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2. Cadre théorique et revue de la littérature

2.3 Champ conceptuel : la représentation iconographique

2.3.4 Analyse iconologique en contexte égyptien

« Ainsi la sémiologie, à la suite de l’analyse structurale, a-t-elle apporté une nouvelle façon de concevoir le sens d’un édifice, un mode global d’appréhension qui transcende les clivages traditionnels entre les domaines « réservés » des philologues, des archéologues, des historiens de l’art, et, ce faisant, révèle l’intensité secrète de la vie du sens, énoncé en terme de réseaux, de ramifications, de constellations, de tissages divers. » (Tefnin, 1997, p. 7)

Comme le démontre les études effectuées jusqu’à ce jour par de nombreux chercheurs, notamment Tefnin et Angenot, les méthodes d’analyse principales de la représentation égyptienne peuvent être décrites comme doubles et sont hautement complémentaires. En effet, elles combinent l’analyse iconographique-iconologique tripartite énoncée par Panofsky à l’étude sémiologique des symboles représentés – autant sous la forme d’images figurées que de textes hiéroglyphiques.

La méthode d’analyse tripartite proposée par Panofsky1 peut être résumée brièvement comme suit. Dans un premier temps, une « description pré-iconographique » est effectuée, dans laquelle l’ensemble des unités représentées sont simplement identifiées et décrites de façon détaillée (objets, figures et leurs poses et attitudes, éléments décoratifs, couleurs employées, composition, etc.). Dans un deuxième temps, on procède à « l’analyse iconographique » qui a pour objectif de dévoiler les liens entre les éléments représentés afin de pouvoir identifier certaines grandes thématiques (relation entres les figures, objets ou éléments représentés, thèmes récurrents, composition globale et interrelation entre les différentes scènes, etc.). Dans un troisième temps, s’ensuit la « synthèse iconographique », qui consiste en une analyse iconologique dans laquelle, une approche comparative des multiples aspects de la société en question, sont pris en compte. Le chercheur tente d’effectuer une analyse appropriée de la symbolique sous-jacente à la représentation en se basant sur les textes, les mythes, et tout le bagage de connaissances obtenues jusqu’à ce jour sur la société donnée.

Cette méthodologie tripartite est à la base même de notre propre analyse des bols de faience de notre corpus. Cependant, afin d’écourter et de simplifier l’appellation de l’analyse tripartite de Panofsky, nous nommerons l’ensemble du processus analytique « analyse iconologique » plutôt qu’iconographico-iconologique puisque, comme le démontre la méthodologie suggérée par Panofsky, l’analyse iconologique ne peut être effectuée qu’à la suite d’une analyse iconographique, cela va de soi.

Dans son approche, Panofsky insiste sur l’importance de l’utilisation d’un « principe régulateur ». Il s’agit ici en fait de corroborer les résultats obtenus pour chacune des trois étapes de l’étude iconographique avec l’ensemble des données connues pour la société donnée. Cette étape de régulation permet de s’assurer que les trois étapes de description ou d’interprétation sont toujours effectuées dans le cadre des valeurs historiques, stylistiques, et idéologiques de la société, et ce, à des périodes spécifiques. Si

cette méthode tripartite est simple dans son format, le défi consiste à savoir non seulement maîtriser le bagage de connaissances permettant l’interprétation et la régulation de l’analyse, mais conjointement, de savoir effectuer les liens nécessaires et appropriés entre les éléments. Si Panofsky considère la troisième étape, « synthèse iconographique » ou l’analyse iconologique, comme le résultat d’une analyse intuitive synthétique de la représentation, cela ne veut en aucun cas signifier qu’il s’agit d’une analyse subjective basée sur des métaphores aléatoires, mais bien d’une recherche basée sur un ensemble de faits empiriquement vérifiables par le biais de la littérature, des données archéologiques ou parfois même ethnologiques.1

De son côté, l’analyse sémiotique permet de découper et de nommer l’ensemble des éléments d’une représentation en unités de sens se rapportant à l’objet le plus simple et à sa relation avec les autres éléments environnants – incluant également l’espace géographique dans lequel se situe la structure architecturale sur laquelle repose la représentation figurée ou écrite. La sémiotique, par le biais d’un vocabulaire associé à la linguistique, permet de qualifier les rapports entre les unités de sens et les niveaux de représentation. Par exemple, les scènes analysées peuvent être décrites comme étant placées sous la forme d’une « synecdoque » – prendre la partie pour le tout et inversement ou d’un « chiasme » – croisement de termes, ou dans ce cas, de formes, dans la relation spatiale qu’elles entretiennent avec d’autres scènes ou éléments figurés.

Ces deux méthodologies définitivement complémentaires se prêtent admirablement à l’étude des images égyptiennes, qui sont également liées de très près aux textes qui les

1 La méthode d’analyse iconologique panofskienne peut être questionnée dans le sens où elle implique la recherche d’une connaissance sur la « réalité objective » de la société à l’étude. L’approche post-moderniste tend à soutenir que toute approche analytique est teintée par des biais d’ordre culturel et personnel qui sous- tendent toute démarche de compréhension de « l’autre », comme le soutien Moxey (1993, p. 31). S’il est indéniable que la prise de conscience de cette réalité et l’intégration d’une attitude réflexive est essentielle et même une condition sine qua non à toute approche analytique dans le domaine des sciences sociales, le discours post-moderne, ne proposant pas en retour des outils tangibles quant à une analyse iconographique absolument lucide, et ne le nions pas à la limite utopique, la méthode panofskienne, nuancée par une conscience aiguë de nos biais occidentaux modernes, demeure tout de même un outil d’analyse plus que valable.

accompagnent et qui jouent un rôle similaire tout en les complétant. Les unités de représentation sont autant de symboles qui peuvent être utilisés en des combinaisons variées pour exprimer un sens, à la manière dont le fait le langage parlé ou écrit. Encore une fois, le défi et les limites de ces approches sont liés, non pas au format de la méthode elle-même, mais dans la difficulté à maîtriser un bagage de connaissances symboliques suffisamment large pour permettre une analyse adéquate et la moins biaisée possible de la figuration égyptienne.