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Survol historiographique des méthodes d’analyse iconographique

2. Cadre théorique et revue de la littérature

2.3 Champ conceptuel : la représentation iconographique

2.3.3 Survol historiographique des méthodes d’analyse iconographique

effectuerons tout d’abord un bref survol des étapes importantes du développement des approches d’analyse iconographique et iconologique. Notre objectif consiste à souligner, stratégiquement, les grandes étapes qui menèrent au développement d’une approche appropriée à l’analyse des représentations égyptiennes.

1 Tefnin, 1984, p. 55-56, 60, 67-68 ; 1997, p. 7 ; Angenot, 2000 ; 1996 ; Loprieno, 2001 ; Deswarte-Rosa, 1994, p. 21-22 ; Derchain, 1975b, p. 74 ; Wildung, 1997, p. 12 ; Hornung, 1992b, p. 23 et Laboury, 1997, p. 51

Les termes « iconographie » et « iconologie » ont été à tort considérés comme synonymes. Il est donc essentiel d’en définir, non seulement l’étymologie, mais également la signification, et ce, à travers un bref survol de l’évolution de ces termes. Le terme « iconographie », qui apparaît à la Renaissance, vient du Grec « eikon » pour image et « graphein » pour écriture et peut être traduit par « écriture ou description des images ».1 L’étude iconographique a donc pour objectif de décrire et de classer les représentations afin de comprendre le sens direct (concret) et indirect (symbolique) du sujet représenté.2 Cette définition du terme correspond non seulement à la méthode iconographique – toujours utilisée par les chercheurs actuels, mais également à l’approche unique adoptée dans l’analyse de la représentation jusque dans la première moitié du XXe siècle. En effet, jusqu’à cette période charnière, l’analyse iconographique de « l’oeuvre d’art » se traduit par une approche purement descriptive et esthétique de l’oeuvre, une approche de catalogage, où celle-ci est classée par formes, thèmes, plastique, attribution d’artiste, etc.3

C’est au début du XXe siècle, avec Aby Warburg, historien de l’art hambourgeois, que l’analyse iconographique commence à s’orienter vers l’étude iconologique. En effet, Warburg, et les chercheurs qui ont suivi son approche, ont su reconnaître l’importance de mettre l’emphase sur un travail d’analyse pluridisciplinaire. Cette approche multidisciplinaire, toujours utilisée aujourd’hui, a pour objectif d’utiliser l’ensemble des connaissances littéraires, ethnologiques, historiques, religieuses, économiques, politiques et philosophiques d’une société donnée, afin de mieux saisir l’essence du message de ses représentations, c’est à dire sa symbolique profonde, intrinsèquement liée à son contexte historique, social et idéologique. C’est cette recherche d’une compréhension globale du contexte social, dans l’analyse de la représentation, qui caractérise l’approche iconologique. Si elle est essentiellement liée à l’histoire de l’art, elle se rapproche de façon complémentaire de l’étude anthropologique.4

1 Van Straten, 1994, p. 3

2 Bialostocki, 1973 ; 1963, p. 770

3 Bialostocki, 1963, p. 770 et Deswarte-Rosa, 1994, p. 13-14

Cette ouverture sur la complexité de l’analyse représentationnelle se reflète dans la variété des ouvrages de la bibliothèque privée de Warburg à Hambourg. Provenant de toutes disciplines confondues, cette bibliothèque est transférée à Londres, à la montée du nazisme, pour former le noyau du Warburg Institute. L’institut londonien accueille, subséquemment, toute une série de chercheurs allemands dont les représentants les plus éminents sont, entre autres, Saxl, Panofsky et Gombrich. Ces deux derniers exploreront amplement l’intention consciente et inconsciente de la représentation, et ce, sous l’influence de la psychanalyse freudienne.1 Suivant la pensée de Warburg, Panofsky, développe concrètement le concept d’étude iconologique, et surtout une méthode d’analyse empirique qui lui est propre. Cette méthode est encore d’ailleurs utilisée de nos jours et nous en ferons une brève description dans la section suivante.2

Le terme sémiologie – du grec « semeion » : le signe, et « logía » : discours rationnel, est adopté au début du XXe siècle par Ferdinand de Saussure, linguiste suisse, pour qui la sémiologie consiste en une science qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale. Le terme « sémiotique », crée par Charles Sanders Peirce, décrit l’étude du processus de signification, c'est-à-dire la production, la codification et la communication des signes. Les termes « sémiologie » et « sémiotique », sont souvent considérés comme synonymes, le terme « sémiotique » étant plus souvent employé hors de la France. Nous pouvons résumer en formulant que toute science étudiant des signes est une sémiologie et ce terme est donc utilisé dans plusieurs disciplines. L’influence de Panofsky, combinée à celle des sémiologues Pierce et De Saussure, permettent donc de développer une approche méthodologique, qui aujourd’hui se traduit par une analyse plus complète et plus judicieuse de la représentation en général, mais également de la représentation égyptienne ancienne, puisque celle-ci peut s’exprimer tout particulièrement à la manière d’un langage.

1 Bialostocki, ibid., p. 774, 777

2 Pour la méthode d’analyse iconologique de Panofsky voir : Panosky, 1962 [1939]. Voir également Van Straten, 1986, p. 165 et Bialostocki, ibid., p. 775

À compter de la deuxième moitié du XXe siècle, l’approche post-moderne contribue également à remettre en question le point de vue de l’observateur de la représentation et à prendre conscience des préjugés ethnocentristes de son analyse. Même si cette prise de conscience est incontournable dans la théorie, l’approche post-moderne, en revanche, ne propose pas toujours des méthodologies concrètes permettant des analyses moins biaisées de la représentation.1

Un autre élément important à noter est le développement d’importantes bases de données, établies par thèmes de représentations, créées afin de repérer et d’identifier plus efficacement la signification des représentations. Par exemple, l’Index of Christian Art, produit par C.R. Morey ou le Iconclass system, développé par H. Van De Waal, permettent de corroborer le sens symbolique d’une scène par le biais de références alphanumériques des thèmes et des sous thèmes récurrents dans la représentation. Si, dans leur structure, ces systèmes de classification des éléments représentés sont intéressants et utiles à toute étude iconologique, leur contenu propre ne peut s’appliquer à l’étude de la représentation égyptienne puisque ces banques de données ne contiennent que du matériel de l’art chrétien depuis ces débuts.2 Un système équivalent permettant la classification des éléments, thèmes et sous thèmes formant le corpus de la représentation égyptienne serait d’une immense utilité pour les chercheurs iconologues qui se penchent sur cette société.3

C’est donc dans ce contexte théorique et méthodologique que se développe l’approche d’analyse iconographico-iconologique de l’Égypte pharaonique. Si depuis longtemps déjà des chercheurs s’étaient intéressés à l’iconographie égyptienne ancienne, de nombreuses erreurs d’interprétation avaient constellé ces recherches, puisque ces derniers ne parvenaient pas à se défaire d’idées préconçues propres à leur culture et leur temps. L’interprétation des représentations égyptiennes était fort souvent biaisée, puisque les chercheurs s’appuyaient sur des critères occidentaux ethnocentriques pour en saisir le sens.

1 Bal et Bryson, 1991 ; Cassidy, 1993 ; Holly, 1993 ; Moxey, 1993 et Lavin, 1993 2 Van Straten, 1986, p. 174-180 et Bialostocki, 1963, p. 772

Ce sont les travaux-clés de chercheurs comme Schäfer,1 qui initient réellement une recherche, en contexte, de la représentation égyptienne, en levant le voile sur le canon de représentation plastique et symbolique complexe propre à cette société. Si de nombreux égyptologues, de toute provenance, ont participé ces dernières années à une plus grande compréhension de la symbolique représentative de l’Égypte pharaonique en se fondant sur le travail de Shäfer, ce sont surtout des chercheurs tels Robins, Manniche, Mekhitarian, Tefnin et Angenot – pour en nommer que quelques-uns, qui contribuèrent le plus à son développement. Afin de saisir le sens évoqué par les représentations égyptiennes, ils ont su allier leur solide bagage de connaissances égyptologiques – donc historiques et philologiques, aux méthodes d’analyse iconographico-iconologiques développées par Panofsky, complétées par l’approche sémiotique, en plus de développer leurs propres méthodes d’analyse.