensions.

Chen et al. [Chen et al.,2010,2011] mesurent les propriétés vibrationnelles du même système bi-disperse bidimensionnel, dans le cas d’un système au delà de la transition de jamming, que l’on laisse équilibrer. Ils observent un grand nombre de modes de vibration basse fréquence, courant dans les systèmes vitreux, appelé « boson peak ». Ces modes de vibration ont une structure spatiale quasi-localisée. La vibration, pour un mode donné, implique un grand nombre de particules vibrant suivant une onde plane, ainsi que quelques particules dont la vibration est beaucoup plus ample, dont la localisation est appelée points mous (« soft spots ») [Chen et al.,

2010]. Les lieux de forte vibration de ces modes quasi-localisés sont les sites sur lesquels les réarrangements de structure ont lieu [Chen et al.,2011]. Ce travail suggère que les particules se réarrangent dans ces « soft spots », qui seraient des points de faiblesse structurale du matériau. Ces trois travaux se focalisent fortement sur les liens entre structure et dynamique dans un matériau vitreux, et sur la notion de réarrangement (le mouvement de particules sur une distance au moins comparable à son diamètre) et ses causes possibles. Nous présentons à présent deux études qui s’intéressent aux hétérogénéités de la dynamique et aux corrélations de la dynamique des particules en fonction de la fraction volumique effective de la suspension de sphères dures, à l’approche de la transition vitreuse.

Sessoms et al. [Sessoms et al., 2009] étudient la dynamique d’une suspension colloïdale de pNIPAm, dans un échantillon tridimensionnel, sur tout le diagramme de phase de la suspen- sion. La diffusion dynamique de la lumière (DLS) résolue en temps et en espace [Duri et al.,