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1. Mise en contexte historique

1.3 Production céramique égyptienne

1.3.1 Poterie

Deux argiles locales sont principalement utilisées dans la production potière égyptienne, et ce, jusqu’à aujourd’hui.3 La première consiste en une argile à base de limon du Nil –

1 Les potiers semblent occuper un rang social relativement modeste. Le savoir est communiqué de père en fils. Toutefois, si la production céramique est généralement liée à la sphère masculine, comme pour la plupart des productions artisanales, elle aurait pu être effectuée également par des femmes, surtout quand il s’agit de production domestique ou à petite échelle (Eaton-Krauss, 2005 et Gros De Beler, 2001, p. 91)

2 Les conditions de vie et de travail dans ces ateliers de production ne nous sont pas connues, à part pour quelques très rares mentions dans des textes, et des représentations sous la forme de maquettes et de scènes peintes retrouvées en contexte funéraire (Eaton-Krauss, 2005) Redmount, 2001, p. 249 ; Kemp, 1997, p. 309 et Shaw, 1995a et Frood, 2003

3 Sur la poterie, voir les études regroupées par Arnold, 1981. Sur les techniques archeométriques d’analyse de la poterie et les contextes archéologiques voir les études regroupées par Olin & Frankin, 1982 et Holthoer, 1977. Pour des études ethnoarchéologiques sur la production potière en contexte égyptien et proche-oriental contemporain : Nicholson et Patterson, 1985a, p. 16-18 ; 1985b, p. 222-239 ; Matson, 1974, p. 345-347 et Randall-MacIver, 1905, p. 20-29. Également sur la poterie du prédynastique et de la période pharaonique : Arnold & Bourriau, 1993 ; 1981; Bourriau, Nicholson et Rose, 2000, p. 121-147 ; Shaw & Nicholson, 1995, p. 225-226 ; Quirke & Spencer, 1996, p. 179 ; Redmount, 2001, p. 251 ; Gros De Beler, 2001, p. 91 ; Arnold,

composée de dépôts alluviaux, obtenue sur les berges des fleuves ainsi que dans les canaux d’irrigation lui étant reliés. Cette argile, qui une fois cuite prend des teintes rougeâtres, produit une poterie plus grossière et semble être surtout utilisée pour la production d’une céramique utilitaire. Le deuxième matériau le plus utilisé consiste en une argile marneuse – mélange naturel de calcaire, de sable et d'argile. Elle est moins fréquemment utilisée et on la trouve davantage dans la production céramique de la région de la Haute-Égypte (Sud), et ce, dans le contexte d’une industrie céramique plus spécialisée et de qualité supérieure.1

Il est important de souligner que la production céramique de l’Égypte ancienne n’est pas le fruit d’un processus évolutif s’étant produit au cours de la période dynastique, puisque dès la période prédynastique, la céramique démontre déjà une très grande qualité de production. En fait, ce sont plutôt les techniques stylistiques qui ont tendance à varier selon les besoins, les goûts et les influences. Tout au long de la période pharaonique, plusieurs techniques seront utilisées conjointement dans la production potière, sans qu’aucune d’entre elles ne vienne à en supplanter une autre. Cette complémentarité et cette stabilité dans l’usage des techniques de production démontrent une certaine tendance à la continuité. Cet état de choses reflète la standardisation de la production et de l’organisation du travail artisanal au sein d’un état centralisé qui gère majoritairement cette production.

Trois techniques de base sont utilisées dans cette production potière : le façonnage à la main, le moulage et le tour de potier. Comme mentionné plus haut, ces techniques

1996, p. 21-22 ; Groenewegen-Frankfort, 1961 ; Adams, 1986 ; Lacovara, 2001, p. 478-479 et Butzer, 1974, p. 377-382

1 Les chercheurs modernes ont établi une classification de la céramique égyptienne, en groupes et sous- groupes. Pour ce faire, ils se sont basés non seulement sur le type d’argile utilisée, mais également sur les inclusions naturelles ou ajoutées à l’argile. En effet, les inclusions naturelles se retrouvant dans celle-ci (grains, silicate, cendre, etc.) pouvaient être enlevées (par séchage, filtrage, etc.) ou ajoutées à l’argile afin de lui donner une plasticité ou une teinte différente. Les chercheurs basent également leur classification de la céramique sur d’autres éléments ajoutés au matériau de base (dégraissant et engobe pour égaliser la surface poreuse ou la décorer). Un système de classification portant le nom de « Vienna System » (lieu où il fût conçu en 1980) permet aujourd’hui aux archéologues d’effectuer une identification précise et standard de la poterie, trouvée en grande quantité, en contexte égyptien, et également de servir de système de datation relativement précis (Redmount, 2001 et Kingery, 1981, p. 457-467)

pouvaient être utilisées seules ou conjointement.1 Par exemple, les formes les plus rudimentaires, telles les coupelles ou les petits godets, semblent être façonnées à la main. Lorsque la forme se complique, le récipient semble être formé sur un tour de potier consistant en un simple disque en bois tournant sur un pivot central. L’utilisation de cette technique permet la production d’une céramique aux parois plus fines, mais également, et ce n’est pas négligeable, une production plus rapide, et donc plus importante, à des fins de distribution et de commerce.2 Le récipient, une fois formé, peut être lissé à l’aide d’un galet – pour obtenir une surface brillante, et mis à sécher. Par la suite, un engobe est appliqué sur la surface du récipient, afin de la polir et d’en combler la porosité, ou pour des fins de coloration. Finalement, des incisions ou rajouts sont effectués à l’aide d’un stylet ou d’un peigne afin de décorer les récipients ou des éléments ajoutés, comme c’est le cas pour les vases en formes de figures humaines ou animales.3

Par la suite, le récipient est cuit (ca. 600-800 degrés Celsius) dans un four généralement constitué d’un trou à même le sol, dont le fond est recouvert de briques entrecroisées, laissant des ouvertures pour la combustion. Les combustibles utilisés semblent être généralement de la bouse, du foin ou des herbages. À la période prédynastique, la cuisson de la céramique se fait à même le feu de bois, produisant, étonnamment, une poterie de qualité remarquable. Cependant, des fours de facture rudimentaire, datant de cette période, sont également retrouvés et consistent en un trou à même le sol, rempli de colonnes de briques, entre lesquelles est placé le combustible. Par l’entremise de certaines techniques de cuisson, il est possible de transformer la couleur naturelle de l’argile et obtenir des tons rouges, noirs ou gris. La quantité d’oxydes présents dans l’argile et leur réaction à la cuisson peuvent également modifier la couleur naturelle de

1 Sur les techniques de façonnage voir : Shaw & Nicholson, 1995, p. 225-226 et Arnold, 1996, p. 22

2 Le tour actionné par le pied ne sera utilisé qu’aux périodes tardives (à partir de ca. 500 avant notre ère), périodes perses, ptolémaïques et romaines dont nous ne traiterons pas dans ce travail (Shaw & Nicholson, 1995, p. 226 et Redmount, 2001, p. 252). Hodjash, 2005, p. 4 et Gros De Beler, 2001, p. 91

3 Pour les céramiques en forme d’animaux et de personnages voir : Shaw & Nicholson, 1995, p. 225 ; Gros De Beler, 2001, p. 92 et Bourriau, 1987, p. 95

celle-ci. La température de cuisson et la quantité d’oxygène diminuée ou augmentée peuvent jouer un rôle dans cette modification de couleur.1